La Cour des comptes vient de communiquer son Audit de gestion et de conformité sur les requérants mineurs non accompagnés (RMNA) à Genève. L’audit a permis d’arriver à la conclusion que Genève doit améliorer l’encadrement des requérants mineurs non accompagnés et que les départements en charge de leur accueil doivent mieux se coordonner. En effet, certains considèrent les RMNA comme des migrants, d’autres comme des mineurs. Cela entraîne malheureusement une prise en charge différente en matière d’hébergement et d’encadrement, selon le département qui en a la charge.
La superposition de deux politiques publiques (protection des mineurs et asile) et des points de vue divergents entre le Département de l’instruction publique (DIP) et le Département de l’action sociale (DEAS) ont occasionné une certaine complexité de mise en œuvre.
Les failles dans le dispositif d’assistance aux RMNA ont conduit la Cour des comptes à proposer 12 recommandations dont 11 ont déjà été acceptées par les différents départements concernés. Dans son rapport de 98 pages, la Cour reconnaît que de nombreuses améliorations sont à faire dans les domaines prioritaires de la représentation légale, de l’hébergement et de l’encadrement, mais aussi dans les modalités de prise en charge des pathologies psychiques des RMNA.
Selon elle, l’heure est venue de mener une réflexion plus globale sur la prise en charge des RMNA et ce “dans une logique pérenne et pas seulement de gestion de crise.” Car il est très “probable qu’une majorité des jeunes migrants concernés restera à terme en Suisse. Leur intégration dans les meilleures conditions est donc primordiale au risque de devoir les assister à l’avenir.”
En ce qui concerne l’hébergement, la Cour des comptes constate que les conditions de vie et l’encadrement au centre d’hébergement collectif de l’Étoile doivent être améliorés. Elle critique des conditions de logement rudimentaires, la proximité entre les individus qui engendre “des problèmes de bruit, d’insécurité et de cohabitation entre populations de cultures et d’origines différentes.” Elle dénonce aussi une mauvaise disposition des locaux et une liberté trop importante laissée aux jeunes pour la gestion des repas entraînant des problèmes d’hygiène liés à la nourriture.
En ce qui concerne la scolarité, les RMNA à Genève bénéficient d’un enseignement de base conformes aux obligations générales figurant dans la Convention relative aux droits de l’enfant mais leur suivi scolaire est qualifié d’insuffisant. Ce sont d’ailleurs les conditions d’accueil et d’encadrement qui expliquent souvent le taux d’absentéisme élevé chez les RMNA. Ils n’arrivent pas à dormir la nuit, ils doivent participer à une multitude de rendez-vous extérieurs liés à des visites médicales ou à la procédure d’asile. Tous ces éléments rendent difficile la scolarité des RMNA.
La Cour fait inévitablement le lien entre les conditions d’hébergement, les lacunes relevées en matière d’encadrement des RMNA et la santé physique et mentale des jeunes. Le centre de l’Étoile “ne favorise pas la prise en charge des besoins de « protection et repos » des RMNA suite à un parcours migratoire difficile”. En outre l’absence d’encadrement de certains aspects de la vie courante – horaires inexistants, pas de prise régulière de douche, alimentation non supervisée, prise de médicaments non vérifiée- a une incidence sur la santé des RMNA. Cela doit être modifié selon la Cour. Le personnel d’hébergement et d’encadrement devra tenir compte des facteurs pouvant avoir une incidence sur la santé des RMNA et identifier des situations pouvant traduire un état psychique perturbé sous-jacent.
Ce rapport est bienvenu. Il est précis, humain et pragmatique. La plupart des recommandations ont été acceptées par les différents départements et services en charge des RMNA comme le Département de l’instruction publique (DIP), l’Office de l’enfance et de la jeunesse (OEJ), le Service de protection des mineurs (SPMi) et un délai leur est octroyé pour faire les modifications nécessaires. Le rapport présente aussi les statistiques sur les RMNA en Suisse et à Genève entre 2015 et 2017 et le droit en vigueur concernant ce groupe vulnérable de requérants. A lire absolument.
Photo © Cour des comptes 2018.