République démocratique du Congo: le clan Kabila se croit éternel

 

Deux réfugiés congolais en Suisse pleurent de douleur et d’amertume… ils viennent d’apprendre qu’une nouvelle manifestation a fait 8 morts officiellement. Elle a eu lieu le dimanche 31 décembre à Kinshasa en particulier, à l’appel de catholiques laïques. Elle fait suite aux manifestations de septembre 2016 qui avaient fait au moins 50 morts dans le pays. Les manifestants demandaient déjà des élections et le départ de Kabila après deux mandats. L’Eglise catholique de RDC, majoritaire dans ce pays chrétien à 80 %, avait alors accepté une médiation entre le pouvoir et le peuple. Il avait été décidé en décembre 2016, d’un commun accord, qu’il y aurait des élections à fin décembre 2017, une année pour donner le temps au gouvernement de les préparer. Mais la Commission électorale a de nouveau  décidé de les reporter une nouvelle fois à décembre 2018…La démocratie manipulée.

Les laïques catholiques ont alors décidé d’organiser une marche d’opposition au président Kabila le dimanche 31 décembre pour exiger l’application intégrale de l’accord de sortie de crise d’il y a un an qui prévoyait le départ de Kabila avant la fin de 2017 et des élections présidentielles. Mais le gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta, l’a interdite avec des prétextes fallacieux. De nouveaux morts, une centaine de personnes arrêtées à Kinshasa dont deux prêtres, et 41 dans le reste du pays. Un policier a été tué. Les forces de sécurité congolaises ont chahuté des messes dans des églises à coup de gaz lacrymogènes. Mais quelques prêtres ont continué de dire la messe. Coupures internet, déploiement sécuritaire, barrages policiers, les autorités congolaises ont sorti l’artillerie lourde pour étouffer ces marches pacifiques des catholiques contre le chef de l’Etat, malgré l’appel des Nations Unies et de chancelleries au respect du droit de manifester. Même l’AFP a été menacée de mort par un officier congolais.

Le clan Kabila qui possède les principales ressources de ce pays, mines, terres, entreprises,  se croit éternel parce qu’il a la main mise sur les réseaux stratégiques du pays avec l’aide « d’hommes d’affaires », de certaines multinationales complices (anglaises, chinoises, américaines, françaises, suisses), de banques et d’états. C’est tout un empire économique, politique et familial que Kabila a construit depuis son accession au trône présidentiel en 2001. « On arme et on manipule des jeunes désoeuvrés qui ne peuvent plus travailler ni étudier. Pour 20 dollars, vous pouvez manipuler qui vous voulez, dénonce Mgr Muyango. Nous sommes dans un état d’insécurité permanente au sud Kivu : braquages de véhicules, pillages, assassinats. L’anarchie et l’absence d’état règnent qui favorisent la résurgence de bandes armées dans un pays mal gouverné. Ce climat social, politique et économique favorise la balkanisation ».

Global witness a découvert en juillet 2017 que 750 millions de recettes minières se sont évaporées du Trésor public entre 2013-2015. Et d’ajouter : « Si l’argent continue à être siphonné vers des réseaux parallèles liés au pouvoir en place, la crise politique au Congo ne fera que d’empirer ».  Mais le peuple patient depuis longtemps vient de le montrer, il ne supporte plus cet état de fait déstabilisant et dangereux pour l’évolution de la société civile. On peut se poser la même question que se posait déjà Cicéron à Rome un siècle avant notre ère ! « Jusqu’à quand abuseras-tu du pouvoir Catilina ? » Rien ne change !  La même chose vient de se passer au Zimbabwe avec Mugabe,   en Angola, à un degré moindre, avec Dos Santos, en Afrique du Sud avec Zuma qui dilapide les richesses de ce grand pays et veut mettre son ex-femme au pouvoir pour jouir d’une impunité. Au Nigéria, cela a mené à Boko Haram, etc.

A qui cette déstabilisation actuelle de l’Afrique profite-t-elle ? A cette question, nos deux réfugiés congolais répondent : « Aux élites qui nous ont sacrifiés. Et encore à l’Occident, et aux pays communistes Chine et Corée du Nord en tête »

 

 

Christine von Garnier

Christine von Garnier, sociologue et journaliste, a vécu 20 ans en Namibie où elle était correspondante du Journal de Genève et de la NZZ. Elle a aussi travaillé comme sociologue dans le cadre des Eglises. Aujourd’hui, secrétaire exécutive de l’antenne suisse du Réseau Afrique Europe Foi et Justice.

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