Le Comité de l’ONU contre la torture s’oppose à un transfert Dublin vers l’Italie

En vertu des accords de Dublin, la Suisse souhaitait renvoyer vers l’Italie un requérant d’asile érythréen victime de tortures dans son pays d’origine. Dans une décision récente le Comité des Nations unies contre la torture a demandé à la Suisse de ne pas renvoyer l’intéressé en Italie invoquant le respect de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984).

A.N. victime de torture en Erythrée est venu en Suisse où vit son frère

A.N. requérant d’asile érythréen, a fui son pays où il a été détenu durant cinq et régulièrement torturé. En 2015, il dépose une demande d’asile en Suisse où il reçoit rapidement des soins auprès de la Consultation pour victimes de torture et de guerre (HUG). Plusieurs rapports médicaux détaillés concernant les tortures subies sont soumises aux autorités suisses – Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et Tribunal administratif fédéral (TAF). Mais elles le déboutent  et il est transféré en Italie en octobre 2016. Là-bas il ne trouve aucun logement, rien pour se nourire, aucune aide. Après deux jours il décide de revenir en Suisse où il dépose une seconde demande d’asile. En Suisse il est accueilli par son frère et reçoit des soins médicaux réguliers. Les autorités d’asile le déboutent à nouveau et ordonnent son renvoi vers l’Italie ignorant complètement la situation médicale de l’intéressé et l’importance des soins dont il a besoin.

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A Genève les aumôniers de l ‘AGORA célèbrent 30 ans de présence auprès des requérants d’asile

Du 10 au 16 septembre 2018, l’Aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile et des réfugiés (AGORA) organise plusieurs événements autour de l’accueil des requérants d’asile à Genève et en Suisse pour célébrer 30 ans d’assistance, de dévouement et d’écoute auprès des personnes migrantes en procédure d’asile.

Au contact des aumôniers de l’AGORA on comprend vite leur travail inestimable

Très présents sur le terrain et connectés avec les associations impliquées, peu de chose leur échappe. L’activité de l’AGORA a commencé dans un bus postal réquisitionné pour la bonne cause et parqué à quelques mètres du CERA (Centre d’enregistrement pour requérants d’asile) de Cointrin. Depuis 1988, l’AGORA a vu évoluer le droit d’asile vers un rétrécissement important, contribuant à créer des situations familiales et personnelles difficiles. Les aumôniers de l’AGORA ne font pas d’angélisme et répondent aux besoins de ces personnes simplement et le plus efficacement possible avec humanité et clairvoyance.

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La Suisse doit mieux répondre aux besoins des migrants vulnérables selon le Conseil de l’Europe

Dans un rapport de 40 pages dont la moitié concerne “les droits de l’homme des migrants, y compris des réfugiés et des demandeurs d’asile”, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muižnieks, a présenté ses recommandations à la Suisse, suite à une visite en mai 2017.

Félicitant la Suisse pour la nouvelle Loi sur l’Asile (LAsi) qui vise à accélérer la procédure d’asile et  établir des mécanismes de conseil et de représentation juridique gratuits, il a insisté sur le maintien d’une qualité de service juridique aux requérants d’asile dès le début de la procédure sans quoi leurs droits fondamentaux ne seraient pas garantis. 

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Un drame qui exige une réflexion sur la liberté de mouvement des requérants d’asile

Un drame et une campagne nationale

En mai 2017 un requérant d’asile a été empêché d’assister à la naissance de son enfant parce qu’un employé d’un Centre fédéral l’a puni de sortie.

“L’homme est arrivé en Suisse quelques mois après sa femme, enceinte.  Celle-ci a été attribuée à un canton et va bientôt accoucher. Au lieu de rapprocher le couple, les autorités placent l’homme pour trois mois dans un centre fédéral plus éloigné et isolé de tout: les Rochats, situé à 6 kilomètres d’un arrêt de bus. La veille de l’accouchement, Madame est hospitalisée. Il la rejoint, par ses propres moyens. Mais rentre au centre après le couvre-feu de 17 heures. Or le règlement stipule, en cas de retard, une privation de sortie le jour suivant. Le certificat de l’hôpital attestant de la nécessité de sa présence le lendemain pour assister à l’accouchement n’y a rien fait. Il sera puni, privé d’assister à la naissance de son premier enfant.”

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Pourquoi les renvois vers l’Afghanistan doivent cesser

Pour les autorités d’asile suisses, les renvois vers les villes de Kaboul, Herat et Mazar-i-Sharif sont exigibles, lorsque les personnes disposent d’un réseau social et familial. Mais l’Office suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) qui estime que la situation sécuritaire s’est encore aggravée depuis 2016 demande une suspension des renvois.

Tous les rapports convergent : les attentats et les combats armés entre les forces de sécurité, les Talibans et les autres factions armées (Al-Qaida et Etat islamique) continuent de provoquer des déplacements de population et de nombreuses victimes civiles dont un nombre croissant d’enfants.

Mieux protéger les requérants afghans en Suisse

En 2016, 3’229 personnes originaires d’Afghanistan ont déposé une demande d’asile en Suisse. C’est 60% de moins qu’en 2015. Cette année, de janvier à mai, ce sont 466 nouvelles demandes d’asile qui ont été enregistrées.

Pour les personnes en provenance d’Afghanistan, les autorités suisses accordent la protection à plus de 90% d’entre elles mais l’asile revient à une minorité de personnes, ce qui n’est pas toujours justifié. L’histoire étonnante de Mortaza Shahed, qui n’a pas reçu l’asile malgré les motifs de persécution avancés lors de sa demande d’asile, illustre les difficultés que rencontrent la plupart des requérants afghans.

De janvier 2016 à mai 2017, 240 renvois ont été exécutés vers l’Afghanistan dont 10 étaient des renvois contrôlés non-volontaires. Plusieurs pays européens comme l’Allemagne, la Suède, la France et la Norvège ont aussi procédé à de nombreux renvois qui ont été facilités par l’accord d’octobre 2016, entre l’Union européenne et l’Afghanistan.

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Liberté de mouvement des requérants d’asile: un rapport critique les autorités suisses

L’avis de droit mandaté par la Commission fédérale contre le racisme (CFR) au Centre de compétence pour les droits humains de l’Université de Zurich (1) critique les autorités suisses en ce qui concerne la garantie de liberté de mouvement des requérants d’asile en Suisse. Qu’en est-il de leur liberté de mouvement ? Dans quels cas peut-elle être restreinte ? Et à quel moment les restrictions deviennent-elles contraires aux droits fondamentaux ?

S’il existe des circonstances qui justifient en Suisse la prononciation de mesures qui peuvent restreindre le droit fondamental à la liberté de mouvement, elles ne doivent s’adresser qu’à des individus, non à des groupes et elles doivent relever de l’intérêt public, être légales et rester proportionnées. Selon le rapport “les assignations et les interdictions territoriales collectives portent atteinte à la liberté de mouvement, car elles ne reposent pas sur une base légale ni ne poursuivent un intérêt public digne de protection”.

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Appel contre l’application aveugle du règlement Dublin

 

A droite, au centre, à gauche, plus d’une centaine de personnalités ont signé l’Appel contre l’application aveugle du règlement Dublin et vous invitent à le faire.

Parmi les nombreux signataires se trouvent le dessinateur ZEP, Carlo Sommaruga (ancien président du CICR), Ruth Dreifuss (ancienne Conseillère fédérale) et le dessinateur Patrick Chappatte. Cet Appel est aussi soutenu par de nombreuse associations, communes et plusieurs villes dont la Ville de Genève.

Il ne s’agit pas d’être contre les renvois Dublin. Il s’agit de décider de leurs exécutions en respectant les droits fondamentaux des personnes concernées. La Suisse est le pays européen qui applique le plus strictement la procédure Dublin ce qui conduit son administration à ordonner des renvois sans tenir compte des liens familiaux que les personnes ont en Suisse, de la vulnérabilité et de la santé de ces personnes.

L’exécution des renvois est brutale même en présence des enfants et les renvois se font vers des pays (surtout l’Italie) où les structures d’accueils sont saturées et les soins médicaux inaccessibles. Dernièrement plusieurs renvois auraient dû être stoppés pour des raisons humanitaires.

Sur le site de Solidarité Tattes on peut lire les décisions affligeantes de bêtise prises par nos autorités au mépris des principes les plus fondamentaux et au mépris du Règlement Dublin que d’autres Etats européens savent mieux appliquer.

Des drames inutiles seront évités lorsque la Suisse respectera le paragraphe 17 du préambule du Règlement de Dublin III, selon lequel:

« Il importe que tout État membre puisse déroger aux critères de responsabilité, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion, afin de permettre le rapprochement de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent et examiner une demande de protection internationale introduite sur son territoire ou sur le territoire d’un autre État membre, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères obligatoires fixés dans le présent règlement. »

Car elle peut et devrait faire usage de la clause discrétionnaire énoncée à l’art. 17 al. 1 du Règlement de Dublin, qui prévoit que :

« (…) chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. »

Alors comme Patrick Chappatte et ZEP et tant d’autres personnalités, je vous invite à signer cet appel qui implore:

  • Le Conseil fédéral d’utiliser toutes les possibilités offertes par l’article 17 al. 1 du Règlement Dublin, évitant à la Suisse de violer les conventions internationales relatives aux droits de l’enfant et aux droits fondamentaux.
  • Le Conseil d’Etat genevois et les autres exécutifs cantonaux de ne pas procéder aux renvois que des motifs humanitaires ou de compassion permettent de ne pas exécuter, tels que le préconise le paragraphe 17 du préambule du Règlement Dublin lui-même.

Voici le lien qui vous permettra de le faire:  Appel contre l’application aveugle du règlement Dublin

 

2016: l’année de la désobéissance civile en Suisse

A la Chapelle Mon-Gré de Lausanne, le père Gabriel Pittet accueille depuis avril 2016 les protégés du Collectif R qui s’étaient réfugiés à l’église Saint-Laurent en mars 2015. Ce sont toutes des personnes menacées de renvoi dans le cadre des accords de Dublin, donc vers le premier pays européen par lequel ils sont arrivés.

Au même moment, Pierre Bühler, Professeur émérite de théologie à l’université de Zurich lance le manifeste Les églises comme lieux d’asile. En juin 2016, suivant l’exemple du Collectif R, c’est l’Association Solidarité Tattes qui annonçait la création d’un réseau de parrains et marraines de requérants “dublinés” pour les domicilier chez eux et les soutenir dans leurs démarches.

En septembre 2016, Lisa Bosia Mirra, députée socialiste au Grand conseil tessinois, est arrêtée à la frontière tessinoise soupçonnée d’aider des mineurs non-accompagnés bloqués à Côme, à entrer illégalement en Suisse. Le même mois, la perquisition au domicile de deux élus communaux vaudois parrains du Collectif R motive ces derniers à encourager l’hébergement illégal de migrants.

“Faut pas croire” Philippe Leuba mais plutôt Pierre Bühler

Récemment l’émission “Faut pas croire” de la RTS a confronté Philippe Leuba, conseiller d’Etat vaudois et Pierre Bühler sur le sujet de la désobéissance civile. Un débat qui a montré le fossé existant entre deux mondes: celui qui considère le règlement Dublin comme un tuyau de vidange et celui qui le considère comme un texte qui doit être mieux respecté puisqu’il prévoit des dispositions humanitaires trop souvent ignorées (2).

Lors de cette émission, Philippe Leuba a admis qu’une loi ne devait pas être appliquée aveuglément sans réflexion, mais il a condamné la désobéissance civile lorsqu’elle s’oppose à une loi votée par le peuple, lorsque le renvoi s’effectue vers des pays qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme et que les requérants peuvent contester la décision de renvoi auprès du Tribunal administratif fédéral.

Ce raisonnement tient la route sur le papier. La réalité est moins rose. Tout d’abord, la Grèce et la Hongrie ont aussi ratifié la Convention européenne des droits de l’homme mais les renvois Dublin vers ces pays sont interdits parce que les conditions d’accueils y sont intolérables. Et puis si les possibilités de recours existent, leurs délais sont trop courts (cinq jours ouvrables) et l’indépendance des juges est un leurre. Une étude récente du Tages Anzeiger nous le confirme, les juges UDC au Tribunal administratif fédéral comme Fulvio Haefeli et David R. Wenger donnent des décisions négatives de manière presque automatique. Le climat politique tendu se distille dans nos tribunaux et même au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme qui doit ménager les tendances nationalistes des partis populaires en Europe.

La désobéissance civile grandira en 2017, à moins que….

Pierre Bühler a eu raison de rappeler le climat général tendu à l’égard des requérants d’asile en Suisse et en Europe qui pousse les autorités à chercher des solutions pragmatiques efficaces pour renvoyer autant de personnes que possible vers des pays où les conditions d’accueil sont extrêmement difficiles. Pour lui comme pour beaucoup d’autres philosophes et théologiens, la désobéissance civile ne se justifie que lorsqu’elle se fonde sur des principes fondamentaux éthiques supérieurs aux lois. En Suisse, c’est l’accumulation de mauvaises nouvelles comme la séparation de familles enfin réunies, le renvoi de personnes vulnérables, les méthodes policières très contestables et l’impuissance des avocats au service des requérants d’asile qui alimentent le terreau de la désobéissance civile.

Pourtant 2016 est une année relativement calme en ce qui concerne le nombre de demandes d’asile qui ne dépasseront pas les 24’000 cette année – une baisse de 40% par rapport à 2015. La Suisse, peu solidaire de l’Italie, reste le pays européen qui renvoie en masse vers ce pays. Il y a quelques jours, Amnesty International dénonçait encore l’application rigide du règlement Dublin avec des expulsions illégales et des mauvais traitements et pointait du doigt le mauvais élève suisse.

La désobéissance civile indique une fissure dans la confiance envers les institutions. Le malaise est profond et nos autorités doivent y répondre avec une solution: celle d’étudier mieux les dossiers afin d’éviter des renvois inhumains. Sans prise de conscience de leur part, la désobéissance civile grandira en 2017.


  1. Le Règlement Dublin constitue un cadre juridique qui permet de désigner l’Etat compétent pour examiner une demande d’asile. Les Etats Dublin regroupent tous les Etats de l’UE, ainsi que les quatre Etats associés (Suisse, Norvège, Islande et Principauté de Liechtenstein).
  1. Le paragraphe 17 du préambule et l’article 17 alinéa 1 du Règlement Dublin prévoient qu’un Etat membre puisse déroger aux critères de responsabilité notamment pour des motifs humanitaires afin de permettre le rapprochement des membres de la famille ou tout autre proche ou parent. L’Etat concerné peut examiner une demande d’asile pour ces raisons même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement.  

Petit rappel sur l’Erythrée et sur ceux que nous ne devons pas oublier

 

Ils sont détenus au secret depuis quinze ans

Ils ont été arrêtés il y a quinze ans. C’était le 18 septembre 2001 au petit matin. Les forces de sécurités érythréennes, ont arrêté 11 membres officiels du gouvernement parce qu’ils avaient émis, dans une lettre ouverte, des critiques sur les excès dictatoriaux du Président Isaias Aferworki. Ils demandaient l’application de la Constitution et la tenue d’élections. Cette lettre avait lancé le débat et mis le feu aux poudres. Quelques jours plus tard, les rédacteurs en chef de tous les médias indépendants furent arrêtés et transférés dans un lieu de détention isolé. Depuis ce jour, il n’y a plus de presse indépendante en Erythrée.

Ces personnes sont détenues au secret depuis quinze ans alors qu’elles n’ont jamais été inculpées, ni jugées, ni visitées par leurs proches ou par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), présent depuis 1998.

Sont-ils encore vivants ? Selon Reporters Sans Frontières (RSF) et Human Rights Watch, près de la moitié seraient morts. Les appels internationaux en faveur de leur libération n’ont servi à rien.

Parmi les personnes arrêtées, il y a le général Petros Solomon, libérateur d’Asmara en 1991 et ancien Ministre des affaires étrangères, Haile Woldentensae, ancien camarade de bataille du Président et Ogbe Abraha, l’ancien chef d’état-major.  Il y a aussi des journalistes connus comme Dawit Isaac, double national -érythréen et suédois – dont le Ministre de l’information de l’époque, Ali Abdu expliquait en 2013 ne rien savoir de son sort. Ali Abdu s’est d’ailleurs lui-même exilé en décembre 2012 ce qui a provoqué l’arrestation immédiate de plusieurs membres de sa famille, dont sa fille Ciham Ali Abdu qui avait 15 ans. Comme elle est aussi de nationalité américaine, sa détention a été discutée au sein d’une sous-commission de la Chambre des représentants. Les autorités américaines sont sans nouvelles d’elle depuis 2012.

 

La Suisse et la question érythréenne

 

Doit-on collaborer avec un tyran pour stopper le flux migratoire en provenance d’Erythrée ? Comment éviter les morts en Méditerranée ? Comment dissuader la venue de nouveaux demandeurs d’asile en Europe ? Comment promouvoir la paix et le bien être social dans ce pays ? Comment y faciliter les renvois? Ces questions tourmentent certains politiciens suisses et européens.

En Suisse on se rappelle de la visite du groupe parlementaire en février de cette année. Elle a, à juste titre, provoqué de nombreuses critiques car un parlementaire n’a aucun moyen d’y vérifier la situation des droits de l’homme.

Depuis 2015, la Suisse développe des projets de soutien aux migrants dans la région mais le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) reconnaît que la situation des droits humains reste problématique. En 2016 il a accordé l’asile à 46% des demandeurs d’asile érythréens. Et malgré le fait que le nombre de demandes d’asile déposées en Suisse en 2016 a chuté –  moins 57% par rapport à 2015 – le SEM a encore durci sa pratique, n’accordant l’asile politique ou l’admission provisoire qu’aux déserteurs et objecteurs de conscience. Ainsi une personne qui aurait quitté son pays illégalement avant d’avoir été appelée au service militaire, ne pourrait plus prétendre au statut de réfugié ou obtenir l’admission provisoire. Elle recevrait une décision négative d’asile et serait placée à l’aide d’urgence, pour une durée indéterminée. Le SEM opte définitivement pour une pratique dissuasive à l’égard des demandeurs d’asile érythréens tout en sachant que les renvois sont impossibles et intolérables.

 

En attendant, l’Erythrée redore son blason avec l’aide de l’Union européenne

 

L’Union européenne (UE) cherche des solutions semblables à celle qu’elle a trouvé en signant l’accord migratoire avec la Turquie au mois de mars dernier. Elle est plus agressive dans ses projets de développement et tisse des liens économiques et culturels avec Asmara. Les rencontres institutionnelles et politiques se sont intensifiées en 2016. D’ailleurs, le treizième Festival du film européen qui s’ouvre à Asmara fin septembre est largement sponsorisé par l’Union européenne qui lance aussi un Concours de photographie sur les femmes en Erythrée.

Les représentants d’Asmara qui se sont récemment exprimés décrivent un pays respectueux de sa population. Interrogé par Radio France International (RFI) au mois de juin sur la situation des personnes arrêtées en 2001, Osman Saleh, le Ministre érythréen des affaires étrangères, a déclaré que les personnes arrêtées en 2001 étaient vivantes et qu’ils seraient jugés lorsque le gouvernement le déciderait. Comme Yemane Gebreat (ambassadeur d’Erythrée à l’ONU), il a dénoncé le récent rapport de la Commission d’enquête de l’ONU. Ce rapport dénonce 25 ans de crimes contre l’humanité et demande au Conseil de sécurité de l’ONU de saisir le procureur de la Cour pénale internationale pour poursuivre les responsables de ces crimes, les dirigeants actuels de l’Erythrée.

En se rapprochant d’Asmara, l’UE cherche des solutions pour empêcher la venue de migrants érythréens en Europe mais la situation dans ce pays n’est pas propice à la signature d’accords de réadmission qui nécessiteraient l’instauration d’une vraie démocratie respectueuse des droits humains. Aujourd’hui, malgré toutes les parades et les déclarations des membres du gouvernement érythréen, ce pays reste une dictature, une prison sans nom. Abraham Tesfarmariam a fui le pays illégalement en 2007, il est convaincu que rien n’a changé dans son pays d’origine.  “Notre Constitution n’est jamais entrée en vigueur. En Érythrée, il n’y a ni lois, ni juridiction. Le gouvernement et ses auxiliaires décident arbitrairement et arrêtent, maltraitent et torturent les gens, sans avoir à se justifier “, a-t-il récemment déclaré à Barabara Graf Mousa de l’Organisation suisse des réfugiés (OSAR).

 

Votation du 5 juin: L’assistance juridique gratuite prévue dans la nouvelle loi sur l’asile est un progrès

Le malaise plane du côté des défenseurs des requérants d’asile concernant la nouvelle loi sur l’asile soumise à votation le 5 juin prochain. L’OSAR et Amnesty International recommandent de voter pour la nouvelle loi alors que plusieurs autres associations comme le Centre social protestant, Vivre Ensemble, Stop Exclusion et le Comité pour la sauvegarde du droit d’asile s’en distancent franchement en recommandant le vote blanc ou le vote négatif quitte à voter comme l’UDC pour des raisons opposées.

Je me pose la question : si j’étais requérante d’asile en Suisse, ne souhaiterais-je pas recevoir le plus d’informations possibles sur la procédure d’asile ? Certainement. Et je sais aussi que j’aimerais être accompagnée d’un représentant légal aux auditions, évaluer avec lui mes chances de succès et bénéficier d’une explication claire sur les raisons qui ont poussé les autorités à ordonner mon renvoi vers un pays tiers ou vers mon pays d’origine le cas échéant. Grâce à l’assistance d’un représentant légal, je saurais quels sont, là encore, les alternatives à disposition.

Ce que la nouvelle loi prévoit

La nouvelle loi sur l’asile prévoit un service de conseil et de représentation juridique qui comprend l’information sur la procédure dcgvs_asile-en-belgique_Fotor’asile, la participation des représentants légaux aux deux auditions, une prise de position du représentant légal pendant et après les auditions et la rédaction d’un recours au Tribunal administratif fédéral lorsqu’il est jugé nécessaire.

En pratique, l’assistance juridique prévue dans la nouvelle loi est très proche de ce qui se fait depuis des années à l’Aéroport international de Genève grâce à la présence des juristes de l’association Elisa-Asile et il est d’ailleurs surprenant de constater les similitudes entre le déroulement de la procédure très accélérée à l’aéroport et celle expérimentée depuis deux ans au centre test à Zurich.

A l’inverse de la plupart des bureaux juridiques en Suisse qui représentent les requérants d’asile quand ils ont reçu une décision négative, les juristes à l’aéroport interviennent en amont pour récolter autant d’information que possible sur les demandeurs d’asile et sur leurs motifs d’asile. Ils participent régulièrement aux auditions, soit comme personne de confiance pour les mineurs non-accompagnés, soit comme représentant légal, une pratique très exceptionnelle ailleurs en Suisse.

L’avenir des requérants d’asile dépend de quelques heures d’auditions

images-1_FotorLes auditions sont des interrogatoires difficiles pour les requérants d’asile. Elles exigent une grande précision dans les dates, les parcours effectués, les paysages à décrire, les adresses multiples, les organigrammes de partis etc… Elles sont truffées de questions répétitives sur les mêmes détails déjà fournis en début, puis en milieu d’audition. J’ai pu entendre cette remarque régulièrement : « les informations que vous venez de donner ne correspondent pas à celles que vous avez déclarées lors de votre première audition. Qu’avez vous à dire à ce sujet ? » Voilà une question qui est destinée à déstabiliser le requérant dans l’intention précise de tester sa crédibilité, voir si son histoire est plausible et vraisemblable.

Dans une audition, beaucoup de malentendus peuvent surgir lors des questions-réponses puis lors de la relecture du procès-verbal ou simplement lors de la traduction. Or, les contradictions, les incohérences, les propos illogiques sont régulièrement mis en avant par le Secrétariat d’Etat aux migrations pour motiver ses décisions négatives.

La nouvelle loi protège mieux les requérants d’asile

La procédure accélérée en 140 jours a été testée depuis janvier 2014 dans un centre à Zurich et elle a fait l’objet de plusieurs évaluations externes qui sont concluantes.

Pour beaucoup d’observateurs, l’assistance juridique gratuite offerte dans la nouvelle loi est insuffisante car elle ne garantit ce service que pour les personnes qui sont sélectionnées dans la procédure accélérée de 140 jours, destinée surtout à débouter des personnes ou à prononcer des décision de non-entrée en matière pour des cas Dublin comme l’a récemment déclaré le Secrétaire d’Etat aux migrations Mario Gattiker. Les autres cas qui seront attribués aux cantons parce que d’autres mesures d’instruction s’imposent devront compter sur l’aide gratuite des bureaux juridiques cantonaux pour être représentés auprès du Tribunal administratif fédéral en cas de recours.

C’est le bémol de la nouvelle loi sur l’asile : un délai de recours raccourci à 9 jours au lieu de 30 et une assistance juridique complètement gratuite qui n’est proposée qu’aux personnes dont le dossier est plutôt simple à régler.

Mais en échange, d’une procédure accélérée, tous les requérants auront droit à un conseil et une représentation juridique avant et pendant les auditions, ce qui est un progrès certain et un gage d’efficacité dans la prise de décision des représentants légaux.