Les avocats de Suisse se mobilisent contre le délit de solidarité

Maître Paolo Bernasconi rappelle que « le Préambule de notre Constitution fédérale nous oblige à œuvrer dans un esprit de solidarité ». Pour Maître Olivier Peter, avocat à Genève et premier signataire de l’article 116 « La répression pénale doit être limitée aux infractions qui portent atteinte aux intérêts d’autrui ou aux intérêts publics. Comment concilier ce principe avec l’art. 116 LEI et son application aux cas de soutien apporté dans un but humanitaire ? Qu’y a-t-il de nuisible à soigner un malade, à héberger une femme enceinte ou un sans-abri, rajouter un couvert pour nourrir une personne affamée ? » Il rappelle encore que « le Préambule de notre Constitution fédérale nous oblige à œuvrer dans un esprit de solidarité ».

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En Suisse, les personnes qui viennent en aide aux migrants en détresse et dans un but purement humanitaire ne devraient pas être poursuivi en justice (1).

116 avocats de Suisse s’alignent sur la campagne plus large portée entre autres par la Conseillère nationale Lisa Mazzone (initiative parlementaire 18.461 « En finir avec le délit de solidarité ») et Solidarité sans frontières (pétition « La solidarité n’est pas un crime »). La campagne vise à modifier l’article 116 de la loi sur les étrangers et l’intégration (LEI) afin de dépénaliser l’aide aux personnes migrantes lorsque l’intention est noble. Dans leur Déclaration sur le délit de solidarité, les avocats invitent les Pouvoirs judiciaires cantonaux à cesser de poursuivre et condamner des actes de solidarité.

Maître Paolo Bernasconi rappelle que « le Préambule de notre Constitution fédérale nous oblige à œuvrer dans un esprit de solidarité ». Pour Maître Olivier Peter, avocat à Genève et premier signataire de l’article 116 « La répression pénale doit être limitée aux infractions qui portent atteinte aux intérêts d’autrui ou aux intérêts publics. Comment concilier ce principe avec l’art. 116 LEI et son application aux cas de soutien apporté dans un but humanitaire ? Qu’y a-t-il de nuisible à soigner un malade, à héberger une femme enceinte ou un sans-abri, rajouter un couvert pour nourrir une personne affamée ? » Il rappelle encore que « le Préambule de notre Constitution fédérale nous oblige à œuvrer dans un esprit de solidarité ».

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Le sort de la famille Ahmed présenté sur Forum (RTS)

Hier le journaliste Alain Arnaud de la RTS présentait dans l’émission Forum la situation de la famille Ahmed qui vient d’être encore une fois déboutée de l’asile. En effet la nouvelle demande d’asile (subsidiairement demande de réexamen de leur demande initiale déposée en 2016) a été rejetée par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) le 17 mai. Dans sa décision le SEM réfute les problèmes de traduction qui ont eu lieu durant les auditions du couple. Un deuxième recours au Tribunal administratif fédéral (TAF) est en cours d’écriture mais il n’a pas d’effet suspensif. La famille Ahmed peut à tout moment être renvoyée vers l’Irak. Le village de Pery-La-Heutte (Jura bernois) est sur les dents. Le SEM et les autorités cantonales ont été informées de la soumission imminente du recours.

Cliquez sur l’image ci-dessous pour écouter l’interview.

© Forum RTS

Les interprètes du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) ont des superpouvoirs comme je l’ai expliqué dans un récent article publier sur ce blog le 16 mai dernier. Dans ses explications sur Forum, la Porte-parole du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), Madame Emmanuelle Jaquet von Sury estime que l’enregistrement audio est envisageable. On est donc sur la bonne voie.

Cliquez sur l’image ci-dessous pour écouter l’interview.

 

J’aimerais tout de même revenir sur certains points de son explication.

 

La Loi sur l’asile (art 29) ne prévoit pas d’enregistrement audio. Et alors?

C’est vrai mais ce n’est pas un obstacle car l’enregistrement audio des auditions est une mesure de type organisationnelle et pratique qui s’apparente à bien d’autres mesures prises par le SEM récemment dans le cadre de la nouvelle procédure d’asile accélérée et qui ne sont pas prévues par la Loi sur l’asile. On peut citer par exemple la mise en place de vidéos conférences pour les requérants dits “récalcitrants” (1) afin qu’ils puissent s’entretenir avec leurs représentants juridiques. On peut citer aussi les traductions par téléphone qui se font pour les Cas Dublin depuis les centres fédéraux. On peut citer aussi la cadence infernale de la nouvelle procédure (2) qui ne figure pas dans la loi non plus.

 

L’ interprète ne sait rien sur les requérants lorsqu’il arrive à l’audition. Faux!

Le SEM ne dispose pas de Charte de l’interprétariat à la française. Celle-ci inclut un code de déontologie stricte imposant l’interdiction de tout contact avec les requérants avant les auditions ou durant les pauses d’auditions. Le SEM devrait s’en inspirer. Le Ministère allemand de l’immigration dispose aussi de règles plus strictes. En pratique les interprètes font régulièrement des apartés avec les requérants avant les auditions et durant les pauses si ce n’est durant les auditions. Dans le cas de la famille Ahmed ce fut le cas.  Le SEM peut imposer des règles plus strictes pour ce qui est des contacts hors audition, mais les apartés douteux durant les auditions sont insaisissables. Le SEM n’est pas en mesure aujourd’hui de garantir ou de vérifier l’impartialité des interprètes.

 

Signer un procès-verbal d’audition signifie qu’on est d’accord avec ce que le traducteur a dit lors de la relecture cela ne signifie pas qu’on est d’accord avec ce qui est écrit au procès-verbal

Madame Jacquet-Sury précise dans Forum que lorsque les requérants signent les procès-verbaux sans réserve et par leur signature, ils confirment ainsi leur contenu comme étant exhaustif et conforme à leurs déclarations.  Mais en réalité, les requérants signent s’ils ont approuvé la traduction verbale d’un procès-verbal et non le procès-verbal écrit en allemand, français ou italien. Et c‘est tout le problème. L’interprète peut enlever des mots importants dans la première partie d’audition lors de la traduction de la langue d’origine à l’allemand par exemple, et quelques mots suffisent comme le nom du parti. L’absence de ces deux mots va d’ailleurs complètement modifier la suite des questions. L’interprète peut rajouter ces mêmes mots au moment de la relecture du procès-verbal dans la langue d’origine. Il a un crayon et un papier et sait parfaitement quand les replacer. Les brouillons des interprètes ne sont pas conservés au dossier d’ailleurs.
La présence d’un représentant juridique aux auditions dans la nouvelle procédure est un atout
Le représentant juridique n’est pas non plus en mesure de remarquer une traduction erronée ou même des apartés interdits. Il peut par contre apporter son soutien au requérant si ce dernier remarque des irrégularités. Le rôle du juriste est donc primordial et l’information avant l’audition notamment sur le droit d’interrompre l’audition sans devoir craindre des conséquences négatives sur l’issue de la demande d’asile doit être donnée de manière systématique pour que le requérant ose faire la démarche. Comme dit Aldo Brina, chargé d’information du service réfugiés du Centre social protestant à Genève, le rapport asymétrique entre le requérant et l’autorité est tellement important et souvent sous-estimé. Or ce rapport explique pourquoi beaucoup de requérants signent les procès-verbaux alors que la traduction est quelques fois plus qu’imparfaite.

  1. L’article 24a de la Loi sur l’asile stipule que: “Les requérants qui menacent sensiblement la sécurité et l’ordre publics ou qui, par leur comportement, portent sensiblement atteinte au fonctionnement et à la sécurité des centres de la Confédération, sont hébergés dans des centres spécifiques créés et gérés par le SEM ou par les autorités cantonales. L’hébergement dans un centre spécifique est assorti d’une assignation d’un lieu de résidence ou d’une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (…)”
  2. L’OSAR précise sur son site “Dans les 72 heures suivant le dépôt de leur demande, les requérantes et requérants d’asile sont attribués à un centre fédéral pour requérants d’asile avec tâches procédurales géré par la Confédération dans une des six régions d’asile. Les clarifications préliminaires nécessaires à la procédure d’asile proprement dite ont lieu au centre fédéral dans un délai de 21 jours ouvrables. Si une requérante ou un requérant d’asile a déjà déposé une demande d’asile dans un autre pays européen (ou est entrée illégalement dans cet Etat et donc dans l’espace Schengen), une procédure dite «Dublin» est alors ouverte. Dans la procédure de Dublin, le délai pour les clarifications préliminaires est encore plus court et s’élève non pas à 21 jours mais à 10 jours. La personne concernée est transférée dans l’État Dublin, pour autant que ledit Etat accepte la réadmission. Contrairement à ce qui se fait aujourd’hui, une attribution à un canton n’est normalement pas prévue dans ces cas-là.”