Après l’enterrement du contre-projet à notre initiative pour une économie verte par le Conseil national, puis le refus de l’initiative par le peuple, il était devenu difficile d’avancer sur ce sujet au parlement. A chaque proposition, le Conseil fédéral refusait d’entrer en matière, évoquant ces décisions pour justifier son inaction. Mais les années passent, et notre empreinte écologique – n’en déplaise à un certain Conseiller fédéral tessinois – reste inacceptable. La solution pour la réduire passe, encore et toujours, par la transition d’une économie linéaire à une économie circulaire. Confrontés à ces évidences, mais aussi à l’impact négatif de notre retard en matière de régulations environnementales sur certains secteurs de l’économie, le Conseil fédéral et le parlement commencent, heureusement, enfin à bouger. Mais toujours à la suite de l’Europe.
Une stratégie pour réduire les déchets plastiques
Le Conseil fédéral a d’abord accepté mon postulat pour une stratégie de réduction des déchets plastiques, calqué sur la récente stratégie européenne sur les matières plastiques. Pour rappel, un article sur la réduction des emballages figurait déjà dans le contre-projet à notre initiative pour une économie verte. Le Conseil fédéral précise certes dans sa réponse que « ce rapport devra rester fidèle au principe éprouvé de responsabilité personnelle et être élaboré en collaboration avec les acteurs économiques », ce qui n’augure pas de mesures spectaculaires. Mais il reconnaît qu’il y a nécessité d’agir et que la Suisse ne peut pas rester inactive, alors que l’Europe avance. Cette dernière prévoit de créer d’ici à 2030 200’000 postes de travail dans le domaine de l’économie circulaire appliquée au plastique. La Suisse serait bien bête de ne pas profiter elle aussi du potentiel de cette transition en termes d’efficience, d’innovation et d’emploi.
Malheureusement, cette décision positive du Conseil fédéral a été attaqué par le PLR et l’UDC. Le postulat devra donc être soumis au vote du Conseil national à la session de septembre.
Le bois issu de coupes illégales exclu du marché
Autre point central du contre-projet à notre initiative pour une économie verte : la lutte contre la déforestation à l’échelle mondiale. Le contre-projet prévoyait la reprise de la Timber Regulation européenne, une disposition interdisant l’importation de bois issu de coupes illégales. Pendant la session d’été 2018, une même proposition de reprendre cette régulation, soutenue par le Conseil fédéral, a été acceptée.
Point intéressant, cette proposition était issue de l’UDC et des milieux du bois et évoquait des arguments économiques. La Suisse, n’étant pas couverte par la Timber Regulation, est en effet aujourd’hui considérée comme un état tiers. Les exportations de bois en provenance de notre pays sont donc soumises à des procédures administratives qui les discriminent sur le marché européen. C’est pourtant clair: qui prend du retard en matière de standards environnementaux est défavorisé sur le marché. Quand ceux qui le réalisent aujourd’hui seulement pour le bois seront-ils capables d’anticipation ? Car ce qui s’est passé avec le bois se répétera dans d’autres domaines. L’initiative pour une économie verte visait précisément à répondre à ce type d’enjeu: les pays comme les entreprises qui avancent dans la transition vers une économie respectueuse des ressources sont les gagnants de l’économie de demain. Et plus le temps passe, plus ceux qui en sont restés aux anciens modèles sont désavantagés sur le marché.
Des critères écologiques pour les marchés publics
Enfin, dans le domaine du droit des marchés publics, qui était explicitement visé par le texte de l’initiative pour une économie verte, des adaptations positives ont été adoptées à la session d’été 2018. Des standards écologiques ou sociaux pourront désormais être considérés dans le cadre des appels d’offres en tant que spécifications techniques ou comme critères lors du processus d’adjudication. Dans ce contexte, le prix le plus bas ne doit plus forcément primer. Il peut être pondéré en fonction de critères favorisant les produits, les services et les entreprises responsables. Là aussi, les acteurs économiques qui ont su innover dans le sens d’une économie verte sont gagnants.
Où est l’esprit pionnier de la Suisse ?
Si l’on ne peut que se féliciter de ces évolutions positives, qui reprennent à chaque fois des propositions de l’initiative ou du contre-projet pour une économie verte, il reste un regret. Dans les différents exemples cités – déchets plastique, bois importé ou marchés publics – les progrès sont issus d’impulsions venues de l’extérieur, puisque la Suisse a repris, à chaque fois, des modifications validées au niveau de l’OMC, dans le cas des marchés publics, ou de l’Union européenne, dans les trois cas. La Suisse, en matière de régulation environnementale, a perdu tout esprit pionnier. Cet esprit pionnier dont elle témoigna pourtant jadis, par exemple lorsqu’elle fut le premier pays d’Europe à imposer les catalyseurs pour les voitures. Les petits pas qu’elle réalise aujourd’hui dans le bon sens passent, désormais, par la reprise de progrès réalisés ailleurs. Ce décalage ne va certainement pas favoriser notre économie. Les régulations environnementales sont en effet un aiguillon pour l’innovation. Et, encore une fois, ceux qui développent aujourd’hui des solutions pour une gestion durable des ressources, sont les gagnants de l’économie de demain.