Monusco en RDC : une Algérienne à l’honneur

Mme Leila Zerrougui a été nommée représentante spéciale et cheffe de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (RDC). Elle succède à M. Maman Sedikou du Niger dont la mission s’est terminée ce 1er janvier. Mme Zerrougui a plus de 30 années d’expérience dans les domaines de l’état de droit et de la protection des civils, ainsi que des compétences en matière de gestion et de leadership. Son parcours de vie est exceptionnel. Elle est donc bien préparée pour ce poste, car elle a été aussi Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflits armés de 20012 à 2016, et Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général à la Monusco, de 2008 à 2012 où elle s’est efforcée de renforcer l’état de droit et la protection civile (RDC). Cette Algérienne hors norme, née en 1956 et diplômée de l’Ecole nationale d’administration à Alger, a d’abord mené une longue carrière en Algérie où en 2000, elle a été nommée à la Cour suprême.

Etre cheffe de la Monusco qu’elle connaît, va être extrêmement délicat. Ce contingent de l’ONU est présent en RDC depuis 1999 et comprend 18 000 militaires et policiers, 4000 civils et un budget de 1,4 milliards de dollars par an. C’est la mission la plus onéreuse de l’ONU à cause de l’instabilité permanente dans ce pays depuis l’ère Mobutu qui n’a connu que des conflits internes et externes. Au début décembre, 15 casques bleus tanzaniens de la Monusco ont été tués et 53 autres blessés, par des hommes lourdement armés et bien organisés à Semuliki dans le Nord-Kivu. Un combat qui a duré plusieurs heures auquel un détachement de l’armée congolaise (FARDC) est venu porter secours. Antonio Gueterres, le Secrétaire général de l’ONU, était outré. Qui sont ces criminels qui osent s’attaquer à une mission de paix ? Un observateur de la région de Beni pense que ces attaquants étaient soutenus par des force extérieures.

La RDC aujourd’hui est devenue un pays chaotique avec des zones de non droit où des bandes armées ou des groupes aidés par des pays voisins (Ouganda, Rwanda) se livrent au pillage des ressources et des habitations. Malgré la fin de son mandat, en décembre 2016, le président Joseph Kabila reste au pouvoir grâce au report continuel des élections qui aujourd’hui ont été repoussées pour la 3ième fois en décembre 2018… D’ici là, les observateurs craignent que les groupes armés forment une coalition. Dans la région de Beni, mais aussi à Kinshasa, les populations sont confrontées à des assassinats, des enlèvements et des pillages. La barbarie à l’état pur avec des armes modernes provenant de pays européens et asiatiques. Leur but, déstabiliser le pays. A qui cela profite-t-il réellement ? Des réfugiés congolais en Suisse répondent : aux élites qui nous ont sacrifiés, au clan Kabila qui possède les principales ressources du pays et qui a la mainmise sur les réseaux stratégiques du pays, à certaines multinationales plus ou moins complices (anglaises, américaines, chinoises, suisses, etc.) et des banques (voir blog du 9.01.2018)

C’est dans ce contexte instable et violent que l’Eglise catholique a décidé de prendre résolument position contre Kabila et son équipe présidentielle, alors que jusqu’à présent, elle avait joué le rôle de médiatrice. Elle est la seule institution encore efficace qui apparaît comme un rempart face à la dérive autocratique du pouvoir, d’autant que l’opposition, depuis la mort récente de son leader historique Etienne Tshisekedi, est décapitée. Elle plaide pour le respect du droit et des personnes. Deux manifestations récentes de laïcs catholiques organisées pacifiquement à fin décembre et début janvier, ont été réprimées par la force, les gaz lacrymogènes jusque dans les églises, et même des tirs à balles réelles. L’Union Européenne, pourtant lasse de toujours réclamer des élections conformément à la Constitution, vient de les exiger haut et fort en menaçant de supprimer tout soutien. Elle est évidemment violemment critiquée par les hommes en place qui ressortent leurs litanies anticolonialistes.

C’est dire la tâche extrêmement difficile de Mme Leila Serrougui  pour sauver les plus vulnérables, les femmes, les enfants, et ses propres troupes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Christine von Garnier

Christine von Garnier, sociologue et journaliste, a vécu 20 ans en Namibie où elle était correspondante du Journal de Genève et de la NZZ. Elle a aussi travaillé comme sociologue dans le cadre des Eglises. Aujourd’hui, secrétaire exécutive de l’antenne suisse du Réseau Afrique Europe Foi et Justice.