Les Centres fédéraux d’asile fonctionnent comme des boîtes noires hyper sécurisées et mal gérées

Photo © Keystone/Sigi Tischler

 

La mise en oeuvre du nouveau système d’asile en mars 2019 a rendu l’hébergement des requérants d’asile dans les Centres fédéraux d’asile (CFA) extrêmement difficile. A la pression de la procédure d’asile elle-même, s’ajoute des règles de vie absurdes que des agents de sécurité font appliquer avec force, violences, insultes racistes et xénophobes et punitions exagérées.

Le SEM a donné trop de pouvoir aux sociétés privées de sécurité (Protectas et Securitas) sans avoir vraiment les moyens de vérifier leur travail et lorsqu’il sait, il minimise. Pour le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) la parole d’un requérant vaut toujours moins que celle d’un fonctionnaire ou d’un agent de sécurité.  

On doit alors se demander si les conditions d’hébergement dans les CFA permettent la tenue sereine des auditions? Question sous-jacente: dans quelles mesures le SEM et ses sbires mal supervisés peuvent être tenus responsables d’auditions ratées, de mauvaises décisions, de disparitions dans la nature ? 

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La Croix-Rouge Suisse et le HCR demandent de modifier la procédure de regroupement familial pour les personnes relevant du domaine de l’asile

C’est la veille de Noël, un moment spirituel important durant lequel nous aimons être avec celles et ceux qu’on aime. Chaque année de nombreuses personnes passent Noël seules alors qu’elles rêveraient d’être entourées comme toutes celles qui cette année se retrouveront elles aussi isolées, confinées ou hospitalisées.  

Si c’était nous

Cette année, plus que toute autre, il n’est pas difficile d’imaginer ce que ressentent et ce que vivent des familles incapables de se réunir, elles, durant de longues années. Avec deux clips vidéo visibles sur la chaîne SRF 1 et la RTS 1 jusqu’au 23 décembre, la Croix-Rouge Suisse CRS et le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés HCR nous rappellent ce que vivent des milliers de personnes en Suisse, incapables de bénéficier du regroupement familial, un droit pourtant national et international.      

Une procédure trop complexe

Les deux organisations demandent un assouplissement des exigences de regroupement familial pour les personnes dans le domaine de l’asile ayant reçu “l’admission provisoire” (Permis F). En Suisse, les personnes qui bénéficient d’un tel statut, doivent attendre trois ans avant de pouvoir déposer une demande de regroupement familial. Pour y parvenir, la procédure est complexe, et il peut s’écouler plusieurs années avant que les familles ne soient finalement réunies. Et puis, le regroupement familial est seulement possible pour le conjoint ou la conjointe et pour les enfants mineurs.

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Tibétains déboutés de l’asile, un expert pro-chinois aurait influencé le SEM

Aujourd’hui, près de 300 requérants tibétains sont sans statut légal. Leurs demandes d’asile ont été rejetées parce que le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) les soupçonnait d’être socialisés en dehors du Tibet. La communauté tibétaine est l’une des cibles des nombreuses incohérences de l’administration fédérale.

Ainsi, les personnes déboutées de l’asile doivent vivre avec une décision négative et un ordre de quitter la Suisse sans que cela soit possible puisqu’elles ne disposent pas de papiers. En raison de leur séjour «illégal», ces personnes sont punies d’amendes et de peines d’emprisonnement et, dans certains cantons, de restrictions (1). 

Mais la question est de savoir si oui ou non ces personnes ont été victimes d’experts engagés par le SEM mais travaillant pour le compte de la Chine ? Une affaire révélée par la NZZ am Sonntag le suggère et la communauté tibétaine concernée vient de lancer une pétition en ligne demandant à la Conseillère fédérale Karin Keller-Sutter de légaliser leur statut (2).  

 

Pour signer la pétition: LEGALISIERUNG DER TIBETISCHEN SANS-PAPIERS

 

Analyse Lingua

 

Pour éclaircir la provenance des requérants, le SEM utilise un service spécialisé composé de plus de 100 experts dont les noms doivent rester confidentiels. Ces personnes sont mandatées pour trouver l’origine réelle et le lieu de socialisation des requérants d’asile qui n’ont pas pu remettre les preuves de leur identité, de leur provenance. 

L’analyse Lingua est effectuée par téléphone. C’est le dernier stade d’une demande d’asile qui doit permettre de cerner le dialecte, la connaissance de base du pays d’origine et la socialisation du sujet. L’avis des experts est décisifs pour un requérant d’asile et le Tribunal administratif fédéral (TAF) considère ces analyses comme ayant une «valeur probante» certaine. 

Ces dernières années les experts ont cependant rejeté jusqu’à 80% des réfugiés tibétains ce qui explique les centaines de Tibétains sans papiers en Suisse.

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Une coalition de juristes indépendants demande de ralentir la procédure d’asile et …de l’améliorer

Le 1er Mars 2019, la restructuration du domaine de l’asile entrait en vigueur. Elle devait permettre une procédure d’asile plus rapide et plus efficace avec la promesse d’une assistance juridique professionnelle gratuite pour les requérants d’asile dans les centres fédéraux.  

 

Bilan sombre de la Coalition des juristes indépendant-e-s pour le droit d’asile

 

La Coalition des juristes indépendant-e-s pour le droit d’asile vient de publier un bilan critique sur la première année de fonctionnement de la nouvelle formule (1). Les délais trop courts imposés aux autorités d’asile a conduit à de nombreuses décisions de mauvaises qualité entraînant deux fois  plus de recours au Tribunal administratif fédéral. 

Durant la période analysée (mars 2019 à février 2020), le Secrétariat d’Etat aux migrations a failli à son devoir d’instruction en plaçant à tort de trop nombreux cas en procédure accélérée en vue d’un renvoi (2). La coalition des juristes indépendants de Suisse déplore le travail minimaliste des prestataires de protection juridique mandatés par le Secrétariat d’Etat aux migrations pour conseiller et représenter les requérants d’asile dans les centres fédéraux.  

 

Un recours sur quatre donne tord au Secrétariat d’Etat aux migrations

 

Deux indices, le taux de recours très bas des prestataires (12.5%) et le fait que beaucoup de requérants laissés-pour-compte ont finalement obtenu gain de cause, en recourant eux-même ou avec l’aide d’un juriste externe, montrent que ces personnes auraient dû bénéficier d’une assistance juridique de la part des prestataires actifs dans les centres.  Au lieu de cela, les révocations de mandat furent bien trop fréquentes à cause d’un manque de temps à disposition. Durant les douze premiers mois de mise en oeuvre, près d’un  recours sur quatre, soumis dans le cadre de la procédure accélérée, donne tord au Secrétariat d’Etat aux migrations. C’est le double des années précédentes (2015-2018), un bond énorme selon les juristes de la coalition. 

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La sphère privée des criminels présumés sera-t-elle bientôt mieux protégée que celle des requérants d’asile ?

La protection de la sphère privée est un droit fondamental dont le respect concerne toutes les personnes en Suisse y compris les requérants d’asile. Un avant-projet de modification de la Loi sur l’asile (LAsi) prévoit malheureusement de le dissoudre. Ce texte soumis à consultation autorise l’inspection des supports mobiles de téléphones, tablettes, ou ordinateurs, lorsque l’identité, la nationalité ou la trajectoire d’un requérant d’asile ne peuvent être établis sur la base de documents d’identité ou d’autres moyens raisonnables. Les centres sociaux protestants (CSP) et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) dénoncent une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée des requérants d’asile. Le Préposé fédéral à la protection des données est aussi très critique et constate le caractère discriminatoire et complètement contre-productif de l’avant-projet.

 

A l’origine du projet ? Grégor Rutz, conseiller national UDC

 

En mars 2017 son initiative parlementaire” réclamait l’accès aux supports mobiles des requérants d’asile parce que 70 à 80 % d’entre eux ne présenteraient pas de documents d’identité originaux à leur arrivée en Suisse entraînant des risques sécuritaires et des charges additionnelles pour les services de l’état civil.

En février 2020, la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) proposait un avant-projet de modification de la Loi sur l’asile (LAsi) autorisant l’accès aux données des supports mobiles des requérants d’asile lorsque l’identité, la nationalité ou l’itinéraire ne peuvent être établis ou afin de faciliter l’exécution des renvois, la lutte contre les passeurs et l’élucidation de crimes de guerre. 

 

L’accès aux données personnelles sans consentement libre est illégal

 

Un des points les plus controversé du projet de loi touche au consentement du requérant d’asile.  Le Préposé fédéral à la protection des données insiste là-dessus. Pour que les fouilles soient légales, le consentement libre de la personne est primordial. Dans son rapport explicatif, la CIP-N assure à tort qu’il n’est pas prévu de saisir les supports de données mobiles des personnes concernées sans consentement. Cependant, comme le projet lie le consentement à l’obligation de collaborer, pour éviter le pire, un requérant d’asile se verra contraint de remettre son téléphone mobile. S’il s’y oppose, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) estimera qu’il a violé son devoir de collaborer (art. 8 al.1, let. g, P-LAsi). Il classera ou rejettera sa demande d’asile.

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Dans une lettre ouverte, le Centre social protestant de Genève demande la suspension urgente des procédures d’asile en cours

De nombreuses associations spécialisées dans l’assistance juridique aux requérants d’asile, membres de la Conférence romande des permanences juridiques pour requérant-e-s d’asile (COPERA) sont choquées par la décision du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) de poursuivre le traitement des procédures d’asile en Suisse.

Il y a quelques jours, la COPERA, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) et Amnesty international demandaient la suspension immédiate des procédures d’asile suite à l’instauration de l’état de nécessité le 16 mars 2020 afin de lutter contre le Covid-19.

Le 22 mars, la RTS publiait sur son site une information selon laquelle le SEM avait décidé la suspension durant une semaine des “enquêtes auprès des demandeurs d’asile”  le temps d’équiper les salles d’entrevues en séparations de plexiglas. En réalité, l’appel des organisation a été largement ignoré. De nombreux requérants d’asile continuent de recevoir des décisions qui les forcent à entreprendre des démarches comme des visites médicales pour obtenir des certificats, des rencontres avec leurs avocats et représentants juridiques et beaucoup ont reçu des convocations aux auditions.

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En Suisse, les demandes d’asile ont chuté depuis 2015 et le SEM bâcle la procédure accélérée

A Lesvos, où près de 20’000 réfugiés sont retenus dans des conditions dégradantes et dangereuses, la police grecque se rabaisse à devoir confronter la colère des réfugiés avec des gaz lacrymogènes, même à l’encontre de jeunes femmes et d’enfants.

 

En Méditerranée les gardes-côte libyens les accostent pour les retourner de force en Libye avec la complicité et l’assistance de l’Union européenne et de l’Italie. En Hongrie, la police les repousse à la frontière serbe et place les requérants d’asile dans des centres de transit fermés le temps de la procédure. 

Voilà qui explique pourquoi les demandes d’asile en Suisse sont au plus bas depuis douze ans. 14’269 nouvelles demandes d’asile en 2019, représentent 6,5% de moins qu’en 2018, 21% de moins qu’en 2017, 48% de moins qu’en 2016 et 64% de moins qu’en 2015.

C’est si bas que que Madame Karin Keller-Sutter annonçait, en septembre dernier, la fermeture de plusieurs centres d’hébergement.

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Le sort de la famille Ahmed présenté sur Forum (RTS)

Hier le journaliste Alain Arnaud de la RTS présentait dans l’émission Forum la situation de la famille Ahmed qui vient d’être encore une fois déboutée de l’asile. En effet la nouvelle demande d’asile (subsidiairement demande de réexamen de leur demande initiale déposée en 2016) a été rejetée par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) le 17 mai. Dans sa décision le SEM réfute les problèmes de traduction qui ont eu lieu durant les auditions du couple. Un deuxième recours au Tribunal administratif fédéral (TAF) est en cours d’écriture mais il n’a pas d’effet suspensif. La famille Ahmed peut à tout moment être renvoyée vers l’Irak. Le village de Pery-La-Heutte (Jura bernois) est sur les dents. Le SEM et les autorités cantonales ont été informées de la soumission imminente du recours.

Cliquez sur l’image ci-dessous pour écouter l’interview.

© Forum RTS

Les interprètes du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) ont des superpouvoirs comme je l’ai expliqué dans un récent article publier sur ce blog le 16 mai dernier. Dans ses explications sur Forum, la Porte-parole du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), Madame Emmanuelle Jaquet von Sury estime que l’enregistrement audio est envisageable. On est donc sur la bonne voie.

Cliquez sur l’image ci-dessous pour écouter l’interview.

 

J’aimerais tout de même revenir sur certains points de son explication.

 

La Loi sur l’asile (art 29) ne prévoit pas d’enregistrement audio. Et alors?

C’est vrai mais ce n’est pas un obstacle car l’enregistrement audio des auditions est une mesure de type organisationnelle et pratique qui s’apparente à bien d’autres mesures prises par le SEM récemment dans le cadre de la nouvelle procédure d’asile accélérée et qui ne sont pas prévues par la Loi sur l’asile. On peut citer par exemple la mise en place de vidéos conférences pour les requérants dits “récalcitrants” (1) afin qu’ils puissent s’entretenir avec leurs représentants juridiques. On peut citer aussi les traductions par téléphone qui se font pour les Cas Dublin depuis les centres fédéraux. On peut citer aussi la cadence infernale de la nouvelle procédure (2) qui ne figure pas dans la loi non plus.

 

L’ interprète ne sait rien sur les requérants lorsqu’il arrive à l’audition. Faux!

Le SEM ne dispose pas de Charte de l’interprétariat à la française. Celle-ci inclut un code de déontologie stricte imposant l’interdiction de tout contact avec les requérants avant les auditions ou durant les pauses d’auditions. Le SEM devrait s’en inspirer. Le Ministère allemand de l’immigration dispose aussi de règles plus strictes. En pratique les interprètes font régulièrement des apartés avec les requérants avant les auditions et durant les pauses si ce n’est durant les auditions. Dans le cas de la famille Ahmed ce fut le cas.  Le SEM peut imposer des règles plus strictes pour ce qui est des contacts hors audition, mais les apartés douteux durant les auditions sont insaisissables. Le SEM n’est pas en mesure aujourd’hui de garantir ou de vérifier l’impartialité des interprètes.

 

Signer un procès-verbal d’audition signifie qu’on est d’accord avec ce que le traducteur a dit lors de la relecture cela ne signifie pas qu’on est d’accord avec ce qui est écrit au procès-verbal

Madame Jacquet-Sury précise dans Forum que lorsque les requérants signent les procès-verbaux sans réserve et par leur signature, ils confirment ainsi leur contenu comme étant exhaustif et conforme à leurs déclarations.  Mais en réalité, les requérants signent s’ils ont approuvé la traduction verbale d’un procès-verbal et non le procès-verbal écrit en allemand, français ou italien. Et c‘est tout le problème. L’interprète peut enlever des mots importants dans la première partie d’audition lors de la traduction de la langue d’origine à l’allemand par exemple, et quelques mots suffisent comme le nom du parti. L’absence de ces deux mots va d’ailleurs complètement modifier la suite des questions. L’interprète peut rajouter ces mêmes mots au moment de la relecture du procès-verbal dans la langue d’origine. Il a un crayon et un papier et sait parfaitement quand les replacer. Les brouillons des interprètes ne sont pas conservés au dossier d’ailleurs.
La présence d’un représentant juridique aux auditions dans la nouvelle procédure est un atout
Le représentant juridique n’est pas non plus en mesure de remarquer une traduction erronée ou même des apartés interdits. Il peut par contre apporter son soutien au requérant si ce dernier remarque des irrégularités. Le rôle du juriste est donc primordial et l’information avant l’audition notamment sur le droit d’interrompre l’audition sans devoir craindre des conséquences négatives sur l’issue de la demande d’asile doit être donnée de manière systématique pour que le requérant ose faire la démarche. Comme dit Aldo Brina, chargé d’information du service réfugiés du Centre social protestant à Genève, le rapport asymétrique entre le requérant et l’autorité est tellement important et souvent sous-estimé. Or ce rapport explique pourquoi beaucoup de requérants signent les procès-verbaux alors que la traduction est quelques fois plus qu’imparfaite.

  1. L’article 24a de la Loi sur l’asile stipule que: “Les requérants qui menacent sensiblement la sécurité et l’ordre publics ou qui, par leur comportement, portent sensiblement atteinte au fonctionnement et à la sécurité des centres de la Confédération, sont hébergés dans des centres spécifiques créés et gérés par le SEM ou par les autorités cantonales. L’hébergement dans un centre spécifique est assorti d’une assignation d’un lieu de résidence ou d’une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (…)”
  2. L’OSAR précise sur son site “Dans les 72 heures suivant le dépôt de leur demande, les requérantes et requérants d’asile sont attribués à un centre fédéral pour requérants d’asile avec tâches procédurales géré par la Confédération dans une des six régions d’asile. Les clarifications préliminaires nécessaires à la procédure d’asile proprement dite ont lieu au centre fédéral dans un délai de 21 jours ouvrables. Si une requérante ou un requérant d’asile a déjà déposé une demande d’asile dans un autre pays européen (ou est entrée illégalement dans cet Etat et donc dans l’espace Schengen), une procédure dite «Dublin» est alors ouverte. Dans la procédure de Dublin, le délai pour les clarifications préliminaires est encore plus court et s’élève non pas à 21 jours mais à 10 jours. La personne concernée est transférée dans l’État Dublin, pour autant que ledit Etat accepte la réadmission. Contrairement à ce qui se fait aujourd’hui, une attribution à un canton n’est normalement pas prévue dans ces cas-là.”

Asile: les superpouvoirs des interprètes

Les interprètes jouent un rôle déterminant dans la communication lors des auditions d’asile. La restitution des propos du demandeur d’asile comme celles des questions de l’auditeur repose sur eux. Une mauvaise traduction peut avoir des effets dramatiques sur le destin d’une personne ou d’une famille.

Encore aujourd’hui, les erreurs de traduction (dates, calendriers, temps de conjugaison) sont courantes et il n’est pas rare que des tensions entre le requérant d’asile et l’interprète infectent le cours d’une audition qui continue alors qu’elle devrait être interrompue séance tenante.  

Plusieurs affaires, actuellement en cours de réexamen auprès des autorités d’asile, mettent en évidence des besoins de vérifications sur les antécédents et les liens politiques des interprètes, sur leurs compétences linguistiques, sur leur sensibilisation notamment en ce qui concerne les violences sexuelles.

La nouvelle procédure d’asile accélérée vient d’entrer en vigueur le 1er mars 2019. Sans efforts de formation, sensibilisation et encadrement supplémentaires, les bavures iront en augmentation.

AFFAIRES EN COURS ET TÉMOIGNAGES

 

Les témoignages récoltés récemment auprès de juristes, avocats et requérants d’asile sont effarants. Il y a régulièrement des problèmes entre des requérants parlant le farsi (Iran) assistés d’interprètes parlant le dari (Afghanistan) et vice-versa. Un requérant yézidi n’a pas osé parler devant un interprète kurde musulman. Un requérant parlant le bilen un autre parlant le tigrinya se retrouvent flanqués d’un interprète parlant l’arabe. Un requérant iranien affirme qu’il comprenait assez de français pour s’apercevoir que l’interprète était très imprécis. Il devait systématiquement le corriger. Une femme kurde n’a pas osé parlé des violences subies devant l’interprète masculin.

Trois affaires sont actuellement examinées par le SEM, le TAF et le Comité des Nations Unies contre la torture. L’une implique une famille kurde irakienne, l’autre un requérant afghan, mineur au moment des auditions, le troisième un requérant iranien. Les représentants juridiques dénoncent des interprètes inadéquats, incompétents ou qui n’ont pas respecté les codes de déontologie, notamment le devoir de neutralité. Ils critiquent aussi la mauvaise foi du SEM qui refuse de reconnaître les problèmes tout en profitant de relever des contradictions pour justifier une décision de renvoi.

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Quelques explications sur la nouvelle procédure d’asile en Suisse

Ce vendredi 1er mars 2019 la nouvelle loi sur l’asile entre en vigueur après neuf ans de travail, de débats, de conflits politiques et aussi après une votation en 2016. Cette loi et les ordonnances qui l’accompagnent accélère et réaménage la procédure d’asile. Elle exige plus de rapidité dans la prise de décision des autorités d’asile, elle impose une certaine coopération entre les intervenants (juristes, assistants sociaux, fonctionnaires fédéraux, cantonaux et communaux). En théorie, elle doit aboutir à des octrois de protection ou à des renvois plus rapides.

 

Une décennie de remue-ménage est l’article qui vous éclairera sur les points problématiques de la restructuration que j’ai souvent jugé inutile et coûteuse. Pas facile de s’y retrouver dans ce “labyrinthe” de différents “volets législatifs, étendu sur différentes lois et ordonnances” précise son auteur Aldo Brina chargé d’information sur l’asile au Centre social protestant à Genève.

 

Le grand chantier de la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga (PS) est inspiré du modèle hollandais, visité et examiné en 2011 qui subit des ralentissements importants. L’Allemagne de son côté lorgne vers la nouvelle procédure suisse qui séduit.

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