Azizbek Ashurov, lauréat de la Distinction Nansen 2019, a permis l’éradication de l’apatridie au Kirghizistan

Photo © UNHCR/ Chris de  Bode

A 38 ans l’avocat kirghize Azizbek Ashurov est récompensé pour son travail dans l’éradication de l’apatridie au Kirghizistan. C’est une première mondiale. Il reçoit aujourd’hui la Distinction Nansen 2019 pour les réfugiés, qui récompense 16 ans de travail acharné en faveur des personnes apatrides dans la Vallée de Ferghana, aux frontières de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan. A l’origine de son travail, il y a l’expérience de sa famille, elle-même apatride lorsqu’elle arrive d’Ouzbékistan après la dissolution de l’Union Soviétique en 1991.

Azizbek Ashurov s’explique:

Tous les habitants des quinze nouveaux pays indépendants sont momentanément devenus apatrides au moment de la dissolution de l’Union soviétique. Chaque pays a adopté ses propres lois de citoyenneté. Au Kirghizistan, la loi est entrée en vigueur en 1994. Le gouvernement a imposé un délai d’inscription pour obtenir la nationalité kirghize, mais certaines communautés ont laissé passer ce délai. Ma famille a pu faire les formalités dans le délai imposé, mais l’obtention effective de la citoyenneté a pris des années. C’est après l’année 2000 que la situation est devenue critique, car les anciens passeports soviétiques n’étaient soudainement plus valides et ne permettaient plus de se déplacer. Les gens ont alors cherché à obtenir des papiers kirghizes, mais ils était souvent trop tard pour le faire.”

En 2003, Azizbek Ashurov participe à la création de l’ONG Avocats sans frontières de la Vallée de Ferghana (FVLWB) qui fournit une assistance juridique et des conseils aux personnes vulnérables déplacées. Dès 2007, l’organisation se concentre sur l’assistance aux apatrides et collabore avec des acteurs régionaux pour cartographier les populations dans le besoin. 

Avec la nouvelle loi de 2007, on s’est dirigé vers une simplification salutaire de la procédure de reconnaissance de citoyenneté. Parmi les mesures adoptées, on peut citer la réduction des frais de procédure et l’abandon des exigences de bilans de santé souvent impossible à fournir pour des personnes vivant dans la pauvreté.”

 

Azizbek Ashurov, a lawyer, whose work has supported the efforts of the Kyrgyz Republic in becoming the first country in the world to end statelessness, has been selected as the 2019 winner of the UN Refugee Agency’s Nansen Refugee Award.

En 2014, l’ONG lance, avec le soutien du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), un grand programme d’enregistrement des populations apatrides dans le pays. Durant 5 ans, 68 unités mobiles constituées chacune d’un avocat et d’un fonctionnaire d’Etat visitent en voiture ou à cheval des villages et des communautés éloignées enregistrant les personnes concernées établies depuis des années sur le territoire kirghize. En travaillant avec le gouvernement kirghize, Azizbek Ashurov et son équipe  ont aidé plus de 10 000 personnes à acquérir la nationalité kirghize. Parmi eux, quelque 2 000 enfants auront désormais droit à une éducation et à un avenir, avec la liberté de voyager, de se marier et de travailler.

Pourtant il reste une ombre. Car en effet le Kirghizistan n’a pas encore ratifié les Conventions relatives aux apatrides (1954 et 1961) même si la loi de 2007 et ses modalités d’applications suivent de près les recommandations du HCR. 

Aujourd’hui, le nombre d’apatrides est évalué à 98’000 personnes en Asie Centrale. Elles sont dispersées entre le Kazakhstan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Ce chiffre pourrait être bien supérieur. La migration fréquente dans cette région et le manque de mesures politiques et législatives adéquates pour éliminer l’apatridie représentent des défis pour toutes les organisations régionales travaillant sur cette problématique au sein du Central Asian Network on Statelessness.

 

Azizbek Ashurov, a lawyer, whose work has supported the efforts of the Kyrgyz Republic in becoming the first country in the world to end statelessness, has been selected as the 2019 winner of the UN Refugee Agency’s Nansen Refugee Award.

Dans son ONG, ils sont 5 avocats spécialisés dans les lois qui s’appliquent aux citoyens et aux migrants au Kirghizistan. Azizbek Ashurov souhaiterait que la faculté de droit développe une filière juridique spécialisée  dans ce domaine: 

Dans notre pays, nous avons des avocats d’affaires spécialisés dans le commerce mais rares sont ceux qui s’intéressent aux droits des migrants ou aux lois qui concernent la citoyenneté… Alors je pense que, si mon Comité l’approuve, une partie des 150’000 dollars US que nous recevons via la Distinction Nansen devra être consacré à la formation de nos futurs avocats mais aussi au renforcement de notre réseau en Asie centrale.”

Depuis 2014, le HCR mène la campagne internationale #IBELONG (#J’appartiens) pour l’élimination de l’apatridie dans le monde. La remise de la Distinction Nansen à Azizbek Ashurov souligne l’importance de ce combat contre l’invisibilité de millions de personnes dont on ignore l’existence et les difficultés pour survivre au quotidien. Pour marquer l’arrivée à mi-parcours de cette campagne, le HCR organisera lundi 7 octobre un Segment de haut niveau sur l’apatridie en marge de la réunion de son Comité exécutif. Il a pour but d’évaluer ce qui a été fait dans différents pays, de présenter les bonnes pratiques et d’encourager les États, les organisations, le secteur privé, et les sociétés civiles à éliminer complètement l’apatridie. 

 

The team at Ferghana Valley Lawyers Without Borders (left to right) Nurlan Ustinov, 40, Kanatbek Abdukerimov, 37, Azizbek Ashurov, 38, Mayrambek Kamilov, 35, and Almazbek Kozubaev, 38, pose for a portrait in Osh. Director Azizbek Ashurov has won the 2019 UNHCR Nansen Award for his invaluable work fighting statelessness.

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Parmi les finalistes régionaux de la distinction Nansen 2019 il y a pour l’Afrique, Evariste Mfaume, fondateur de l’ONG Solidarité des Volontaires pour l’Humanité en République démocratique du Congo qui œuvre pour défendre les droits des Congolais déplacés par le conflit, des réfugiés et de leurs communautés d’accueil, il y a pour les Amériques, Bianka Rodriguez du Salvador, une jeune femme transgenre et directrice exécutive de l’ONG COMCAVIS TRANS qui plaide pour les droits des personnes LGBTI déplacées dans le pays, il y a pour l’Asie, Alberto Cairo, kinésithérapeute en Afghanistan et directeur du programme orthopédique du Comité international de la Croix-Rouge, qui a consacré près de 30 ans de son existence à fournir des prothèses et à trouver des emplois aux Afghans victimes de traumatismes, il y a pour l’Europe, Corridors humanitaires, une initiative transfrontière hors du commun établie en collaboration avec le Gouvernement italien en 2015 pour permettre à des réfugiés très vulnérables de redémarrer leur existence en toute sécurité en Italie et enfin il y a pour le Moyen-Orient, Abir Khreisha, une bénévole communautaire en Jordanie appelée ‘la mère de tous les Syriens’ qui s’attache à venir en aide aux réfugiés.

 

Jasmine Caye

Avec une expérience juridique auprès des requérants d'asile à l'aéroport de Genève, Jasmine Caye aime décrypter l'information sur les réfugiés et les questions de migration. Elle a présidé le Centre suisse pour la défense des droits des migrants (CSDM) et continue d'assister des personnes en procédure d'asile. Les articles sur ce blog paraissent en version courte sur un autre blog ForumAsile.