La politique se saisit enfin sérieusement de l’économie circulaire

Le parlement travaille en ce moment sur un premier train de mesures en faveur de l’économie circulaire. Le sujet a été mis à l’agenda politique en 2010, lors du lancement de l’initiative pour une économie verte. Ce texte visait à inscrire les principes de l’économie circulaire dans notre Constitution, en chargeant la Confédération, les cantons et les communes d’encourager la fermeture des cycles de vie des matériaux. Le Conseil fédéral avait pris la question au sérieux et proposé un contre-projet. Après des années de travail parlementaire, celui-ci fut toutefois enterré à quelques voix près par le parlement élu en 2015. L’initiative a quant à elle été refusée par le peuple en 2016.

Quelques années plus tard, un petit groupe de parlementaires, issus de différents partis, a décidé de relancer les contenus les moins contestés du contre-projet. Leurs propositions, acceptées par le nouveau parlement issu de la vague verte de 2019, sont actuellement en train d’être intégrées dans la Loi sur la protection de l’environnement. Les mesures prévues impliquent d’abord une réinterprétation de la notion d’élimination des déchets. Celle-ci devrait désormais inclure les activités liées à la réutilisation des matériaux et des produits, dont leur contrôle, leur nettoyage, leur réparation ou leur transformation. L’élargissement de cette notion d’élimination est important, car il permettra à de telles activités de bénéficier potentiellement de soutiens financiers. La révision de la loi va aussi imposer de prioriser la revalorisation de matériaux comme le zinc, le cuivre, le plomb, les matériaux d’excavation et déblais, le phosphore et les déchets compostables. Les acteurs privés devraient par ailleurs pouvoir mettre plus facilement en place des initiatives propres de collecte des déchets, par exemple dans le domaine des plastiques.

La révision de la loi prévoit en outre la possibilité, pour la Confédération, d’imposer des exigences pour la mise sur le marché de certains produits. Ces exigences peuvent concerner leur durée de vie, leur aptitude à être réparés et maintenus en bon état, d’être revalorisés ou réutilisés, ou encore des caractéristiques de durabilité pour les matériaux dont ils sont constitués. La Confédération pourrait même, en dernière instance, interdire certains produits à usage unique ou de courte durée.

La loi révisée désigne des domaines prioritaires, dont la construction, et exige des collectivités publiques qu’elles donnent l’exemple. Enfin, des plateformes d’échange de bonnes pratiques et de conseil peuvent être soutenues, et des partenariats publics-privés sont envisagés. Les partenariats de type « Innovation Green Deals », déjà expérimentés dans d’autres pays en Europe, peuvent par exemple permettre de tester la conformité de nouveaux produits, technologies ou modèles d’affaire aux réglementations en vigueur, et d’évaluer si d’éventuelles adaptations de ces dernières seraient pertinentes pour favoriser l’innovation.

Ces adaptations de la Loi sur la protection de l’environnement sont actuellement traitées au Conseil national et devront encore, courant 2023, être acceptées par le Conseil des États. Leur impact pourrait être important, pour autant que le Conseil fédéral, lors de la mise en œuvre, utilise de manière conséquente la marge de manœuvre qui lui est offerte. En effet, les mesures sont souvent formulées de manière potestatives. Pour s’assurer de leur impact, il sera important de miser en priorité sur des mesures prises le plus en amont possible. Ce sont celles qui cherchent à réduire à la source l’utilisation des matériaux, en favorisant l’écoconception (refuse, reduce et rethink). En effet, il faut constater que l’économie circulaire est encore conçue, par de nombreux acteurs, comme une simple optimisation du recyclage, alors qu’elle va beaucoup plus loin. L’application de ce premier paquet de mesures sera l’occasion de la faire mieux comprendre et, espérons-le, d’en réaliser un maximum de potentiel.

Note: ce texte a été publié dans Le Temps le 3 novembre 2022.

Adèle Thorens Goumaz

Adèle Thorens Goumaz est conseillère aux Etats verte vaudoise. Elle a coprésidé les Verts suisses entre 2012 et 2016 et siégé au Conseil national entre 2007 et 2019. Philosophe et politologue de formation, elle a obtenu un certificat postgrade en politiques de l’environnement et de la durabilité à l’IDHEAP. Elle a ensuite fait de la recherche et de l’enseignement en éthique et en gestion durable des ressources, puis travaillé comme responsable de la formation au WWF Suisse. Elle siège actuellement à la commission de l’économie, à la commission des finances et à la commission de l’environnement du Conseil des États. Ses dossiers de prédilection sont l'économie circulaire, la finance durable, la transition énergétique, la préservation du climat, l’agriculture et la biodiversité. Plus d’informations sur www.adelethorens.ch

2 réponses à “La politique se saisit enfin sérieusement de l’économie circulaire

  1. de pures gesticulations politiques !
    Il faut identifier les ressources vitales pour l’avenir et que l’on jette avec nos déchets qui finissent dans des poubelles géantes à l’air libre en Afrique et ailleurs …
    Ainsi le lithium des batteries ou les composés de terres rares des panneaux solaires que nous achetons à la Chine constituerons les bases des nouveaux produits dans 20 ou 30 ans , alors il est vital de les conserver et de les recycler des produits en fin de vie …
    Il faut aussi penser à concevoir les produits et emballages de manière à réduire le plus possible le nombre de ressources de base , de limiter les composants pour faciliter le tri et le recyclage …
    Je pense aussi à ces montagnes d’habits usagés en coton que l’on jette en préférant les vastes récoltes de coton consommant des quantités colossales d’eau et de terres agricoles au détriment de la biodiversité .
    Il ne faut pas perdre de vue que cette consommation est directement liée à la population mondiale qui vient de franchir la barre des 8 milliards d’habitants qu’il faut habiller en plus de nourrir … et qui constitue le problème No 1 !!!
    Le prix d’achat devra comprendre celui du recyclage et cela freinera la consommation compulsive et réduira toute la chaine depuis l’extraction des ressources jusqu’au recyclage …
    Les règles d’aujourd’hui ne sont que pures lettres d’intention sans consistance , elles doivent être suivies de procédures strictes à faire respecter à toutes les étapes de la vie des produits …

  2. Super! Nous vivons sur une petite Planète, le gaspillage doit cesser, nous devons utiliser les ressources de façon durable.

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