Bye bye blog et merci au Temps

Après des mois de réflexions, j’ai pris la décision de ne plus écrire sur les questions de migration et d’asile. Le Temps fermera bientôt ce blog mais tous les articles resteront accessibles en ligne. Je remercie la rédaction du journal de m’avoir invitée à parler de l’actualité suisse et internationale sur ces questions importantes. 

 

Ce blog a été l’occasion pour moi d’aller à la rencontre de nombreuses personnalités uniques et magnifiques. Il m’a permis de donner un coup de projecteur sur des parcours courageux, des injustices inutiles et des retournements incroyables de situation. 

 

Photo ©Miguel Bueno/FIFDH

Bien sûr, je ne renonce pas à venir en aide aux personnes migrantes en difficulté ou aux associations qui ont besoin de soutien. Les heures que je ne passerai plus à écrire, je peux les consacrer à des activités d’accompagnement tout aussi importantes et à la photographie que je pratique depuis quelques années avec passion.

 

Avant de vous quitter, j’aimerais remercier quelques personnes qui m’ont fait confiance. 

 

  • Emily Turrettini, spécialiste des tendances web, blogueuse et chroniqueuse au Temps. En lisant mes billets sur ForumAsile, c’est elle qui m’a recommandée auprès de Stéphane Benoît-Godet (ex rédacteur en chef du Temps), 
  • Anne-Madeleine Reinmann (aumônière à l’AGORA) qui m’a introduite auprès des juristes de l’association Elisa-Asile et avec laquelle j’ai longtemps collaboré à l’aéroport de Genève, 
  • Sophie Malka qui a régulièrement publié mes articles dans la revue Vivre Ensemble en les postant aussi sur la plateforme d’information asile.ch
  • Boris Wijkstroem, directeur du Centre suisse pour la défense des droits des migrants (CSDM) et aussi 
  • les juristes membres de la Conférence romande des permanences juridiques pour requérant-e-s d’asile (COPERA) dont j’admire le travail.

 

De la procédure d’asile pour les requérants mineurs non-accompagnés à l’aéroport de Genève, aux démarches juridiques auprès de l’ONU pour éviter des renvois dangereux, à l’importance de passer à l’enregistrement audio des auditions d’asile, certains thèmes ont eu plus de valeur pour moi. 

 

En écrivant sur le sujet je n’ai pas su rester neutre mais je me suis toujours fondée sur les informations relayées par les organisations internationales, les associations actives sur le terrain ou celles des victimes. Le sujet est sensible, il polarise et les commentaires anonymes insultants, xénophobes et racistes m’ont donné du fil à retordre. Avec le temps, ils m’ont usée. 

 

Je tire ma révérence en me disant que celles et ceux qui commentent masqués sont comparables à des corbeaux et des délateurs de la pire engeance. Comme c’est étrange de voir que même en Suisse où la liberté d’expression existe, de nombreuses personnes qui se disent éduquées et informées sur le sujet de la migration et de l’asile ont peur de s’exprimer à découvert. 

 

Sur la plateforme des blogs du Temps, c’est la transparence absolue qui devrait être la règle. Seuls les commentaires provenant d’une adresse e-mail vérifiable, signés d’un nom et d’un prénom authentiques, devraient à l’avenir être pris en considération. Les blogueuses et les blogueurs donnent leur avis, s’exposent, informent sur leurs spécialités. Ces auteurs de qualité qui nous rendent chaque jour plus intelligent et plus instruit méritent cette transparence. 

 

Au revoir,

Jasmine Caye

 

 

Afghanistan: plus de visas humanitaires et l’idée d’un retour à la procédure d’asile en ambassade

Depuis quelque temps, les permanences juridiques et les organisations de défense des requérants d’asile reçoivent de nombreuses demandes de personnes afghanes préoccupées par la sécurité de leurs proches. La Coalition des  juristes indépendants pour le droit d’asile invite donc les autorités fédérales à prendre des mesures rapides en faveur des requérants d’asile Afghans en Suisse et en faveur de leurs familles au pays. 

La suspension des rapatriements vers l’Afghanistan, annoncée par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), ne suffit pas. La Coalition demande aux autorités de prendre d’autres décisions importantes. En voici deux:

  1. Accorder l’admission provisoire à toutes les personnes originaires d’Afghanistan – en procédure d’asile ou déboutées de l’asile.
  2. Faciliter l’octroi de visas humanitaires pour les membres de la famille des ressortissants afghans vivant en Suisse, et ce quel que soit leur statut de séjour. Cette possibilité doit être étendue aux femmes et aux filles célibataires apparentées, aux sœurs, aux mères, aux nièces, aux tantes et à d’autres membres vulnérables.

Le monde est sous le choc de la prise fulgurante et sans résistance de Kaboul par les Talibans. En ce qui concerne la Suisse, je m’attends à lire des communiqués de presse sur l’aide humanitaire renforcée au Pakistan, en Iran, au Turkménistan, au Tadjikistan et en Turquie pour aider ces pays dans l’accueil des réfugiés et éviter leur arrivée en Europe.

 

Les Ambassades ont perdu le lien avec le terrain

 

Mais rappelons-nous. Jusqu’à tout récemment le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) comptait encore pouvoir exécuter les renvois vers l’Afghanistan. La situation dans ce pays était “apparemment” sûre, même pour l’ambassade qui, dans sa bulle, s’est trompée sur les capacités de résistance de l’armée afghane, comme toutes les ambassades du monde. 

On ne s’informe pas dans des cocktails ou dans des réunions diplomatiques ou même des conférences mais auprès des personnes concernées par les violences et les abus. Personne ne connaît mieux le terrain que les victimes et les organisations de défense des droits humains. Il suffit de participer aux auditions d’asile pour comprendre que les informations communiquées valent de l’or pour le renseignement. 

 

En aidant on est aidé

 

Ainsi, je me dis constamment que la grande erreur de la Suisse a été d’abandonner, en 2013, la procédure d’asile aux ambassades. Elle permettait au personnel d’ambassade de sonder le terrain, de mieux comprendre la situation humanitaire dans le pays. Auditionner les requérants d’asile sur place c’est aussi gagner en intelligence tout en assurant une voie de passage légale et sûre pour des personnes menacées dans leur pays.

Dans la prochaine loi sur l’asile, il faudra réintroduire la procédure d’asile en ambassade et surtout aligner les pays de l’Union européenne sur cette stratégie qui répond aussi à sa politique migratoire (assurer des voies légales de migration). En attendant, les autorités suisses doivent accélérer la délivrance de visas humanitaires dans les ambassades de la région au Pakistan, en Iran, au Turkménistan, au Tadjikistan et à Ankara et surtout faciliter les démarches des personnes qui ont de la famille en Suisse. 

 

Lire:

Lettre ouverte sur la situation en Afghanistan, Coalition des  juristes indépendants pour le droit d’asile, 16 août 2021. Cette coalition regroupe de nombreuses permanences juridiques et organisations ainsi que des avocats et personnes engagées pour la défense juridique dans le domaine de l’asile.

La prédiction anxiogène et infondée d’un journaliste du Temps

Dans un article récent, Ram Etwareea, journaliste au Temps, parle du “flux des réfugiés (qui) ne tarira pas. Selon lui, le Covid n’a pas empêché des milliers de personnes de “chercher leur bonheur sous d’autres cieux. C’est faux.

Plus loin, Ram Etwareea évoque les traversées “semaine après semaine” de la Méditerranée, de la Manche ou du Rio Grande comme si toutes ces situations étaient semblables. Ensuite, il nous assomme avec les plus de “79,5 millions de réfugiés dans le monde” en précisant au passage que si la Turquie accueille 3,5 millions de réfugiés syriens il n’y a “que”les guillemets sont de lui – “4,2 millions de gens à avoir tenté leur chance en Europe et en Amérique “. Il termine avec le même panache que pourrait avoir, sur sa tribune, un militant d’extrême-droite en citant Jean-Christophe Rufin et son livre L’Empire et les nouveaux barbares (1992). Dans ce livre qui date, l’auteur craint “l’arrivée de hordes de réfugiés, résultat de la fracture planétaire née des travers de la mondialisation”. Et Ram Etwareea de conclure “Nous y sommes“. 

 

Les chiffres peuvent inquiéter. Ils ont été communiqués en juin dernier et répétés en boucle dans les médias à l’occasion des 70 ans de la Convention des réfugiés le 28 juillet dernier. Ce n’est pas toujours une bonne stratégie de communication car ces statistiques inquiètent et sont souvent mal interprétées. Cependant, le Haut Commissaire Filippo Grandi l’a justement expliqué, nous ne sommes de loin pas devant “une horde” et 90 % des réfugiés dans le monde se trouvent dans des pays en développement, pas en Suisse, ni en Europe, ni aux Etats-Unis, ni au Canada.

 

La hausse de demandes d’asile en Suisse ces quatre derniers mois ne ressemble en rien à une horde. Les arrivées sur les côtes italiennes sont en hausse (29’000 au 1er août 2021) mais restent bien loin des chiffres de 2017, 2016 ou 2015 et nous sommes encore en dessous de 2020.  Et puis même avec une hausse, nous avons de la marge. La baisse importante des demandes d’asile en Suisse et dans l’Union européenne  depuis 2015 est très impressionnante. En 2020, les demandes d’asile en Suisse (11’041) n’ont jamais été aussi basses depuis 2007 (10’844). 

 

Ajoutons que la grande majorité des requérants d’asile en Suisse et en Europe ne cherchent pas ” leur bonheur sous d’autres cieux “. Ils aspirent à vivre en sécurité après avoir fui des guerres et des persécutions. Si une minorité passent pour être des migrants économiques, il faut comprendre que ces personnes cherchent surtout un vrai travail pour soutenir leur famille dépendante et endettée au pays. 

 

Avec de tels propos infondés, Ram Etwareea, journaliste au Temps, s’aligne sur la rhétorique nauséabonde de nombreux politiciens européens d’extrême droite.  Il surfe sur le discours de peur et répand des hantises irrationnelles sur les réfugiés et les migrants qu’il soupçonne d’être incapables de ” trouver leur bonheur ” chez eux. 

 

Lire aussi:

 

 

Voir les reportages récents de la RTS:

 

Les Centres fédéraux d’asile fonctionnent comme des boîtes noires hyper sécurisées et mal gérées

Photo © Keystone/Sigi Tischler

 

La mise en oeuvre du nouveau système d’asile en mars 2019 a rendu l’hébergement des requérants d’asile dans les Centres fédéraux d’asile (CFA) extrêmement difficile. A la pression de la procédure d’asile elle-même, s’ajoute des règles de vie absurdes que des agents de sécurité font appliquer avec force, violences, insultes racistes et xénophobes et punitions exagérées.

Le SEM a donné trop de pouvoir aux sociétés privées de sécurité (Protectas et Securitas) sans avoir vraiment les moyens de vérifier leur travail et lorsqu’il sait, il minimise. Pour le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) la parole d’un requérant vaut toujours moins que celle d’un fonctionnaire ou d’un agent de sécurité.  

On doit alors se demander si les conditions d’hébergement dans les CFA permettent la tenue sereine des auditions? Question sous-jacente: dans quelles mesures le SEM et ses sbires mal supervisés peuvent être tenus responsables d’auditions ratées, de mauvaises décisions, de disparitions dans la nature ? 

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Le sale jeu de l’UE en Libye et en Méditerranée

Photo © Flavio Gasperini/SOS MEDITERRANEE

L’excellent reportage de Maurine Mercier pour la RTS parle de la barbarie d’une milice en Libye, de la nécessité de justice dans ce pays et de la relation toxique entre le gouvernement actuel et les milices pour assurer sa sécurité et celle du territoire. En Libye, les milices vivent d’abord de trafics d’armes, de drogue, de migrants et d’essence. Mais, comme le gouvernement n’a pas de police, ni d’armée, ni aucune institution pour les soumettre, il leurs verse des salaires pour tenter d’y parvenir.

 

L’argent de l’UE termine dans les caisses des milices

 

Or, le communiqué récent du Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE) précise les montants astronomiques des transferts effectués en Libye pour favoriser le renforcement de la société civile et améliorer la gestion des migrations. Dans l’ensemble, l’aide de l’UE à la Libye a atteint environ 700 millions d’euros au cours des dernières années. Sur les 455 millions d’euros accordés dans le cadre du Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique (EUTF), 57 millions d’euros sont alloués pour soutenir les autorités libyennes dans la gestion des frontières, les activités de recherche et de sauvetage (SAR) en mer et sur terre et les forces de l’ordre. 

 

Un autre rapport du Groupe d’experts de l’ONU sur la Libye dit que l’embargo sur les armes décidé en 2011 est une blague. Les armes arrivent de toutes parts. Le groupe d’experts déclare aussi que les personnes migrantes interceptées en mer Méditerranée par les gardes-côtes libyens ne sont pas toujours correctement comptabilisées à leur arrivée aux ports. Certains disparaissent et les différents ministères interrogés n’ont pas donné d’explications. Une chose est sûre, lorsque les migrants sont à nouveau placés dans des centres officiels de détention, ils sont victimes des pires traitements, le groupe d’expert le confirme.

 

En 2019, AP News publiait une enquête ahurissante affirmant que d’importants fonds européens avaient été détournés vers des milices enrichies grâce aux trafics de migrants et bénéficiant de liens spéciaux avec des gardes-côtes. L’ONU était au courant. 

 

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La réforme du Brevet fédéral d’interprétariat concerne aussi les interprètes intervenant dans les auditions d’asile

Mon billet Asile: les superpouvoirs des interprètes a été mis en ligne le 16 mai 2019. Il faisait état de nombreux problèmes d’interprétation durant les auditions d’asile. Dans cet article, je suggérais que la Suisse suive l’exemple de nombreux pays européens en introduisant l’enregistrement audio des auditions d’asile. Je demandais également que les interprètes intervenant dans la procédure d’asile reçoivent une formation adaptée à la complexité de leur tâche. A l’époque, Michael Müller, Secrétaire général de l’association suisse INTERPRET, avait confirmé le besoin impératif d’une formation adéquate. 

 

Ces deux demandes ont été communiquées en janvier 2020 au Secrétaire d’Etat aux migrations (Mario Gattiker) dans une lettre signée par 66 experts de l’asile en Suisse dont de nombreux professeurs de droit, des avocats, des juristes et de nombreuses ONG. La réponse diplomatique de Mario Gattiker ne promettait rien. Selon lui, la Suisse dispose actuellement de l’un des meilleurs systèmes en Europe. Et pourtant, en 2021 il n’existe en Suisse toujours aucune formation pour cette catégorie d’interprètes et aucun moyen de vérifier la fidélité de la traduction lors des auditions (1). 

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Des artistes et des jeunes migrants ont créé “Checkpoint” une exposition sensationnelle

CHECKPOINT est une exposition fabuleuse créée pour et par une cinquantaine de jeunes migrants non accompagnés. Elle a lieu jusqu’au 20 juin 2021 dans la belle maison de maître rebaptisée la Ferme des Tilleuls à Renens.  

C’est une suite poétique d’immenses gravures, de sérigraphies, de séquences photographiques, de vidéos. Elle présente les œuvres créées lors de quatre ateliers réalisés entre 2019 et 2020 sous la direction artistique de François Burland et d’autres artistes triés sur le volet, la comédienne et metteuse en scène Audrey Cavelius, le “bricoleur professionnel” Stanislas Delarue et l’Agence des Chemins Pédestres, un collectif d’artistes créé en 2020 pour l’exposition. 

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Shadow Game: le parcours dangereux des mineurs non accompagnés dans les Balkans

Le long métrage documentaire Shadow Game, de Eefje Blankevoort et Els Van Driel est en compétition Documentaire de création au Festival du film et forum international sur les droits humains FIFDH 2021 (5 au 14 mars 2021). Dans ce film, les réalisatrices nous emmènent dans les Balkans où de nombreux jeunes tentent de traverser les frontières serbes, croates, hongroises, puis italiennes et françaises afin de trouver refuge dans les pays où ils souhaitent demander l’asile. En 2020, les deux réalisatrices avaient emporté le Prix Impact Day du FIFDH. 

 

 

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Créatif, le FIFDH 2021 s’adapte et réinvente

Du 5 au 14 mars 2021, la 19ème édition du Festival du film et forum international sur les droits humains FIFDH sera virtuelle et dans la rue. L’équipe s’est adaptée avec brio aux circonstances exceptionnelles de la crise sanitaire en proposant 29 films à voir en ligne, 17 débats qui seront retransmis en direct, des supports sonores, des masterclass et de nombreuses rencontres

 

Covid oblige, le FIFDH va à la conquête du public et sera dans les rues de Genève, sur les murs, dans les gares. Permettre à tout le monde d’interagir sur l’actualité des droits humains, c’est la mission du Festival qui explore de nouvelles formes d’interaction.

 

Cette année, nous avons entièrement repensé cette édition. Nous avons imaginé une expérimentation grandeur nature de ce qu’un Festival autour du cinéma et de l’activisme peut être en temps de pandémie. L’édition 2021 du FIFDH sera encore plus accessible et inclusive que les précédentes” explique Isabelle Gattiker, directrice générale et des programmes. 

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Statistique en matière d’asile: la Suisse n’attire pas

En 2020, les demandes d’asile n’ont jamais été si basses depuis 2007. Avec 11’041 demandes, 22.6 % de moins qu’en 2019, la Suisse est plus de trois fois en dessous du pic de 2015 (39’523 demandes d’asile). La raison principale de cette baisse est la crise provoquée par la pandémie du Covid-19. Mais le Secrétariat d’Etat aux migrations SEM donne d’autres raisons.  

 

La Suisse n’attire pas

 

Les premiers pays d’arrivée des personnes demandant l’asile en Suisse sont l’Italie et la Grèce.  Les flux migratoires là-bas permettent, en général, d’anticiper les demandes d’asile en Suisse. Mais la Suisse n’attire plus et les personnes arrêtées en Suisse disent vouloir poursuivre leur trajet vers la France ou l’Allemagne pour y déposer une demande d’asile. 

 

Source © SEM, DFJP 2021

 

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