La Suisse, qui fut pionnière dans le domaine environnemental, a beaucoup régressé depuis. Malgré ses efforts en matière de recyclage, elle est aujourd’hui le deuxième plus gros producteur de déchets ménagers d’Europe. Elle a pris du retard dans la transition vers les énergies renouvelables. Et elle cause des dégâts majeurs à l’environnement hors de ses frontières, via ses importations.
L’initiative pour une économie verte veut inverser cette tendance en inscrivant dans la Constitution une vision, celle d’une économie durable pour 2050. La Suisse se donnerait donc un peu plus d’une génération pour assainir la dette écologique accumulée au détriment de nos descendants. Cette vision n’est pas révolutionnaire. Le Conseil fédéral y souscrit dans son Masterplan Cleantech. Elle a aussi été adoptée récemment par l’Union européenne et par la Finlande. Enfin, elle correspond à la stratégie « Vision 2050 » du World Business Council for Sustainable Development, qui réunit des entreprises comme Firmenich, Novartis, Nestlé, ABB ou Toyota.
Pour devenir durable d’ici à 2050, notre économie doit passer d’un fonctionnement linéaire à un fonctionnement circulaire. Actuellement, nous prélevons des matières premières, souvent non renouvelables, nous en faisons des marchandises, puis nous les consommons et jetons très rapidement. L’initiative pour une économie verte inscrirait les principes de l’économie circulaire dans la Constitution : un maximum de matériaux et d’émissions doivent être revalorisés dans de nouveaux cycles de production ou d’utilisation, puis éliminés sans dommage pour la nature. Les technologies renouvelables et efficientes doivent être privilégiées et les produits conçus pour être adaptables, réparables, réutilisables, recyclables et éliminés de manière écologique. Déchets, pollutions et gaspillage peuvent ainsi être prévenus efficacement.
Les technologies propres de l’économie circulaire existent déjà. Il n’est dès lors pas nécessaire de se priver pour réduire notre impact environnemental. Nous ne sommes plus dans les années soixante : il s’agit de produire mieux, pas de consommer moins. L’initiative ne vise pas les comportements individuels, mais veut instaurer des conditions-cadre favorables à une économie responsable. Les collectivités publiques peuvent encourager les énergies renouvelables, soutenir l’éco-conception des produits et des matériaux, créer de nouvelles filières de recyclages, éviter les emballages inutiles, réduire le gaspillage des aliments, exiger que les appareils puissent être réparés, ou favoriser les nouveaux modèles économiques axés sur la location. Nous devons aussi agir sur notre impact écologique à l’étranger. Il représente plus de 70 % de nos atteintes à l’environnement et offre ainsi un grand potentiel d’amélioration, que le Conseil fédéral néglige lors de son évaluation de l’initiative. Il s’agit en particulier d’encourager les standards écologiques lors de l’importation de produits à fort impact comme l’huile de palme, le bois, le poisson ou le coton.
L’initiative pour une économie verte n’est pas contraignante concernant les mesures à appliquer pour atteindre une économie durable : le Conseil fédéral et le parlement fixeront leurs priorités et des objectifs intermédiaires. Ils sont soumis aux principes constitutionnels de subsidiarité, de proportionnalité et de liberté de l’économie et favoriseront dès lors des solutions pragmatiques, en dialogue avec l’économie. L’initiative est ainsi soutenue par Swisscleantech et par de nombreux entrepreneurs qui ont compris qu’une économie basée sur l’innovation et l’efficience est plus compétitive, plus autonome et créatrice d’emplois. Elle est aussi soutenue par les associations de consommateurs : ces derniers en ont assez du gaspillage et souhaitent consommer plus facilement des produits durables, en toute bonne conscience. Elle va surtout de soi, car seule une économie durable assurera la prospérité et la qualité de vie de nos enfants et petits-enfants.
Texte initialement rédigé pour Swissinfo