La 30e session de l’Union Africaine (UA) qui s’est tenue les 28 et 29 janvier 2018 à Addis-Abeba s’est terminée, selon le communiqué, par des décisions « remarquables » qui paveront le chemin de l’agenda jusqu’en 2063 : continuation de la lutte contre la corruption, réalisation d’une seule compagnie aérienne sur tout le continent, vitale pour atteindre une « Afrique intégrée, prospère et paisible » d’ici 2063. Elle favorisera le tourisme industriel, la croissance économique, la création d’emplois. 23 états sur 55 se sont déjà déclarés prêts à réaliser cet objectif.
Succédant au président guinéen Alpha Condé, le président rwandais Paul Kagame a été élu à la tête de l’UA. Il a la réputation d’être autoritaire, efficace et excellent stratège, ce qui lui permettra d’affronter les dossiers chauds : la corruption donc, la sécurité et la paix en Libye, en Centre Afrique, en RDC et au Burundi, au Soudan du Sud et dans la zone sahélienne frappée par des attaques récentes. Il souhaite la mise en place de la libre circulation des personnes (avec un seul passeport africain comme en Europe) et le libre-échange. Il saura sans doute redonner un élan à cette institution qui ronronnait dans son coin. Malgré les mots blessants de Donald Trump envers Haïti et les pays africains (« ces pays de merde »), il est le seul Africain à l’avoir rencontré au Forum de Davos avec lequel il s’est « bien » entendu. Le Rwanda est très proche d’Israël qu’il s’est abstenu de condamner à l’ONU sur la question de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale. Il ouvre ainsi la porte aux Israéliens qui sont d’ailleurs déjà très présents sur le continent là où il y a des diamants…Le Rwanda entretient également d’excellentes relations avec la Chine, l’Inde, les Emirats Arabes Unis et Singapour.
Les Américains ont aussi des visées en Afrique, mais sont plus discrets que les Chinois. En effet, ces derniers ont construit en 2012 le magnifique bâtiment de l’UA « don de la Chine aux amis de l’Afrique ». Mais récemment, des informaticiens ont découvert que tout le bâtiment était truffé de micros et autres instruments informatiques et que les serveurs transmettaient tout à Shanghai depuis 6 ans… Ce sont des ingénieurs algériens qui ont effectué les réparations. Mais la secousse a été sérieuse pour les chefs d’Etats et ministres africains peu au courant de ces méthodes informatiques ! Un ancien fonctionnaire de l’OUA (1963-2002) ne s’est pas énervé : «Les Chinois sont là 27 heures sur 24, on laisse faire et on ne dit rien ». Selon Le Monde, d’autres puissances ou organisations internationales avaient ou ont encore leurs services secrets pour espionner.
L’UA, qui était jusqu’à présent sous perfusion des bailleurs de fonds internationaux devra, dès 2018, financer 40 % du budget de l’institution – 770 millions de dollars – ce qui sera difficile, car à part l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Nigéria et l’Egypte, les autres pays sont de mauvais payeurs. Certains arrivent même aux rencontres bisannuelles avec des sacs plein d’argent ! Mais le président Kagame, et le président de la Commission de l’UA, le tchadien Moussa Faki Mahamat, veulent y mettre de l’ordre et améliorer la gestion. « Sans indépendance, l’Afrique n’est rien du tout, avec son indépendance, elle peut être tout », affirme le Tchadien. Les rémunérations des 1174 employés de l’UA restent basses, loin de celles des fonctionnaires de l’ONU, 5000 $ par mois, à moins d’être à la tête d’une des 7 commissions de l’UA qui couvrent tous les domaines importants du continent. Cela procure ainsi la possibilité à l’UA de se profiler au niveau international et c’est aussi ce que recherche Paul Kagame : hisser le continent africain au même niveau institutionnel que l’Europe. Cependant, il est vrai que tous les fonctionnaires ne sont pas modestes. La Sud-Africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, ex-femme du président Zuma, qui était à la tête de la Commission de l’UA (2002-2014), recevait 3 millions de dollars de son pays en plus du salaire de l’UA. Cette générosité s’expliquait par le fait que le président Zuma comptait sur elle pour gagner l’élection de la présidence de l’ANC, puis celle du pays. Zuma ayant été forcé par son parti de démissionner le 15 février 2018, Cyril Ramaphosa, un ancien syndicaliste puis homme d’affaires, est élu président de l’ANC, puis de l’Afrique du Sud. Il a été longuement ovationné au Parlement du Cap lors de son discours sur l’état de la nation. La démocratie et l’Etat de droit ont vaincu le désordre. Cela aura sans doute des répercussions positives sur l’UA et le reste du continent, surtout en RDC où l’Eglise catholique défie ouvertement le gouvernement Kabila qui emprisonne ses prêtres et jette des bombes lacrymogènes dans les églises en pleine messe.