Des milliers de personnes et 132 organisations demandent que la Suisse accueille un important contingent de réfugiés bloqués sur les îles grecques

Photo © Aris Messinis/AFP

Si la Suisse a reçu peu de demandes d’asile ces dernières années (1), si elle a réussi à renvoyer des milliers de personnes, c’est grâce à sa situation géographique, au système Dublin et à la politique européenne d’asile qui permet d’une part le blocage des requérants d’asile sur les îles grecques et d’autre part les “push-backs” et refoulements de réfugiés vers la Turquie et la Libye. 

 

Mardi 16 juin sera gravé dans la mémoire de nombreux militants, experts de l’asile et parlementaires. Le Conseil national adoptait enfin une motion (20.3143) intitulée  « Accueil de réfugiés en provenance de Grèce et réforme des accords de Dublin ». Elle demande au Conseil fédéral de s’engager au niveau européen en faveur d’une amélioration importante de la situation dans les îles grecques, de s’engager au niveau européen en faveur d’une réforme des accords de Dublin et en faveur d’une répartition équilibrée des réfugiés en Europe. 

 

Dans la foulée du Conseil national, une importante délégation d’organisations (2) déposait ce mardi 23 juin, l’appel signé par 50’000 personnes et 132 organisations non gouvernementales demandant au Conseil fédéral de relocaliser un contingent de réfugiés bloqués sur les îles grecques. 

 

La Suisse a récemment augmenté son aide sur place mais la situation sur les îles y est si grave qu’elle doit faire plus, par solidarité envers la Grèce et par humanité envers des personnes menacées dans leurs pays d’origine. Les 23 requérants mineurs non-accompagnés arrivés en Suisse en mai dernier et les 27 autres qui doivent arriver demain 27 juin sont accueillis au titre du droit au regroupement familial prévu par le Règlement Dublin (art.8).  

 

Sur Forum (RTS) Monsieur Yves Nidegger, conseiller national UDC genevois, déclarait qu’il avait pu constater lors d’une visite dans les camps, que la plupart des personnes qui s’y trouvaient étaient des migrants économiques. Je me demande comment il a pu vérifier cela. La majorité des requérants d’asile bloqués sur les îles viennent d’Afghanistan, de Syrie, de Pakistan et d’Iraq et pour affirmer qu’une personne n’a pas de motifs d’asile, il faut pouvoir l’auditionner en présence d’un interprète qualifié, ce qu’il n’a pas fait. 

 

Il y a aussi de nombreux “migrants économiques” dans ces camps, je ne dis pas le contraire mais avec le temps, les cours internationales et les tribunaux nationaux en Europe considéreront qu’ils ont été si persécutés et maltraités sur le chemin de l’exil qu’ils obtiendront le statut de réfugié ou un statut humanitaire. Je me réjouis de ce moment. Et tous les mensonges de l’UDC ne pourront rien contre cette reconnaissance et cette protection bien méritée. 

 

  1. Statistiques en matières d’asile 2019
  2. Pétition d’évacuer MAINTENANT, pétition d’Amnesty International et l’appel du réseau Migrationscharta.ch.

 

La sphère privée des criminels présumés sera-t-elle bientôt mieux protégée que celle des requérants d’asile ?

La protection de la sphère privée est un droit fondamental dont le respect concerne toutes les personnes en Suisse y compris les requérants d’asile. Un avant-projet de modification de la Loi sur l’asile (LAsi) prévoit malheureusement de le dissoudre. Ce texte soumis à consultation autorise l’inspection des supports mobiles de téléphones, tablettes, ou ordinateurs, lorsque l’identité, la nationalité ou la trajectoire d’un requérant d’asile ne peuvent être établis sur la base de documents d’identité ou d’autres moyens raisonnables. Les centres sociaux protestants (CSP) et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) dénoncent une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée des requérants d’asile. Le Préposé fédéral à la protection des données est aussi très critique et constate le caractère discriminatoire et complètement contre-productif de l’avant-projet.

 

A l’origine du projet ? Grégor Rutz, conseiller national UDC

 

En mars 2017 son initiative parlementaire” réclamait l’accès aux supports mobiles des requérants d’asile parce que 70 à 80 % d’entre eux ne présenteraient pas de documents d’identité originaux à leur arrivée en Suisse entraînant des risques sécuritaires et des charges additionnelles pour les services de l’état civil.

En février 2020, la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) proposait un avant-projet de modification de la Loi sur l’asile (LAsi) autorisant l’accès aux données des supports mobiles des requérants d’asile lorsque l’identité, la nationalité ou l’itinéraire ne peuvent être établis ou afin de faciliter l’exécution des renvois, la lutte contre les passeurs et l’élucidation de crimes de guerre. 

 

L’accès aux données personnelles sans consentement libre est illégal

 

Un des points les plus controversé du projet de loi touche au consentement du requérant d’asile.  Le Préposé fédéral à la protection des données insiste là-dessus. Pour que les fouilles soient légales, le consentement libre de la personne est primordial. Dans son rapport explicatif, la CIP-N assure à tort qu’il n’est pas prévu de saisir les supports de données mobiles des personnes concernées sans consentement. Cependant, comme le projet lie le consentement à l’obligation de collaborer, pour éviter le pire, un requérant d’asile se verra contraint de remettre son téléphone mobile. S’il s’y oppose, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) estimera qu’il a violé son devoir de collaborer (art. 8 al.1, let. g, P-LAsi). Il classera ou rejettera sa demande d’asile.

(suite…)

Lire la suite