Stratégie énergétique 2050 : sur quoi vote-t-on exactement le 21 mai ?

La campagne autour de la Stratégie énergétique, caractérisée par de nombreux « faits alternatifs », nécessite un retour aux contenus précis du projet. Pour que la démocratie fonctionne, chacun doit savoir sur quoi il vote exactement, avant même que le débat d’idées ou de valeurs commence.

Sur quoi vote-t-on donc le 21 mai ? La Stratégie énergétique a ses racines dans la catastrophe nucléaire de Fukushima, en 2011. Deux projets de nouvelles centrales nucléaires étaient alors à l’agenda en Suisse, pour remplacer nos plus vieux réacteurs. Après Fukushima, le Conseil fédéral annonça qu’il ne donnerait plus d’autorisation pour de nouvelles centrales. Les Verts ayant lancé leur initiative pour une sortie programmée du nucléaire, la Stratégie énergétique fut conçue comme son contre-projet. Elle vise à inscrire dans la loi le refus d’autoriser de nouvelles centrales nucléaires, mais répond aussi à un triple défi. Il s’agit d’assurer notre approvisionnement électrique en remplaçant progressivement la production de nos vieilles centrales qui, même en l’absence de délais, vont fermer les unes après les autres, pour des raisons économiques et de sécurité. La Stratégie énergétique constitue en outre un premier pas dans l’application de l’Accord de Paris sur le climat, puisqu’elle comprend des mesures de réduction de nos émissions de CO2. Enfin, elle vise à renforcer notre autonomie énergétique. Aujourd’hui, 75 % de l’énergie que nous consommons – essence, mazout, gaz, uranium – sont importés, pour environ 10 milliards de francs par an. En renforçant les énergies renouvelables produites localement, nous serons plus indépendants et investirons notre argent chez nous.

 

La Stratégie énergétique a été conçue en deux étapes. Seul le premier volet, qui nous mènera jusqu’en 2035 environ, est soumis au vote le 21 mai. Il prévoit principalement la poursuite et le renforcement de mesures éprouvées, dont la plupart sont déjà en vigueur. La décision du Conseil fédéral de ne plus autoriser de nouvelle centrale nucléaire sera concrétisée légalement. Les soutiens aux énergies renouvelables seront renforcés, afin d’assurer notre approvisionnement. Cette mesure coûtera environ 40 francs par an et par famille. Elle permettra de réaliser des projets qui sont depuis longtemps en attente : 38’000 projets d’installations d’énergies renouvelables, principalement du solaire, dorment dans les tiroirs de l’administration. Ils pourront compenser la production de nos plus vieux réacteurs. Avec 1’000 nouveaux projets déposés chaque mois, nous pouvons être optimistes quant au potentiel de production nécessaire au remplacement, le moment venu, des réacteurs plus récents. Des soutiens seront également destinés à nos barrages, aujourd’hui menacés, afin d’éviter qu’ils ne soient vendus à des acteurs étrangers et pour qu’ils puissent optimiser leur production. La loi octroie par ailleurs un intérêt national aux grandes installations d’énergie renouvelable. Cela ne signifie pas que l’on pourra construire des éoliennes partout. Le droit de recours des organisations environnementales – qui soutiennent le projet – reste valable, et la loi prévoit une protection totale des biotopes d’intérêt national. Enfin, l’efficacité énergétique sera promue dans les domaines des appareils électriques et de production, des voitures et du bâtiment. Nous pourrons donc bénéficier d’appareils, de véhicules et de logements plus économes, avec à la clé des gains financiers : les automobilistes pourront économiser environ 400 francs par an, par exemple, grâce à des voitures moins gourmandes en essence. La Stratégie énergétique est favorable à l’environnement et au climat, car elle réduit nos émissions de CO2 et permet une sortie progressive du nucléaire. Elle favorise en outre notre économie, via la création de nombreux emplois, notamment dans le bâtiment, et les gains des entreprises, qui réduiront leurs dépenses énergétiques en étant plus efficientes.

 

On le voit, il n’y a dans le premier volet de la Stratégie énergétique, soumis au vote le 21 mai, aucune nouvelle taxe, aucune interdiction ni aucune mesure menant à des privations pour les entreprises ou les particuliers. Les chiffres agités par les opposants à la Stratégie énergétique sont faux. Ils tiennent compte, qui plus est de manière erronée, de mesures qui ont certes été évoquées, mais qui auraient du appartenir au deuxième volet de la Stratégie énergétique. Ce deuxième volet n’est d’ailleurs plus d’actualité. Il a été balayé par le Conseil national, tous les partis, y compris les Verts, y étant opposés. La loi soumise au peuple le 21 mai est au contraire un projet issu de cinq années de débats parlementaires, un compromis réaliste, qui réunit l’adhésion de tous les partis hormis l’UDC. L’UDC qui, en attaquant la Stratégie énergétique, lutte de facto contre la sécurité et l’indépendance énergétiques de notre pays, contre la pérennité de nos barrages et contre la compétitivité de notre économie. Ne vous laissez donc pas berner le 21 mai : c’est un oui qu’il faut glisser dans les urnes.

Adèle Thorens Goumaz

Adèle Thorens Goumaz est conseillère aux Etats verte vaudoise. Elle a coprésidé les Verts suisses entre 2012 et 2016 et siégé au Conseil national entre 2007 et 2019. Philosophe et politologue de formation, elle a obtenu un certificat postgrade en politiques de l’environnement et de la durabilité à l’IDHEAP. Elle a ensuite fait de la recherche et de l’enseignement en éthique et en gestion durable des ressources, puis travaillé comme responsable de la formation au WWF Suisse. Elle siège actuellement à la commission de l’économie, à la commission des finances et à la commission de l’environnement du Conseil des États. Ses dossiers de prédilection sont l'économie circulaire, la finance durable, la transition énergétique, la préservation du climat, l’agriculture et la biodiversité. Plus d’informations sur www.adelethorens.ch