Diplômée de Harvard, la Présidente d’ASYLEX, Léa Hungerbühler s’exprime sur la procédure d’asile suisse

Léa Hungerbühler préside ASYLEX, l’association spécialisée dans l’assistance juridique en ligne. Pour cette structure créée en 2017 l’avocate travaille pro bono  à côté de son activité principale dans une firme zurichoise spécialisée dans le droit financier et bancaire

En pleine pandémie, les conseils en ligne ont explosé et ASYLEX a gagné cette année de nombreux recours au Tribunal fédéral en faveur de personnes enfermées à Zürich au Centre de détention administrative.

Avec deux avocats stagiaires et un chef de projet, tous rémunérés, ASYLEX parvient a aidé nombre de requérants grâce à un vaste réseau de juristes et avocats bénévoles répartis sur l’ensemble du territoire. L’organisation est soutenue par de nombreux experts en droit des réfugiés et de la migration et son comité compte des personnalités comme Dick Marty, Bertrand Piccard et Lisa Mazzone. 

Tout récemment, un rapport de la Coalition des juristes indépendants a révélé de nombreux problèmes dans la nouvelle procédure accélérée pratiquée depuis mars 2019.

Léa Hungerbühler en parle dans cette  interview.

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Détenir pour contrôler la migration, un livre explique une pratique européenne croissante malgré la baisse continue des demandes d’asile depuis 2015

Photo © Yara Nardi/ Reuters. Centre d’accueil à Rome

Depuis la crise migratoire de 2015 et sous l’impulsion des dirigeants de l’Union européenne (1), les États européens ont augmenté les placements en détention pour expulser les demandeurs d’asile déboutés ou les personnes étrangères sans statut légal. Alors que les demandes d’asile ont continuellement baissé de 2016 à 2019, les statistiques en matière de détention ont pris la direction contraire.

 

L’ouvrage intitulé “Immigration Detention in the European Union, In the Shadow of the Crisis” (La détention des migrants dans l’Union européenne, dans l’ombre de la crise), décrit l’évolution de la pratique des Etats  européens sur les cinq dernières années. Les auteurs, Izabella Majcher, Michael Flynn et Mariette Grange y abordent les modifications législatives et les pratiques en matière de détention de nombreux pays de l’UE, y compris le Royaume-Uni.

 

De l’évolution des normes nationales relatives aux motifs et à la durée de la détention en passant par le traitement des enfants et les conditions de détention, le livre est la meilleure source à consulter dans ce domaine puisqu’il fait la synthèse de nombreuses analyses effectuées ces dix dernières années par le Global Detention Project (GDP).

Le livre nous éclaire sur l’influence des dirigeants de l’Union européenne. Dès 2015 ces derniers ont adopté un discours sécuritaire en faveur d’une politique résolument dissuasive à l’égard des personnes migrantes, des requérants d’asile et des réfugiés. Résultat, pratiquement tous les Etats de l’Union européenne ont durcis leurs lois sur l’immigration et l’asile en soutenant une politique de contrôle migratoire à l’extérieur des frontières européenne. Par conséquent, au lieu de renforcer la protection des personnes migrantes contre les détentions jugées arbitraires en droit international, le droit de l’Union européenne l’a affaiblie (2).

 

J’ai souhaité m’entretenir avec Michael Flynn et Izabella Majcher sur l’évolution des politiques européennes en matière de détention des personnes migrantes. Michael Flynn dirige le Global Detention Project (GDP) et Izabella Majcher est juriste à ECRE, le European Council on Refugees and Exiles basé à Bruxelles.

 

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Urgence COVID-19: Le Conseil fédéral doit suspendre toutes les procédures d’asile

Les Bureaux de consultations juridiques (BCJ) en Suisse (1) se mobilisent en ce moment pour demander l’arrêt des procédures d’asile. Car encore aujourd’hui, les convocations aux auditions pleuvent et des personnes sont censées faire des heures de train pour être auditionnées à Berne par un fonctionnaire, en présence d’un interprète et d’un procès-verbaliste. Selon l’association Vivre ensemble, un requérant résidant au Tessin vient d’être convoqué à Berne. Avec cela les décisions d’asile continuent de tomber alors que de nombreux bureaux d’aide juridique ont fermés leurs bureaux. 

Mercredi 18 mars, un appel au Conseil fédéral signé par plusieurs organisations dont Solidarité sans frontières (SOSF) et Vivre Ensemble demande un moratoire immédiat sur les auditions et sur les décisions d’asile afin de protéger la santé des requérants d’asile, des fonctionnaires et des juristes. Ces demandes urgentes s’adressent au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et au Tribunal administratif fédéral (TAF).

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Sécurité des femmes dans le domaine de l’asile: le Conseil fédéral adopte des mesures décevantes

Les femmes et les jeune-filles qui déposent une demande d’asile en Suisse ont souvent été victimes de violence ou d’exploitation sexuelle dans leur pays d’origine ou durant leurs parcours migratoires. Elles sont aussi souvent des cibles idéales dans les centres fédéraux ou les centres cantonaux et subissent régulièrement des actes de violence.

Sur les cinq dernières années la proportion des requérantes d’asile nouvellement arrivées en Suisse représente en moyenne 30% du nombre total des demandes d’asile. Parmi elles se trouvent une majorité de femmes érythréennes, syriennes, afghanes, somaliennes, turques, irakiennes ou encore iraniennes. Souvent elles n’osent pas parler de leurs traumatismes ou encore reçoivent les mauvais soins. Certaines n’osent pas aller se doucher de peur de croiser certains hommes au passage, d’autres ne ferment pas l’oeil car elles ne peuvent verrouiller leur porte. Et si elles osent communiquer un problème grave elles n’ont personne pour traduire.

Les témoignages de femmes, accessibles sur le site de l’organisation TERRE DES FEMMES Suisse et les informations révélées dans l’excellent rapport du Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) sur la situation dans les cantons, font froid dans le dos.

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Une conversation avec Abdul Aziz Muhamat, lauréat du prix Martin Ennals 2019

En février 2019, Abdul Aziz Muhamat, originaire du Soudan, recevait à 26 ans le prix Martin Ennals qui récompense chaque année les défenseurs des droits humains. Transféré sur l’île de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée) en septembre 2013,  en vertu de la politique offshore australienne, Aziz s’est battu dès le début de son incarcération pour faire connaître les souffrances de milliers de réfugiés enfermés comme lui et pour défendre leurs droits à une procédure d’asile et à la liberté. Aziz est un communicateur hors pairs. Il parle presque couramment le français en plus de l’anglais et de l’arabe. Il y a trois mois, la Suisse lui accordait l’asile et le statut de réfugié. Il vit maintenant à Genève où vous le croiserez peut-être. Son rêve immédiat est de trouver un logement. Il aimerait aussi poursuivre ses études universitaires interrompues au Soudan. Mais plus que tout, il est déterminé à obtenir la réinstallation des 550 personnes  encore bloquées en Papouasie-Nouvelle-Guinée et sur l’île de Nauru (1). 

En revenant sur quelques événements marquants, j’ai cherché à comprendre comment Aziz a réussi à poursuivre son combat pour la liberté des personnes enfermées comme lui, malgré l’isolement et les mauvais traitements.

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Behrouz Boochani, porte-voix des réfugiés prisonniers de Manus et de Nauru

Il n’est pas facile de rendre hommage à Behrouz Boochani, un réfugié iranien détenu depuis cinq ans à Manus, île reculée de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Behrouz Boochani est depuis plusieurs années, le porte-voix des requérants détenus à Manus et Nauru. Il dénonce régulièrement la politique meurtrière du gouvernement australien et documente jour après jour sur Twitter et sur Facebook la souffrance des personnes enfermées sur ces îles.

Depuis février 2016, il publie régulièrement des articles pour The Guardian. Il est co-réalisateur du film “Chauka, please tell us the time” sorti en 2017 et il est l’auteur du livre intitulé “No Friend But the Mountains: Writing from Manus Prison”, traduit par Omid Tofighian et publié en juillet 2018.

 

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Etats-Unis: quand la sécurité des frontières rime avec torture d’enfants mineurs

Photo © John Moore/Getty Images North America

Au Texas, dans un centre de détention, un enregistrement audio d’enfants migrants âgés entre 4 à 10 ans pleurant et appelant leurs parents alors qu’ils viennent d’être séparés d’eux, vient de faire surface.

Cet enregistrement a fuité de l’intérieur, remis à l’avocate Jennifer Harbury qui l’a transféré au média d’investigation américain ProPublica. L’enregistrement a été placé sur les images filmées dans ce centre. Il soulève l’indignation des américains et du monde entier. Elles sont une torture pour nous, spectateurs impuissants de la barbarie d’un homme, Donald Trump et de son administration.

Le rythme des séparations s’est beaucoup accéléré depuis début mai, lorsque le ministre de la Justice Jeff Sessions a annoncé que tous les migrants passant illégalement la frontière seraient arrêtés, qu’ils soient accompagnés de mineurs ou pas. Du 5 mai au 9 juin 2018 quelque 2’342 enfants ont été séparés de leurs parents placés en détention, accusés d’avoir traversé illégalement la frontière. C’est le résultat d’une politique sécuritaire dite de “tolérance zéro” qui criminalise ces entrées même lorsqu’elles sont justifiées par le dépôt d’une demande d’asile aux Etats-Unis. Un protocol empêche la détention d’enfants avec leurs parents. Ils sont alors placés dans des centres fermés qui ressemblent tout autant à des prisons adaptées.

 

Photo © Jon Moore/Getty Images North America, AFP

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Pour MSF le monde est sourd à la souffrance des migrants en Libye

“Deux mois, trois semaines, un jour et 12 heures en enfer”.

C’est le témoignage d’un migrant épuisé et traumatisé qui s’est échappé d’une prison clandestine en Libye. Ses propos ont été recueillis par l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF) dans un centre d’accueil à Bani Walid, une ville située à 200 kilomètres au sud-est de Tripoli où l’organisation fournit, avec une ONG libyenne, des soins médicaux aux personnes survivantes des centres de détention clandestins.

Depuis la Libye, difficile de parler de “retour volontaires”

Dans une interview publié sur le site internet de MSF, Christophe Biteau, chef de mission en Libye, dresse un tableau sombre de la situation des migrants dans ce pays où les réseaux de trafiquants continuent de s’enrichir.

Si l’Organisation internationale des migrations (OIM) et le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR) se sont démenés pour vider les centres de détention officiels, MSF doute  non seulement de l’aspect “volontaire” des retours mais constate que les trafics de migrants augmentent et font encore plus de victimes.

En effet, depuis novembre 2017, les prisons officielles se sont vidées grâce à l’intervention de  l’OIM et du HCR. La mesure principale de l’OIM a été de faciliter et d’organiser les retours des personnes détenues dans les centres de détentions officiels vers les pays d’origine. Les chiffres sont impressionnants. En sept mois, l’évacuation d’urgence a permis de sortir 15’000 personnes sur les 17’000 comptabilisés au début de l’opération.

Ces retours qualifiés de “volontaires” par l’OIM ne le sont pas selon MSF car ils sont la seule alternative proposée pour échapper aux sévices subis en détention. Actuellement il resterait en tout 4’000 à 5’000 détenus dans les prisons officielles.

De son côté, le HCR a évacué près de 1’000 réfugiés vulnérables vers le Niger d’où ils attendent leur réinstallation dans un autre pays d’accueil.  Sur les 50’000 réfugiés enregistrés par le HCR en Libye, la majorité d’entre eux sont syriens.

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Le CICR dénonce les refoulements aveugles vers la Libye et rappelle l’Europe à ses obligations internationales

Dans un communiqué de presse le CICR tire la sonnette d’alarme sur la situation humanitaire en Libye. Pour la première fois, le président du Comité international de la Croix‑Rouge (CICR), Peter Maurer, a fait le déplacement vers ce pays détruit et souffrant. Il a visité les villes de Tripoli, Tobrouk et Benghazi pour évaluer la situation et s’entretenir avec des hauts responsables libyens.

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Migration: notre amie la Libye et ses voisins

En 2017, L’Union européenne (UE) met toute son énergie à vouloir fermer la route maritime entre la Libye et l’Italie dans le cadre de l’Agenda européen en matière de migration (1). En 2016, ce sont presque 180’000 migrants qui ont emprunté cette route mortelle. De janvier à mai 2017, 50’374 personnes ont atteint l’Italie soit 45% de plus qu’à la même période en 2016, pendant que 1’364 personnes ont perdu la vie.

Les organisations de sauvetages (2) sont sur le qui-vive avec la saison d’été. Il y  a une semaine, elles ont participé avec l’aide de navires commerciaux, des garde-côtes libyens et italiens, au sauvetage de 10’000 personnes en quatre jours (du 24 au 28 mai). Mais ces chiffres qui donnent le tournis n’ont rien d’exceptionnel. En effet, durant la même période en 2016, 13’000 personnes ont été secourues et plus d’un millier sont décédées lors de la traversée.

On ne le répètera jamais assez: l’Europe reste épargnée par la migration puisque 82% des personnes déplacées dans le monde sont hébergées dans les pays proches des zones de conflit en Jordanie, Ethiopie, République Islamique d’Iran, au Liban, au Pakistan et en Turquie.

 

Objectif: fermer la route méditerranéenne

 

Mais l’UE et l’Italie sont pressées d’agir pour fermer l’accès incontrôlé au continent et pour éviter d’autres naufrages.  Ainsi l’Agenda européen comporte des priorités à court terme: sécuriser les frontières avec l’aide de Frontex, combattre les réseaux criminels avec Europol et relocaliser (refouler) les requérants d’asile vers des pays tiers partenaires avec la coopération du HCR et de l’OIM. Il comporte aussi des priorités à moyen, long-terme: réduire les causes de la migration illégale, sauver des vies et sécuriser les frontières, renforcer le système d’asile européen et développer une nouvelle politique de migration légale.

Nous sommes dans la première phase et elle se concentre sur la Libye, le Niger, le Mali, le Tchad. En février à Malte, les dirigeants européens ont convenu de poursuivre la formation des garde-côtes libyens commencée en octobre 2016, améliorer la situation des communautés locales libyennes, accélérer les retours des migrants en Libye, améliorer les conditions de rétention des migrants avec la collaboration du HCR et de l’OIM et sécuriser les frontières libyennes avec les pays du sud (Niger, Mali).

L’UE s’est aussi engagée à soutenir toutes les initiatives des Etats membres qui vont dans ce sens.

 

L’Italie mène le bal

 

L’accord entre la Turquie et l’UE de mars 2016 qui a permis de réduire le nombre d’arrivées sur les côtes grecques a fait de l’Italie la porte d’entrée principale en Europe et aussi la grande perdante du système d’asile européen.  Désavantagée par le règlement Dublin, elle souffre du manque de solidarité européenne qui se traduit par les relocalisations lentes en Europe.

Pressée d’agir, le chaos libyen ne l’a pas refroidi.  Elle est allée de l’avant dans ses tractations avec le Gouvernement d’entente nationale (GNA). Elle contribue activement à la formation des  garde-côtes libyens dispensée par l’opération militaire européenne en Méditerranée (EUNAVFOR Med ou Opération Sophia) et en février, elle a signé un accord avec le Premier ministre Fayez al-Sarraj du GNA basé à Tripoli.

Cet accord qui devait permettre de mieux lutter contre l’immigration clandestine a été dénoncé par le Parlement de Tobrouk qui l’a jugé « nul et non avenu ». La cour d’appel de Tripoli a d’ailleurs choisi de le suspendre en mars. L’Italie n’y a vu que du feu et vient de fournir quatre vedettes aux garde-côtes libyens tout en signant un autre accord avec la Libye, le Tchad et le Niger pour renforcer les contrôles aux frontières et créer de nouveaux centres d’accueil pour les migrants. Le gouvernement a aussi prévu l’ouverture imminente en Italie de nouveaux centres  de procédures pour faciliter les renvois vers ces pays.

 

Sauvetages avortés et refoulements illicites

 

Toutes ces mesures ont été soutenues par l’UE dont le durcissement à l’égard des migrants se veut avant tout efficace à défaut d’être légal en droit international. Elles font déjà leurs effets sur l’organisation de la surveillance et des sauvetages en mer (3) et sur le rythme des refoulements. Les ONG de sauvetage comme MOAS, MSF et Save the Children ont récemment subi de fortes pressions. Elles ont non seulement été accusées de collusions  avec les passeurs mais elles ont aussi été empêchées manu militari par les garde-côtes libyens dont la mission et de ramener les migrants en Libye. L’étau se resserre donc sur les ONG qui auront de plus en plus de mal à intervenir en mer sans l’accord des autorités maritimes italiennes et européennes.

Or les refoulements en Libye sont clairement illicites compte tenu des conditions de détention abjectes dans ce pays “hors d’Etat. En février Human Rights Watch dénonçait les retours forcés citant un rapport accablant du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et de la mission de l’ONU en Libye. Il faut rappeler que ce pays n’est pas signataire de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Il ne prévoit aucune procédure permettant d’accorder une protection à des personnes fuyant les persécutions dans leur pays d’origine. Enfin la question des modalités de mise en œuvre du droit d’asile reste problématique alors que le droit libyen criminalise l’immigration clandestine.

Critiqué de toutes parts, la Commission européenne a récemment insisté (4) sur la mise en place de mesures de protection pour les réfugiés, les requérants d’asile et les migrants détenus en Libye d’où le rôle donné au HCR et à l’OIM dans la région. Les deux organisations viennent d’annoncer le renforcement de leurs activités conjointes en Libye et dans les pays voisins. Pour faciliter le retour des migrants dans leur pays, le Fonds fiduciaire pour l’Afrique a financé l’OIM-Niger, en le dotant de 22 millions d’euros pour la réception et le rapatriement des migrants. En particulier pour la gestion du centre de transit d’Agadez, qui peut accueillir jusqu’à 1 000 personnes. L’OIM essaie maintenant de négocier avec le Fonds fiduciaire un projet d’un montant de 100 millions d’euros pour le Niger et les 13 pays d’origine des migrants.

 

Les départs des pays d’origine ne se tarissent pas

 

Le renforcement de la présence des organisations internationales et humanitaires en Libye ont été prises en accord avec le Gouvernement libyen d’entente nationale (reconnu par l’ONU) dont le pouvoir fragile est contesté par de nombreuses factions et milices armées. L’Europe joue avec le feu en Libye mais a-t-elle le choix? Pas sûr car il en va de la survie du système d’asile européen déjà menacé par les résistances de la Hongrie et de la Pologne. Qu’adviendrait-il du système d’asile européen si l’Italie et la Grèce cessait de retenir les requérants d’asile dans les centres “hotspots” destinés aux programmes européens de relocalisation ou encore si l’Italie cessait d’appliquer scrupuleusement le règlement Dublin?

Le succès des partenariats migratoires en Afrique dépendra de l’argent investi pour intervenir en faveur d’une meilleure protection des droits humains des migrants, de la mise en place d’opportunités économiques dans les pays d’origines et surtout de la création de voies légales d’entrée en Europe pour les personnes menacées économiquement et politiquement dans leur pays d’origine.

Le chef de mission de l’OIM au Niger, Giuseppe Lo Prete, déclarait récemment à Médiapart:

« En janvier 2017, pour la première fois, selon les données recueillies dans nos centres de passage, les retours ont été plus nombreux que les allers : 6 000 personnes sont parties, tandis que 8 000 autres sont revenues. Mais cela ne veut pas dire que le nombre des personnes en transit au Niger vers l’Algérie et la Libye soit en baisse (…) En effet, pour les migrants, lorsqu’une route se ferme, dix autres s’ouvrent. Et le Sahara ne manque pas de pistes peu fréquentées. »

Mais les associations locales au Mali et au Niger contestent la version de l’OIM, qui note une réduction des “candidats à la migration” et une augmentation des rapatriements soi-disant “volontaires”. D’après Andrea de Georgio, journaliste qui a enquêté sur ce dossier pour Médiapart, l’envoi de fonds européens aux pays d’Afrique subsaharienne a pour effet d’accroître le nombre de migrants retournant dans leur pays d’origine mais les départs des pays d’origine “ne se tarissent pas pour autant car les causes de départs sont sérieuses. Dans ce contexte le renforcement des contrôles aux frontières poussent les migrants à emprunter des routes toujours plus dangereuses et plus coûteuse.”

 

Quelques documents sur la situation des migrants détenus en Libye: attention à la dureté des images.

Drowning for Freedom: Libya’s Migrant Jails , part 1

Kidnapped and Sold, part 2

Escaping Hell, part 3
Et aussi:

En Libye des migrants vendus sur des marchés aux esclaves, documentaire du journal Le Monde, 12 avril 2017.

 

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  1. L’Agenda européen en matière de migration décrit précisément les mesures à entreprendre pour réduire la migration vers l’Europe. Elle repose notamment sur la conclusion de partenariats  coûteux avec des pays tiers comme la Turquie (mars 2016), le Niger, le Nigeria, le Sénégal, le Mali, l’Ethiopie, le Liban et la Jordanie et la Libye.
  2. Maltese Group, Migrant Offshore Aid Station (MOAS), Sea Watch, Sea Eye, Jugend Rettet, Pro-Activa Open Arms, Save the Children et SOS Méditerranee.  Elles mènent des opérations de sauvetage à 20 et 50 kilomètres des côtes libyennes avec l’autorisation du Centre maritime italien de coordination des sauvetages (MRCC).
  3. Il y a près de 40 navires déployés en Méditerranée. L’Union européenne y mène trois missions navales. Celles de l’agence Frontex sont civiles, avec des missions de détection et de secours en mer: Poséidon, avec une quinzaine de navires engagés en mer Egée; Triton, avec une demi-douzaine de navires au sud de l’Italie. Il y a aussi l’opération Sophia (EUNAVFOR Med) qui est militaire et chargée de lutter contre les trafiquants d’armes, de drogue et de migrants. Elle peut intervenir jusque dans les eaux territoriales libyennes mais elle n’a ni l’autorisation du conseil de sécurité de l’ONU ni celle d’une autorité libyenne.
  4. Communication au Parlement et au Conseil européen: “Conditions in the centres where migrants are held are unacceptable and fall short of international human rights standards. Ensuring adequate conditions in those centres is of paramount importance and goes along with fighting ill treatment, torture, extortion and inhumane treatment. A priority task is to work with the Libyan authorities and international organisations such as IOM and UNHCR to ensure that these centres provide adequate conditions in line with human rights standards. Alternatives to detention should be further developed, in particular for women and minors, working closely with international organisations. In addition, security of both migrants and aid organisations working in those centres needs to be ensured. Another important issue is to ensure unhindered access by UNHCR and IOM to persons in need of international protection, particularly the vulnerable.”