Soutenir la Stratégie énergétique 2050 face aux fantasmes étatistes et passéistes de Blocher

Christoph Blocher veut donc subventionner les centrales nucléaires, qui fonctionnent actuellement à perte à cause de la surproduction de courant en Europe. Une telle proposition va à rebours du bon sens et amène le tribun UDC à se contredire lui-même.

 

Comment Christoph Blocher peut-il proposer de telles subventions, alors qu’il dénonce en même temps la politique de soutiens aux énergies renouvelables en Allemagne, mais aussi en Suisse, via le référendum contre la Stratégie énergétique 2050 ? La question de savoir si des subventions se justifient dans le domaine de l’énergie et plus particulièrement de l’électricité est pertinente. Mais alors, il faut la poser sérieusement.

 

Pourquoi soutient-on aujourd’hui les énergies renouvelables ? Parce qu’il s’agit d’un investissement indispensable pour garantir notre approvisionnement. Les énergies renouvelables sont des technologies récentes, dont le prix est encore relativement élevé, même s’il baisse régulièrement. Ceci les rend, du moins momentanément, moins concurrentielles. Or nous avons besoin de les développer rapidement. En effet, à part quelques rares illuminés, plus personne ne souhaite construire de nouvelles centrales nucléaires en Suisse. Et notre parc nucléaire, parmi les plus vieux du monde, est en bout de course. Actuellement, tous nos réacteurs, sans exception, sont touchés par des problèmes techniques. Mühleberg fermera en 2019 à cause de fissures irréparables. Leibstadt est à l’arrêt depuis plusieurs mois du fait d’une anomalie de ses combustibles. Beznau I est à l’arrêt depuis bientôt deux ans, après la découverte de plus de 900 « défauts » dans la paroi en acier de sa cuve. Enfin, on a appris tout récemment que les centrales de Beznau et de Gösgen doivent subir des contrôles car des malfaçons pourraient avoir affecté certains de leurs composants. On voit combien le nucléaire, qui centralise la production d’électricité sur un petit nombre de sites, fragilise notre sécurité d’approvisionnement et notre autonomie énergétique. Si nous voulons garantir ces dernières, nous devons aujourd’hui investir dans des énergies alternatives sûres et décentralisées. C’est la raison pour laquelle nous soutenons les énergies renouvelables : elles doivent pouvoir remplacer rapidement une production nucléaire de plus en plus défaillante.

 

De tels soutiens ne sont d’ailleurs nécessaires que pour pallier à un important dysfonctionnement du marché. En effet, si les énergies renouvelables tardent à s’imposer, c’est principalement à cause des subventionnements directs et indirects apportés en Suisse et ailleurs aux énergies fossiles et à l’industrie de l’atome. Nos centrales nucléaires ne sont pas correctement assurées : ce sont les contribuables qui se portent garants et qui passeraient à la caisse en cas d’accident. Ils le feront aussi, ainsi que leurs descendants sur de nombreuses générations, pour le démantèlement des centrales et la gestion de leurs déchets, pendant des milliers d’années. Les prix actuels de l’électricité nucléaire, tout comme ceux du pétrole, du charbon et du gaz, ne reflètent pas leurs coûts réels pour notre société. Si c’était le cas, il ne serait pas nécessaire de subventionner les énergies renouvelables, qui reviendraient beaucoup moins cher. Le nucléaire ne se serait d’ailleurs jamais développé. Il est, de fait, indissociable des soutiens de l’Etat.

 

Ce que demande Christoph Blocher, c’est dès lors que nous nous enfoncions encore un peu plus dans cette politique étatiste et centralisée de subventionnement, qui plus est d’une filière qui n’a jamais été effectivement rentable, et qui est aujourd’hui moribonde et sans avenir. Ceci au détriment d’un système énergétique décentralisé, qui nécessite des investissements momentanés, certes, mais qui sera rapidement rentable, et dont les véritables acteurs sont la population – le peuple, dirait M. Blocher. En effet, chacun peut aujourd’hui devenir producteur d’électricité, renforçant ainsi notre autonomie et notre sécurité. La position de Christoph Blocher est donc non seulement passéiste et absurde d’un point de vue économique, mais elle est en outre étatiste et centralisatrice. Elle empêche le peuple suisse de devenir, en toute indépendance, l’acteur de son propre approvisionnement. Beau paradoxe.

 

Plutôt que de dépenser de l’argent à fonds perdu dans une technologie en fin de vie, mieux vaudrait y mettre rapidement un terme. Christoph Blocher n’aime pas les subventions aux énergies renouvelables ? Alors fermons nos vieilles centrales nucléaires, en commençant par les deux réacteurs de Beznau. En luttant contre la surproduction d’électricité et la chute des prix qui lui est liée, une telle mesure revalorisera nos centrales hydroélectriques, actuellement en difficultés, et les énergies renouvelables, en contribuant à les rendre plus rapidement rentables. La Stratégie énergétique 2050 s’inscrit dans cette perspective d’investissements ponctuels et ciblés, qui relève du pur bon sens. Il faudra la soutenir avec la plus grande fermeté si le référendum de l’UDC aboutit.

Pour une agriculture multifonctionnelle et durable, sans OGM

Le Conseil national vient de refuser d’autoriser la culture d’OGM en Suisse dans le cadre d’un concept de “coexistence” que proposait le Conseil fédéral. Il a en outre prolongé le moratoire sur la production d’OGM de quatre années supplémentaires. Ces deux décisions sont à saluer car elles renforcent une agriculture et une production alimentaire durables dans notre pays.

 

En 1996, les Suisses ont fait un choix de société en inscrivant dans la Constitution les principes d’une agriculture multifonctionnelle, répondant à la fois aux exigences du développement durable et à celles du marché. Quelques années plus tard, en 2005, ils votaient pour un moratoire sur les OGM, prolongé plusieurs fois depuis. C’est dans ce cadre qu’un large consensus s’est constitué autour de la notion de « Stratégie qualité ». Celle-ci se base sur des valeurs comme le naturel, la sécurité et la santé, l’authenticité ou la durabilité. Elle implique notamment que « l’agriculture renonce volontairement, afin de saisir des opportunités du marché, à utiliser des organismes génétiquement modifiés ».

 

Ce positionnement axé sur la qualité et sur le renoncement aux OGM a fait ses preuves et contribue à rendre l’agriculture suisse plus concurrentielle, performante et attractive, pour le plus grand bénéfice de nos agriculteurs. Il correspond en outre aux attentes des consommateurs. Selon un récent sondage de la Coop, 85 % des consommateurs suisses rejettent les produits contenant des OGM.

 

Or le système de coexistence proposé par le Conseil fédéral porterait atteinte à cette volonté des consommateurs. La Suisse est un petit territoire et une séparation sûre et surtout économiquement viable des filières avec et sans OGM est parfaitement illusoire. La coexistence aboutirait de fait à un renchérissement des produits alimentaires, sur le dos des producteurs “sans OGM”, et sur une impossibilité de garantir des produits sans OGM, au détriment de la liberté de choix des consommateurs.

 

La culture d’OGM implique, de fait, une agriculture intensive et polluante, qui est à l’opposé de ce que recherchent les consommateurs suisses, mais aussi des exigences de l’article 104 de notre Constitution tout comme de la stratégie qualité. Les plantes OGM actuellement sur le marché, principalement du soja, du maïs et du colza, sont utilisées comme fourrages pour le bétail dans le cadre de la production industrielle de viande, dont l’impact sur le climat est désastreux, sans parler du bien-être des animaux. Leur contribution à la diminution de la faim dans le monde, une promesse récurrente des promoteurs des OGM, est inexistante, puisqu’elles sont principalement utilisées pour la production de masse de produits carnés à l’intention des pays développés.

 

Les plantes génétiquement modifiées sont en outre en général conçues pour résister, dans le cadre de monocultures intensives, à des pesticides. Les OGM contribuent ainsi à une augmentation de leur usage. Or la Confédération vient de décider, dans le cadre du Plan d’action sur les pesticides, de réduire l’usage de ces produits pour des raisons écologiques et sanitaires. La culture d’OGM en Suisse serait absurde au vu de cet objectif.

 

Les promoteurs des OGM aiment décrire ceux qui s’y opposent comme des obscurantistes, mus par des craintes irrationnelles. C’est tout à fait faux. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans le débat sur les risques liés – ou pas – à la consommation de produits OGM, pour en refuser la production dans notre pays. Les conséquences néfastes sur la santé et sur l’environnement d’une agriculture intensive et riche en pesticides sont scientifiquement prouvées, or ce type d’agriculture est aujourd’hui indissociable des OGM.

 

Avec le moratoire prolongé par le parlement, la recherche reste en tout temps possible dans ce domaine. Si des produits OGM de qualité, sûrs et écologiques, s’inscrivant dans une agriculture durable et respectueuse de l’autonomie des paysans, et répondant aux attentes des consommateurs, arrivaient soudainement sur le marché, le débat pourrait reprendre dans notre pays.

 

Le refus des OGM ne repose ainsi pas sur le rejet obtus d’une technologie. Il se fonde sur une réflexion principalement économique, réalisée par la branche agro-alimentaire elle-même, à propos du positionnement qu’elle souhaite adopter sur le marché, et sur la manière dont elle entend répondre à la volonté des Suisses de bénéficier d’une agriculture et de produits alimentaires durables. Une volonté exprimée depuis des années, à maintes reprises, à la fois dans leurs choix de consommateur et dans leurs votes en tant que citoyens, au point que notre Constitution en a été modifiée à deux reprises. Ceci est absolument légitime et n’a rien à voir avec un rejet de la science.