Rejet de l’économie verte : l’idéologie en guise de vision

Le Conseil national a décidé d’enterrer le contre-projet du Conseil fédéral à l’initiative des Verts pour une économie verte. Ce faisant, l’UDC, le PLR ainsi qu’une partie du PDC et du PBD ont refusé, par pur dogmatisme, de moderniser notre loi sur la protection de l’environnement. Elle date pourtant de 1983 et ne vise, conformément aux préoccupations de l’époque, qu’à mieux gérer les pollutions et les substances dangereuses.

 

Ils ont ainsi refusé d’inscrire dans cette loi la nécessité de gérer durablement les ressources, alors que cet enjeu est le grand défi économique et environnemental du 21ème siècle, à l’échelle mondiale. Ils ont en outre refusé d’inscrire dans la loi la nécessité de tenir compte de notre impact écologique à l’étranger, alors que celui-ci représente aujourd’hui plus de 70 % de notre impact écologique total.

 

Ils ont refusé d’inscrire dans la loi la nécessité de revaloriser les matériaux et les déchets avant de les brûler, alors que nous ne le faisons aujourd’hui que pour une part infime d’entre eux. Ils ont en particulier refusé de permettre au secteur du recyclage de revaloriser le phosphore contenu dans nos boues d’épuration, alors que nos agriculteurs dépendent des importations de phosphore pour leurs cultures et que des pénuries s’annoncent d’ici quelques décennies seulement. Ils ont aussi refusé de permettre au secteur du recyclage de revaloriser les métaux contenus dans les scories de nos usines d’incinération, alors que ce gaspillage absurde représente des pertes annuelles de près de 100 millions de francs, dont 10 millions rien que pour l’or. Ils ont enfin refusé de permettre aux collectivités publiques de fixer, en accord avec les branches économiques concernées, des objectifs de réduction des emballages, qui constituent pourtant entre 30 et 50 % des contenus de nos poubelles.

 

Ils ont aussi refusé d’exclure de notre marché, comme le fait déjà l’Europe, le bois importé issu de coupes illégales, alors qu’il détruit les forêts primaires et concurrence de manière déloyale notre propre production. Ils ont refusé de favoriser, en dialogue avec les branches économiques concernées, les standards écologiques internationalement reconnus pour les matières premières importées à fort impact écologique, alors que les consommateurs sont horrifiés par l’impact écologique de produits comme l’huile de palme, le poisson issu de la pêche industrielle ou le coton. Enfin, ils ont refusé la création, avec les branches économiques concernées, d’une plate-forme sur l’économie verte, alors qu’elle aurait permis aux entreprises pionnière de notre pays de partager et de donner à connaître leur expérience et leur savoir-faire.

 

Ils ont refusé tout cela, alors que ces mesures bénéficiaient du soutien des cantons – dont beaucoup auraient même voulu aller plus loin – des consommateurs et de tous les secteurs économiques concernés par la loi : cleantech (avec Swisscleantech et Oebu, représentant des centaines de milliers d’emplois), acteurs publics et privés du recyclage, industrie du bois, commerce de détail. Ils ont refusé tout cela, parce qu’economiesuisse est partie en croisade dogmatique contre cette révision, au mépris du soutien des secteurs économiques concernés, envoyant aux parlementaires des lettres de lobbying signées par des secteurs économiques qui ne sont en rien concernés par la loi et en ignorent probablement les contenus. Economiesuisse qui a par ailleurs fait réaliser une étude contre cette révision, dont il a été montré en commission qu’elle ne concernait en rien les contenus de la loi, mais qui a néanmoins continué, sans aucun scrupule, à l’utiliser pour faire du lobbying. Des méthodes indignes de notre démocratie, indignes de notre économie.

 

Le prochain parlement, qui devra se prononcer, sauvera-t-il ce contre-projet ? Il est permis d’en douter, à moins qu’un changement des équilibres, le 18 octobre, voie les défenseurs pragmatiques d’une politique environnementale et économique responsable et innovante gagner du terrain.

 

En l’absence de contre-projet, les Verts suisses mèneront en tous les cas leur initiative populaire pour une économie verte devant le peuple. Parce qu’il s’agit en réalité de l’avenir de notre économie et de notre environnement. Pas d’idéologie.

Comment la cause environnementale va de l’avant

L’écorating vient de sortir. Il montre que les partis de droite – à l’exception des Verts libéraux – constituent un frein aux questions environnementales. Les Verts sont par contre le parti le plus cohérent en la matière, suivi de près par le PS et les Verts libéraux. La proximité entre ces trois partis dans l’écorating et, en particulier, entre les Verts et le PS, a fait dire à un journaliste alémanique que les Verts n’étaient plus nécessaires pour faire avancer les dossiers environnementaux. Une telle assertion dénote une grande méconnaissance, d’une part, des dossiers environnementaux et, d’autre part, des pratiques politiques. En réalité, pour faire avancer un dossier, environnemental ou pas, il faut – toujours – une collaboration entre plusieurs partis. Et les Verts ont un rôle indispensable à jouer dans ce contexte.

 

La « naturalisation des idées »

 

La transition énergétique est emblématique de ces processus. Le thème de la sortie du nucléaire et du tournant énergétique a été mis à l’agenda il y a plus de trente ans par les Verts, parti pionnier, qui s’est engagé seul sur cette thématique pendant des années. Elle est devenu aujourd’hui « mainstream » et d’autres partis, en particulier le PS et les Verts libéraux, se la sont appropriée. Cette « naturalisation des idées », selon un bon mot de Luc Recordon, est pour les Verts un succès. Elle est surtout indispensable pour espérer former des majorités.

 

Juste après Fukushima, les Verts ont aussi défini un objectif – la sortie du nucléaire après 45 ans d’exploitation de nos centrales nucléaires et le remplacement de leur production par les économies d’énergie et l’électricité verte – via une initiative populaire, déposée en 2012. Une étape indispensable elle aussi : après avoir mis un objet à l’ordre du jour, il faut que quelqu’un ait le courage politique de fixer un objectif ambitieux, sur la base duquel des compromis peuvent ensuite être, au besoin, réalisé.

 

Le rôle des « négociateurs »

 

La Stratégie énergétique est précisément le contre-projet du Conseil fédéral à notre initiative populaire. Dans le cadre de son traitement, le PS et le PDC ont joué un important rôle de « négociateurs ». Le fait d’être un parti gouvernemental et de disposer d’un grand groupe au parlement – autant de voix que l’on peut mettre dans la balance – facilite grandement ce rôle. Des compromis ont été réalisés au Conseil national : hausse de la RPC (l’instrument de soutien des énergies renouvelables) et bonus-malus pour les économies d’énergie, pour les meilleurs d’entre eux. Limitation de la durée de vie à 60 ans pour nos trois plus vieux réacteurs et concept d’exploitation renforcé en termes de sécurité pour l’exploitation de nos centrales après 40 ans, pour les plus minimalistes. Nous avons participé à ce processus et même négocié nous-mêmes certains accords, en particulier pour éviter des blocages entre protection du paysage et énergies renouvelables.

 

Le maintien de la pression

 

Ces différents compromis s’avèrent cependant fragiles, comme le montrent les dernières décisions de la commission de l’énergie du Conseil des Etats. Elle a biffé le système de bonus-malus de la loi. Une partie des soutiens, déjà modestes, prévus pour les énergies renouvelables, sera soustraite du solaire et de l’éolien au profit des centrales hydrauliques, mises à mal par l’effondrement des prix de l’électricité du fait de la surproduction actuelle. Par ailleurs, la commission a biffé de la loi le compromis déjà très faible concernant l’exploitation de nos vieilles centrales nucléaires. Désormais, les exploitants ont carte blanche pour faire durer leurs centrales le plus longtemps possible, sans date limite ni assurance supplémentaire, au détriment de la sécurité de la population. Les Verts ont certes tenté de réaliser un dernier compromis, en proposant d’exiger au moins que les exploitants assurent, pour leur vieilles centrales nucléaires, un degré de sécurité équivalent à celui que l’on exige aujourd’hui des nouvelles centrales nucléaires. En vain.

 

Dans de telles situations, les Verts jouent leur rôle de garant de la crédibilité écologique du projet, mais aussi de pression, via leur initiative populaire. En effet, si la Stratégie énergétique n’est pas améliorée, les Verts iront devant le peuple en 2016. Une telle menace permet de maintenir la pression pendant les négociations. Les Verts participent par ailleurs à la procédure judiciaire lancée contre la vieille centrale de Beznau, via la présidente de l’association de riverains à l’origine de la plainte, la députée écologiste Irène Kälin. Nous collaborons enfin avec les Verts allemands, qui sont intervenus dans leur parlement pour exiger la fermeture de Beznau, qui est toute proche de la frontière.

 

Les enjeux de demain

 

Les « négociateurs » sont absolument nécessaires pour faire avancer la cause environnementale. Mais ils ne sont pas suffisants. L’action d’un parti pionnier, crédible et cohérent comme les Verts est indispensable, aujourd’hui comme hier[1]. Au-delà du rôle des Verts, ce sont toutes les forces progressistes qui doivent s’engager pour réaliser la transition énergétique. Nous devons être unis et collaborer pour atteindre le même but. Nous devons, chacun, jouer le rôle dans lequel nous sommes le plus efficace, au service de la même cause. C’est comme ça qu’on gagne : ensemble. Les élections d’octobre diront si les politiciens progressistes seront assez nombreux pour mener la transition énergétique à bien, car c’est le prochain parlement qui en décidera.

 

Ceci dit, l’environnement ne s’arrête pas à la stratégie énergétique. Les Verts définissent aujourd’hui les thèmes de demain. Nous nous engageons pour le climat et la biodiversité, grands défis de ce siècle, mais nous avons aussi mis à l’agenda politique l’économie verte et la réduction de notre empreinte écologique, l’économie circulaire, l’économie de fonctionnalité, la lutte contre l’obsolescence programmée, la lutte contre l’éco-dumping ou encore l’industrie 4.0. Des enjeux qui ne disent encore rien à beaucoup de nos collègues politiciens, mais qui seront des classiques des politiques environnementales dans dix ou vingt ans. Et que nous ferons alors avancer, en créant des majorités, avec d’autres. Parce que c’est comme ça que ça marche, la politique.

 


[1] Les citoyens ne s’y trompent pas, puisqu’ils considèrent que les Verts sont, de très loin, le parti qui apporte le plus de solutions pour l’environnement, selon la dernière étude de Claude Longchamp (p. 65 du « Wahlbarometer » de juin 2015).

 

La philosophie de Günther Anders pour préparer la COP21

Il est aujourd’hui confirmé que, si le réchauffement climatique venait à dépasser deux degrés par rapport à la période préindustrielle, les conséquences en deviendraient ingérables. A la veille de la COP21, qui réunira à Paris la communauté internationale au chevet du climat, les Etats rechignent pourtant à prendre les mesures qui s’imposent. Pour expliquer cette inaction, on peut bien sûr invoquer les intérêts économiques liés aux énergies fossiles. Ou encore la peur de la nouveauté ou la force d’inertie qui se manifestent face à tout changement.

 

Mais il existe vraisemblablement des raisons plus profondes à cette apathie des Etats, mais aussi, à plus petite échelle, des individus, face au danger climatique. Au début des années soixante, le philosophe Günther Anders consacrait un petit texte à notre indifférence face aux catastrophes globales et, en particulier, aux risques de la bombe nucléaire[1]. Une partie de ses propos peut être transposée à notre époque et s’avère éclairante dans le contexte du changement climatique.

 

Selon Günther Anders, si nous sommes indifférents face aux catastrophes globales, c’est tout d’abord parce qu’elles nous concernent tous, au moins potentiellement. Ceci nous soulage de la peur, mais aussi de notre responsabilité individuelle. En effet, le danger ne me menace pas personnellement ou, du moins, pas seulement. Par conséquent, je ne suis pas concerné directement et je ne ressens pas le besoin de m’inquiéter, ni d’agir. Puisque c’est l’humanité dans sa totalité qui est affectée par le danger climatique, c’est à elle de se mobiliser, pas à moi. Cette dissémination de la responsabilité fonctionne au niveau de la menace, mais aussi au niveau des innombrables actions, individuelles ou collectives, qui en sont à l’origine. Non seulement « on » est toutes et tous concernés par le danger climatique, mais « on » en est aussi toutes et tous un petit peu responsables. La Suisse, quand elle annonce qu’elle est prête à prendre des engagements plus importants permettant de limiter le réchauffement climatique à deux degrés, mais seulement si les autres pays le font aussi, s’inscrit dans cette perspective de déresponsabilisation. Nous agissons également de cette manière à titre individuel, quand nous disons que ce n’est pas notre petit engagement personnel qui changera les choses – ou celui de la Suisse, ce tout petit pays – pour justifier notre inaction.

 

Un autre paramètre explique notre apathie face au changement climatique. C’est ce que Günther Anders appelle la loi de l’innocence. Il l’exprime à travers cette métaphore terrible : « Notre monde ne sombrera pas victime de la colère ou de l’acharnement, mais on l’éteindra comme on éteint une lampe ». La crise climatique relève de la même absence de malveillance : les activités économiques ou les gestes quotidiens anodins que nous effectuons au détriment du climat ne sont en rien motivés par une volonté de nuire. Personne ne monte dans sa voiture dans le but de détruire la planète ! Comme dans le cas d’un « homicide involontaire », nous nous attendons dès lors à obtenir des circonstances atténuantes et peinons à nous sentir coupables. Cette situation est aggravée par la distance spatio-temporelle qui sépare nos innombrables et banals petits gestes individuels de leurs conséquences funestes : vous achetez votre mazout pour l’hiver, une inondation a lieu à l’autre bout du monde. Le lien de causalité est ténu ! Face à de tels phénomènes, nous ne pouvons que prendre acte de ce que Günther Anders appelle notre « obsolescence psychique ». Tant la liaison entre l’acte et le « coupable », que celle entre son geste et ses conséquences sont brisées.

 

Quelles leçons tirer de ces constats, a priori plutôt décourageants ? On peut toujours voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Je vois dans l’esprit pionnier le meilleur remède à l’inertie. Cet esprit pionnier, souvent évoqué par Bertrand Piccard, devrait guider notre engagement en faveur du climat et utiliser son opposé, l’esprit moutonnier, comme un levier pour le changement. Le changement ne fait en effet plus peur, quand il consiste à faire comme son voisin : c’est actuellement le fondement de la position suisse en matière de politique climatique. Dès lors, et c’est la bonne nouvelle, pour autant que quelqu’un ait le courage politique de s’engager en premier, d’autres suivront. L’erreur de la Suisse est de ne pas en tirer la bonne conséquence. Il est précisément dans son intérêt, notamment économique en tant que pays d’innovation, d’endosser le rôle de la locomotive, plutôt que celui du suiveur. Il fut un temps, aujourd’hui révolu, où nous avions une longueur d’avance en matière énergétique. Retrouvons cet esprit pionnier et engageons-nous résolument pour le climat.

 

Abandonnons par ailleurs la posture qu’Anders décrit comme celle de l’« apocalypticien prophylactique ». Comme le philosophe le montre lui-même, nous sommes complètement indolents face à la menace d’une catastrophe globale. Et puisque nos actes ne sont pas malveillants, nous nous sentons difficilement coupables. Les discours uniquement catastrophistes, les accusations culpabilisantes et les propos punitifs sont donc inutiles, si ce n’est contreproductifs. Quand nous parlons du climat, mettons plutôt en avant les solutions et les alternatives dont nous disposons, technologiques mais aussi au niveau des comportements, qui sont si nombreuses et si enthousiasmantes. La Suisse, la communauté internationale, mais aussi chacune et chacun d’entre nous peuvent se saisir efficacement de l’enjeu climatique et y répondre de manière convaincante. Pour autant que nous ayons le courage de nous engager en visionnaires, et que nous réalisions que, malgré l’importance de la menace et les difficultés qu’elle implique, les réponses sont là, entre nos mains.

 

 

 

Ce texte est une synthèse de mon intervention dans le cadre de la semaine de réflexion « Faire la paix avec la Terre : une réponse des sagesses du monde au défi climatique », organisée par l’association Terre du Ciel pour préparer la COP21.


[1] ANDERS Günther, Le Temps de la fin, Carnets de L’Herne, Partis, 2007.

 

Economie verte : vers un débat factuel, au-delà des idéologies ?

Le Conseil national est donc entré en matière sur le contre-projet du Conseil fédéral à l’initiative des Verts pour une économie verte. Mais par une seule voix, qui n’était pas, comme le suggérait un Vert facétieux sur Twitter, celle de #Popeforplanet, mais celle du président du Conseil national. Le débat de détail aura donc lieu à la session de septembre ce qui permettra, si la logique partisane liée aux élections ne prend pas le dessus, de moderniser enfin la Loi sur la protection de l’environnement.

C’est en effet de cela qu’il s’agit. A ce jour, cette loi ne traite pas de la gestion durable des ressources, alors qu’il s’agit du grand défi économique et écologique de ce siècle. Elle ne traite pas non plus de notre impact écologique à l’étranger, alors qu’une économie ouverte comme la nôtre cause près de 70 % de ses dégâts environnementaux hors de nos frontières.

Très concrètement, il s’agit d’améliorer nos méthodes de recyclage et de revalorisation des matériaux, dans le sens d’une économie circulaire. La nouvelle loi encouragerait par exemple la revalorisation des métaux contenus dans les scories de nos usines d’incinération. Deux tiers des déchets métalliques finissent en effet dans nos poubelles. Ceci équivaut à jeter chaque année un montant de 100 millions de francs, dont 10 millions de francs rien que pour l’or, et des matériaux indispensables à notre économie, que nous devons ensuite importer à grand frais. Autre exemple, le phosphore, un intrant utilisé par nos agriculteurs, que nous importons et pour lequel des pénuries sont attendues dans quelques décennies déjà, pourrait être extrait de nos boues d’épuration et réutilisé. On se demande pourquoi économiesuisse lutte depuis des mois, accessoirement avec une étude qui porte sur une version périmée de la loi, contre de telles mesures, au nom du franc fort. La revalorisation des matériaux est dans l’intérêt de notre économie : elle la rend plus autonome face aux importations et lui assure un approvisionnement plus sûr pour des matériaux dont elle a besoin. En outre, développer notre savoir-faire dans ce domaine de pointe fait partie de la politique d’innovation dont notre pays a aujourd’hui besoin plus que jamais.

L’argument du franc fort ne tient pas d’avantage la route pour ce qui concerne les conventions d’objectifs avec l’économie, que la Confédération pourrait conclure au cas où les mesures volontaires échoueraient, dans le but de réduire l’impact écologique de certaines ressources que nous importons, pour autant que des standards écologiques internationaux existent (bois, coton, tourbe ou huile de palme). Là aussi, l’économie suisse serait gagnante : l’industrie du bois soutient notamment la loi. Elle réduirait la concurrence déloyale du bois issu de coupes illégales, dont l’Europe a, elle, judicieusement interdit l’importation. Des entreprises comme Coop et Migros, à coup sûr concernées par de telles conventions d’objectifs, y sont aussi favorables. Pourtant, toutes deux sont touchées par le franc fort, via le tourisme d’achat. Mais ces grands distributeurs ont compris que l’assurance d’une bonne qualité de l’assortiment, notamment écologique, est une arme efficace contre ces difficultés de concurrence. Il faut dire encore que les principes de subsidiarité, de rapport entre les coûts et l’utilité et de prise en compte des contraintes économiques sont formellement ancrés dans la loi. C’est pour cela que les milieux économiques directement concernés, ceux qui se sont sérieusement penchés sur elle, la soutiennent.

Le projet pilote REFFNET vient de montrer qu’un franc investi par la Confédération et les entreprises dans l’efficacité des ressources débouche sur dix francs d’économies. La gestion intelligente des ressources rend nos entreprises plus concurrentielles. Elle constitue précisément un plus, face au défi du franc fort. Ceux qui souhaitent défendre une économie efficiente, innovante et prospère seraient donc bien inspirés de soutenir le contre-projet du Conseil fédéral à l’initiative des Verts pour une économie verte. Mais pour cela, il faudra oser sortir des vieilles idéologies et cesser d’opposer de manière stérile économie et écologie. 

Une promotion économique innovante et durable plutôt que des mesures de dérégulation et de dumping fiscal

Le Conseil national a débattu aujourd’hui de deux objets indispensables pour notre économie en cette période d’incertitudes liées au franc fort: l’organisation et le soutien au Parc suisse d’innovation et la promotion économique pour les années 2016 à 2019.

Les Verts ont soutenu ces deux objets et se sont opposés à toutes les propositions d’affaiblissements issus de la droite dure, ayant à l’esprit les craintes émises par notre industrie d’exportation et par une partie du secteur touristique. Ces soutiens sont en effet ciblés de manière idéale pour répondre aux défis du franc fort: sur le tourisme, un secteur très exposé aux fluctuations monétaires, et sur l’innovation, dans le tourisme et dans les autres branches de notre économie, innovation qui constitue la meilleure arme de notre industrie d’exportation. Des mesures sélectives de ce genre sont bien plus efficientes pour soutenir notre économie et les emplois en ces temps difficiles que les mesures de dérégulation « arrosoir »  prônées par les partis bourgeois, qui coûteront très cher aux collectivités publiques et aux contribuables, tout en manquant leur cible.

Les mesures de soutien à l’innovation et au tourisme pourraient cependant être plus ciblées encore, dans une perspective de durabilité. C’est en particulier le cas dans le domaine de la promotion économique. Lors de la dernière législature, les Verts avaient en effet critiqué le fait que les crédits de promotion économique ne comportaient aucune réflexion globale en termes de durabilité et, en particulier, en lien avec certains effets collatéraux néfastes que peut susciter la croissance, lorsqu’elle est mal gérée. Depuis lors, le peuple a donné à plusieurs reprises des signaux clairs à cet égard, dans les domaines de la migration, de l’aménagement du territoire ou des résidences secondaires. Les Verts avaient a l’époque obtenu, via un postulat de commission, que le Conseil fédéral, « envisage, dans le prochain message sur la promotion économique (pour les années 2016 à 2019), une meilleure intégration des principes du développement durable au niveau de la stratégie globale de la promotion économique ». Le Conseil fédéral disait encore dans sa réponse à ce postulat que la promotion économique, si elle se concentre sur la dimension économique du développement durable – ce qui est incontestable – « doit rester cohérente avec la stratégie pour le développement durable et, dans la mesure du possible, éviter les conséquences négatives sur l’environnement et la société ».

Le sujet est effectivement abordé dans le message sur la promotion économique pour les années 2016 à 2019. Le Conseil fédéral reconnaît notamment – mieux vaut tard que jamais – qu’il convient désormais d’accompagner le changement structurel du tourisme suisse que l’initiative sur les résidences secondaires devrait accélérer. Les conséquences des différents crédits du point de vue économique, mais aussi social, environnemental et migratoire, sont également abordées. Cette évolution est positive, mais n’est pas suffisante.

La politique régionale, qui vise un développement économique durable des régions périphériques, et Innotour, l’instrument de soutien à l’innovation dans le tourisme dont les moyens ont été à juste titre augmentés, tiennent compte, dans une certaine mesure, de critères de durabilité lors de l’octroi des aides financières. Les dernières évaluations, notamment pour la politique régionale, montrent cependant que des progrès peuvent encore être réalisés en la matière. La commission a fait un pas dans le bon sens en ajoutant au projet un article sur l’innovation durable et les circuits économiques régionaux.

Il est beaucoup plus difficile d’évaluer la pertinence en matière de durabilité des autres crédits, en particulier Suissetourisme, l’instrument de promotion de l’offre touristique suisse à l’étranger et Switzerland Global Enterprise, l’instrument de promotion des exportations et de la place économique suisse. Ceci doit changer ! Quand on voit à quelles exigences l’agriculture est soumise pour bénéficier de soutiens de la part de la Confédération, on mesure le potentiel d’amélioration qui subsiste pour les autres secteurs de notre économie ! Les entreprises et les projets bénéficiant d’aides de la Confédération devraient faire preuve d’un engagement exemplaire en matière de durabilité. La promotion économique doit favoriser une économie innovante, responsable et efficiente dans sa consommation de ressources. Voilà qui sera plus efficace que des mesures de promotion économique « arrosoir » ou un dumping fiscal attirant indifféremment de grandes entreprises étrangères, sur le dos des contribuables et des PME locales. On en est encore loin au niveau fédéral, sans parler de ce qui se passe dans les cantons, lancés dans une sous-enchère fiscale indifférenciée et néfaste tant pour les entreprises et les populations locales que pour les relations de la Suisse avec ses voisins[1].

Il reste donc nécessaire de s’engager pour une promotion économique plus durable. Les crédits de promotion économique proposés par le Conseil fédéral pour les années à venir doivent néanmoins être soutenus en l’état. Même s’ils sont (encore) mal ciblés du point de vue de la durabilité, ils sont aujourd’hui plus indispensables que jamais pour promouvoir l’innovation dans notre pays, alors que des temps difficiles se profilent. Tout comme le sont l’économie verte et le tournant énergétique, qui rendent notre économie plus efficiente et donc plus concurrentielle, renforcent notre autonomie et nous permettent de vendre un savoir-faire innovant et à haute valeur ajoutée à l’étranger.          

 


[1] Certains cantons et certaines communes font néanmoins preuve de créativité en matière de promotion économique durable. J’ai réalisé, avec d’autres, une étude à ce sujet pour l’ARE, qui réunit les bonnes pratiques : http://www.are.admin.ch/dokumentation/publikationen/00014/00387/index.html?lang=fr

 

 

Soutenir la formation : pour l’avenir de notre économie et pour les familles

Depuis la décision populaire du 9 février 2014, tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut mobiliser les capacités de travail locales, quelle que soit la solution trouvée pour appliquer le nouvel article constitutionnel sur l’immigration. Plusieurs pistes ont été évoquées : faciliter une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, afin de permettre aux mères qui le souhaiteraient de reprendre le travail plus rapidement ou d’augmenter leur taux d’occupation, encourager une meilleure intégration sur le marché du travail des personnes de plus de 50 ans, ou encore lancer une offensive de formation pour que les employeurs puissent trouver dans nos frontières les collaborateurs hautement qualifiés qu’ils recherchent.

Nous votons le 14 juin prochain sur l’initiative sur les bourses d’études, qui vise à harmoniser les montants ainsi que les critères d’octroi des bourses au niveau fédéral. Le texte demande en outre que les montants des bourses d’études garantissent un niveau de vie minimal aux étudiants. Cette initiative doit être soutenue, aujourd’hui plus que jamais. Il est absurde et inéquitable que nos étudiants, aujourd’hui très mobiles, soient soumis à des conditions inégales en matière de bourses d’études, en fonction de leur canton d’origine. Dans certains cantons, par ailleurs, les bourses proposées sont d’un montant presque symbolique, en comparaison avec les coûts réels des études. Elles ne jouent donc pas leur rôle, forçant des jeunes doués à renoncer à leurs études ou à hypothéquer leur succès en travaillant d’arrache pied pour se financer. Enfin, de moins en moins d’étudiants sont effectivement soutenus: en 20 ans, leur pourcentage est passé de 12 à 7 %. Ce n’est pas ainsi que nous formerons efficacement nos jeunes, afin de répondre aux besoins pressants de notre économie.

Bien sûr, un accès équitable à la formation a un coût. Mais nous ne dépensons pas cet argent à fonds perdu. Il s’agit d’un investissement indispensable pour l’avenir de la Suisse, qui n’a pour seule ressource que sa capacité d’innovation et la grande qualité de son offre de formation. Nos hautes écoles et leurs étudiants doivent être considérés comme une source de richesse et non comme une charge. Enfin, alors que les initiatives et les propositions les plus diverses se multiplient pour soulager les familles, il faut considérer les difficultés de celles qui doivent financer les études, parfois fort longues et toujours coûteuses, de leurs grands enfants. Octroyer des bourses correctes aux jeunes qui en ont besoin est de fait un instrument très efficace pour aider les familles, tout en répondant, à long terme, aux besoins de notre économie en personnel hautement qualifié. Tout le monde y gagne donc.

Jobsharing: êtes-vous prêt à partager votre pouvoir?

Lundi 4 mai prochain, le premier colloque suisse consacré au jobsharing se tiendra à l’Université de Fribourg. Regula Rytz et moi-même y serons pour faire part de notre expérience conjointe à la tête des Verts. Partager le travail, partager les responsabilités, partager le pouvoir: c’est un thème vert par excellence. Regula Rytz et moi-même ne sommes pas les premières à coprésider le parti à l’échelle fédérale: Ruth Genner et Patrice Mugny le firent également entre 2001 et 2004. Ce modèle est par ailleurs courant chez les Verts dans les partis cantonaux et communaux.

Le jobsharing est particulièrement pertinent en politique. En effet, dans notre système de milice, l’engagement politique vient s’ajouter à la vie professionnelle et aux charges familiales. Ce n’est pas pour rien que les femmes sont si peu représentées parmi les élus: mener de front une carrière politique et professionnelle, tout en se consacrant à ses enfants – une tâche encore largement dévolue aux femmes – est un véritable défi. Les femmes sont encore moins nombreuses à être représentées dans les instances dirigeantes des partis, un mandat qui représente un travail et une pression supplémentaires considérables. Je suis entrée à la direction des Verts suisses au retour de mon congé maternité et ma fille avait deux ans quand j’ai été nommée à la coprésidence. Jamais je n’aurais été candidate à un tel mandat en solo. Le partage du travail permet aussi à ma collègue Regula Rytz d’être disponible pour ses parents âgés. Nos familles sont importantes dans nos vies et le jobsharing nous permet de leur consacrer un minimum de temps, tout en nous engageant à un haut niveau de responsabilité politique.

Le partage du travail à la tête d’un parti n’est pas seulement une solution pour favoriser l’accès des femmes à des postes de pouvoir et pour faciliter la conciliation entre vie politique et familiale. A l’échelle fédérale, tous les partis sont composés de sensibilités diverses. Il y a des variations liées aux communautés linguistiques, mais aussi aux régions plus ou moins urbaines ou périphériques. Des personnalités issues de différents horizons idéologiques et milieux socio-culturels se retrouvent sous le même toit. Pour respecter cette diversité, les Verts suisses se sont constitués en une fédération décentralisée de partis cantonaux. A la direction d’un tel parti, une coprésidence est particulièrement adaptée. Regula Rytz et moi-même avons été nommées à la succession d’Ueli Leuenberger après les élections de 2011, qui ont vu les Verts perdre plusieurs sièges. La volonté de nos délégués était alors de resserrer les rangs autour d’une coprésidence et d’une direction les plus rassembleuses possibles, afin que chacun se sente représenté, après des pertes douloureuses qui avaient suscité, comme souvent dans ces cas-là, des tensions internes. Regula Rytz, suisse alémanique, apporte sa sensibilité et ses compétences sur les dossiers sociaux, son réseau syndical et son expérience de femme d’exécutif. Mon profil est très complémentaire: romande, environnementaliste de formation, issue des milieux de la recherche et des ONG écologistes. Nos décisions se basent sur des échanges d’une grande richesse, qui nourrissent notre engagement. Nous croyons profondément à l'intelligence collective. Elle nous permet de mieux fonder nos positions et favorise l'innovation.

Depuis trois ans, nous avons pu constater combien notre travail en binôme était apprécié au sein des partis cantonaux. Nous avons réformé nos structures pour nous rapprocher de leurs directions et travaillons, plus que jamais, en étroite collaboration. L’étude GFS de Claude Longchamp le confirme : notre coprésidence dispose du taux maximal de crédibilité à l’interne. Selon l’étude Sotomo, nous sommes aussi le parti dont la base est le plus en accord avec les décisions de ses élites. Regula Rytz et moi-même sommes toutes deux enchantées de cette expérience, qui nous permet de diriger le parti dans un climat de dialogue, de solidarité, de partage et de conciliation. Ensemble, nous faisons avancer nos idées et nous nourrissons de nos complémentarités.

Les difficultés viennent plutôt de l’extérieur et, en particulier, des médias, avec une mention spéciale au Tages Anzeiger et au service public. Regula Rytz et moi-même sommes les seules femmes à la tête d’un parti au niveau fédéral. Et nous appliquons un modèle de management innovant : non seulement nous partageons la présidence mais, en plus, nous mettons volontiers en avant nos collègues spécialistes, en fonction des différents dossiers. Sans que cela nous pose de problème d’ego. Il y en a que cela bouscule dans leurs certitudes et qui continuent à rechercher le «mâle alpha». Nous avons tout entendu : direction faible, pas assez visible, trop gentille, trop réservée, trop correcte. Le Tages Anzeiger a même osé cette métaphore douteuse (je traduis): «En comparaison avec leurs collègues présidents de parti, les deux coprésidentes sont aussi remarquables qu’une plante décorative dans un club échangiste». On a essayé de chercher des failles dans notre entente, affirmé – à tort – que nous nous contredisions et avions des désaccords. Des femmes qui se crêpent le chignon, c’est toujours rassurant. Certains journalistes se sentent plus à l’aise avec des «laute Männer», des hommes qui parlent fort et… tout seuls. Dans un monde médiatique qui privilégie la polémique et la controverse, et qui conçoit la politique comme un vaste combat de coq, deux femmes qui partagent le pouvoir, réfléchissent, se concertent et cherchent, ensemble, des solutions, ça fait désordre.

Malgré les idées préconçues, dans le monde économique et associatif, des pionniers et des pionnières montrent également la voie, par exemple à la direction de Frutiger Bau-AG, une entreprise de construction, ou à la tête de Greenpeace. Ils sont, comme nous, des exceptions qui confirment la règle. Pourtant, aujourd’hui, tout le monde affirme, la bouche en cœur, qu’il est indispensable de trouver des solutions pour concilier travail et famille. Tout le monde dit aussi que les femmes doivent investir le monde du travail, notamment pour combler le manque de personnel qualifié que suscitera l’application du nouvel article constitutionnel contre l’immigration de masse. Il est dès lors urgent de prendre au sérieux ce nouveau modèle de direction et de déclarer la guerre aux préjugés et au sexisme. Parce que l’on est plus intelligent à plusieurs et que le pouvoir peut et doit se partager.

Informations sur le colloque : http://www.go-for-jobsharing.ch

 

Les Verts pionniers de l’égalité

Les Verts ont toujours promu les femmes dans leurs rangs, avec des résultats concrets. Au niveau cantonal, nous avons la plus haute proportion de femmes élues de tous les partis : sur l’ensemble du pays, elles représentent 51 % de nos députés. La moitié de nos Conseillers d’Etat et sept de nos quinze conseillers nationaux sont des femmes. Nous montrons l’exemple, mais nous nous engageons aussi pour la promotion des femmes à des postes à responsabilité dans le monde économique. A Bâle-Ville, par exemple, les Verts ont obtenu que le pourcentage de femmes dans les directions des entreprises publiques soit augmenté. Un référendum lancé contre cette mesure par la droite a échoué. Les Verts s’engagent enfin à tous les niveaux institutionnels pour une meilleure conciliation entre vie familiale et professionnelle : offre suffisante en matière de structure d’accueil, horaires scolaires adaptés, congé parental. La promotion du jobsharing s’inscrit dans cet éventail de mesures, ainsi que les horaires flexibles et la possibilité de faire du télétravail.

Ecologie et ouverture sur le monde : c’est notre avenir qui est en jeu

Les revers des deux partis écologistes aux dernières élections cantonales et le succès d’une droite conservatrice alliée à l’UDC isolationniste, doivent constituer un signal de mobilisation pour tous ceux qui veulent vivre dans une société plus durable: non, tout n’est pas résolu en matière environnementale et non, l’écologie et l’ouverture sur le monde ne constituent ni un obstacle, ni un facteur d’incertitude pour notre économie. Elles sont au contraire une chance pour notre pays.

 

Les dossiers écologiques sont en panne au parlement. Quatre ans après Fukushima, la sortie du nucléaire est remise aux calendes grecques : la Stratégie énergétique 2050 permet de prolonger l’exploitation de nos vieilles centrales nucléaires jusqu’à plus de 60 ans, alors qu’elles sont fermées dans le monde après moins d’une trentaine d’années et que les exploitants eux-mêmes prévoyaient, avant Fukushima, de fermer nos centrales après 40 à 50 ans. Si elle préserve la filière du nucléaire, la Stratégie énergétique comprend néanmoins de bonnes mesures, dont l’augmentation des soutiens aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétiques. Malheureusement, elle est désormais menacée au Conseil des Etats par le PLR et l’UDC.

 

Son deuxième volet, qui porte sur la fiscalité écologique, est en outre mal parti. Le Conseil fédéral a présenté un projet d’article constitutionnel évasif, annonçant qu’il ne comptait pas taxer l’essence, alors que nous échouons justement à réduire nos émissions de CO2 dans le domaine de la mobilité. Par contre, la suppression prochaine des mesures de soutien aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique sera inscrite noir sur blanc dans la Constitution. Le contre-projet du Conseil fédéral à notre initiative pour une économie verte est enfin l’objet de violentes attaques de la part du PLR et de l’UDC, malgré le fait qu’il soit soutenu par les secteurs économiques concernés.

 

Alors que la droite conservatrice vient de gagner les élections cantonales à Bâle-campagne, à Lucerne et à Zurich, au détriment des forces progressistes qui ont fait avancer la Stratégie énergétique et l’économie verte pendant la présente législature, il est temps de tirer la sonnette d’alarme et de se demander quelle Suisse nous voulons pour demain. Voulons-nous vivre dans un pays qui se complaît dans un Moyen-Âge fossile et nucléaire, méprise les enjeux climatiques et pérennise le gaspillage des ressources ? Voulons-nous abandonner les pionniers des énergies renouvelables et de l’économie verte, qui constituent pourtant un moteur d’innovation pour notre économie ? Voulons-nous renoncer aux emplois et à la plus-value durables qu’ils créent dans notre pays? Voulons-nous faire le jeu de ceux qui veulent isoler notre pays de la communauté internationale et de nos principaux partenaires économiques ?

 

Car, au-delà des enjeux environnementaux, c’est aussi l’avenir de notre économie qui est en jeux. Nous dépensons près de 10 milliards de francs par an à l’étranger, pour acheter de l’énergie fossile, qui contribue ensuite au réchauffement climatique. Moyennant un tournant énergétique crédible, nous pourrons investir ces montants dans notre pays, dans des technologies propres et créatrices d’emplois localement ancrés. Les soutiens à l’efficacité énergétique, mais aussi à la revalorisation des matériaux dans le cadre de l’économie verte, rendront notre économie plus efficiente et, dès lors, plus concurrentielle. Enfin, la promotion des nouvelles technologies dans le domaine de l’énergie et de la gestion durable des ressources renforcera notre secteur d’exportation, dont la capacité d’innovation est la meilleure arme face au franc fort.

 

C’est cette Suisse innovante, pionnière de la durabilité, créatrice d’emplois et de plus value localement ancrés, au bénéfice de toutes et de tous, que nous défendons. Une Suisse confiante, humaniste et ouverte sur le monde, qui s’engage au-delà de ses frontières pour trouver, avec les membres de la communauté internationale, des solutions communes aux défis écologiques, économiques et sociaux actuels, dont le réchauffement climatique, la répartition inéquitable des richesses ou la surexploitation des ressources sont des exemples cruciaux.

 

Aux antipodes de cette vision, le PLR et le PDC s’allient aujourd’hui aux défenseurs d’une Suisse rétrograde, xénophobe et isolationniste et prétendent résoudre les difficultés liées à la force du franc en condamnant toute réforme écologique, en réduisant le personnel de la Confédération ou en déséquilibrant les finances publiques. Ces partis affirment défendre notre économie, mais ne voient-ils pas que le plus grand danger pour l’avenir de notre pays est son manque d’audace face à la révolution industrielle verte de ce siècle, son isolement de la communauté internationale et, « last but not least », la rupture des bilatérales, pour laquelle l’UDC s’engagera avec détermination durant la prochaine législature ?

Ce texte a été publié dans Le Temps le 16 avril 2015

 

Stratégie énergétique et rôle des Verts: Peter Bodenmann se trompe de cible

Dans sa dernière chronique, Peter Bodenmann reproche aux Verts de «s’être laissés baratiner par Doris Leuthard» dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050, qui comporterait «beaucoup de mousse, peu de substance», en particulier parce que «nul ne sait si et comment la conversion écologique fonctionnera et dans quel délai». Ces propos sont parfaitement infondés. Les Verts sont précisément le parti le plus critique quant aux insuffisances de la Stratégie énergétique et celui qui pourra offrir au peuple, si nécessaire, la possibilité de les corriger.

La Stratégie énergétique comporte certes plusieurs mesures positives en matière de soutiens aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, pour lesquelles les Verts se battaient depuis des années. Cependant, elle reste très favorable au nucléaire, puisqu’elle permet la prolongation de l’exploitation de nos vieilles centrales jusqu’à plus de 60 ans. Alors que l’on ferme les centrales nucléaires dans le monde en moyenne après moins de 30 ans de durée de vie. Alors que la Suisse accueille déjà sur son sol la plus vieille centrale nucléaire au monde encore en fonction, Beznau, 45 ans, qui pose de nombreux problèmes de sécurité. Et alors que l’on envisageait, avant Fukushima, de fermer nos vieilles centrales après 40 à 50 ans maximum d’exploitation.

Peter Bodenmann semble ignorer que la Stratégie énergétique a été conçue comme un contre-projet indirect à l’initiative des Verts pour la sortie du nucléaire, qui exige justement l’arrêt de nos centrales nucléaires après 45 ans d’exploitation et le remplacement de leur production par du courant propre. Si le Conseil des Etats n’améliore pas le projet de loi, nous mènerons cette initiative devant le peuple. Celui-ci pourra alors décider de prendre ou de ne pas prendre, en toute conscience, la responsabilité de remettre la sortie du nucléaire à la prochaine génération. En cas d'acceptation de notre initiative, la Stratégie énergétique devrait être complétée par une limitation de la durée de vie des centrales nucléaires et les objectifs de développement des renouvelables et de l'efficacité énergétique seraient revus à la hausse. Sans les Verts, cette possibilité n’existerait pas. Le peuple n’aurait le choix qu’entre deux options, probablement via un référendum lancé par la droite dure contre la Stratégie énergétique: l’inaction totale, à savoir le maintien de notre pays dans un Moyen-Age nucléaire et fossile, ou la remise à après-demain de la fermeture de nos vieilles centrales, certes assortie de quelques soutiens aux renouvelables, mais dont il faut savoir qu’ils sont calculés sur la base d’objectifs si peu ambitieux, qu’ils correspondent à un ralentissement du rythme actuel de leur développement.

Peter Bodenmann cite également dans sa chronique l’électromobilité et les véhicules automatisés. Les Verts en soutiennent les évolutions, comme en témoignent plusieurs de leurs interventions, et continueront à le faire à l’avenir. Nos propres scénarios énergétiques, disponibles sur notre site, tiennent d’ailleurs expressément compte de l’électrification et de la meilleure maîtrise de la mobilité, toutes deux souhaitables pour la préservation du climat.

Peter Bodenmann se trompe dès lors complètement de cible lorsqu’il accuse les Verts de s’être fait berner par Doris Leuthard. Il ferait mieux de concentrer son acrimonie sur son propre parti, qui s’est montré bien moins critique envers la Stratégie énergétique et l’a même, à l’occasion, présentée comme sa propre victoire. Ou alors, beaucoup mieux, il pourrait s’attaquer aux partis qui luttent activement – contre les Verts, contre les Vert' libéraux et contre le PS – pour le maintien du nucléaire et des énergies fossiles et qui ont, si l’on en croit les résultats des dernières élections cantonales, le vent en poupe. C’est en unissant toutes les forces progressistes de ce pays que nous pourrons renverser cette tendance et nous engager avec succès pour une Suisse durable et innovante, pas en nous accablant les uns les autres de reproches absurdes et infondés.

 

Votations du 14 juin : pourquoi il faut soutenir le diagnostic préimplantatoire

Nous voterons le 14 juin prochain sur le diagnostic préimplantatoire. Il s’agit de modifier la Constitution afin qu’il devienne possible, dans le cadre d’une procédure de procréation assistée, de sélectionner l’embryon qui sera implanté dans l’utérus de la future mère, sur la base d’un diagnostic préimplantatoire. Actuellement, la Constitution ne permet pas de produire assez d’embryons, ni de les garder assez longtemps, pour qu’une telle analyse puisse se faire.

Le cas de ce vote est assez particulier dans la mesure où la loi d’application liée à la modification constitutionnelle a déjà été débattue et validée par le parlement. Ses opposants ont cependant annoncé qu’ils la combattraient en référendum. Nous voterons donc en deux fois. Le 14 juin, seule la modification de la Constitution nous sera soumise, à savoir la décision de principe d’autoriser le diagnostic préimplantatoire. Si ce vote est positif, nous voterons dans un deuxième temps, car l’aboutissement du référendum fait peu de doutes, sur la loi d’application. Nous pourrons alors dire si nous acceptons la manière dont le parlement a voulu appliquer la nouvelle disposition constitutionnelle, ou s’il doit revoir la loi pour rendre l’application de l’article constitutionnel plus restrictive.

Le diagnostic préimplantatoire soulage les couples porteurs de maladies génétiques graves

Si le sujet soulève des discussions très émotionnelles, il ne concerne en réalité que peu de personnes à titre direct. Le diagnostic préimplantatoire n’est en effet possible que dans le cadre d’une procédure de procréation assistée. Ces procédures sont soumises, selon la Loi sur la procréation médicalement assistée, à des critères très stricts et ne sont accessibles qu’aux couples souffrant de problèmes de stérilité. Actuellement, cela correspond à environ 2'000 naissances sur 80'000 par an.

Le diagnostic préimplantatoire vise avant tout les couples qui sont susceptibles de transmettre une maladie génétique grave et incurable. Des embryons sont créés via la fécondation in vitro. Alors qu’ils ne comportent qu’une dizaine de cellules, ils sont analysés, et l’on implante dans l’utérus de la future mère un embryon dont on a pu vérifier qu’il ne serait pas atteint par la maladie génétique dont ses parents sont porteurs. Les futurs parents sont dès lors libérés de l’angoisse de transmettre à leur descendant la terrible maladie dont ils souffrent eux-mêmes ou dont ils ne sont parfois que des porteurs sains. On évalue le nombre de cas concerné à 50 à 100 par an.

Les pathologies détectées par le diagnostic préimplantatoire sont d’ores et déjà détectables, de manière légalement autorisée, dans le cadre d’un diagnostic prénatal, effectué sur un embryon en développement dans le ventre de sa mère. Dans le cas où les futurs parents apprennent ainsi qu’ils ont transmis leur maladie génétique à leur enfant à naître, il leur reste le choix d’une interruption volontaire de grossesse. Le cas échéant, celle-ci constitue une intervention intrusive et violente pour les deux parents et, en particulier bien sûr, pour la femme. La réalisation d’un diagnostic avant même le début de la grossesse, sur un embryon de quelques cellules, et l’implantation d’un embryon dont on sait qu’il ne sera pas porteur de la maladie, constitue dès lors une démarche beaucoup plus simple et beaucoup moins traumatisante pour les futurs parents. D’un point de vue éthique, il est également moins choquant de choisir à ce stade très précoce et en laboratoire un embryon non-porteur de la maladie, plutôt que d’éliminer un embryon de plusieurs semaines, voire un fœtus, qui s’est déjà développé dans le ventre de sa mère.

Rappelons que la réalisation d’un diagnostic préimplantatoire reste un choix absolument libre de la part des couples porteurs de maladies génétiques graves et incurables, de la même manière que le diagnostic prénatal ne leur est pas imposé. Il s’agit simplement, pour ceux d’entre eux qui ne veulent pas transmettre la maladie génétique dont ils sont porteurs, de pouvoir réaliser le diagnostic plus tôt, afin d’éviter un avortement ultérieur.

Le diagnostic préimplantatoire est pratiqué dans le monde depuis une vingtaine d’années. Une dizaine de pays européens l’autorise, comme l’Espagne, les Pays-Bas ou la Belgique. Actuellement, les couples suisses susceptibles de transmettre une maladie génétique grave et disposant des moyens suffisants sont nombreux à se déplacer en Europe pour accéder au diagnostic préimplantatoire, du fait de l’impossibilité de le réaliser en Suisse. Ceci constitue évidemment une inégalité de traitement avec les couples qui ne peuvent pas se le permettre financièrement. La procréation médicalement assistée est très coûteuse et n’est pas remboursée par les assurances, malgré les grandes souffrances que peuvent susciter les problèmes de stérilité au sein d’un couple. Cette situation resterait inchangée avec l’autorisation du diagnostic préimplantatoire, qui ne serait pas non plus financé par les assurances.

Ouvrir le diagnostic préimplantatoire aux autres couples en procédure de procréation médicalement assistée ?

L’accès au diagnostic préimplantatoire pour les couples pouvant transmettre une maladie génétique grave est relativement peu contesté. Au départ, le Conseil fédéral comptait ne pas ouvrir cette pratique à d’autres cas. Le parlement en a cependant décidé autrement dans le cadre de la loi. En effet, celle-ci offrirait l’accès au diagnostic préimplantatoire à tous les couples pouvant bénéficier d’une procédure de procréation médicalement assistée, à savoir à tous les couples souffrant de problèmes de stérilité, et pas seulement à ceux qui risquent de transmettre une maladie génétique grave à leur enfant. Le diagnostic préimplantatoire permettrait alors de détecter de potentielles anomalies chromosomiques, dont la trisomie 21 est l’exemple le plus connu. Aujourd’hui, nombreux sont les couples souffrant de problèmes de stérilité – et ayant donc recours à la procréation assistée – en lien avec leur âge. Ces couples présentent un risque beaucoup plus important d’avoir un enfant souffrant d’anomalies chromosomiques, puisque celles-ci augmentent drastiquement avec l’âge des parents et, en particulier, celui de la mère.

Ceux qui, parmi ces couples, ne se sentent pas prêts à assumer un enfant handicapé peuvent, actuellement déjà, réaliser un diagnostic prénatal et, le cas échéant, décider d’interrompre la grossesse. La situation est donc semblable à celle des couples pouvant transmettre une maladie génétique grave : l’autorisation du diagnostic préimplantatoire permet seulement, à ceux qui le souhaitent, d’éviter un avortement en sélectionnant un embryon ne présentant pas d’anomalie chromosomique. De plus, la possibilité de sélectionner un embryon exempt d’anomalie chromosomique réduit les risques de fausse-couche et augmente donc les chances, pour les femmes concernées, de mener à bien leur grossesse, qui advient souvent après de nombreuses tentatives pénibles et infructueuses de procréation médicalement assistée.

Précisons encore une fois que cette option ne serait pas offerte à tous les couples, mais seulement à ceux qui ont recours à une procédure de procréation assistée, c’est-à-dire aux couples présentant des problèmes de stérilité. Il est pertinent de maintenir cette limitation. Tout d’abord, la procréation assistée est une procédure longue, incertaine, douloureuse et ardue, surtout pour la future mère. Elle doit rester réservée au cas de stérilité, comme le prescrit actuellement la loi. Ensuite, il est d’autant plus important pour ceux de ces couples qui ne se sentent pas prêts à élever un enfant handicapé et qui passent déjà par de graves difficultés pour aboutir à une grossesse, de pouvoir éviter un avortement qui, outre le traumatisme qui lui est directement lié, signifierait le retour à une nouvelle procédure de procréation médicalement assistée pénible et sans garantie de succès.

Les citoyens qui ne souhaitent pas autoriser le diagnostic préimplantatoire à tous les couples souffrant de problèmes de stérilité, mais qui veulent néanmoins que les couples porteurs de maladie génétique grave et incurable puissent en bénéficier, pourront l’exprimer en acceptant l’article constitutionnel le 14 juin prochain, mais en refusant la loi lors du vote donnant suite au référendum.

Une question de responsabilité envers nos enfants et non de droit à un enfant parfait

Pour ma part, je considère que tant l’article constitutionnel que la loi d’application méritent d’être soutenus:

–        Il ne s’agit pas d’autoriser tout et n’importe quoi, et ceux qui crient à l’eugénisme font preuve d’une exagération coupable. Le diagnostic préimplantatoire reste lié à la procréation médicalement assistée, qui ne concerne qu’un nombre limité de couples, selon les critères très stricts de la loi sur la procréation médicalement assistée. Seules les maladies génétiques graves et incurables et, dans le cas de l’acceptation de la loi, les anomalies chromosomiques, peuvent en outre être détectées. Il ne s’agit en aucun cas de sélectionner des embryons sur des critères de sexe ou de tout autre particularité. Tant la Constitution que la loi l’interdisent. Enfin, cette démarche reste complètement volontaire, tout comme l’est actuellement le diagnostic prénatal.

–        Le but du diagnostic préimplantatoire n’est pas de produire des enfants parfaits, mais de soulager les angoisses légitimes des couples qui ne veulent pas transmettre une maladie grave et incurable à leur enfant ainsi que, si la loi d’application est acceptée, des couples contraints à une procédure de procréation assistée et qui ne se sentent pas prêts à assumer un enfant handicapé. Ces futurs parents peuvent aujourd’hui déjà recourir au diagnostic prénatal qui peut déboucher, dans le cas de la transmission de la maladie génétique grave ou d’une anomalie chromosomique, sur un avortement. Je me battrai toujours pour que les femmes qui le souhaitent aient le droit d’avorter. Cependant, je considère qu’il s’agit d’un acte lourd que l’on devrait essayer d’éviter dans la mesure du possible. Le diagnostic préimplantatoire permet de le faire dans un certain nombre de cas. Le système actuel est complètement absurde, puisqu’on ne peut pas sélectionner un embryon de quelques cellules, alors que l’on peut interrompre une grossesse, ce qui signifie détruire un embryon, voire un fœtus, de plusieurs semaines. Cela doit changer.

–        La réalisation de diagnostics préimplantatoires, même dans le cas où ils seraient également appliqués aux anomalies chromosomiques, ne signifie pas qu’il n’y aura plus d’enfants différents ou qu’il y aura moins de respect pour les personnes handicapées. Tout d’abord, le diagnostic préimplantatoire ne concerne qu’un nombre limité de maladies génétiques graves voire, dans le cas d’une application plus large, d’anomalies chromosomiques. Ensuite, il n’est accessible qu’à un nombre restreint de couples (pour rappel, seules 2'000 naissances par an sur 80'000 sont liées à la procréation médicalement assistée) et tous ces couples n’y auront pas recours, puisque cela relève de leur libre choix. Enfin, les couples qui, aujourd’hui déjà, ne veulent pas mettre au monde un enfant auquel ils auraient transmis une maladie génétique grave ou souffrant d’une anomalie génétique, peuvent bénéficier d’un diagnostic prénatal et interrompre la grossesse. Par ailleurs, le fait qu’il y ait plus ou moins de personnes différentes ou handicapées ne joue aucun rôle par rapport à notre responsabilité de leur assurer à toutes et à tous une vie digne et à leur témoigner le même respect qu’à une personne en pleine santé. Il s’agit d’un devoir éthique fondamental, qui reste valable en tout temps et le serait encore même si une seule personne au monde était affectée de handicap.

Pour conclure, j’aimerais citer mon collègue Luc Recordon, lui-même handicapé, mais favorable tant à l’article constitutionnel qu’à la loi:

«  Il ne saurait être question d’un droit à un enfant sain. En revanche, il y a une obligation, pour la société, de permettre aux gens d’exercer leur responsabilité avec le plus d’éléments possible en main vis-à-vis du futur enfant potentiel. Car que direz-vous et que dirai-je, moi qui suis lourdement handicapé, si j’avais un enfant pour lequel je n’aurais pas pris toutes les précautions pour qu’il naisse dans le meilleur état possible, ou fait, au besoin, en toute connaissance de cause, le choix d’accepter ou de refuser d’avoir un enfant ? Que pourrai-je répondre ensuite à l’enfant qui me dirait « Tu m’as laissé venir au monde alors que tu savais, étant donné ton histoire génétique personnelle, que je risquais d’avoir ceci ou cela ? » Je ne peux pas m’imaginer que j’aurais pu prendre cette responsabilité sans avoir tout fait, en connaissance de cause, pour assumer ma responsabilité face à un éventuel enfant. Ce n’est donc pas une histoire de droit, c’est une histoire de responsabilité face à lui, y compris de la responsabilité de lui dire « Je savais qu’il y avait un handicap et, pour des raisons qui m’appartiennent et que je peux t’expliquer, en toute connaissance de cause, j’ai choisi que tu viennes au monde ».