Avec «Open Homes», Airbnb devient un acteur humanitaire

Offrir un logement gratuit aux personnes victimes de catastrophes climatiques ou humanitaires est un geste qui est venu naturellement aux membres de la communauté Airbnb. De fil en aiguille, pour répondre le mieux possible aux besoins urgents des victimes de catastrophes, Airbnb a mis en place une plateforme d’offre de logements gratuits en collaboration avec des organisations gouvernementales et non-gouvernementales.

Des privés viennent en aide aux victimes de l’ouragan Sandy

L’idée a pris forme avec l’ouragan Sandy qui a ravagé l’Etat de New York en 2012. En pleine crise,  des hôtes membres de la plateforme ont proposé leur aide en accueillant les personnes en difficulté. Cette vague de générosité a motivé Airbnb a créé un service de réponse aux catastrophes.

Le mécanisme est simple. En situation d’urgence, Airbnb envoie un courriel à des hôtes locaux pour les informer de la façon dont ils peuvent aider et proposer leur logement aux personnes touchées. Les organisations non-gouvernementales et gouvernementales sont mises à contribution pour soutenir les communautés touchées pendant et après les catastrophes. Actuellement les “catastrophes actives” de Airbnb sont destinées aux victimes des inondations au Brésil et en Afrique du Sud. Airbnb est déjà intervenue dans 47 urgences et plus de 3’000 annonces de logement ont été activées.

La crise migratoire de 2015 et l’arrivée de Trump ont motivé l’aide aux réfugiés

C’est lors de la crise migratoire de 2015 qu’un ingénieur de Airbnb a pensé à créer une autre sous-plateforme pour venir en aide aux réfugiés en manque de logements. L’idée a fait son chemin au sein de l’entreprise et il a fallu un an pour qu’elle s’organise avec le Département d’Etat américain et les neuf agences américaines de réinstallation. Un projet pilote à Oakland (Californie) en octobre 2016, en coopération avec le centre d’accueil et de placement de l’International Rescue Committee, a abouti  au placement d’un réfugié dans une famille. D’autres placements ont suivi.

Puis est venue la mobilisation américaine contre le décret migratoire du président Donald Trump et celle, réactive, de la communauté d’Airbnb qui a offert des logements gratuits à ceux qui se sont retrouvés sans toit du jour au lendemain.

(suite…)

Lire la suite

Projet Intégration allie les besoins d’intégration des réfugiés et les besoins informatiques suisses

Projet Intégration a été lancé par Vincent Baumgartner et Priya Burci, deux étudiants visionnaires. Ce projet vise à former des réfugiés à la programmation web pour faciliter leur intégration et combler les besoins du marché de l’emploi. En Suisse seulement 2.7% des requérants d’asile qui peuvent travailler le font. Cette proportion faible s’explique en partie par l’obstacle de la langue et par le manque de compétences adaptées au monde du travail. Pourtant les spécialistes pensent que l’économie suisse va au devant d’une pénurie de plusieurs milliers d’informaticiens.

En enseignant la programmation web aux requérants d’asile à Genève et bientôt à Lausanne, ce projet offre une des solutions au problème.

C’est en faisant un stage à Flowminder l’été dernier que Vincent Baumgartner s’est penché sur les projets de programmations destinés aux réfugiés en Allemagne. Inspiré, il a décidé de créer avec Priya Burci l’association Projet Intégration en octobre 2016 pour lancer, un mois après, une première formation de programmation web pour 25 requérants d’asile. Un cours pour débutants en informatique a commencé en mars 2017, une deuxième formation de programmation a débuté en mai et la troisième session aura lieu en août. Les formations ont lieu au Centre de jour de la Croix-Rouge genevoise pour les débutants et à Impact Hub Genève pour la programmation. Ce cours aboutit à l’obtention d’un certificat d’aptitude et si possible à un stage rémunéré dans une entreprise.

Pour Vincent Baumgartner le projet est un succès.

« Plusieurs sociétés, dont Holly Star et Protonmail, nous ont déjà approchés et nous sommes en contact avec d’autres entreprises et organisations en Suisse. Pour l’instant nous n’avons que des candidats masculins dont un mineur non-accompagné. C’est dommage mais il faut dire que même en Suisse la programmation reste un domaine qui attire beaucoup plus d’hommes que de femmes. Notre formation est gratuite et ouverte à tous ceux qui ont une bonne compréhension du français ou de l’anglais.»

Les idées et les projets ne manquent pas. Cette année un autre projet de formation va démarrer à Lausanne en partenariat avec la Business School de Lausanne et une coopération avec Emplab sur le projet Coding Girl en Ukraine est en cours. Projet Intégration est aussi en train de réfléchir à mettre sur pied une section Suisse de Techfugees, une entreprise sociale qui mobilise la communauté internationale technologique pour répondre à la situation des réfugiés.

Mise à part Impact Hub Geneva qui fournit l’espace de travail, l’association a obtenu 20 ordinateurs portables de Global Shapers et peut compter sur des spécialistes informatiques bénévoles issus du monde professionnel.

Aujourd’hui l’association, qui forme de jeunes hommes érythréens, soudanais, somaliens et afghans en procédure d’asile, est à la recherche d’autres bénévoles pour mener ces formations, pour la récolte de fonds et pour la communication. L’association est aussi à la recherche de matériel informatique comme des ordinateurs, des écrans et des clés USB. Vous pouvez visiter le site www.projetintegration.ch ou contacter l’association en envoyant un mail à [email protected]. Je recommande aussi la Page Facebook de Projet Intégration qui est accessible sur ce lien : https://www.facebook.com/ProjectIntegration/. Et enfin je vous invite à lire le portrait de la co-fondatrice Priya Burci sur le blog d’Aline Isoz: Priya Burci : l’associatif conjugué en mode digital.

 

Migration: notre amie la Libye et ses voisins

En 2017, L’Union européenne (UE) met toute son énergie à vouloir fermer la route maritime entre la Libye et l’Italie dans le cadre de l’Agenda européen en matière de migration (1). En 2016, ce sont presque 180’000 migrants qui ont emprunté cette route mortelle. De janvier à mai 2017, 50’374 personnes ont atteint l’Italie soit 45% de plus qu’à la même période en 2016, pendant que 1’364 personnes ont perdu la vie.

Les organisations de sauvetages (2) sont sur le qui-vive avec la saison d’été. Il y  a une semaine, elles ont participé avec l’aide de navires commerciaux, des garde-côtes libyens et italiens, au sauvetage de 10’000 personnes en quatre jours (du 24 au 28 mai). Mais ces chiffres qui donnent le tournis n’ont rien d’exceptionnel. En effet, durant la même période en 2016, 13’000 personnes ont été secourues et plus d’un millier sont décédées lors de la traversée.

On ne le répètera jamais assez: l’Europe reste épargnée par la migration puisque 82% des personnes déplacées dans le monde sont hébergées dans les pays proches des zones de conflit en Jordanie, Ethiopie, République Islamique d’Iran, au Liban, au Pakistan et en Turquie.

 

Objectif: fermer la route méditerranéenne

 

Mais l’UE et l’Italie sont pressées d’agir pour fermer l’accès incontrôlé au continent et pour éviter d’autres naufrages.  Ainsi l’Agenda européen comporte des priorités à court terme: sécuriser les frontières avec l’aide de Frontex, combattre les réseaux criminels avec Europol et relocaliser (refouler) les requérants d’asile vers des pays tiers partenaires avec la coopération du HCR et de l’OIM. Il comporte aussi des priorités à moyen, long-terme: réduire les causes de la migration illégale, sauver des vies et sécuriser les frontières, renforcer le système d’asile européen et développer une nouvelle politique de migration légale.

Nous sommes dans la première phase et elle se concentre sur la Libye, le Niger, le Mali, le Tchad. En février à Malte, les dirigeants européens ont convenu de poursuivre la formation des garde-côtes libyens commencée en octobre 2016, améliorer la situation des communautés locales libyennes, accélérer les retours des migrants en Libye, améliorer les conditions de rétention des migrants avec la collaboration du HCR et de l’OIM et sécuriser les frontières libyennes avec les pays du sud (Niger, Mali).

L’UE s’est aussi engagée à soutenir toutes les initiatives des Etats membres qui vont dans ce sens.

 

L’Italie mène le bal

 

L’accord entre la Turquie et l’UE de mars 2016 qui a permis de réduire le nombre d’arrivées sur les côtes grecques a fait de l’Italie la porte d’entrée principale en Europe et aussi la grande perdante du système d’asile européen.  Désavantagée par le règlement Dublin, elle souffre du manque de solidarité européenne qui se traduit par les relocalisations lentes en Europe.

Pressée d’agir, le chaos libyen ne l’a pas refroidi.  Elle est allée de l’avant dans ses tractations avec le Gouvernement d’entente nationale (GNA). Elle contribue activement à la formation des  garde-côtes libyens dispensée par l’opération militaire européenne en Méditerranée (EUNAVFOR Med ou Opération Sophia) et en février, elle a signé un accord avec le Premier ministre Fayez al-Sarraj du GNA basé à Tripoli.

Cet accord qui devait permettre de mieux lutter contre l’immigration clandestine a été dénoncé par le Parlement de Tobrouk qui l’a jugé « nul et non avenu ». La cour d’appel de Tripoli a d’ailleurs choisi de le suspendre en mars. L’Italie n’y a vu que du feu et vient de fournir quatre vedettes aux garde-côtes libyens tout en signant un autre accord avec la Libye, le Tchad et le Niger pour renforcer les contrôles aux frontières et créer de nouveaux centres d’accueil pour les migrants. Le gouvernement a aussi prévu l’ouverture imminente en Italie de nouveaux centres  de procédures pour faciliter les renvois vers ces pays.

 

Sauvetages avortés et refoulements illicites

 

Toutes ces mesures ont été soutenues par l’UE dont le durcissement à l’égard des migrants se veut avant tout efficace à défaut d’être légal en droit international. Elles font déjà leurs effets sur l’organisation de la surveillance et des sauvetages en mer (3) et sur le rythme des refoulements. Les ONG de sauvetage comme MOAS, MSF et Save the Children ont récemment subi de fortes pressions. Elles ont non seulement été accusées de collusions  avec les passeurs mais elles ont aussi été empêchées manu militari par les garde-côtes libyens dont la mission et de ramener les migrants en Libye. L’étau se resserre donc sur les ONG qui auront de plus en plus de mal à intervenir en mer sans l’accord des autorités maritimes italiennes et européennes.

Or les refoulements en Libye sont clairement illicites compte tenu des conditions de détention abjectes dans ce pays “hors d’Etat. En février Human Rights Watch dénonçait les retours forcés citant un rapport accablant du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et de la mission de l’ONU en Libye. Il faut rappeler que ce pays n’est pas signataire de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Il ne prévoit aucune procédure permettant d’accorder une protection à des personnes fuyant les persécutions dans leur pays d’origine. Enfin la question des modalités de mise en œuvre du droit d’asile reste problématique alors que le droit libyen criminalise l’immigration clandestine.

Critiqué de toutes parts, la Commission européenne a récemment insisté (4) sur la mise en place de mesures de protection pour les réfugiés, les requérants d’asile et les migrants détenus en Libye d’où le rôle donné au HCR et à l’OIM dans la région. Les deux organisations viennent d’annoncer le renforcement de leurs activités conjointes en Libye et dans les pays voisins. Pour faciliter le retour des migrants dans leur pays, le Fonds fiduciaire pour l’Afrique a financé l’OIM-Niger, en le dotant de 22 millions d’euros pour la réception et le rapatriement des migrants. En particulier pour la gestion du centre de transit d’Agadez, qui peut accueillir jusqu’à 1 000 personnes. L’OIM essaie maintenant de négocier avec le Fonds fiduciaire un projet d’un montant de 100 millions d’euros pour le Niger et les 13 pays d’origine des migrants.

 

Les départs des pays d’origine ne se tarissent pas

 

Le renforcement de la présence des organisations internationales et humanitaires en Libye ont été prises en accord avec le Gouvernement libyen d’entente nationale (reconnu par l’ONU) dont le pouvoir fragile est contesté par de nombreuses factions et milices armées. L’Europe joue avec le feu en Libye mais a-t-elle le choix? Pas sûr car il en va de la survie du système d’asile européen déjà menacé par les résistances de la Hongrie et de la Pologne. Qu’adviendrait-il du système d’asile européen si l’Italie et la Grèce cessait de retenir les requérants d’asile dans les centres “hotspots” destinés aux programmes européens de relocalisation ou encore si l’Italie cessait d’appliquer scrupuleusement le règlement Dublin?

Le succès des partenariats migratoires en Afrique dépendra de l’argent investi pour intervenir en faveur d’une meilleure protection des droits humains des migrants, de la mise en place d’opportunités économiques dans les pays d’origines et surtout de la création de voies légales d’entrée en Europe pour les personnes menacées économiquement et politiquement dans leur pays d’origine.

Le chef de mission de l’OIM au Niger, Giuseppe Lo Prete, déclarait récemment à Médiapart:

« En janvier 2017, pour la première fois, selon les données recueillies dans nos centres de passage, les retours ont été plus nombreux que les allers : 6 000 personnes sont parties, tandis que 8 000 autres sont revenues. Mais cela ne veut pas dire que le nombre des personnes en transit au Niger vers l’Algérie et la Libye soit en baisse (…) En effet, pour les migrants, lorsqu’une route se ferme, dix autres s’ouvrent. Et le Sahara ne manque pas de pistes peu fréquentées. »

Mais les associations locales au Mali et au Niger contestent la version de l’OIM, qui note une réduction des “candidats à la migration” et une augmentation des rapatriements soi-disant “volontaires”. D’après Andrea de Georgio, journaliste qui a enquêté sur ce dossier pour Médiapart, l’envoi de fonds européens aux pays d’Afrique subsaharienne a pour effet d’accroître le nombre de migrants retournant dans leur pays d’origine mais les départs des pays d’origine “ne se tarissent pas pour autant car les causes de départs sont sérieuses. Dans ce contexte le renforcement des contrôles aux frontières poussent les migrants à emprunter des routes toujours plus dangereuses et plus coûteuse.”

 

Quelques documents sur la situation des migrants détenus en Libye: attention à la dureté des images.

Drowning for Freedom: Libya’s Migrant Jails , part 1

Kidnapped and Sold, part 2

Escaping Hell, part 3
Et aussi:

En Libye des migrants vendus sur des marchés aux esclaves, documentaire du journal Le Monde, 12 avril 2017.

 

————

  1. L’Agenda européen en matière de migration décrit précisément les mesures à entreprendre pour réduire la migration vers l’Europe. Elle repose notamment sur la conclusion de partenariats  coûteux avec des pays tiers comme la Turquie (mars 2016), le Niger, le Nigeria, le Sénégal, le Mali, l’Ethiopie, le Liban et la Jordanie et la Libye.
  2. Maltese Group, Migrant Offshore Aid Station (MOAS), Sea Watch, Sea Eye, Jugend Rettet, Pro-Activa Open Arms, Save the Children et SOS Méditerranee.  Elles mènent des opérations de sauvetage à 20 et 50 kilomètres des côtes libyennes avec l’autorisation du Centre maritime italien de coordination des sauvetages (MRCC).
  3. Il y a près de 40 navires déployés en Méditerranée. L’Union européenne y mène trois missions navales. Celles de l’agence Frontex sont civiles, avec des missions de détection et de secours en mer: Poséidon, avec une quinzaine de navires engagés en mer Egée; Triton, avec une demi-douzaine de navires au sud de l’Italie. Il y a aussi l’opération Sophia (EUNAVFOR Med) qui est militaire et chargée de lutter contre les trafiquants d’armes, de drogue et de migrants. Elle peut intervenir jusque dans les eaux territoriales libyennes mais elle n’a ni l’autorisation du conseil de sécurité de l’ONU ni celle d’une autorité libyenne.
  4. Communication au Parlement et au Conseil européen: “Conditions in the centres where migrants are held are unacceptable and fall short of international human rights standards. Ensuring adequate conditions in those centres is of paramount importance and goes along with fighting ill treatment, torture, extortion and inhumane treatment. A priority task is to work with the Libyan authorities and international organisations such as IOM and UNHCR to ensure that these centres provide adequate conditions in line with human rights standards. Alternatives to detention should be further developed, in particular for women and minors, working closely with international organisations. In addition, security of both migrants and aid organisations working in those centres needs to be ensured. Another important issue is to ensure unhindered access by UNHCR and IOM to persons in need of international protection, particularly the vulnerable.”