Tibétains déboutés de l’asile, un expert pro-chinois aurait influencé le SEM

Aujourd’hui, près de 300 requérants tibétains sont sans statut légal. Leurs demandes d’asile ont été rejetées parce que le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) les soupçonnait d’être socialisés en dehors du Tibet. La communauté tibétaine est l’une des cibles des nombreuses incohérences de l’administration fédérale.

Ainsi, les personnes déboutées de l’asile doivent vivre avec une décision négative et un ordre de quitter la Suisse sans que cela soit possible puisqu’elles ne disposent pas de papiers. En raison de leur séjour «illégal», ces personnes sont punies d’amendes et de peines d’emprisonnement et, dans certains cantons, de restrictions (1). 

Mais la question est de savoir si oui ou non ces personnes ont été victimes d’experts engagés par le SEM mais travaillant pour le compte de la Chine ? Une affaire révélée par la NZZ am Sonntag le suggère et la communauté tibétaine concernée vient de lancer une pétition en ligne demandant à la Conseillère fédérale Karin Keller-Sutter de légaliser leur statut (2).  

 

Pour signer la pétition: LEGALISIERUNG DER TIBETISCHEN SANS-PAPIERS

 

Analyse Lingua

 

Pour éclaircir la provenance des requérants, le SEM utilise un service spécialisé composé de plus de 100 experts dont les noms doivent rester confidentiels. Ces personnes sont mandatées pour trouver l’origine réelle et le lieu de socialisation des requérants d’asile qui n’ont pas pu remettre les preuves de leur identité, de leur provenance. 

L’analyse Lingua est effectuée par téléphone. C’est le dernier stade d’une demande d’asile qui doit permettre de cerner le dialecte, la connaissance de base du pays d’origine et la socialisation du sujet. L’avis des experts est décisifs pour un requérant d’asile et le Tribunal administratif fédéral (TAF) considère ces analyses comme ayant une «valeur probante» certaine. 

Ces dernières années les experts ont cependant rejeté jusqu’à 80% des réfugiés tibétains ce qui explique les centaines de Tibétains sans papiers en Suisse.

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Une coalition de juristes indépendants demande de ralentir la procédure d’asile et …de l’améliorer

Le 1er Mars 2019, la restructuration du domaine de l’asile entrait en vigueur. Elle devait permettre une procédure d’asile plus rapide et plus efficace avec la promesse d’une assistance juridique professionnelle gratuite pour les requérants d’asile dans les centres fédéraux.  

 

Bilan sombre de la Coalition des juristes indépendant-e-s pour le droit d’asile

 

La Coalition des juristes indépendant-e-s pour le droit d’asile vient de publier un bilan critique sur la première année de fonctionnement de la nouvelle formule (1). Les délais trop courts imposés aux autorités d’asile a conduit à de nombreuses décisions de mauvaises qualité entraînant deux fois  plus de recours au Tribunal administratif fédéral. 

Durant la période analysée (mars 2019 à février 2020), le Secrétariat d’Etat aux migrations a failli à son devoir d’instruction en plaçant à tort de trop nombreux cas en procédure accélérée en vue d’un renvoi (2). La coalition des juristes indépendants de Suisse déplore le travail minimaliste des prestataires de protection juridique mandatés par le Secrétariat d’Etat aux migrations pour conseiller et représenter les requérants d’asile dans les centres fédéraux.  

 

Un recours sur quatre donne tord au Secrétariat d’Etat aux migrations

 

Deux indices, le taux de recours très bas des prestataires (12.5%) et le fait que beaucoup de requérants laissés-pour-compte ont finalement obtenu gain de cause, en recourant eux-même ou avec l’aide d’un juriste externe, montrent que ces personnes auraient dû bénéficier d’une assistance juridique de la part des prestataires actifs dans les centres.  Au lieu de cela, les révocations de mandat furent bien trop fréquentes à cause d’un manque de temps à disposition. Durant les douze premiers mois de mise en oeuvre, près d’un  recours sur quatre, soumis dans le cadre de la procédure accélérée, donne tord au Secrétariat d’Etat aux migrations. C’est le double des années précédentes (2015-2018), un bond énorme selon les juristes de la coalition. 

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Le Centre fédéral de renvoi, une verrue pour Genève

Au Grand-Saconnex, le chantier du futur Centre fédéral sans tâches procédurales (CFA) a débuté. Juste à côté du bâtiment prévu pour 250 lits, un nouveau centre de détention administrative de 50 places et un autre bâtiment pour la Police internationale chargée de l’exécution des renvois sont prévus. L’encadrement des requérants d’asile sera la responsabilité de la société privée ORS. La sécurité sur place sera aussi attribuée à une autre société privée de surveillance, probablement Protectas. 

 

 

Son ouverture est prévue pour 2022. Ce centre sera principalement destiné aux requérants d’asile qui font l’objet d’une procédure Dublin et aux personnes déboutées de l’asile (1). Le Centre fédéral du Grand-Saconnex aura donc la même fonction que le centre de Giffers dans le canton de Fribourg où des problèmes de mauvais traitements ont récemment eu lieu. 

En 2015, le Conseiller d’Etat Pierre Maudet, défendait le projet, estimant qu’avec l’aéroport international, Genève n’avait pas vraiment le choix. En échange d’un CFA sur son territoire, le canton bénéficierait de compensations avec le droit de prendre en charge un nombre moins important de requérants d’asile en procédure étendue. 

Dès 2015, les associations de défense des requérants d’asile ont communiqué leurs inquiétudes. Pourquoi Genève, capitale mondiale de l’humanitaire, devrait accueillir un Centre fédéral de renvoi avec toute la tristesse, la souffrance et les violences qui vont avec ? Pourquoi Genève ne pouvait pas proposer, à la place, un Centre fédéral de procédure d’asile? 

En 2018, Aldo Brina, chargé d’information sur l’asile au Centre social protestant de Genève, rentrait inquiet d’une visite de Giffers. Il décrivait un lieu de “pré-détention administrative en vue du renvoi” avec un “dispositif sécuritaire” important  et un climat psychologique ressemblant à celui que l’on perçoit dans les centres de détention administrative. (3)

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Détenir pour contrôler la migration, un livre explique une pratique européenne croissante malgré la baisse continue des demandes d’asile depuis 2015

Photo © Yara Nardi/ Reuters. Centre d’accueil à Rome

Depuis la crise migratoire de 2015 et sous l’impulsion des dirigeants de l’Union européenne (1), les États européens ont augmenté les placements en détention pour expulser les demandeurs d’asile déboutés ou les personnes étrangères sans statut légal. Alors que les demandes d’asile ont continuellement baissé de 2016 à 2019, les statistiques en matière de détention ont pris la direction contraire.

 

L’ouvrage intitulé “Immigration Detention in the European Union, In the Shadow of the Crisis” (La détention des migrants dans l’Union européenne, dans l’ombre de la crise), décrit l’évolution de la pratique des Etats  européens sur les cinq dernières années. Les auteurs, Izabella Majcher, Michael Flynn et Mariette Grange y abordent les modifications législatives et les pratiques en matière de détention de nombreux pays de l’UE, y compris le Royaume-Uni.

 

De l’évolution des normes nationales relatives aux motifs et à la durée de la détention en passant par le traitement des enfants et les conditions de détention, le livre est la meilleure source à consulter dans ce domaine puisqu’il fait la synthèse de nombreuses analyses effectuées ces dix dernières années par le Global Detention Project (GDP).

Le livre nous éclaire sur l’influence des dirigeants de l’Union européenne. Dès 2015 ces derniers ont adopté un discours sécuritaire en faveur d’une politique résolument dissuasive à l’égard des personnes migrantes, des requérants d’asile et des réfugiés. Résultat, pratiquement tous les Etats de l’Union européenne ont durcis leurs lois sur l’immigration et l’asile en soutenant une politique de contrôle migratoire à l’extérieur des frontières européenne. Par conséquent, au lieu de renforcer la protection des personnes migrantes contre les détentions jugées arbitraires en droit international, le droit de l’Union européenne l’a affaiblie (2).

 

J’ai souhaité m’entretenir avec Michael Flynn et Izabella Majcher sur l’évolution des politiques européennes en matière de détention des personnes migrantes. Michael Flynn dirige le Global Detention Project (GDP) et Izabella Majcher est juriste à ECRE, le European Council on Refugees and Exiles basé à Bruxelles.

 

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