Le continent africain prépare sa révolution industrielle

Le successeur de Mandela, Thabo Mbeki en 1999, avait proposé une Renaissance de l’Afrique à l’Union Africaine, mais elle ne s’était pas concrétisée. Plus tard, l’idée d’un continent africain mieux organisé et structuré avait été proposé par le président rwandais Paul Kagame, mais elle n’avait pas vraiment décollé, bien que l’idée ait fait du chemin. C’est que l’Afrique, un continent riche et prometteur, a passé par une très lente évolution économique, qui paraît en gros, suivre le même parcours qu’ont suivi les états européens : des Louis XIV qui pillent leurs sujets ou s’enfuient avec leur magot comme Louis XVI ; un empereur pathétique, Bokassa, qui distribue ses diamants, des dictateurs qui saignent leur pays à blanc (Mobutu, Dos Santos, etc), d’autres qui ont pourtant conquis de haute lutte leur liberté comme Mugabe, mais s’arrogent ensuite des droits divins avec l’aide de leur femme et d’une caste corrompue, notamment aussi par des multinationales, ou alors qui partent en guerre pour piller d’autres états (les précieuses ressources du Congo), etc. Quant à l’évasion fiscale, elle représenterait quatre fois le montant de l’aide étrangère…. De quoi faire naître des djihadistes…

Depuis plus de vingt ans, ce sont les Chinois qui se sont intéressés aux ressources des sols africains (uranium, lithium, pétrole, bois, etc), en proposant leur «win-win», qui dans certains cas sont des winwin-win, n’hésitant pas à corrompre de nombreux cadres, et se mettant eux-mêmes au travail, en se débarrassant ainsi de leurs prisonniers. Depuis peu, ce sont les Russes, aussi intéressés par les fabuleuses ressources des sols qu’ils paient en assistance militaire, remplaçant maintenant les Français au Mali priés de partir par les putschistes du nouveau gouvernement. Un imbroglio militaire auxquels s’ajoutent les 12 000 soldats de la Minusco dans les environs.

Quel gâchis tout cela ! Où la majorité des jeunes n’ont pas eu la priorité dans l’éducation, qui, faute de travail, se tournent vers l’Europe en train de se barricader partout, ou vers les djihadistes ! Ainsi, on ne peut plus accuser le colonialisme en un rituel délivrant de toute responsabilité… Car l’Afrique n’a pas manqué de sages pour montrer le chemin: les deux anciens présidents du Sénégal, Léopold Senghor et Abdou Diouf, pays qui est à l’origine de la «Charte africaine des droits des peuples», dont se sont inspirés des constitutionalistes pour la nouvelle constitution de la Namibie (1990) et sud-africaine (1994). Ajoutons encore Julius Nyerere (Tanzanie), Nelson Mandela, et tant d’autres hommes et femmes, telle la directrice nigériane de l’OMC Ngozi Okonjo-Iwalea. Des personnalités qui ont été épargnées par le fétichisme de l’argent et ont pensé au bien commun de leurs peuples, contrairement à Jakob Zuma ancien président sud-africain, qui a contribué largement à la décadence de l’ANC, le parti de Nelson Mandela.

Les 17 et 18 février, c’est l’Union Européenne qui organise un sommet Europe-Afrique et affirme sa volonté d’être un partenaire «fiable» des Africains, comme le dit fermement la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. L’Europe se réveille enfin ! Non seulement elle veut contrer l’avance chinoise, mais elle veut aussi renforcer une zone de libre échange et le développement de ses infrastructures pour attirer de nouvelles usines en comptant sur des investisseurs et ingénieurs africains, et non pas seulement sur des étrangers. Des projets portés par la société civile. Les usines actuelles produisent essentiellement pour l’exportation : extraction et alimentation. La Chine semble se désengager de l’industrie textile à l’est, faute d’infrastructures compétitives et de main d’oeuvre qualifiée. Il y a malgré tout quelques pays qui connaissent un début d’essor industriel : le Maroc (industrie automobile notamment), l’Ethiopie (industrie des baskets), des Centres d’appels et de services informatiques (Île Maurice). Et bien sûr l’Afrique du Sud déjà très avancée qui va produire des vaccins en grande quantité, car seulement 11 % de la population du continent est vaccinée contre le Covid.

L’UE a promis 150 milliards d’Euros à l’Union Africaine jusqu’en 2027, permettant des investissements conséquents Mais il faudra bien une génération pour rattraper ce retard et stopper les djihadistes qui sont particulièrement intéressés par les pays du Golfe de Guinée (Côte d’Ivoire, Bénin, Togo) et ses ports pour toutes sortes de trafics. La situation globale est très complexe avec en plus la famine qui plombe certains pays du Sahel, les migrants et les changements climatiques. Rien n’est vraiment acquis. Espérons que les jeunes seront enfin mieux formés, pas comme enfants soldats, et contribueront au succès de ce sommet à long terme. Le temps est un facteur important en Afrique dont il faut tenir compte.

Christine von Garnier

Christine von Garnier, sociologue et journaliste, a vécu 20 ans en Namibie où elle était correspondante du Journal de Genève et de la NZZ. Elle a aussi travaillé comme sociologue dans le cadre des Eglises. Aujourd’hui, secrétaire exécutive de l’antenne suisse du Réseau Afrique Europe Foi et Justice.

5 réponses à “Le continent africain prépare sa révolution industrielle

  1. Quel est le lien entre évasion fiscale et djihadisme ? Serait-ce une forme de justification pour vous ?? 🙄😵‍💫

  2. Merci pour cet article, mais j’ai deux réserves:

    1. D’un, les Européens ont tourné le dos à l’Afrique après la guerre froide et sont allés investir en Europe de l’Est (compréhensible car proche voisine), mais aussi en Asie. Moins compréhensible, car trop loin. L’Afrique était proche et plusieurs de ses cadres avaient été formés en Occident. Ce choix a été motivé par le nouvel ordre économique, mais aussi par des préjugés bien ancrés en Europe de l’Ouest, selon lesquels l’Afrique devait être un terre d’extraction de matières premières où on investissait 1 dollar pour en retirer 100. Par ailleurs, ces peuples primaires ne pouvaient pas avooir le luxe de se développer…(il y aurait tant à dire sur ces conceptions négatives sur l’Afrique qui sont souvent le fait de l’oligarchie européenne depuis des mondes et dont elle irrigue la masse des gens en Europe).
    2. Il est de bon ton en Europe de tirer sur la Chine et sur la Russie et que sais-je encore. C’est l’attitude de l’élève qui a échoué et qui accuse son voisin d’avoir réussi dans le même examen. En réalité, il y a 2 points à soulever: d’un, pour les Africains, les Chinois ne sont pas venus par effraction. Ils ont été invités. Beaucoup de pays avaient relations, quoique moins visibles, avec les Chinois. Les Chinois ont connu un certain chemin de développement. Surtout, ils ne sont pas arrogants, ne traitent pas les Africains de sous-hommes. Enfin, les Africains voient leurs réalisations concrètes auxquelles ils sont associés. Les Africains ont aussi remarqué que, bien diffamant les Chinois, les Européens vont chercher les investissements provenant de Chine. Celle-ci investit plus en Europe qu’en Afrique. Là, personne ne dit rien. Cette hypocrisie européenne horripile les jeunes générations africaines.
    Les efforts européens bien tardifs ne concernent que l’Europe. Au fond, qu’est que 150 milliards pour 54 pays. Combien l’Europe a-t-elle reçu du Plan Marshall au lendemain de la seconde guerre?
    Les relents colonialistes et le nombrilisme européesns bien mal cachés ne trompent plus personne en Afrique. Au fond, en Afrique, le regard est tourné ailleurs. Le divorce est consommé entre le maître et l’esclave dans la dialectique hégélienne (Hegel). La destruction arrogante de la Lybie et la guerre menée à Ggagbo, président de Côte-d’Ivoire ont fini par achever le peu de sympathie que les plus réticents manifestaient encore à l’égard de l’Europe.

    1. Qu’avez-vous apporté dans vos bagages quand vous êtes arrivé en Europe pour y embrasser les pieds de vos maîtres ? Et qu’offrirez-vous à vos semblables à votre retour après le divorce ? De belles chaussures ?

  3. Il ne faudrait pas que cette révolution industrielle se fasse sur le dos des espèces naturelles , comme c’est la cas ailleurs (Amazonie, Indonésie, Inde, Australie, …)

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