Sécurité des femmes dans le domaine de l’asile: le Conseil fédéral adopte des mesures décevantes

Les femmes et les jeune-filles qui déposent une demande d’asile en Suisse ont souvent été victimes de violence ou d’exploitation sexuelle dans leur pays d’origine ou durant leurs parcours migratoires. Elles sont aussi souvent des cibles idéales dans les centres fédéraux ou les centres cantonaux et subissent régulièrement des actes de violence.

Sur les cinq dernières années la proportion des requérantes d’asile nouvellement arrivées en Suisse représente en moyenne 30% du nombre total des demandes d’asile. Parmi elles se trouvent une majorité de femmes érythréennes, syriennes, afghanes, somaliennes, turques, irakiennes ou encore iraniennes. Souvent elles n’osent pas parler de leurs traumatismes ou encore reçoivent les mauvais soins. Certaines n’osent pas aller se doucher de peur de croiser certains hommes au passage, d’autres ne ferment pas l’oeil car elles ne peuvent verrouiller leur porte. Et si elles osent communiquer un problème grave elles n’ont personne pour traduire.

Les témoignages de femmes, accessibles sur le site de l’organisation TERRE DES FEMMES Suisse et les informations révélées dans l’excellent rapport du Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) sur la situation dans les cantons, font froid dans le dos.

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METAdrasi fondé par Lora Papa, reçoit le Prix Conrad N. Hilton pour son travail auprès des requérants d’asile en Grèce

Lora Pappa est une femme de terrain inspirante et déterminée. En décembre 2009 elle fonde METAdrasi, Action pour la migration et le développement afin de soutenir de nouvelles actions en Grèce pour une gestion plus efficace des flux migratoires. Son travail vient d’être récompensé par le prestigieux prix humanitaire “N. Hilton Humanitarian Prize” qui sera remis lors d’une cérémonie qui se tiendra à Los Angeles le 18 octobre 2019. Le prix Hilton est considéré de loin le plus important (2 millions de dollars) et le plus prestigieux prix humanitaire au monde. 

 



 

Activités novatrices de METAdrasi

En 2010 METAdrasi se lance dans la formation d’interprètes et dans l’accompagnement des mineurs non-accompagnés. Un réseau d’escortes est créé pour transférer rapidement les mineurs et enfants non-accompagnés des centres de détention vers des foyers appropriés. Avec le temps, METAdrasi développe d’autres activités novatrices, comme le réseau de tuteurs pour protéger les mineurs dès leur arrivée, un système de parrainage grâce à un réseau de familles d’accueil, des foyers de transit sur les îles. En 2018, METAdrasi lance un nouveau programme permettant aux mineurs non accompagnés de 16 à 18 ans, bénéficiant du statut de réfugié, de vivre en autonomie assistée.  L’organisation offre une assistance juridique et procède à l’identification et à la certification des victimes de torture. Enfin elle est engagée dans la formation avec notamment des cours de langues. 

 

Comment tout a commencé

Après des études à Genève à l’Institut des hautes études internationales et du développement (IUHEID), Lora Pappa retourne en Grèce où elle travaille plusieurs années pour le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). C’est lors de missions sur les îles qu’elle constate le manque d’assistance aux requérants mineurs non-accompagnés, littéralement laissés-pour-compte, sans hébergement appropriés, sans aides particulières, destinés à l’errance, donc des cibles idéales pour les réseaux criminels. 

 

Je voyais beaucoup de requérants mineurs non-accompagnés totalement délaissés dans des camps fermés avec des adultes. Je savais qu’ils devaient être transférés au plus vite vers des foyers sur le continent mais il n’y avait personne pour le faire. Les préfectures avaient l’ordre des procureurs de les transférer mais ces ordres restaient lettre morte ou  cela se faisaient dans de mauvaises conditions. Il y avait des enfants qui passaient plus de temps que les adultes dans des conditions de détention sur les îles. Comme aucune ONG ne souhaitait s’en charger, j’ai décidé de créer METAdrasi pour combler ce vide.”

Lora Pappa se rend aussi compte du manque d’interprètes compétents et impartiaux. Dès 2010, l’ONG se lance dans un vaste programme de sélection et de formation d’interprètes. Aujourd’hui METAdrasi en compte 350 qui couvrent 43 langues et dialectes en tout. Ils sont appelés pour traduire  dans le cadre de la procédure d’asile, durant l’enregistrement sur les îles, dans des camps de réfugiés sur le continent mais aussi dans les hôpitaux ou auprès des services publics comme les écoles. Les interprètes sont aussi actifs auprès d’autres organisations non-gouvernementales (ONG) ou internationales, notamment le HCR. Dans ce domaine METAdrasi pourrait bien être une pointure au niveau européen. 

Nous nous occupons de la sélection des interprètes, de leur formation et de leur évaluation. Le succès de METAdrasi vient de la formation qu’elle délivre et de la coordination des interprètes sur le terrain. Autre particularité, la nouvelle loi de 2013 en Grèce oblige les interprètes à signer avec un code ce qui les protège des tentatives de corruption. Nous sommes un des seul pays à le faire en Europe. Les auditions d’asile sont aussi enregistrées.”

Lora Pappa déplore par contre la prolifération d’entreprises privées depuis 2015 qui facturent des prix élevés au Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) alors que leurs interprètes font l’objet de plaintes récurrentes. Lora Pappa songe sérieusement à répondre au prochain appel d’offre de EASO parce que l’expertise de METAdrasi est unique et doit profiter au plus grand nombre. 

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Un espoir pour les requérants mineurs non-accompagnés à Genève: le plan d’action du Conseil d’Etat

Tic-tac, l’horloge tourne. Le 2 octobre 2019, le Conseil d’État genevois présentait enfin un plan d’action pour améliorer la prise en charge des requérants mineurs non-accompagnés (RMNA) entre 16 à 25 ans. Trois départements, celui de la cohésion sociale (DCS) dirigé par Monsieur Thierry Apothéloz, celui de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) dirigé par Madame Anne Emery-Torracenta et celui de la sécurité, de l’emploi et de la santé (DSES) dirigé par Monsieur Mauro Poggia, ont jusqu’à la fin de l’année pour préparer ce dispositif. 

 

Cette équipe devra tenir compte du récent rapport de la Haute école de travail social (HETS/HES-SO Genève) qui décrit les besoins des enfants et des jeunes migrants à Genève. Le rapport intitulé Vers une prise en compte holistique et dynamique des besoins des enfants et des jeunes migrant-e-s à Genève émet des pistes destinées à renforcer le soutien social et éducatif aux jeunes, permettre leur logement dans des petites structures, procéder à leur suivi au-delà de la majorité, améliorer les possibilités de formation et enfin renforcer leur prise en charge psychique. 

Dans son communiqué le Conseil d’Etat reconnaît la nécessité pour les différents départements de coopérer avec les acteurs publics ou privés concernés. Espérons que ce feu vert de l’exécutif genevois donnera de l’élan aux différents départements concernés. C’est un changement de politique bienvenu encore faut-il tenir le cap pour concrétiser les promesses d’actions. 

Lire aussi: 

(1) En février 2018, la Cour des comptes publiait un Audit de gestion et de conformité  plutôt critique sur la situation des RMNA dans le canton et recommandait une amélioration de l’encadrement des RMNA, une meilleure coordination des départements concernés par leur prise en charge et une analyse des besoins des RMNA en matière d’hébergement, d’encadrement social et éducatif, de formation scolaire, d’insertion professionnelle et de santé. 

Plusieurs Etats européens procèdent déjà à l’enregistrement audio des auditions d’asile. Pourquoi pas la Suisse?

Contrairement à la Suisse, plusieurs Etats européens procèdent déjà à l’enregistrement audio des auditions d’asile. C’est le cas de la France, de l’Angleterre, de l’Allemagne, de la Finlande, de la Suède, de la Pologne, de la Slovénie et de Malte. Ces pays vivent avec leur temps. Ils ont compris tous les avantages que ce système procure aux autorités d’asile, aux requérants et aux interprètes.

Combien de temps faudra-t-il au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) pour réaliser l’utilité pratique d’un tel système, le seul à même de garantir une procédure d’asile de qualité. Personne n’est dupe, aujourd’hui les fonctionnaires qui mènent les auditions d’asile n’ont aucun moyen de vérifier la fidélité des traductions effectuées. Et sans vouloir pousser le bouchon, on peut affirmer que les requérants signent des procès-verbaux sans en connaître la teneur réelle. S’ils signent, ils ne font qu’approuver ce que l’interprète leur a dit à la relecture du procès-verbal. L’interprète est roi, il est le maître de l’audition, il a tous les pouvoirs sur l’issue de la procédure et c’est un comble.

Au niveau européen, la Suisse figure en bas de l’échelle. Elle ne prévoit pas d’enregistrement audio des auditions d’asile, pas de formation continue et les règles de travail imposées aux interprètes communautaires sont floues et peu exigeantes. J’aime citer comme exemple incontournable, la Charte française d’interprétariat, rédigée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). 

Le tableau comparatif que vous trouverez ci-dessous montre que la Suisse est à la traîne. Ce tableau reprend les informations fournies par les organisations nationales à la plateforme européenne d’information sur l’asile (AIDA/ECRE) qui centralise toutes les données importantes sur la pratique des Etats européens dans ce domaine. 

Il est intéressant de constater que tous les rapports nationaux contiennent une section destinées aux interprètes dans la procédure d’asile et tous les pays européens font face à des problèmes récurrents de traduction dans les auditions d’asile. Certains rapports soulignent des langues particulièrement problématiques ou des comportements inacceptables de la part d’interprètes. 

D’autres pays comme l’Italie et Chypre ont prévu l’enregistrement dans leur textes de loi sans l’exécuter en pratique souvent parce que les installations techniques tardent. La Bulgarie effectue l’enregistrement audio des auditions d’asile mais il semble que les procès-verbaux n’en tiennent pas compte. Les derniers de classe sont l’Autriche, la Croatie, la Hongrie, l’Irlande, la Serbie, la Roumanie et comme vous le savez la Suisse

On sait maintenant que le SEM n’est pas opposé en principe à l’enregistrement audio des auditions d’asile (1). Ajoutons qu’aucune disposition dans la Loi sur l’asile (article 29 LAsi – RS 142.31) ou dans l’Ordonnance relative à la procédure d’asile (article 19 OA1 – RS142.311) ne s’y oppose.

Aujourd’hui l’enregistrement de nos conversations téléphoniques auprès des CFF ou de Swisscom est plutôt courant. On nous dit que c’est pour effectuer un “contrôle qualité” des communications. On nous enregistre alors que nous communiquons sur des choses futiles. Pour les requérants d’asile, l’enregistrement audio est crucial. Les auditions d’asile comptent parmi les heures les plus importantes dans la vie d’une personne qui a fui son pays d’origine. Ces auditions sont faites de questions détaillées, répétitives et souvent douloureuses et déterminent la décision positive ou négative du Secrétariat d’Etat aux migrations (“SEM”). 

Je suggère donc que la Suisse se distance des pays comme la Hongrie, la Serbie ou la Roumanie et qu’elle rejoigne le peloton de tête des Etats européens exemplaires. 

 

Les informations compilées tiennent compte des rapports nationaux 2018/2019 fournis à la plateforme européenne d’information AIDA/ECRE sur l’asile. 

TABLEAU COMPARATIF: PRATIQUE DES ETATS DE L’ UE

 

(1) Déclaration de la porte-parole du SEM sur la RTS et lettre de Monsieur Mario Gattiker, Secrétaire d’Etat aux migrations à l’auteur de ce blog.

 

 

 

 

 

 

Azizbek Ashurov, lauréat de la Distinction Nansen 2019, a permis l’éradication de l’apatridie au Kirghizistan

Photo © UNHCR/ Chris de  Bode

A 38 ans l’avocat kirghize Azizbek Ashurov est récompensé pour son travail dans l’éradication de l’apatridie au Kirghizistan. C’est une première mondiale. Il reçoit aujourd’hui la Distinction Nansen 2019 pour les réfugiés, qui récompense 16 ans de travail acharné en faveur des personnes apatrides dans la Vallée de Ferghana, aux frontières de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan. A l’origine de son travail, il y a l’expérience de sa famille, elle-même apatride lorsqu’elle arrive d’Ouzbékistan après la dissolution de l’Union Soviétique en 1991.

Azizbek Ashurov s’explique:

Tous les habitants des quinze nouveaux pays indépendants sont momentanément devenus apatrides au moment de la dissolution de l’Union soviétique. Chaque pays a adopté ses propres lois de citoyenneté. Au Kirghizistan, la loi est entrée en vigueur en 1994. Le gouvernement a imposé un délai d’inscription pour obtenir la nationalité kirghize, mais certaines communautés ont laissé passer ce délai. Ma famille a pu faire les formalités dans le délai imposé, mais l’obtention effective de la citoyenneté a pris des années. C’est après l’année 2000 que la situation est devenue critique, car les anciens passeports soviétiques n’étaient soudainement plus valides et ne permettaient plus de se déplacer. Les gens ont alors cherché à obtenir des papiers kirghizes, mais ils était souvent trop tard pour le faire.”

En 2003, Azizbek Ashurov participe à la création de l’ONG Avocats sans frontières de la Vallée de Ferghana (FVLWB) qui fournit une assistance juridique et des conseils aux personnes vulnérables déplacées. Dès 2007, l’organisation se concentre sur l’assistance aux apatrides et collabore avec des acteurs régionaux pour cartographier les populations dans le besoin. 

Avec la nouvelle loi de 2007, on s’est dirigé vers une simplification salutaire de la procédure de reconnaissance de citoyenneté. Parmi les mesures adoptées, on peut citer la réduction des frais de procédure et l’abandon des exigences de bilans de santé souvent impossible à fournir pour des personnes vivant dans la pauvreté.”

 

Azizbek Ashurov, a lawyer, whose work has supported the efforts of the Kyrgyz Republic in becoming the first country in the world to end statelessness, has been selected as the 2019 winner of the UN Refugee Agency’s Nansen Refugee Award.

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