Les relocalisations d’enfants mineurs non accompagnés sont possibles malgré le COVID-19

C’est presque inimaginable. Les relocalisations d’enfants mineurs non accompagnés bloqués depuis des mois sur les îles grecques sont enfin possibles et ce malgré la fermeture des frontières dues au COVID-19. Il suffit de volonté politique et de bonne coordination pour permettre à des enfants non accompagnés (3 à 15 ans) bloqués depuis des mois en Grèce de faire le voyage vers le Luxembourg et l’Allemagne. Les images montrant des enfants très jeunes monter dans l’avion qui doit les mener en Allemagne font tellement de bien.

Elan de solidarité envers les enfants mineurs non accompagnés en Grèce

 

Début mars, de nombreuses organisations humanitaires ont alerté les Etats membres de l’Union européenne sur la situation humanitaire inquiétante dans les centres hotspots en Grèce et demandé à ce que les enfants mineurs non accompagnés soient rapidement relocalisés. Plusieurs Etats ont répondu à cet appel. C’est le cas de l’Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, la Finlande, la France, l’Irlande, la Lituanie, le Luxembourg et le Portugal, qui se sont mis d’accord sur la relocalisation progressive de 1600 mineurs non accompagnés bloqués sur les îles grecques depuis des mois. Les promesses de relocalisation concernent aussi des mineurs non accompagné sans attaches familiales en Europe.

 

Premières opérations de relocalisation

 

Le 15 avril, 11 enfants se sont envolés vers le Luxembourg, le 18 avril  49 enfants (entre 3 et 15 ans) sont arrivés en Allemagne, d’autres opérations de relocalisations vont suivre ces prochaines semaines. La Suisse rejoindra l’effort avec le transfert imminent de 22 mineurs non accompagnés qui ont de la famille en Suisse (1). 

 

En Grèce, l’organisation METAdrasi a participé aux quatres missions d’accompagnement des enfants sélectionnés pour les relocalisations vers le Luxembourg et l’Allemagne et parle des missions les plus complexes et les plus exigeantes jamais réalisées sur les 5 100 missions entreprises au cours de neuf dernières années (2). Selon Lora Pappa, fondatrice de l’organisation “ces transferts représentent une grande réjouissance et montrent que les choses se font rapidement lorsqu’il y a la volonté politique.”

La détermination de l’intérêt supérieur des enfants et le rôle des tuteurs

 

De la récupération des enfants dispersés sur les îles, à leur embarquement en dernière minute sur les ferry en partance pour Athène, à l’entretien, aux examens médicaux, à leur décollage, il n’a fallu qu’une courte semaine pour organiser le départ de plus de 50 enfants entre 3 et 15 ans.  Un véritable parcours du combattant.

 

A commencer par l’entretien personnalisé appelé “BID” (Best Interest Determination). Cette étape est très importante puisqu’elle doit établir l’intérêt supérieur de l’enfant surtout lorsqu’il est supposé rejoindre non pas un père ou une mère, un frère ou une soeur, mais un cousin adulte, une tante éloignée ou … personne. En amont de cette étape, ce sont les tuteurs responsables de l’accompagnement de l’enfant dès son arrivée en Grèce qui connaissent le mieux le dossier de l’enfant. Leur rôle est donc principal (3). 

 

C’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui compte. Nos tuteurs sont en contact réguliers avec les enfants non accompagnés sur les îles et aussi sur le continent. Ce sont eux qui connaissent les enfants, leurs dossiers, leurs parcours, leurs liens familiaux en Europe lorsqu’il y en a. C’est pour ça que notre rôle est important dans l’organisation des relocalisations, ce que les autorités grecques et le Haut-commissariat des Nations unies (UNHCR) reconnaissent”, m’explique Lora Pappa.

 

Dans quelques jours, l’Agence de droits fondamentaux de l’UE (FRA) publiera un document sur les bonnes pratiques de réinstallations d’enfants non accompagnés depuis la Grèce. Les recommandations se basent sur une recherche et près de 50 entretiens menés entre novembre 2019 et mars 2020 en Belgique, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Irlande, Italie, Malte, aux Pays-Bas et au Portugal. L’une de ses recommandations est la création d’un pôle de tuteurs exclusivement destinés à l’organisation des relocalisations d’enfants mineurs non accompagnés. Le rapport mentionne d’ailleurs l’expertise de METAdrasi et recommande qu’elle puisse continuer de jouer un rôle clé dans cette procédure en collaboration avec le Centre national de la solidarité sociale (EKKA). 

 

Examens médicaux de rigueur

 

L’autre étape  importante est l’examen médical surtout avec l’épidémie du Covid-19. Aucun enfant malade n’est admis pour le transfert. Tous les enfants sélectionnés pour les relocalisation sont soumis au test de dépistage du Covid-19 ainsi qu’à d’autres examens médicaux. Pour l’instant les autorités n’ont pas annoncé avoir décelé de cas d’infection au Covid-19 parmi les requérants d’asile sur les îles. Seulement sur le continent dans trois camps différents placés en quarantaine (3). 

 

Renoncer aux conditions de relocalisations trop restrictives

 

Le Luxembourg et l’Allemagne ont d’abord poser des conditions trop restrictives à la relocalisation. En acceptant initialement 12 enfants de Syrie âgés de moins de 14 ans sans perspectives de regroupement familial, le Luxembourg posait des conditions irréalisables car la grande majorité des enfants syriens ont de la famille dans d’autres pays européens et n’auraient pas été éligibles. L’Allemagne quant à elle demandait au départ que les enfants ne soient que des filles de moins de 14 ans ayant de graves problèmes de santé. Puis elle a inclu les garçons de moin de 14 ans sans restriction de pays d’origine et elle a accepté d’accueillir des enfants qui pour la plupart n’ont pas de famille en Allemagne. 

 

Le règlement Dublin établit les critère de responsabilité dans l’examen de la demande d’asile de mineurs non accompagnés. Il prévoit que ce dernier pourra rejoindre un membre de sa famille (père, mère frère, soeur) ou un proche (oncle, tante, cousin) situé dans un autre Etat Dublin en respectant le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et que si nécessaire les Etats membres peuvent déroger aux critères de responsabilité pour des motifs humanitaires et de compassions (article 8, para. 13, 16, 17). Ainsi la relocalisation d’enfants mineurs non accompagnés sans perspectives de regroupement familial est déjà prévu dans le règlement Dublin. Dans l’application de ce texte, les Etats parties, dont la Suisse, ont pour habitude de “minimiser leurs propres responsabilités et maximiser les responsabilités d’autrui” et ils ont longtemps agit, comme l’explique le Professeur Francesco Maiani, “à la limite de ce qui est permis par le Règlement (…) en imposant des exigences excessives de preuves de liens familiaux.”(5)

 

Engagements de la Suisse 

 

Le 21 avril, la Suisse annonçait renforcer son aide aux mineurs dans les camps de réfugiés en Grèce avec un crédit supplémentaire de 1,1 million de francs pour des projets menés par des organisations d’aide. Cette aide avait déjà été annoncée en février dernier. En plus la Suisse a promis de faire venir 22 enfants non accompagnés qui ont de la famille en Suisse. Leur arrivée est imminente. Cette aide est un bon départ. Mais le gouvernement suisse doit aller plus loin. 

 

La Suisse pourrait être un centre de transit pour les enfants mineurs non accompagnés devant rejoindre leur familles dans d’autres pays européens conformément à ce qui est prévu par le Règlement Dublin. La Suisse rendrait un immense service à la Grèce qui serait déchargée du travail administratif lourd impliquant les démarches compliquées de réunification. Cela aiderait surtout beaucoup les enfants concernés, confinés depuis des mois dans des camps invivables, dangereux et malsains. La Suisse devrait aussi envisager, comme d’autres pays européens, accueillir des enfants mineurs non accompagnés sans liens familiaux en Suisse,”suggère Lora Pappa.

 

De plus en plus de voix s’élèvent pour que la Suisse fasse encore davantage pour la Grèce. Plus de 100 organisations humanitaires en Suisse, de nombreux commentateurs dans les médias suisses et certains politiciens et partis politiques suisses ont appelé le gouvernement suisse à accueillir une partie des réfugiés pris au piège dans le camp de réfugiés de Moria surpeuplé et insalubre sur l’île de Lesbos en Grèce. 

 

Peut-être que le vent tourne. Le 23 avril la Commission des institutions politiques du Conseil national s’est penchée sur la situation des réfugiés en Grèce. Elle a décidé de déposer une motion chargeant le Conseil fédéral de “s’engager au niveau européen pour une amélioration substantielle de la situation dans les îles égéennes et de s’investir en faveur d’une réforme des accords de Dublin, afin qu’une répartition plus juste et plus équilibrée des réfugiés soit opérée” (6). 

 

Comme l’explique Alexandra Dufresne (7) pour Swissinfo.ch “la Suisse est, par habitant, l’un des pays les plus riches du monde avec une forte tradition humanitaire. Elle dispose d’une communauté d’ONG exceptionnelle, bien organisée et solide, désireuse et disposée à aider.” 

 

Lire aussi: 

 

——————-

  1. Lire à ce sujet le billet de METAdrasi expliquant l’opération de transfert des enfants des îles au continent. 
  2. Voir en particulier l’article 8 du règlement Dublin III établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte), 26 juin 2013.
  3. Jusqu’à fin 2019, le réseau de tuteurs de l’organisation METAdrasi était financé par l’UE. Aujourd’hui l’ONG a dû restreindre le nombre de tuteurs suite au non renouvellement du soutien financier. Le réseau de tutelle se compose de membres qui agissent en étroite coopération avec les procureurs des mineurs et avec les procureurs de première instance dans leurs zones d’intervention. Il intervient à Athènes, Thessalonique, Kavala, Orestiada, Lesbos, Chios, Samos, Kos, Leros, Thiva, Chalkida et Ioannina. Il prend en charge les mineurs détenus ou hébergés dans des centres d’hébergement et des camps ouverts ou fermés.
  4. Sur le continent l’Organisation internationale des migrations (OIM) a mis en quarantaine trois structures où des cas d’infection ont été décelés. Voir cette information:https://www.iom.int/news/iom-responding-new-covid-19-outbreak-greece.
  5. Francesco Maiani, L’Unité de la famille sous le Règlement Dublin III: du vin nouveau dans de vieilles outres, Schengen et Dublin en pratique : questions actuelles, p.279. Lire aussi The Protection of Family Unity in Dublin Procedures: Towards a Protection-Oriented Implementation Practice, October 2019, Université de Lausanne.
  6. 20.3143 Mo. CIP-CN. Accueil de réfugiés en provenance de Grèce et réforme des accords de Dublin.
  7. Alexandra Dufresne est avocate pour les réfugiés et les enfants. Elle a enseigné le droit de l’immigration et des réfugiés à Yale de 2006 à 2015 et enseigne actuellement le droit dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur en Suisse. Elle a siégé ou siège actuellement au conseil d’administration de plusieurs ONG de services aux réfugiés aux États-Unis et en Europe: IRIS, Asylos et New Women Connectors. Elle écrit fréquemment sur le droit et la politique. 

 

Jasmine Caye

Avec une expérience juridique auprès des requérants d'asile à l'aéroport de Genève, Jasmine Caye aime décrypter l'information sur les réfugiés et les questions de migration. Elle a présidé le Centre suisse pour la défense des droits des migrants (CSDM) et continue d'assister des personnes en procédure d'asile. Les articles sur ce blog paraissent en version courte sur un autre blog ForumAsile.

11 réponses à “Les relocalisations d’enfants mineurs non accompagnés sont possibles malgré le COVID-19

  1. Vous semblez jubiler, Madame, d’une façon qui me laisse un goût amer. Car pourquoi ne pas les relocaliser dans leur pays d’origine? Pourquoi jouer au Bon Dieu et se substituer aux devoirs sociaux et citoyens de leurs pays, d’établir les responsabilités des parents, les droits des jeunes s’ils sont orphelins, de trouver des solutions selon les ressources du pays? Et n’allez pas nous sortir la vielle rengaine des capacités de ces pays, lesquelles sont parfaitement en phase, je dis bien en phase, avec les besoins de leurs citoyens. Car, sinon cela voudrait dire qu’il n’y a que les pays occidentaux qui seraient capables de gérer les affaires du vaste monde, une attitude néocolonialiste arrogante et insupportable!

    1. Bonjour,
      La situation humanitaire dans les camps sur les îles grecques et sur le continent sont extrêmement graves comme l’ont dénoncés de nombreuses organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales, dont le UNHCR, MSF, Human Rights Watch, Amnesty International. Le gouvernement suisse, de nombreux politiciens, de nombreux professeurs de droit reconnaissent que la situation sur place est particulièrement alarmante notamment pour les femmes et les enfants, surtout en période d’épidémie COVID-19. Les renvois vers l’Afghanistan ou la Syrie sont jugés impossibles à exécuter à cause de la situation de violence sur place. Renseignez-vous sur la situation des pays d’origine des ces mineurs (Syrie, Afghanistan, Erythrée) avant de pondre un commentaire aussi déplacé!

  2. 1.
    J’invite les ministères publics cantonaux à ouvrir systématiquement une procédure pénale pour s’assurer que les parents n’ont pas abandonné leurs enfants en cours de route ou ne les ont incité à partir avec le recours à des irganisations criminelles. L’Etat de droit et la protection des enfants doit s’appliquer.

    2.
    J’invite les autorités de protection de la jeunesse à ouvrir systématiquement une procédure pour s’assurer que la réunification familiale est dans le meilleur intérêt des enfants et sinon à placer les enfants dans des structures adéquates ou auprès des membres de leur famille dans le pays d’origine qui s’occupaient d’eux avant la folie de ce voyage.

    Un enfant est un enfant, pandémie ou pas, asile ou pas, et leurs droits doivent être respectés! Il n’y a pas d’enfants de deuxième classe !!!

  3. Je m’interroge quant aux motivations des auteurs des deux commentaires précédents.
    Ils semblent s’insurger contre le fait que ces mineurs soient “abandonnés” par leurs parents et que certaines ong souhaitent que les pays occidentaux, dont la Suisse, se préoccupent de leur sort. On parle même de néocolonalisme ? On parle de protection des enfants ? D’Etat de droit ? J’avoue avoir eu de la peine à suivre leur pensée.
    Vous êtes-vous déjà, à titre personnel, demander si vous seriez capables d’abandonner un enfant ? De le confier à un passeur pour un voyage dont vous ne connaissez même pas la destination finale ?
    Le feriez-vous ? Paieriez-vous pour ça ? Quoi payer pour ça ? Ah non… On abandonne son enfant parce qu’on y gagne.
    Alors ils y gagnent quoi, ces parents ? Ils abandonnent leur enfant à des mains criminelles contre de l’argent… Et vous ? que feriez-vous de cet argent ? Envisageriez-vous des vacances ? L’achat d’un nouvel équipement informatique ? Un nouveau salon peut-être ?
    Ah non ? Quelle horreur : la vie d’un enfant contre des biens matériels ? Ce serait ignoble.
    Alors voyons voir quelque chose de moins répugnant. Confier son enfant à des organisations criminelles pour vous permettre d’acheter à manger ? Pour survivre ? Ah non ! Jamais, en aucun cas. C’est sordide. La vie d’un enfant à balancer contre la survie ! Quelle horreur !
    Je pense que vous, nous avons une chance incommensurable, car ces questions, nous n”avons qu’à les évoquer, en théorie. Jamais nous n’aurons à nous les poser sérieusement… Alors, je ne sais pas ce qui explique le fait que ces mineurs soient “non-accompagnés”. Peut-être qu’il s’agit d’un réseau organisé, peut-être qu’il s’agit juste de parents désespérés qui ont souhaité offrir à leurs enfants une perspective de vie… La moindre des choses, c’est d’avoir la générosité de les accueillir, ici, avec tout l’amour dont ils ont besoin. Et s’ils peuvent retrouver une famille en lieu sûr, c’est encore mieux. Ici, ils peuvent se bâtir un avenir et en faire bénéficier leur pays d’origine. Et la Suisse peut offrir des structures d’accueil de qualité à ces personnes.

    1. Vous avez une étrange lecture de mon commentaire !
      C’est beaucoup plus simple: les parents ont un devoir absolu de protection à l’égard de leurs enfants.

      Si les parents se trouvent en Suisse, expliquez-moi pourquoi les enfants mineurs n’y sont qu’à mi-chemin ??

      Si vous étiez parent:
      1. Vous laisseriez votre enfant quelque part en terre inconnue pour poursuivre seul votre voyage en Suisse ? Et vous allez me dire que le trajet entre la Syrie et la Grèce était moins dangereux qu’entre la Grèce et la Suisse ????

      2. Vous payeriez une organisation criminelle (passeurs) pour qu’elle prenne en charge vos enfants pour les emmener clandestinement jusqu’aux frontières extérieures de l’Europe ?? ou vous engageriez pour beaucoup moins cher un juriste suisse (c’est gratuit) pour obtenir le regroupement familial en laissant dans l’intervalle votre enfant à l’école ?

      Être parent est un bonheur mais cela comporte aussi des obligations ! Et je suis parfaitement consciente que chaque situation est individuelle et qu’il existe 1001 bonnes raisons pour expliquer cette séparation. Je demande uniquement une chose simple: que l’on examine individuellement, dans chaque cas particulier, si une telle raison existe vraiment et, si non, que la loi soit appliquée (=protection de l’enfant).

      Il faut arrêter de considérer que la loi s’applique à tous, sauf aux réfugiés.

      Je vous demande donc une chose élémentaire: traiter ces enfants comme s’ils étaient les vôtres; pas des enfants ancre, pas des valises, … juste des enfants qui ont le droit d’être protégés de potentiels abus !

      Il lancer le message clair: ici, en Suisse, vos enfants seront protégés, y compris contre vous si vous les maltraitez ou les exposez à des dangers inutiles.

      Vous pouvez vraiment accepter que des parents décident sciemment de mettre en danger leurs enfants juste pour leur offrir une perspective de vie meilleure en Suisse alors que le droit au regroupement familial est constitutionnellement garanti et presque automatique (à condition de remplir quelques conditions élémentaires, comme avoir un toit et un travail pour subvenir à leurs besoins). Votre coeur est à ce point … que vous ne voyez pas dans un enfant de réfugié… un enfant à protéger ?

      1. Bonjour,

        Merci pour votre commentaire sur l’importance de la responsabilité des parents envers leurs enfants et le devoir de protection. Vous avez entièrement raison.

        Est-il possible alors de poursuivre en justice des parents que vous jugez irresponsables et qui auraient, en abandonnant leur enfant derrière eux, provoquer leur mise en danger? Peut-être, si par exemple l’enfant peut affirmer (ou d’autres témoins) qu’il ou elle a terminé dans un réseau de prostitution forcée parce que les parents les auraient laisser faire un bout de parcours avec un passeur douteux.

        Mais en vérité, il sera très difficile de prouver que les parents n’ont pas fait des choix risqués justement pour sauver leur enfant. Surtout quand on voit que la majorité des mineurs non accompagnés viennent de pays en conflit (Afghanistan, Syrie,…). Lors du parcours migratoire, les pesées d’intérêts se font dans l’urgence, dans la nuit, dans des circonstances extrêmes de vulnérabilité.

        Il faut aussi garder à l’esprit que les circonstances dans lesquelles les enfants quittent leur pays d’origine sont particulières.

        1. certains enfants afghans, des garçons pour la plupart, ne préviennent pas leur parents quand ils partent – le documentaire Afghanistan:Enfant de l’Exil– est intéressant à ce sujet.
        2. d’autres enfants perdent le contact d’un parent qui les accompagnait en cours de route, deux enfants syriens ont été séparés de leur mère lorsqu’ils ont été placés de nuit sur un Zodiac, la mère sur un autre pensant que ses enfants étaient dans le sien. Cela arrive très régulièrement malheureusement. Une jeune homme iranien a perdu son petit frère de 12 ans justement lors d’une traversée. Il a été très malade lors de la traversée rapide entre l’Albanie et L’Italie et il n’a pas pu descendre assez vite du bateau au moment du débarquement de nuit. Le passeur est reparti avec.
        3. parmi les mineurs non accompagnés bloqués en Grèce, il y a surtout des jeunes afghans mais aussi des syriens.
        4. Sur 5’463 MNA en Grèce en février 2020, 92.5% sont des garçons et 9% ont moins de 14 ans.
        5. Concernant les plus jeunes, il arrive souvent qu’ils ou elles sont placés dans un bateau ou dans un camion par un parent pour retrouver un frère ou une soeur qui les attends de pieds ferme. C’est risqué mais cela se fait régulièrement.
        6. Les 1600 mineurs non accompagnés que les Etats européens ont promis de relocaliser ne sont pas des enfants qui bénéficieront de la procédure de regroupement familial en vertu du règlement Dublin. Beaucoup d’enfants sont relocaliser par geste humanitaire et pour les protéger de la violence, de réseaux criminels, de la prostitution et pour être solidaire de la Grèce.

        Evidemment à chaque fois qu’un jeune mineur arrive en Europe il va avoir tendance à dire à d’autres qui le suivent sur les réseaux sociaux que la vie est rose en Europe et cela attire d’autres jeunes. Ils disent aussi qu’ils n’ont pas de parents du tout car ils ont peur d’être renvoyés une fois qu’ils ont atteints leur majorité. Cela n’empêche pas les autorités européennes de leur demander de quitter le territoire comme ils peuvent s’ils ne reçoivent pas l’asile ou un permis de résidence provisoire. Beaucoup de mineurs non accompagnés érythréens ont vu leur statut modifier et leur admission provisoire retirée (Permis F) avec un ordre de quitter le territoire suisse.

        En conclusion je pense que les familles vulnérables souffrent énormément quand elles sont séparées souvent contre leur volonté ou pour permettre une avancée significative sur le chemin de l’exil. Elle ne le font pas de gaieté de coeur et savent qu’elles risquent gros. Un fils se retrouvera en Allemagne, le mari en Suisse, sa femme bloquée en Macédoine. Ce qui est important à ce stade c’est tout faire pour protéger le ou la mineure non accompagnée des réseaux criminels en Europe. L’organisation Missing Children Europe est une bonne source d’information à ce sujet.

        1. Bonjour,
          Je suis d’accord avec votre commentaire s’agissant des mineurs non accompagnés stricto sensu, c’est-à-dire d’enfants qui prennent d’eux-même l’initiative (de force ou de gré) de partir pour se donner une chance de vivre à l’étranger. C’est super s’ils peuvent, par hasard, bénéficier d’un membre de leur famille prêt à les accueillir en Suisse ou en Europe (à condition que les service de l’enfance confirment que cette personne est effectivement dans leur meilleur intérêt; pas de “tante” qui les envoie ensuite se prostituer dans nos rues par exemple…).

          Vous aurez compris que je ne parle pas d’eux, mais des enfants qui ont été abandonnés en cours de trajet par leurs parents ou, pire encore, les enfants qui ont été envoyés délibérément par leurs parents sur les routes pour les rejoindre clandestinement alors que des alternatives sûres existent. En tant que juriste, vous êtes bien placée pour savoir que la Suisse paie, lorsque cela est nécessaire, les frais de voyage des enfants dont les parents ont droit au regroupement familial. La Suisse demande qu’une chose: un toit et un travail, afin que l’enfant ne soit pas livré ici à des conditions pires (que dans son pays d’origine).

          Mon message est simple: en Suisse, les enfants seront protégés, y compris contre leurs parents s’ils les maltraitent ou les exposent à des dangers inutiles. Et pour cela, il faut une enquête systématique. Il ne doit pas y avoir de naïveté sur le sujet.

  4. Je pose ce chiffre comme ça, mais serais intéressé par votre position.

    Neuf ans de guerre en Syrie (population 21 millions) : 115’000 civils morts, des millions de départs;
    1 mois de coronavirus en Europe (population 740 millions) : 150’000 morts, zéro départ.

    Est-ce que vous comprenez pourquoi les conflits armés de basse intensité, comme actuellement en Syrie, ne donnent pas un droit absolu à l’asile ?
    et que c’est faux de vouloir criminaliser ceux qui servent à notre frontière (extérieure) pour garantir l’application de notre droit commun. Nous n’avons pas une frontière commune avec la Syrie et la Turquie est un territoire intermédiaire où les Syriens ne sont pas persécutés.

    Chaque soir, j’applaudis l’ensemble de nos fonctionnaires, qu’ils soient médecins, infirmières, chauffeurs de bus… ou gardes-frontière. Je suis fier de notre Etat de droit, des garanties offerts par les droits fondamentaux de notre Constitution et je soutiens l’exécution des mesures ordonnées par les tribunaux, que ce soit celles garantissant une protection internationale (asile/admission provisoire) ou celles prononçant l’exécution d’un renvoi.

    Je crois en notre démocratie fondée sur l’Etat de droit.

    Et vous ? Croyez-vous encore en l’Etat de droit ? ou avez-vous basculé dans un autre chose ? dont je serait intéressé de connaître sa définition.
    Parce que votre discours a changé, est devenu beaucoup plus militant et beaucoup moins mesuré.

    1. Bonjour Abcdef. Je regrette d’avoir à lire votre commentaire.

      1. Vous comparez la situation en Syrie où des immeubles, des hôpitaux, des écoles sont les cibles des forces armées en conflit et où des exactions sont commises à l’encontre de civils avec la situation en Europe où personne ne subit de bombardement et où les civils sont protégés et assistés par les gouvernements en place.

      2. Je ne pense pas que vous pouvez qualifier le conflit en Syrie de conflit de basse intensité. Voir ce que dit le CICR à ce sujet mais je doute que l’organisation soit d’accord avec vous.

      3. Effectivement le droit international et le droit suisse accordent l’asile uniquement aux personnes qui ont rendu une persécution ou un risque de persécution dans leur pays d’origine vraisemblable. Je n’ai jamais remis en cause ce principe.

      4. Les réfugiés syriens sont pourchassés en Turquie afin d’être – refoulés en Syrie. Je vous recommande de mieux vous informer à ce sujet avant de commenter.

      5. On peut féliciter et soutenir toutes les personnes qui en Suisse et en Europe travaillent pour les patients atteints du COVID. J’ai beaucoup d’admiration pour ces personnes. Cela ne signifie pas qu’on doive fermer les yeux sur les bavures à nos frontières.

  5. Excellent arrêt:

    https://lecourrier.ch/2020/05/07/les-demandes-de-visas-soumises-aux-ambassades-et-consulats-ne-relevent-pas-de-la-juridiction-des-etats/

    Pour votre point 5: j’ai beaucoup d’admiration pour tous les collaborateurs/trices au service de l’intérêt public, qu’ils soient infirmières, traducteurs au SEM ou… garde-frontière. Je souhaite un état démocratique fort, rendant inutile le versement de subventions à des associations. C’est sans doute là notre principale différence.

Les commentaires sont clos.