Erythrée, le gouvernement confisque les hôpitaux catholiques

 

En juin, les 29 hôpitaux de la petite Eglise catholique ont été confisqués par le régime totalitaire du président Issayas Afeworki . « Il ne supporte pas son indépendance qui a toujours dérangé le régime », selon le père Mussie Zerai, président de l’agence Habeshia pour l’aide au développement des migrants et des réfugiés érythréens et éthiopiens (voir La Croix 1.08.19) Le régime communiste totalitaire ne tolère pas le secteur privé et encore moins le rôle des religions dans la société. Il est arrivé la même chose à l’Eglise orthodoxe qui est plus coopératrice.  Ce régime veut limiter le champ d’action de l’Eglise catholique dans la vie publique et lui faire perdre toute pertinence morale, sociale et politique dans le pays (loi No 73/1995).

Son indépendance et son autonomie ont toujours dérangé le régime, car elle est la seule institution courageuse depuis 1991 (date de l’indépendance de l’Erythrée conquise de haute lutte contre l’Ethiopie et de l’arrivée au pouvoir du dictateur Afeworki),  qui ose parler à voix haute avec ses lettres pastorales. Ainsi le régime n’a toujours pas digéré la lettre pastorale de 2014 intitulée « Qu’as-tu fait de ton frère ? », qui dénonce les innombrables crimes commis par le régime érythréen et le silence de la communauté internationale. Le gouvernement aimerait pouvoir manipuler l’Eglise catholique comme il le fait avec l’Eglise orthodoxe tewahedo d’Erythrée. La confiscation des 29 hôpitaux catholiques,  en excellent état, est donc une mesure de représailles et vient soutenir les hôpitaux d’état qui fonctionnent mal, faute de médicaments, de médecins, d’équipes médicales…

Mais le régime totalitaire ne va pas en rester là. Il a aussi  l’intention de nationaliser les 50 écoles et les 100 jardins d’enfants catholiques. Dans certaines régions le régime a déjà demandé d’empêcher l’inscription des élèves dans les écoles catholiques pour la nouvelle année scolaire. Le pays perdra ainsi la qualité de son enseignement. En effet, les écoles publiques sont très pauvres, les enseignants manquent parce que beaucoup se sont enfuis, les plus jeunes à cause d’un service militaire très long et pénible. Le régime est obligé des faire venir des enseignants d’Inde et du Kenya. En fait, le gouvernement érythréen est en faillite. Il est incapable de garantir le bien-être, les droits fondamentaux, la justice, ce qui est aussi la cause de l’exode de centaines de milliers de jeunes.

Depuis 2001, le gouvernement a fermé tous les journaux indépendants et réduit les journalistes au silence par la détention et la torture. Les tribunaux ne sont pas indépendants, influencés par les membres du parti et l’armée. Il n’y a plus d’assemblée parlementaire.

Au vu de ces faits et surtout de la lettre pastorale des évêques de 2014, on peut se demander comment des parlementaires suisses dont Claude Béglé faisait partie, ont pu revenir d’Erythrée faisant remarquer que “le pays est en train de s’ouvrir.” C’est le même optimisme en Corée du Nord… Un peu plus d’humilité et une connaissance approfondie des pays visités sont indispensables. 

 

Christine von Garnier

Christine von Garnier, sociologue et journaliste, a vécu 20 ans en Namibie où elle était correspondante du Journal de Genève et de la NZZ. Elle a aussi travaillé comme sociologue dans le cadre des Eglises. Aujourd’hui, secrétaire exécutive de l’antenne suisse du Réseau Afrique Europe Foi et Justice.

6 réponses à “Erythrée, le gouvernement confisque les hôpitaux catholiques

  1. À lire votre blog, on peut effectivement se demander si les parlementaires en question ont reçu ou même recherche une quelconque information crédible du DFAE. Ou alors il s’agissait d’un voyage privé aux motivations obscures ou de tourisme bancal comme récemment en Corée du Nord. Ce qui est encore plus surprenant c’est le rapport (ou tweet) complètement décalé que ces élus s’autorisent à transmettre publiquement. Il y a comme un problème. A quoi peut donc jouer le PDC, dans cette curieuse recherche de fraternisation avec des régimes despotiques. D’autres voyages sont ils prévus ?

  2. Saisir la substance catholique dans la corne de l’Afrique est certes, détestable, mais plus bénin, me semble-t-il que ces pauvres yéménites massacrés depuis des années sous le regard indifférent de la Communauté internationale.

    Mais tant que les religions, quelles qu’elles soient mélangeront le séculier et le politique, il en ira ainsi.
    Et on ne peut pas dire que le monde brille par sa flamme démocratique, mais à qui la faute?

    Quand à ce Monsieur Béglé, j’ose espérer que sa curiosité pour la Corée du Nord est sincère et non pas une stratégie de com, car c’est devenu une vedette en peu de temps 🙂 !

  3. L’Érythrée a entre-temps signé un accord de paix avec l’Ethiopie. Il y a donc bel et bien eu ouverture. Cela étant, ces processus de réconciliations passent toujours par des phases de hauts et de bas. L’accord de paix ne fait pas du jour au lendemain du gouvernement de l’Erythrée un partenaire recommandable. Cette saisie des biens de l’Eglise catholique est inacceptable.
    Claude Béglé

      1. Bon… Monsieur Béglé a sans doute du s’absenter pour voir ce qui se passe à Taïwan ou Hong Kong?

  4. En gros, donc, l’érythrée applique le programme de “notre” gauche, mais ce qui est progressiste ici devient effroyable là-bas?

    Et oui, c’est effroyable, ici comme partout ailleurs!

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