L’avis de droit mandaté par la Commission fédérale contre le racisme (CFR) au Centre de compétence pour les droits humains de l’Université de Zurich (1) critique les autorités suisses en ce qui concerne la garantie de liberté de mouvement des requérants d’asile en Suisse. Qu’en est-il de leur liberté de mouvement ? Dans quels cas peut-elle être restreinte ? Et à quel moment les restrictions deviennent-elles contraires aux droits fondamentaux ?
S’il existe des circonstances qui justifient en Suisse la prononciation de mesures qui peuvent restreindre le droit fondamental à la liberté de mouvement, elles ne doivent s’adresser qu’à des individus, non à des groupes et elles doivent relever de l’intérêt public, être légales et rester proportionnées. Selon le rapport “les assignations et les interdictions territoriales collectives portent atteinte à la liberté de mouvement, car elles ne reposent pas sur une base légale ni ne poursuivent un intérêt public digne de protection”.
Dans ce rapport les experts juridiques de l’Université de Zurich analysent quelques décisions passées qui ont fait polémiques. Celle de 2013 entre la Confédération et la commune de Bremgarten (AG) qui a interdit aux requérants de pénétrer dans les installations scolaires et sportives tous les jours de semaine du matin au soir, celle qui a interdit l’accès aux communes aux requérants pensionnaires des centres de Nottwil (LU) et d’Alpnach (OW), et enfin celle qui limite les horaires de sortie des centres d’hébergement gérés par la Confédération. Pour les experts juridiques, cette dernière mesure qui sert à assurer le bon fonctionnement des centres et le bon déroulement des procédures d’asile poursuit un intérêt public admissible mais elle va “au-delà de ce qui est nécessaire au niveau personnel et temporel” et n’est donc pas compatible avec l’article 10 alinéa 2 de la Constitution fédérale selon lequel “Tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l’intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement ni au principe de proportionnalité.
La CFR demande à la Confédération et aux cantons de réviser la réglementation des heures de sortie, trop restrictives. Elle exige aussi que les interdictions de périmètre individuelles ne soient prononcées qu’en cas de trouble ou de menace concrets d’une certaine intensité à l’encontre de la sécurité et de l’ordre publics.
Dans ce contexte la commission a dû préciser que “les sentiments subjectifs d’insécurité et la peur d’autrui ne sont pas suffisants pour limiter la liberté de mouvement des requérants d’asile”. Par exemple, le fait d’interdire aux requérants d’asile l’utilisation d’un parc public parce que des passants se sentent gênés qu’ils soient réunis et boivent de la bière est simplement inadmissible. Et il n’est pas inutile de préciser qu’une restriction de la liberté de mouvement même implicite – si l’on fait par exemple comprendre aux requérants que leur présence n’est pas souhaitée en certains lieux – est tout aussi intolérable.
Bien que ce rapport soit malheureusement trop nuancé et indigeste, il présente quelques recommandations destinées à guider et aider les instances d’exécution qui semblent en avoir bien besoin.
- Prof. Dr. Regina Kiener et Dr. Gabriela Medici Centre de compétence pour les droits humains de l’Université de Zurich (MRZ)