Une promotion économique innovante et durable plutôt que des mesures de dérégulation et de dumping fiscal

Le Conseil national a débattu aujourd’hui de deux objets indispensables pour notre économie en cette période d’incertitudes liées au franc fort: l’organisation et le soutien au Parc suisse d’innovation et la promotion économique pour les années 2016 à 2019.

Les Verts ont soutenu ces deux objets et se sont opposés à toutes les propositions d’affaiblissements issus de la droite dure, ayant à l’esprit les craintes émises par notre industrie d’exportation et par une partie du secteur touristique. Ces soutiens sont en effet ciblés de manière idéale pour répondre aux défis du franc fort: sur le tourisme, un secteur très exposé aux fluctuations monétaires, et sur l’innovation, dans le tourisme et dans les autres branches de notre économie, innovation qui constitue la meilleure arme de notre industrie d’exportation. Des mesures sélectives de ce genre sont bien plus efficientes pour soutenir notre économie et les emplois en ces temps difficiles que les mesures de dérégulation « arrosoir »  prônées par les partis bourgeois, qui coûteront très cher aux collectivités publiques et aux contribuables, tout en manquant leur cible.

Les mesures de soutien à l’innovation et au tourisme pourraient cependant être plus ciblées encore, dans une perspective de durabilité. C’est en particulier le cas dans le domaine de la promotion économique. Lors de la dernière législature, les Verts avaient en effet critiqué le fait que les crédits de promotion économique ne comportaient aucune réflexion globale en termes de durabilité et, en particulier, en lien avec certains effets collatéraux néfastes que peut susciter la croissance, lorsqu’elle est mal gérée. Depuis lors, le peuple a donné à plusieurs reprises des signaux clairs à cet égard, dans les domaines de la migration, de l’aménagement du territoire ou des résidences secondaires. Les Verts avaient a l’époque obtenu, via un postulat de commission, que le Conseil fédéral, « envisage, dans le prochain message sur la promotion économique (pour les années 2016 à 2019), une meilleure intégration des principes du développement durable au niveau de la stratégie globale de la promotion économique ». Le Conseil fédéral disait encore dans sa réponse à ce postulat que la promotion économique, si elle se concentre sur la dimension économique du développement durable – ce qui est incontestable – « doit rester cohérente avec la stratégie pour le développement durable et, dans la mesure du possible, éviter les conséquences négatives sur l’environnement et la société ».

Le sujet est effectivement abordé dans le message sur la promotion économique pour les années 2016 à 2019. Le Conseil fédéral reconnaît notamment – mieux vaut tard que jamais – qu’il convient désormais d’accompagner le changement structurel du tourisme suisse que l’initiative sur les résidences secondaires devrait accélérer. Les conséquences des différents crédits du point de vue économique, mais aussi social, environnemental et migratoire, sont également abordées. Cette évolution est positive, mais n’est pas suffisante.

La politique régionale, qui vise un développement économique durable des régions périphériques, et Innotour, l’instrument de soutien à l’innovation dans le tourisme dont les moyens ont été à juste titre augmentés, tiennent compte, dans une certaine mesure, de critères de durabilité lors de l’octroi des aides financières. Les dernières évaluations, notamment pour la politique régionale, montrent cependant que des progrès peuvent encore être réalisés en la matière. La commission a fait un pas dans le bon sens en ajoutant au projet un article sur l’innovation durable et les circuits économiques régionaux.

Il est beaucoup plus difficile d’évaluer la pertinence en matière de durabilité des autres crédits, en particulier Suissetourisme, l’instrument de promotion de l’offre touristique suisse à l’étranger et Switzerland Global Enterprise, l’instrument de promotion des exportations et de la place économique suisse. Ceci doit changer ! Quand on voit à quelles exigences l’agriculture est soumise pour bénéficier de soutiens de la part de la Confédération, on mesure le potentiel d’amélioration qui subsiste pour les autres secteurs de notre économie ! Les entreprises et les projets bénéficiant d’aides de la Confédération devraient faire preuve d’un engagement exemplaire en matière de durabilité. La promotion économique doit favoriser une économie innovante, responsable et efficiente dans sa consommation de ressources. Voilà qui sera plus efficace que des mesures de promotion économique « arrosoir » ou un dumping fiscal attirant indifféremment de grandes entreprises étrangères, sur le dos des contribuables et des PME locales. On en est encore loin au niveau fédéral, sans parler de ce qui se passe dans les cantons, lancés dans une sous-enchère fiscale indifférenciée et néfaste tant pour les entreprises et les populations locales que pour les relations de la Suisse avec ses voisins[1].

Il reste donc nécessaire de s’engager pour une promotion économique plus durable. Les crédits de promotion économique proposés par le Conseil fédéral pour les années à venir doivent néanmoins être soutenus en l’état. Même s’ils sont (encore) mal ciblés du point de vue de la durabilité, ils sont aujourd’hui plus indispensables que jamais pour promouvoir l’innovation dans notre pays, alors que des temps difficiles se profilent. Tout comme le sont l’économie verte et le tournant énergétique, qui rendent notre économie plus efficiente et donc plus concurrentielle, renforcent notre autonomie et nous permettent de vendre un savoir-faire innovant et à haute valeur ajoutée à l’étranger.          

 


[1] Certains cantons et certaines communes font néanmoins preuve de créativité en matière de promotion économique durable. J’ai réalisé, avec d’autres, une étude à ce sujet pour l’ARE, qui réunit les bonnes pratiques : http://www.are.admin.ch/dokumentation/publikationen/00014/00387/index.html?lang=fr

 

 

Adèle Thorens Goumaz

Adèle Thorens Goumaz est conseillère aux Etats verte vaudoise. Elle a coprésidé les Verts suisses entre 2012 et 2016 et siégé au Conseil national entre 2007 et 2019. Philosophe et politologue de formation, elle a obtenu un certificat postgrade en politiques de l’environnement et de la durabilité à l’IDHEAP. Elle a ensuite fait de la recherche et de l’enseignement en éthique et en gestion durable des ressources, puis travaillé comme responsable de la formation au WWF Suisse. Elle siège actuellement à la commission de l’économie, à la commission des finances et à la commission de l’environnement du Conseil des États. Ses dossiers de prédilection sont l'économie circulaire, la finance durable, la transition énergétique, la préservation du climat, l’agriculture et la biodiversité. Plus d’informations sur www.adelethorens.ch