Al Azhar invite à une conférence mondiale pour la paix

 

Le vent de la résistance religieuse se lève enfin concrètement pour contrer le terrorisme et la haine. Du 27au 29 avril, les principaux leaders religieux se rencontreront au Caire à l’invitation du grand imam de la mosquée sunnite d’al-Azhar, Ahmed al-Tayeb. Cette conférence avait déjà été évoquée au Vatican lors de sa visite en mai 2016. Le 28 avril, le pape François, après une brève visite de courtoisie au président al Sissi, prononcera un discours devant 300 personnalités religieuses et politiques dont on ne connaît pas encore les noms.  Il sera accompagné du patriarche œcuménique de Constantinople Bartolomée 1er et du patriarche copte-orthodoxe Tawadros II. Ensemble, ils représentent les principales religions au Moyen Orient. Rappelons que pendant le dimanche des Rameaux, des terroristes islamistes avaient tué plusieurs dizaines de Coptes dans les églises d’Alexandrie et de Tanta. Pour al-Azhar, « la société actuelle fait l’expérience de crises qui détruisent l’essence de la vie humaine. La voix de la raison nous appelle à faire de notre mieux pour éliminer les causes des souffrances, de la montée du terrorisme et du fondamentalisme, et à trouver les moyens de coopérer à la place de continuer les conflits.» Le cardinal français Jean-Louis Tauran qui avait préparé le voyage du pape au Caire, en est revenu en affirmant : «Les terroristes voudraient démontrer qu’il n’est pas possible de vivre ensemble avec les musulmans, mais nous affirmons le contraire. » Marine Le Pen devrait s‘en inspirer et ne pas faire leur jeu.

Il est tout de même très significatif que le mot « raison » soit utilisé par un religieux musulman. Il faut rappeler qu’en février déjà, un document important avait été élaboré par l’Imam al-Tayeb et un Conseil des Sages musulmans  sur « les libertés religieuses, la nature civile de l’Etat, la citoyenneté », en fait, les valeurs de base de la démocratie. Il paraît que le président al Sissi s’en inspire. « Nous devons prendre l’initiative d’avancer en intégrant les principes religieux et éthiques dans la réalité tumultueuse, cite le document. Il faut abaisser les tensions qui existent entre les différentes religions. Etablir la paix entre elles est la clé du futur… » Que demander de plus pour le moment ? Il est si difficile de faire évoluer des mentalités religieuses ! De son côté, le pape François avait refusé de parler de guerre de religion après l’assassinat du Père Jacques Hamel dans son église en France par deux djihadistes se réclamant de l’islam. Il préfère parler de guerre, sans adjectif.  Pour lui, tous les musulmans ne sont pas violents, et il y a aussi des chrétiens qui sont violents. Probablement une allusion  aux Croisades et aux bombardements en Syrie.  Selon lui il y a des fondamentalistes dans toutes les religions.

Un des buts politiques il est vrai, de l’imam al-Tayeb(voir LT 10 mars), serait de venir se montrer à Rome aux côtés du pape François, ce qui n’est pas exclu d’ailleurs. Cela aurait des répercussions énormes dans le monde entier !  A ajouter à cela, en août dernier, le roi du Maroc Mohamed VI avait lui aussi fermement condamné le terrorisme djihadiste et l’instrumentalisation de la religion par la violence. Il faut alors souhaiter qu’en Iran le président actuel Hassan Rohani,  un chiite, soit réélu, car il était aussi allé voir François en janvier 2016. Et on dit que Donald Trump pourrait prendre le chemin de Rome quand il sera en Europe pour l’OTAN… Croyons donc aux miracles !

 

Inquiétante Afrique du Sud… Une guerre civile programmée ?

 

Le ministre des finances  Pravin Gordhan qui était le gardien du Trésor sud-africain contre le clan Zuma, a été remercié le 31 mars en même temps que dix ministres et neuf ministres délégués. Un choc, un coup de tonnerre dans le ciel sud-africain, mais que beaucoup redoutaient. Tous venaient pourtant d’enterrer Ahmed Kathrada, vieux compagnon de lutte de Mandela. Il semble que le président Zuma ait attendu la disparition du dernier héros de la lutte contre l’apartheid « pour tirer une ligne rouge en écartant tous ceux qui le gênaient en ouvrant l’Etat, ses ressources et son économie à la convoitise de ses alliés »  (Le Monde, 31 mars).

Qui sont ces alliés ? En premier lieu trois hommes d’affaires d’origine indienne de la famille Gupta arrivés dans les années 1990, très liés au chef de l’Etat et à certains parlementaires, bien que le Parlement jusqu’à présent, donc l’ANC en majorité, ait réussi à faire rempart contre les visées de Jacob Zuma et de ses acolytes qui possèdent déjà un empire : immobilier, informatique, mines, aviation, tourisme et même leurs propres medias  Ils ont plusieurs projets destinés à piller les coffres de l’Etat, dont la construction aberrante de plusieurs centrales nucléaires au pays du soleil (on peut se demander si Areva en fait partie ?). David Maynier du parti d’opposition DA parle de « capture d’Etat ». Un remaniement qui risque d’apporter une rupture dans l’ANC fondée il y a 100 ans. Officiellement Jacob Zuma prétend inscrire tout cela dans un vaste programme de « transformation socio-économique » dont les observateurs de la scène sud-africaine pensent que serait une dérive à la Zimbabwe.

Certes, à l’heure de la passation de pouvoir en 1994, il était entendu que les Noirs ont le pouvoir politique et les Blancs le pouvoir économique.  Une élite noire, cooptée par une élite blanche, dirigeait ainsi le pays engrangeant de larges bénéfices. Les inégalités sont restées, mais la démocratie fonctionnait : partis politiques, un judiciaire très indépendant, syndicats,  liberté de la presse, éducation, universités renommées, investissements étrangers, etc… Cependant, ces deux dernières années, l’Etat était déjà en proie à la corruption et à des pillages : marchés publics attribués à des « amis », détournements dans les entreprises parapubliques, contraintes sous menaces, trafic d’influence, etc. Pourtant, le gardien du Trésor Pravin Gordhan, veillait encore pour rassurer les investisseurs. Son successeur, Malusi Gigaba, n’a pas de connaissances particulières en économie et la majorité des nouveaux ministres sont peu qualifiés, ce qui fait profondément douter de la réussite du plan Zuma

La résistance s’organise. Jacob Zuma aura fort à faire. Le vice-président Cyril Ramaphosa, un syndicaliste très connu, est opposé à cette manœuvre. Un groupe de pression, le Save South Africa Campaign qui est constitué par l’élite urbaine noire et blanche et les grands patrons d’entreprises dans  une classe moyenne bien éduquée et multiraciale,  ont appelé à occuper le centre de Pretoria pour empêcher la mainmise sur l’économie. La Cosatu, le grand syndicat associé à l’ANC prévoyait de soutenir la candidature de Cyril Ramaphosa à la succession de Jacob Zuma… Enfin, Julius Malema, “commandant en chef » des Combattants de la liberté économique, avait lancé il y a peu une procédure en destitution du chef de l’Etat au Parlement. Comme en Namibie, environ 20 ans après l’indépendance, les prédateurs sont à l’œuvre qui guettaient leurs proies depuis longtemps C’est la fin de l’ère Mandela et le début d’une possible guerre civile. Inquiétante Afrique du Sud.