Il faut oser étudier l’opportunité de soutiens à la presse

Médias romands: une situation inquiétante

La situation des médias en Suisse, et particulièrement en Suisse romande, est très inquiétante. La disparition de L’Hebdo a été accompagnée de coupes sévères dans les effectifs des autres grands titres romands. C’est ainsi la diversité de la presse qui est menacée, mais aussi sa qualité. Alors que le service public est violemment attaqué par l’initiative No Billag, il est temps de réagir et de s’engager avec fermeté pour la diversité, l’indépendance et la qualité de nos médias.

La numérisation aux origines de la crise

La crise de ce secteur est étroitement liée à la numérisation. Celle-ci a d’abord fait perdre aux médias écrits leur attrait en tant que supports publicitaires. L’internet offre désormais la possibilité de faire de la publicité à bas prix, avec un très large public. Pour un tout petit marché comme la Suisse romande, cette concurrence est mortelle. La publicité a permis aux médias de vivre dans une sécurité relative pendant des années. Les grands éditeurs se sont habitués à certains rendements et, face à leur chute, n’hésitent plus à sacrifier des titres. Le risque est grand qu’ils abandonnent progressivement ce secteur dans les années à venir, pour s’orienter vers des activités plus lucratives. Par ailleurs, la presse écrite, mais aussi l’audiovisuel, ne peuvent plus survivre sans être présents sur le net et les réseaux sociaux : c’est là que le public se trouve. Cette transition exige des investissements. Il faut enfin citer les difficultés générées par le développement de contenus gratuits, dans les journaux gratuits mais aussi sur les réseaux sociaux.

Les médias comme infrastructure du débat démocratique

Bien sûr, la numérisation offre aussi des opportunités. Sans elle, des projets innovants comme Republik ou Bon pour la tête, lancés grâce au crowdfunding, n’auraient pas pu voir le jour. Cependant, la presse vit une phase de transition délicate qui pourrait créer des dégâts majeurs: atteintes à sa diversité et à sa qualité, mais aussi perte d’indépendance, avec le rachat de titres par de grands groupes d’intérêts. Nous ne pouvons pas nous le permettre. Dans un pays comme le nôtre, où les citoyens sont appelés à voter tous les trois mois sur des enjeux majeurs, les médias jouent un rôle central. Ils constituent une infrastructure sans laquelle le débat démocratique ne peut fonctionner. Les données échangées sur les réseaux sociaux ne peuvent en rien remplacer leur rôle. Chacun y évolue dans sa bulle. De plus, les émetteurs ne sont soumis à aucune règle déontologique, contrairement aux journalistes, formés au traitement correct des contenus et à respecter certaines règles éthiques.

Des pistes pour agir

Une mobilisation est dès lors indispensable pour soutenir non pas tel ou tel média mais, en soi, la diversité, l’indépendance et la qualité de notre infrastructure médiatique. La première chose à faire est de lutter sans concession contre l’initiative No Billag, dont l’acceptation équivaudrait à la condamnation de la SSR et du service public. Il faut ensuite renforcer les soutiens indirects à la presse. Plusieurs propositions ont été déposées, dont certaines ont déjà été acceptées : réduction de la TVA pour les contenus électroniques (ils ne disposaient jusqu’ici pas du taux plus bas offert aux contenus papier), renforcement de l’ATS, soutiens supplémentaires à l’impression et à l’envoi des journaux papier, tant que ce format existe. Par ailleurs, il faut oser étudier l’opportunité de soutiens directs, au moins durant cette phase de transition. Ceux-ci existent déjà dans plusieurs pays européens. En France, un journal comme Le Monde bénéficie de soutiens annuels de près de 14 millions de francs, et personne ne douterait de son indépendance éditoriale. Le fait de dépendre de publicitaires ou de grands groupes d’intérêts constitue un risque bien plus réel.

Une interface pour réunir les soutiens

Il ne serait cependant pas sain que des soutiens publics aillent directement aux rédactions : une structure intermédiaire doit être créée. Le projet romand FIJOU (pour « financement du journalisme ») pourrait jouer ce rôle, tout en restant ouvert à d’autres sources de financement (crowdfunding ou fondations, par exemple). Ce projet, constitué sur le modèle des soutiens à la culture, prouve que le secteur est prêt à innover et à se mobiliser pour développer un nouveau modèle économique. Les médias doivent aussi se préparer à s’émanciper des éditeurs, dans l’hypothèse où ceux-ci se retireraient du secteur. Pour minimiser leurs coûts, ils pourraient se doter d’infrastructures et de moyens communs, notamment en matière d’ingénierie informatique ou de système de micro-paiement, mais aussi via la création de bourses d’échange d’articles, par exemple.

Des prestations de service public à défendre 

Enfin, une fois le danger de No Billag écarté, peut-être faudra-t-il se poser la question de l’évolution du service public. A l’origine, seule la SSR avait vocation à être soutenue dans ce cadre, car la réalisation de contenus audiovisuels exigeait des investissements considérables. Aujourd’hui cependant, les frontières entre les différents formats s’effacent : dans un monde numérique, tout devient multimédia. Par ailleurs, on ne peut plus nier le fait que la presse joue aussi un rôle de service public : la SSR ne peut assurer seule la fonction d’infrastructure médiatique de notre démocratie. Les prestations de service public assumées par les médias écrits, en complément du rôle, toujours aussi indispensable, de la SSR, méritent certainement d’être aussi soutenues par les collectivités, en tant que garantes du bon fonctionnement de notre démocratie. Car nous avons besoin autant d’une SSR forte, que de médias libres, diversifiés et indépendants.

Stratégie énergétique 2050 : sur quoi vote-t-on exactement le 21 mai ?

La campagne autour de la Stratégie énergétique, caractérisée par de nombreux « faits alternatifs », nécessite un retour aux contenus précis du projet. Pour que la démocratie fonctionne, chacun doit savoir sur quoi il vote exactement, avant même que le débat d’idées ou de valeurs commence.

Sur quoi vote-t-on donc le 21 mai ? La Stratégie énergétique a ses racines dans la catastrophe nucléaire de Fukushima, en 2011. Deux projets de nouvelles centrales nucléaires étaient alors à l’agenda en Suisse, pour remplacer nos plus vieux réacteurs. Après Fukushima, le Conseil fédéral annonça qu’il ne donnerait plus d’autorisation pour de nouvelles centrales. Les Verts ayant lancé leur initiative pour une sortie programmée du nucléaire, la Stratégie énergétique fut conçue comme son contre-projet. Elle vise à inscrire dans la loi le refus d’autoriser de nouvelles centrales nucléaires, mais répond aussi à un triple défi. Il s’agit d’assurer notre approvisionnement électrique en remplaçant progressivement la production de nos vieilles centrales qui, même en l’absence de délais, vont fermer les unes après les autres, pour des raisons économiques et de sécurité. La Stratégie énergétique constitue en outre un premier pas dans l’application de l’Accord de Paris sur le climat, puisqu’elle comprend des mesures de réduction de nos émissions de CO2. Enfin, elle vise à renforcer notre autonomie énergétique. Aujourd’hui, 75 % de l’énergie que nous consommons – essence, mazout, gaz, uranium – sont importés, pour environ 10 milliards de francs par an. En renforçant les énergies renouvelables produites localement, nous serons plus indépendants et investirons notre argent chez nous.

 

La Stratégie énergétique a été conçue en deux étapes. Seul le premier volet, qui nous mènera jusqu’en 2035 environ, est soumis au vote le 21 mai. Il prévoit principalement la poursuite et le renforcement de mesures éprouvées, dont la plupart sont déjà en vigueur. La décision du Conseil fédéral de ne plus autoriser de nouvelle centrale nucléaire sera concrétisée légalement. Les soutiens aux énergies renouvelables seront renforcés, afin d’assurer notre approvisionnement. Cette mesure coûtera environ 40 francs par an et par famille. Elle permettra de réaliser des projets qui sont depuis longtemps en attente : 38’000 projets d’installations d’énergies renouvelables, principalement du solaire, dorment dans les tiroirs de l’administration. Ils pourront compenser la production de nos plus vieux réacteurs. Avec 1’000 nouveaux projets déposés chaque mois, nous pouvons être optimistes quant au potentiel de production nécessaire au remplacement, le moment venu, des réacteurs plus récents. Des soutiens seront également destinés à nos barrages, aujourd’hui menacés, afin d’éviter qu’ils ne soient vendus à des acteurs étrangers et pour qu’ils puissent optimiser leur production. La loi octroie par ailleurs un intérêt national aux grandes installations d’énergie renouvelable. Cela ne signifie pas que l’on pourra construire des éoliennes partout. Le droit de recours des organisations environnementales – qui soutiennent le projet – reste valable, et la loi prévoit une protection totale des biotopes d’intérêt national. Enfin, l’efficacité énergétique sera promue dans les domaines des appareils électriques et de production, des voitures et du bâtiment. Nous pourrons donc bénéficier d’appareils, de véhicules et de logements plus économes, avec à la clé des gains financiers : les automobilistes pourront économiser environ 400 francs par an, par exemple, grâce à des voitures moins gourmandes en essence. La Stratégie énergétique est favorable à l’environnement et au climat, car elle réduit nos émissions de CO2 et permet une sortie progressive du nucléaire. Elle favorise en outre notre économie, via la création de nombreux emplois, notamment dans le bâtiment, et les gains des entreprises, qui réduiront leurs dépenses énergétiques en étant plus efficientes.

 

On le voit, il n’y a dans le premier volet de la Stratégie énergétique, soumis au vote le 21 mai, aucune nouvelle taxe, aucune interdiction ni aucune mesure menant à des privations pour les entreprises ou les particuliers. Les chiffres agités par les opposants à la Stratégie énergétique sont faux. Ils tiennent compte, qui plus est de manière erronée, de mesures qui ont certes été évoquées, mais qui auraient du appartenir au deuxième volet de la Stratégie énergétique. Ce deuxième volet n’est d’ailleurs plus d’actualité. Il a été balayé par le Conseil national, tous les partis, y compris les Verts, y étant opposés. La loi soumise au peuple le 21 mai est au contraire un projet issu de cinq années de débats parlementaires, un compromis réaliste, qui réunit l’adhésion de tous les partis hormis l’UDC. L’UDC qui, en attaquant la Stratégie énergétique, lutte de facto contre la sécurité et l’indépendance énergétiques de notre pays, contre la pérennité de nos barrages et contre la compétitivité de notre économie. Ne vous laissez donc pas berner le 21 mai : c’est un oui qu’il faut glisser dans les urnes.