Dans sa dernière chronique, Peter Bodenmann reproche aux Verts de «s’être laissés baratiner par Doris Leuthard» dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050, qui comporterait «beaucoup de mousse, peu de substance», en particulier parce que «nul ne sait si et comment la conversion écologique fonctionnera et dans quel délai». Ces propos sont parfaitement infondés. Les Verts sont précisément le parti le plus critique quant aux insuffisances de la Stratégie énergétique et celui qui pourra offrir au peuple, si nécessaire, la possibilité de les corriger.
La Stratégie énergétique comporte certes plusieurs mesures positives en matière de soutiens aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, pour lesquelles les Verts se battaient depuis des années. Cependant, elle reste très favorable au nucléaire, puisqu’elle permet la prolongation de l’exploitation de nos vieilles centrales jusqu’à plus de 60 ans. Alors que l’on ferme les centrales nucléaires dans le monde en moyenne après moins de 30 ans de durée de vie. Alors que la Suisse accueille déjà sur son sol la plus vieille centrale nucléaire au monde encore en fonction, Beznau, 45 ans, qui pose de nombreux problèmes de sécurité. Et alors que l’on envisageait, avant Fukushima, de fermer nos vieilles centrales après 40 à 50 ans maximum d’exploitation.
Peter Bodenmann semble ignorer que la Stratégie énergétique a été conçue comme un contre-projet indirect à l’initiative des Verts pour la sortie du nucléaire, qui exige justement l’arrêt de nos centrales nucléaires après 45 ans d’exploitation et le remplacement de leur production par du courant propre. Si le Conseil des Etats n’améliore pas le projet de loi, nous mènerons cette initiative devant le peuple. Celui-ci pourra alors décider de prendre ou de ne pas prendre, en toute conscience, la responsabilité de remettre la sortie du nucléaire à la prochaine génération. En cas d'acceptation de notre initiative, la Stratégie énergétique devrait être complétée par une limitation de la durée de vie des centrales nucléaires et les objectifs de développement des renouvelables et de l'efficacité énergétique seraient revus à la hausse. Sans les Verts, cette possibilité n’existerait pas. Le peuple n’aurait le choix qu’entre deux options, probablement via un référendum lancé par la droite dure contre la Stratégie énergétique: l’inaction totale, à savoir le maintien de notre pays dans un Moyen-Age nucléaire et fossile, ou la remise à après-demain de la fermeture de nos vieilles centrales, certes assortie de quelques soutiens aux renouvelables, mais dont il faut savoir qu’ils sont calculés sur la base d’objectifs si peu ambitieux, qu’ils correspondent à un ralentissement du rythme actuel de leur développement.
Peter Bodenmann cite également dans sa chronique l’électromobilité et les véhicules automatisés. Les Verts en soutiennent les évolutions, comme en témoignent plusieurs de leurs interventions, et continueront à le faire à l’avenir. Nos propres scénarios énergétiques, disponibles sur notre site, tiennent d’ailleurs expressément compte de l’électrification et de la meilleure maîtrise de la mobilité, toutes deux souhaitables pour la préservation du climat.
Peter Bodenmann se trompe dès lors complètement de cible lorsqu’il accuse les Verts de s’être fait berner par Doris Leuthard. Il ferait mieux de concentrer son acrimonie sur son propre parti, qui s’est montré bien moins critique envers la Stratégie énergétique et l’a même, à l’occasion, présentée comme sa propre victoire. Ou alors, beaucoup mieux, il pourrait s’attaquer aux partis qui luttent activement – contre les Verts, contre les Vert' libéraux et contre le PS – pour le maintien du nucléaire et des énergies fossiles et qui ont, si l’on en croit les résultats des dernières élections cantonales, le vent en poupe. C’est en unissant toutes les forces progressistes de ce pays que nous pourrons renverser cette tendance et nous engager avec succès pour une Suisse durable et innovante, pas en nous accablant les uns les autres de reproches absurdes et infondés.