Statistique en matière d’asile: la Suisse n’attire pas

En 2020, les demandes d’asile n’ont jamais été si basses depuis 2007. Avec 11’041 demandes, 22.6 % de moins qu’en 2019, la Suisse est plus de trois fois en dessous du pic de 2015 (39’523 demandes d’asile). La raison principale de cette baisse est la crise provoquée par la pandémie du Covid-19. Mais le Secrétariat d’Etat aux migrations SEM donne d’autres raisons.  

 

La Suisse n’attire pas

 

Les premiers pays d’arrivée des personnes demandant l’asile en Suisse sont l’Italie et la Grèce.  Les flux migratoires là-bas permettent, en général, d’anticiper les demandes d’asile en Suisse. Mais la Suisse n’attire plus et les personnes arrêtées en Suisse disent vouloir poursuivre leur trajet vers la France ou l’Allemagne pour y déposer une demande d’asile. 

 

Source © SEM, DFJP 2021

 

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Sécurité des femmes dans le domaine de l’asile: le Conseil fédéral adopte des mesures décevantes

Les femmes et les jeune-filles qui déposent une demande d’asile en Suisse ont souvent été victimes de violence ou d’exploitation sexuelle dans leur pays d’origine ou durant leurs parcours migratoires. Elles sont aussi souvent des cibles idéales dans les centres fédéraux ou les centres cantonaux et subissent régulièrement des actes de violence.

Sur les cinq dernières années la proportion des requérantes d’asile nouvellement arrivées en Suisse représente en moyenne 30% du nombre total des demandes d’asile. Parmi elles se trouvent une majorité de femmes érythréennes, syriennes, afghanes, somaliennes, turques, irakiennes ou encore iraniennes. Souvent elles n’osent pas parler de leurs traumatismes ou encore reçoivent les mauvais soins. Certaines n’osent pas aller se doucher de peur de croiser certains hommes au passage, d’autres ne ferment pas l’oeil car elles ne peuvent verrouiller leur porte. Et si elles osent communiquer un problème grave elles n’ont personne pour traduire.

Les témoignages de femmes, accessibles sur le site de l’organisation TERRE DES FEMMES Suisse et les informations révélées dans l’excellent rapport du Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) sur la situation dans les cantons, font froid dans le dos.

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Renvois impossibles vers l’Érythrée, des solutions pragmatiques s’imposent

Aujourd’hui une manifestation a eu lieu à l’occasion de la remise d’une Pétition adressée au Grand Conseil et au Conseil d’Etat de Genève. Cette pétition, signée par près de 4’000 personnes, soutient les requérants Érythréens déboutés de l’asile et démis de leur permis F (Admission provisoire).

Les signataires comme moi considèrent que les conditions ne sont pas réunies pour organiser des renvois vers l’Érythrée et que cette politique ne fait que grossir le nombre de personnes à l’aide d’urgence encourageant la clandestinité de jeunes dont beaucoup ont déjà fait leurs preuves dans le monde professionnel en Suisse.

La pétition “Droit de rester pour les Érythréen-e-sdemande aux autorités politiques genevoises de ne pas exclure de l’aide sociale cette  population et d’éviter leur précarisation. Elle demande aussi d’autoriser les Érythréens déboutés à poursuivre leur formation dans le canton et de leur permettre de travailler à Genève. Elle prie les autorités cantonales d’intervenir auprès du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) pour qu’il suspende les levées d’admissions provisoires et pour qu’il accorde aux Érythréens le droit de rester en Suisse en mettant en place une action de régularisation extraordinaire.

Gardons à l’esprit que le SEM est dans l’incapacité d’organiser des renvois vers l’Érythrée. L’article Bloqués en Suisse de Marie Vuillemier (Swissinfo.ch) démontre bien la situation ubuesque dans laquelle les Érythréens se retrouvent aujourd’hui. D’ailleurs, la Suisse est aussi le seul pays à rendre des décisions de renvoi à l’égard des ressortissants Érythréens.

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Une famille kurde est menacée de renvoi et mobilise beaucoup de citoyens

Début février, un Comité de soutien annonçait le lancement d’une pétition demandant au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) de réviser sa décision de refus d’octroi de l’asile à un couple et ses trois jeunes enfants irakiens d’appartenance kurde. Il précise que les parents sont très appréciés de la communauté villageoise de Pery-La-Heutte (Jura bernois) et les enfants de bons élèves.

Il y a peu, la famille a été convoquée au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) pour convenir d’un retour volontaire au pays. Dans quelques jours leur Permis N sera confisqué. Ils se retrouveront à l’aide d’urgence.

 

Retour en arrière

Mr. Ahmed est un activiste politique kurde du Nord-Est de l’Irak. Il est membre du jeune parti d’opposition Goran (laïque et sans branche armée). Il a fui son pays suite à des attaques sur sa famille et lui et aussi des menaces de mort. Après un long voyage par la Turquie puis la Grèce, la famille est arrivée en Suisse où elle a déposé une demande d’asile en février 2016. En novembre 2018 sa demande a été rejetée. Le couple a fait recours contre la décision et le Tribunal administratif fédéral (TAF) a statué négativement au début du mois de février 2019, provoquant un choc énorme au sein de la famille et de la communauté villageoise de Péry-La-Heutte (Jura bernois).

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Les raisons sordides de la forte baisse des demandes d’asile en Suisse en 2018

En 2018, le nombre de demandes d’asile déposées en Suisse n’a jamais été aussi bas depuis 2008 avec 15’255 demandes d’asile enregistrées contre 18’088 en 2017 (+16%), 27’207 en 2016 (+43%) et 39’523 en 2015 (+61%).

Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM) 2018

Pourtant les conflits, les persécutions et les violations massives des droit de l’Homme continuent. Les principaux pays de provenance sont l’Érythrée, la Syrie, l’Afghanistan et la Turquie suivis de la Géorgie, du Sri Lanka, de l’Irak et de la Somalie. Ce sont donc les politiques d’obstruction mises en place par les gouvernements européens qui expliquent la diminution des demandes d’asile en Suisse. Cette explication est confirmée par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) dans son dernier commentaire statistique.

L’installation de murs barbelés sur les frontières (Hongrie, Slovénie, Croatie, Roumanie, Bulgarie), l’empêchement des sauvetages en mer Méditerranée, la criminalisation de l’assistance aux réfugiés, la fermetures des ports, la mise à quai de navires humanitaires, l’utilisation abusive des accords de Dublin, les refoulements vers la Libye et le maintien forcé et prolongé de requérants vulnérables dans les centres “hotspots” surchargés des îles grecques, toutes ces raisons expliquent la baisse des demandes d’asile en Suisse en 2018 (1). 

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Le Comité de l’ONU contre la torture s’oppose à un transfert Dublin vers l’Italie

En vertu des accords de Dublin, la Suisse souhaitait renvoyer vers l’Italie un requérant d’asile érythréen victime de tortures dans son pays d’origine. Dans une décision récente le Comité des Nations unies contre la torture a demandé à la Suisse de ne pas renvoyer l’intéressé en Italie invoquant le respect de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984).

A.N. victime de torture en Erythrée est venu en Suisse où vit son frère

A.N. requérant d’asile érythréen, a fui son pays où il a été détenu durant cinq et régulièrement torturé. En 2015, il dépose une demande d’asile en Suisse où il reçoit rapidement des soins auprès de la Consultation pour victimes de torture et de guerre (HUG). Plusieurs rapports médicaux détaillés concernant les tortures subies sont soumises aux autorités suisses – Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et Tribunal administratif fédéral (TAF). Mais elles le déboutent  et il est transféré en Italie en octobre 2016. Là-bas il ne trouve aucun logement, rien pour se nourire, aucune aide. Après deux jours il décide de revenir en Suisse où il dépose une seconde demande d’asile. En Suisse il est accueilli par son frère et reçoit des soins médicaux réguliers. Les autorités d’asile le déboutent à nouveau et ordonnent son renvoi vers l’Italie ignorant complètement la situation médicale de l’intéressé et l’importance des soins dont il a besoin.

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L’ONU suspend le renvoi scandaleux d’une famille syrienne yézidie vers la Grèce

Le Comité des Nations unies sur les droits de l’enfant vient d’ordonner la suspension du renvoi vers la Grèce d’une famille syrienne yézidie d’origine kurde. La suspension est effective durant la procédure d’examen au Comité des droits de l’enfant. Les autorités suisses ont six mois pour soumettre leurs observations et justifier leur décision, réexaminer la situation réelle de la famille, revenir sur leur décision de renvoi et accorder l’asile à la famille ou au minimum l’admission provisoire après une procédure en bonne et due forme.

 

Un couple et cinq enfants qui méritent de rester en Suisse

 

En quittant Afrin en 2015 pour fuir l’avancée des troupes de l’Etat islamique, un couple et leurs cinq enfants sont partis en Turquie, puis ont traversé la rivière Evros pour atteindre la Grèce. A peine arrivés ils ont été contraints par la police de livrer leurs empreintes. En deux jours, grâce à une procédure d’asile accélérée, ils ont obtenu le statut de réfugié, sans aucun examen de leurs motifs. Après trois mois à Athène, à survivre tant bien que mal, occasionnellement aidée par l’Eglise, la famille a décidé de soumettre une autre demande d’asile en Suisse. Ils sont arrivés au Tessin en septembre 2015.

 

Une décision incohérente qui ridiculise nos autorités d’asile

 

En mars 2017, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a rejeté la demande d’asile (2) sans tenir compte de la fragilité psychologique du père et des deux enfants les plus jeunes. Chose étrange, tout en reconnaissant les conditions de vie extrêmement difficiles des réfugiés en Grèce, le tribunal les a ignoré, recommandant à la famille de demander de l’aide aux autorités et aux associations privées de bienfaisance et de s’adresser aux juridictions grecques et internationales pour faire valoir ses droits. Plus étonnant encore, lorsque le TAF a constaté la fragilité extrême de la santé des parents et des enfants et recommandé  de “prendre des pinces” lors de la communication à la famille de la décision de renvoi et aussi dans l’exécution forcée de leur renvoi vers la Grèce. L’incohérence même.

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A Genève une nouvelle procédure inciterait les personnes déboutées de l’asile à s’évaporer dans la clandestinité

Avec la nouvelle procédure imposée sans préavis le 1er mars par l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), les associations proches des personnes migrantes critiquent une approche contre-productive qui va à l’encontre du bons sens et de l’intention initiale de l’OCPM, celle d’éviter les disparitions dans la clandestinité des personnes déboutées de l’asile que le canton est chargé de renvoyer de Suisse. Selon l’OCPM, en 2017 ce sont 40 personnes qui ont disparu des radars et que le canton n’a pas été en mesure de renvoyer.

 

La procédure avant et après le 1er mars

 

Les personnes déboutées de l’asile reçoivent 10 francs suisse par jour pour subvenir à leurs besoins de première nécessité. Cette aide d’urgence  est garantie par l’article 12 de la Constitution suisse. C’est un minimum vital qui permet aux personnes de mener une existence conforme à la dignité humaine. Jusqu’au 1er mars, l’aide d’urgence  était octroyée moyennant un tampon obtenu à l’OCPM puis un passage au service administratifs de l’Hospice général. Selon les personnes et leur profil, les tampons devaient être renouvelés toutes les semaines, tous les mois où à interval plus espacé. Lorsque l’exécution d’un renvoi pouvait se faire, la police arrêtait les personnes à la sortie de l’OCPM ou au milieu de la nuit dans leurs chambres, lorsqu’elles y dormaient.

 

La nouvelle procédure mise en route le 1er mars exige des requérants d’asile déboutés de faire un long parcours pour obtenir d’abord un tampon au Service asile et rapatriement de l’aéroport (SARA) à Cointrin – unité elle-même chargée d’exécuter les renvois –  puis d’aller pointer à l’OCPM afin d’obtenir l’aide d’urgence au centre administratif de l’Hospice général.

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Pourquoi la décision de levée de l’admission provisoire pour 3’200 érythréens est prématurée

Interviewé récemment par Le Temps, Mario Gattiker, Secrétaire d’Etat aux migrations (SEM) estime que le renvoi de milliers d’érythréens admis à titre provisoire est licite. Il explique que la levée d’admission provisoire concernera uniquement les personnes qui ont déjà effectué leur service militaire obligatoire avant de quitter l’Erythrée ou qui disposent du statut de «membre de la diaspora» défini par Asmara. Ce sont 3’200 érythréens sur un total de 9’400 personnes admises à titre provisoire et sans statut de réfugié qui sont visées.

 

La faute au Tribunal administratif fédéral

 

Pour justifier ce changement de politique, le SEM se base sur un arrêt de principe du Tribunal administratif fédéral (D-2311/2016) du 17 août 2017. Cet arrêt juge le retour d’une femme érythréenne licite et exigible. Pour le tribunal cette femme a déjà effectué son service militaire et ne risque pas de devoir être à nouveau enrôlée ni condamnée pénalement pour avoir déserté l’armée, fait qu’elle n’avait pas, selon les juges, rendu vraisemblable. Comme l’Erythrée ne connaît pas une situation de violence généralisée, un retour dans ce pays est généralement exigible. Le communiqué de presse du TAF précise que “l’arrêt D-2311/2016 analyse la situation en Érythrée et porte une appréciation juridique qui dépasse le cas d’espèce et s’applique de manière générale pour une pluralité de procédures.”

 

Le SEM doit attendre la décision du Comité contre la torture

 

Ainsi le SEM estime que l’heure est venue de s’en inspirer alors que le cas a été porté devant le Comité des Nations unies contre la torture (CAT) et est en cours d’examen. La Suisse a d’ailleurs suspendu le renvoi de la personne concernée en attente de la décision finale du CAT.

 

Il est donc très étonnant que le SEM déclare pouvoir renvoyer 3’200 érythréens sur la base d’une décision que le CAT pourrait contredire et jugé contraire à la Convention contre la torture. Le cabinet d’avocat Advokatur Kanonengasse mandaté par la ressortissante érythréenne vient d’adresser une lettre dans ce sens à la Conseillère fédérale, Madame Simonetta Sommaruga. Le message est simple: aussi longtemps que la question de la conformité des conclusions de l’arrêt D-2311/2016 avec cette convention n’est pas tranchée, il est certainement prématuré et injustifié d’envisager la levée des admissions provisoires octroyées aux ressortissant érythréens visés par le SEM.

 

Aucun renvoi possible vers… un trou noir

 

En réaction à un jugement antérieur du TAF en janvier 2017, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) dénonçait le manque d’informations prélevées sur le terrain en Erythrée et de manière absolument indépendante. Un trou noir qui ne permet aucun renvoi. Dans son dernier communiqué l’OSAR demande à la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga de renoncer immédiatement au réexamen de l’admission provisoire des Erythréens et précise qu’il n’apporte aucune solution puisque les personnes concernées seront placées sous le régime de l’aide d’urgence et resteront en Suisse.

 

Et récemment Denise Graff, coordinatrice asile à Amnesty international déclarait: “Le Tribunal administratif fédéral a souligné à maintes reprises que nos autorités ignoraient beaucoup d’éléments par rapport à la situation dans ce pays. Tant que les délégations de l’ONU – sans parler des organisations de défense des droits humains – ne sont pas autorisées à voyager en Erythrée, et que nous ne savons pas ce qui se passe réellement avec les personnes renvoyées, la Suisse ne peut pas expulser de demandeurs d’asile dans ce pays.”

 

LIRE AUSSI:

Érythrée: la Suisse devant le Comité de l’ONU contre la torture, article de Sophie Malka, Vivre Ensemble, en ligne depuis le 12 avril 2018.

Vols spéciaux: le contrat de prestation entre le SEM et la société médicale Oseara doit être repensé

La société médicale Oseara AG mandatée par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) pour évaluer l’aptitude des personnes à entreprendre le retour et pour accompagner les vols spéciaux ne serait  pas en mesure de donner un avis indépendant respectant les codes de déontologies qui s’imposent. C’est le constat de plusieurs observateurs inquiets de certains renvois controversés en 2017.

Deux renvois par vols spéciaux avaient été exécutés contre l’avis de deux hôpitaux zurichois mais avec l’aval, après coup, des médecins de la société Oseara. Celui d’une jeune femme érythréenne et d’un homme azeri en novembre et décembre derniers. La femme érythréenne de 21 ans enceinte de 8 mois et son enfant d’un an furent renvoyés par vol spécial vers l’Italie dans le cadre d’un transfert Dublin malgré l’avis défavorable de l’hôpital Triemli à Zürich. L’homme avait été renvoyé malgré le constat de traumatisme sérieux et d’état suicidaire de la Clinique universitaire psychiatrique de Zürich.

Oseara AG a été créée en 2012 par d’anciens médecins militaires pour répondre à l’appel d’offres du SEM. Ses méthodes avaient été condamnées par l’Académie suisse des sciences médicales alors que la société avait donné de la kétamine pour calmer les personnes réfractaires à bord des vols spéciaux. En 2013, la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) avait demandé de stopper les renvois lorsque des raisons médicales l’exigeaient. En 2016 la société a de nouveau remporté le contrat de prestation avec le SEM dont le  plafond maximal pour les prestations est fixé à 2.2 millions de francs par an. Puis en 2017, la société a obtenu un autre contrat de 2 millions de francs par an avec la police du canton de Zürich.

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