Ecologie et ouverture sur le monde : c’est notre avenir qui est en jeu

Les revers des deux partis écologistes aux dernières élections cantonales et le succès d’une droite conservatrice alliée à l’UDC isolationniste, doivent constituer un signal de mobilisation pour tous ceux qui veulent vivre dans une société plus durable: non, tout n’est pas résolu en matière environnementale et non, l’écologie et l’ouverture sur le monde ne constituent ni un obstacle, ni un facteur d’incertitude pour notre économie. Elles sont au contraire une chance pour notre pays.

 

Les dossiers écologiques sont en panne au parlement. Quatre ans après Fukushima, la sortie du nucléaire est remise aux calendes grecques : la Stratégie énergétique 2050 permet de prolonger l’exploitation de nos vieilles centrales nucléaires jusqu’à plus de 60 ans, alors qu’elles sont fermées dans le monde après moins d’une trentaine d’années et que les exploitants eux-mêmes prévoyaient, avant Fukushima, de fermer nos centrales après 40 à 50 ans. Si elle préserve la filière du nucléaire, la Stratégie énergétique comprend néanmoins de bonnes mesures, dont l’augmentation des soutiens aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétiques. Malheureusement, elle est désormais menacée au Conseil des Etats par le PLR et l’UDC.

 

Son deuxième volet, qui porte sur la fiscalité écologique, est en outre mal parti. Le Conseil fédéral a présenté un projet d’article constitutionnel évasif, annonçant qu’il ne comptait pas taxer l’essence, alors que nous échouons justement à réduire nos émissions de CO2 dans le domaine de la mobilité. Par contre, la suppression prochaine des mesures de soutien aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique sera inscrite noir sur blanc dans la Constitution. Le contre-projet du Conseil fédéral à notre initiative pour une économie verte est enfin l’objet de violentes attaques de la part du PLR et de l’UDC, malgré le fait qu’il soit soutenu par les secteurs économiques concernés.

 

Alors que la droite conservatrice vient de gagner les élections cantonales à Bâle-campagne, à Lucerne et à Zurich, au détriment des forces progressistes qui ont fait avancer la Stratégie énergétique et l’économie verte pendant la présente législature, il est temps de tirer la sonnette d’alarme et de se demander quelle Suisse nous voulons pour demain. Voulons-nous vivre dans un pays qui se complaît dans un Moyen-Âge fossile et nucléaire, méprise les enjeux climatiques et pérennise le gaspillage des ressources ? Voulons-nous abandonner les pionniers des énergies renouvelables et de l’économie verte, qui constituent pourtant un moteur d’innovation pour notre économie ? Voulons-nous renoncer aux emplois et à la plus-value durables qu’ils créent dans notre pays? Voulons-nous faire le jeu de ceux qui veulent isoler notre pays de la communauté internationale et de nos principaux partenaires économiques ?

 

Car, au-delà des enjeux environnementaux, c’est aussi l’avenir de notre économie qui est en jeux. Nous dépensons près de 10 milliards de francs par an à l’étranger, pour acheter de l’énergie fossile, qui contribue ensuite au réchauffement climatique. Moyennant un tournant énergétique crédible, nous pourrons investir ces montants dans notre pays, dans des technologies propres et créatrices d’emplois localement ancrés. Les soutiens à l’efficacité énergétique, mais aussi à la revalorisation des matériaux dans le cadre de l’économie verte, rendront notre économie plus efficiente et, dès lors, plus concurrentielle. Enfin, la promotion des nouvelles technologies dans le domaine de l’énergie et de la gestion durable des ressources renforcera notre secteur d’exportation, dont la capacité d’innovation est la meilleure arme face au franc fort.

 

C’est cette Suisse innovante, pionnière de la durabilité, créatrice d’emplois et de plus value localement ancrés, au bénéfice de toutes et de tous, que nous défendons. Une Suisse confiante, humaniste et ouverte sur le monde, qui s’engage au-delà de ses frontières pour trouver, avec les membres de la communauté internationale, des solutions communes aux défis écologiques, économiques et sociaux actuels, dont le réchauffement climatique, la répartition inéquitable des richesses ou la surexploitation des ressources sont des exemples cruciaux.

 

Aux antipodes de cette vision, le PLR et le PDC s’allient aujourd’hui aux défenseurs d’une Suisse rétrograde, xénophobe et isolationniste et prétendent résoudre les difficultés liées à la force du franc en condamnant toute réforme écologique, en réduisant le personnel de la Confédération ou en déséquilibrant les finances publiques. Ces partis affirment défendre notre économie, mais ne voient-ils pas que le plus grand danger pour l’avenir de notre pays est son manque d’audace face à la révolution industrielle verte de ce siècle, son isolement de la communauté internationale et, « last but not least », la rupture des bilatérales, pour laquelle l’UDC s’engagera avec détermination durant la prochaine législature ?

Ce texte a été publié dans Le Temps le 16 avril 2015

 

Adèle Thorens Goumaz

Adèle Thorens Goumaz est conseillère aux Etats verte vaudoise. Elle a coprésidé les Verts suisses entre 2012 et 2016 et siégé au Conseil national entre 2007 et 2019. Philosophe et politologue de formation, elle a obtenu un certificat postgrade en politiques de l’environnement et de la durabilité à l’IDHEAP. Elle a ensuite fait de la recherche et de l’enseignement en éthique et en gestion durable des ressources, puis travaillé comme responsable de la formation au WWF Suisse. Elle siège actuellement à la commission de l’économie, à la commission des finances et à la commission de l’environnement du Conseil des États. Ses dossiers de prédilection sont l'économie circulaire, la finance durable, la transition énergétique, la préservation du climat, l’agriculture et la biodiversité. Plus d’informations sur www.adelethorens.ch