En 2020, les demandes d’asile n’ont jamais été si basses depuis 2007. Avec 11’041 demandes, 22.6 % de moins qu’en 2019, la Suisse est plus de trois fois en dessous du pic de 2015 (39’523 demandes d’asile). La raison principale de cette baisse est la crise provoquée par la pandémie du Covid-19. Mais le Secrétariat d’Etat aux migrations SEM donne d’autres raisons.
La Suisse n’attire pas
Les premiers pays d’arrivée des personnes demandant l’asile en Suisse sont l’Italie et la Grèce. Les flux migratoires là-bas permettent, en général, d’anticiper les demandes d’asile en Suisse. Mais la Suisse n’attire plus et les personnes arrêtées en Suisse disent vouloir poursuivre leur trajet vers la France ou l’Allemagne pour y déposer une demande d’asile.
Hausse des arrivées en Italie, baisse en Grèce
En 2020, les arrivées dans le sud de l’Italie en provenance de Libye ont triplé par rapport à 2019, passant de 11’470 arrivées à 34’150 arrivées en 2020. Au contraire, la Grèce a vu les arrivées et demandes d’asile sombrer avec 9’700 arrivées dans les îles, soit cinq fois moins qu’en 2019. Sans mentionner les “pushbacks” au large des îles grecques, le SEM pointe du doigt ceux commis par des gardes-frontière grecs dans le district de l’Evros le long de la frontière terrestre avec la Turquie. Ces manœuvres illégales ont conduit à la chute des arrivées de 14’900 personnes en 2019 à 6’000 en 2020. Elles auraient aussi été menées par des unités Frontex. De ça, le SEM n’en parle mais c’est délicat, Frontex est aussi financé par la Suisse. L’enquête est en cours.
Baisse des requérants d’asile par millier d’habitants
Sur l’ensemble des demandes d’asile soumises en Europe en 2020 (490’000 environs), la part des demandes d’asile déposées en Suisse représente 2.2%, l’un des taux les plus bas depuis la fin de la guerre froide. Ajoutons que la Suisse compte 1.3 requérants pour mille habitants en 2020 et se situe clairement en bas de l’échelle derrière la Belgique, la France, la Suède, l’Allemagne, le Luxembourg, l’Espagne, la Slovénie, l’Autriche et loin derrière Chypre, Malte et la Grèce mais au-dessus de la moyenne européenne de 0.9 requérants pour mille habitants.
Des centaines de naissances qui ne devraient pas figurer dans les demandes d’asile
Quels sont les principaux pays de provenance? Ce sont l’Erythrée (1917 demandes), l’Afghanistan ( 1’681 demandes), la Turquie (1’201 demandes), l’Algérie (988 demandes), la Syrie (904 demandes), le Sri Lanka (468 demandes) et le Maroc (400 demandes).
Pour l’Erythrée, seulement 211 érythréens sont arrivés en Suisse en 2020 pour déposer une demande d’asile. Les autres sont des regroupements familiaux (366), des demandes multiples (167) et surtout des bébés. Ils sont en 2020, 1’173 bébés requérants d’asile même lorsque leurs parents sont installés en Suisse depuis des années comme réfugiés ou personnes admises à titre provisoire (1).
Prenons l’exemple de Joseph qui a 7 ans. Il est en Suisse depuis 2017. Ses parents ont reçu le statut de réfugié (permis B) en 2018. Un an plus tard, son père a trouvé un travail comme chef de cuisine dans un restaurant depuis 2019. Cela lui permet de ne pas dépendre de l’aide sociale. Sa petite sœur est née en mai 2020 à Genève, elle sera comptée parmi les nouveaux requérants d’asile de 2020. Totalement absurde!
Cette manière de compter induit en erreur et elle fait croire qu’il y a beaucoup d’entrée même quand on en a tellement moins. En décembre, le Conseiller national Christophe Clivaz demandait, dans une interpellation au Conseil fédéral, des explications à ce sujet, constatant poliment le manque de transparence dans la statistique en matière d’asile (2). Mais la réponse du Conseil fédéral se résume à ça: “Les statistiques du SEM sont conformes à la loi (…) elles garantissent une comparabilité internationale des données au niveau européen et ce, bien que les systèmes d’asile diffèrent considérablement d’un pays à l’autre.”(3)
Il faut donc savoir qu’il y a, en Suisse comme en Europe, la vraie nouvelle demande d’asile et la fausse nouvelle demande d’asile! Oui en 2020, seulement 60% des requérants d’asile ont effectivement déposés une demande de protection, alors que 25 % (2’482) sont des naissances, 9% (1’011) sont des personnes arrivant en Suisse grâce au regroupement familial et 6% sont des demandes multiples.
Bonne nouvelle: la procédure accélérée c’est aussi des décisions positives rapides
En 2020, sur les 17’223 cas traités en première instance, 22.5% des cas en procédure accélérée ont reçu des décisions positives (1’279) et 16% des cas ont obtenu une admission provisoire. Au total 38,5 % des personnes en procédure accélérée ont obtenu la protection de la Suisse dans un délai rapide (140 jours). C’est pas mal du tout même s’il faut aussi compter dans cette statistique des centaines de bébés.
Autres chiffres à retenir: les milliers qui restent, qui partent, qui disparaissent
Au total, 14 500 personnes ont pu rester en Suisse en 2020. Ce sont des personnes qui ont obtenu l’asile (5’409) ou une admission provisoire (5094) ou un règlement cantonal.
Les départs sont aussi nombreux bien que la crise sanitaire ait passablement freiné l’exécution des renvois. Le SEM rapporte 1’051 départs volontaires contrôlés. Ce sont des personnes déboutées de l’asile qui décident de rentrer de leur propre gré. Il y a aussi eu 1’346 rapatriements dans le pays d’origine, 172 retours dans un Etat tiers et 715 personnes ont été rapatriées dans un Etat Dublin.
Le SEM admet qu’il y a des milliers de départs non contrôlés (3’574). Cette catégorie ne regroupe pas uniquement des personnes déboutées de l’asile restées en Suisse et passées dans la clandestinité. Il y a aussi celles qui sont peut-être retournées dans leur pays d’origine sans annoncer leur départ ou celles qui se sont rendues dans un Etat tiers pour y déposer une demande d’asile.
Pour les autres détails je vous recommande le fameux Commentaire sur la statistique en matière d’asile 2020 que peu de gens lisent et comprennent. C’est fait exprès!
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- Le SEM précise que ces 1’173 bébés sont “des personnes du domaine asile et également des réfugiés avec permis B et C, donc de la catégorie “nombre de personnes relevant du domaine de l’asile” (127’346 personnes). Donc pour 2020 ce sont les personnes en procédure (6’567), les personnes admises à titre provisoire (48’644), les personnes déboutées de l’asile en procédure “Soutien au retour” (5’073) et les personnes avec un statut de réfugié (67’175).
- Lire aussi sur ce blog “De nombreuses anomalies sont constatées dans la statistique en matière d’asile”, 13 juillet 2020.
- Lire la réponse en entier ici: Interpellation et réponse du Conseil fédéral _Statistique de l’asile
Comme quoi, les migrations peuvent être freinées et le poids de l’asile économique peut être mieux réparti entre les différents pays.
Bravo à la Suisse de se montrer enfin moins attractive dans ce détestable asyl shopping global et continuez à accélérer le traitement des demandes qui se révèlent manifestement infondées (pour se concentrer sur l’intégration des seuls réfugiés). Il ne faut pas céder au poids des lobbies (administration, juges, associations, …), qui veulent conserver leur job et salaire.
Nous pouvons le faire, nous pouvons baisser l’attractivité de la Suisse pour les profiteurs de l’asile. Ne cédez pas. Je crois en vous
Monsieur,
Il me semble que vous n’avez pas bien lu ce billet. Il n’est pourtant pas bien long. Merci de croire en moi, Jasmine Caye
Je ne suis pas sûr de comprendre les chiffres:
A propos des nouvelles demandes d’asile des fausses nouvelles demandes d’asile, je note qu’en 2020, 62% +26% + 9% font 97%. A quoi correspondent donc les 3% restants?
En ce qui concerne l’interprétation de ces chiffres, j’aurais tendance à considérer les demandes de protection et celles de regroupement familial au même titre. D’ailleurs pour quoi même faire une distinction entre ce premier groupe très semblable et ses enfants à venir? A priori, ce seront autant de bouches à nourrir aux frais du contribuable.
Cher Monsieur,
Merci pour votre commentaire. Votre question m’a permis de corriger une petite erreur de pourcentage.
Le reste ce sont les demandes multiples, ou nouvelles demandes d’asile qui proviennent en général de personnes déboutées de l’asile.
Voici les chiffres corrigés:
60% demandes effectives (primaires) = 6812
25% naissances = 2842
9% regroupement familial = 1011
6% demandes multiples = 736
Ces chiffres sont officiels et obtenus auprès du SEM.
Votre deuxième commentaire fait référence à cette mention (corrigée):
“Oui en 2020, seulement 60% des requérants d’asile ont effectivement déposés une demande de protection, alors que 25 % (2’482) sont des naissances, 9% (1’011) sont des personnes arrivant en Suisse grâce au regroupement familial et 6% sont des demandes multiples.”
Selon moi on ne devrait pas mettre dans le même sac les demandes d’asile (demandes de protection) en 2020 et les regroupements familiaux en 2020. Les premiers sont soumis à une véritable procédure d’asile alors que les seconds viennent par regroupement familial avec un ou une proche sur la base de sa bonne intégration en Suisse. Enfin, la statistique de 2020 compte aussi les personnes arrivées au titre du regroupement familial dont les proches sont arrivés souvent bien avant 2020.
Je vous indique un autre article qui parle de cette situation:
Les bébés de réfugié-e-s gonflent les statistiques des demandes d’asile.
“sur la base de sa bonne intégration en Suisse.”
Où voyez-vous des conditions liées à la “bonne” intégration ?
https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1999/358/fr#art_51
Bonjour,
Effectivement l’art. 51 de la Loi sur l’asile prévoit que: “le conjoint d’un réfugié et ses enfants mineurs sont reconnus comme réfugiés et obtiennent l’asile, pour autant qu’aucune circonstance particulière ne s’y oppose.” Cela est différent pour les personnes admises à titre provisoire (article 85, alinéa 7 LEI). Les personnes admises provisoirement et les réfugiés admis provisoirement peuvent obtenir le regroupement familial en Suisse de leur conjoint et de leurs enfants célibataires de moins de 18 ans, à certaines conditions: au plus tôt trois ans après le prononcé de l’admission provisoire, à condition d’avoir l’intention de vivre en ménage commun, de disposer d’un logement approprié et que la famille réunifiée en Suisse ne dépende pas de l’aide sociale. En outre, la personne venant en Suisse, à l’exception des enfants, doit pouvoir communiquer dans la langue locale parlée sur son futur lieu de résidence ou au moins être inscrite à un cours de langue. Par ailleurs, la personne admise provisoirement en Suisse ne peut recevoir aucune prestation complémentaire au moment de la demande ou grâce au regroupement familial. Le regroupement familial des personnes admises provisoirement et des réfugiés admis provisoirement visé à l’article 85, alinéa 7, LEI relève d’une autorisation discrétionnaire.
J’aime bien votre compte twitter où vous constatez que les populations des Balkan ne sont pas favorables à l’accueil des migrants…
Cela faisait 20 ans qu’on nous culpabilisait de notre accueil (en nous disant combien, eux, feraient mieux)… ne serions-nous finalement pas le peuple le plus “egoïste” de la Terre?, mais juste le peuple gouverné par les élites les plus naïves et les plus bêtement pro migrant.e.s de la planète ??
La vérité plutôt que des mythes…
… cela sauverait des vies! Il est temps d’ouvrir les yeux, non ?
Il n’est pas question de culpabiliser la Suisse mais de pointer des situations de non-respect des Conventions internationales comme la Convention relative à la protection des réfugiés (1951) ou la Convention contre la Torture ou encore la Convention européenne des droits de l’homme que notre pays a ratifié.
La Bosnie-Herzégovine et la Croatie ont ratifié les deux premières conventions en 1992 et 1993 respectivement. Ils ont aussi signé la Convention européenne des droits de l’homme en 2002 et 1997 respectivement. Il est donc effectivement scandaleux que ces pays traitent les personnes migrantes ainsi alors que lorsqu’on regarde la nationalité des personnes concernées (afghans, syriens, irakiens, iraniens…), une large proportion recevront un statut de protection au bout de leur procédure d’asile.
En réalité ces pays ne rendent pas service à la Suisse, l’Allemagne, la France. Evidemment les réfugiés bloqués en Bosnie-Herzégovine vont tout faire pour quitter cet endroit, c’est compréhensible. Ils et elles ont fait des milliers de kilomètres, pourquoi s’arrêter dans des pays qui ne respectent pas leurs droits fondamentaux. Je ferai la même chose et vous aussi.