Le vent des modifications constitutionnelles en Afrique

Les coups d’Etat sont à l’ordre du jour actuellement en Afrique, bien que cela aie existé depuis plusieurs années, mais la cadence s’est accélérée. Les désordres du Burundi à peine calmés après la décision du président Nkurunziza de briguer un troisième mandat contre l’avis de la majorité de son peuple et de médiateurs, et c’est le tour tout récent du Burkina Faso, heureusement vite réglé par l’intervention de médiateurs très inquiets de l’Union Africaine (UA) et de pays voisins. Ces jours, ce sont les leaders de l’opposition de la République du Congo (Brazzaville) qui dénoncent un” coup d’Etat  constitutionnel” du président Denis Sassou Nguesso qui veut briguer un troisième mandat en modifiant la constitution par un referendum.

La RDC et le Rwanda aussi ?

De même, des rumeurs de plus en plus insistantes, font état des intentions du président de la République Démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila de modifier lui aussi la constitution pour un troisième mandat. L’opposition gronde déjà, mais il fait contrôler toute l’information pour maintenir le peuple dans l’ignorance de ce qui se passe, comme le mentionne le Dr Mukwege. Le vent souffle aussi au Rwanda où le président Paul Kagamé aurait l’intention de briguer un troisième mandat. D’ailleurs son style de gouvernance s’apparente de plus en plus à une dictature, selon l’avis de plusieurs Rwandais.

Révision constitutionnelle légitime et légale

Si la révision de dispositions d’une constitution est légitime et légale, elle doit se faire selon les principes de l’Etat de droit : par le Parlement, c’est le peuple souverain (normalement !) qui décide, ou par referendum, à conditions que le citoyens ne subissent aucune pression. On est loin du compte… Les “printemps arabes” ont montré aux peuples africains de mieux en mieux informés, surtout dans les villes,  qu’ils ont aussi leur mot à dire pour exiger plus de justice sociale dans leur pays. Mais eux aussi, à part quelques exceptions, sont réprimés dans la violence. Les morts se comptent par dizaines, voire milliers, les gens fuient dans les pays voisins et viennent grossir les camps de réfugiés. Quant aux jeunes, ils s’exilent et veulent aller en Europe…

Princes africains et remparts capitalistes

Quels sont les facteurs qui poussent les présidents à s’accrocher pareillement au pouvoir malgré les dégâts ? Ils dépendent généralement du contexte local, mais il y a des traits caractéristiques partout: selon la coutume, un chef africain l’est jusqu’à sa mort, comme l’étaient nos rois en Europe; le jeu de l’alternance politique pour le bon fonctionnement de la démocratie est mal accepté; l’identité tribale, le népotisme, le clientélisme, viennent renforcer le pouvoir qui se veut “éternel”. Mais laissons la parole à un Africain: ” C’est aux princes africains et à leurs remparts capitalistes que profite la modification des constitutions en Afrique”. (Eli Moustafa).

 


Photo: Manifestants devant le palais présidentiel, Burkina Faso

Christine von Garnier

Christine von Garnier, sociologue et journaliste, a vécu 20 ans en Namibie où elle était correspondante du Journal de Genève et de la NZZ. Elle a aussi travaillé comme sociologue dans le cadre des Eglises. Aujourd’hui, secrétaire exécutive de l’antenne suisse du Réseau Afrique Europe Foi et Justice.