Forum de Davos: la contribution économique des réfugiés selon Mohammed Hassan Mohamud

Cette année Mohammed Hassan Mohamud est l’un des co-présidents du Forum économique mondial à Davos. Il vit depuis 20 ans dans l’immense camp de Kakuma au Kenya. Il s’est exprimé hier au Forum pour expliquer la nécessité pour les réfugiés de participer aux débats sur l’avenir de l’économie mondiale.

 

Ce qui l’empêche de dormir? Passer les 20 prochaines années dans un camp de réfugiés

 

“Est ce que mes frères et soeurs auront un foyer, un document, un sentiment d’appartenance, une identité? Les gens ne parlent pas de ce problème à un niveau global (…) Les gens préfèrent faire semblant que nous n’existons pas. Je ne demande pas beaucoup. Je demande l’égalité des chances. C’est-à-dire de me donner à moi aussi les outils et les compétences de m’épanouir et contribuer à la société.”

 

 

Pour Mohammed il est grand temps que les réfugiés soient considérés comme des partenaires des efforts de développement, plutôt que comme un fardeau pour la société.

 

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Pacte migratoire: une large coalition de sympathisants anti-islam, extrême droite et néo-nazis a influencé les partis traditionnels en Europe

Sur le site d’information POLITICO Europe deux chercheurs universitaires – Laurens Cerulus et Eline Schaart – racontent la virulente campagne en ligne de nombreux activistes d’extrême droite contre le Pacte migratoire de l’ONU. Elle a réussi à influencer les principaux partis traditionnels en Europe.

Depuis le mois de septembre dernier une coalition de sympathisants anti-islam, extrême droite et néo-nazis s’est mobilisée sur les réseaux sociaux contre le Pacte migratoire. Le texte non contraignant n’avait jusque là pas inquiété les gouvernements, régulièrement consultés durant le processus de rédaction à l’ONU.

Analyse du cyber activisme de groupuscules d’extrême droite

L’intensité des interventions coordonnées sur Twitter notamment, les nombreuses vidéos et les pétitions en ligne, ont incité les responsables politiques de plusieurs pays à revenir en arrière sur leurs positions initiales. En Suisse, le Conseil fédéral a fait marche arrière sur son engagement favorable initial et a demandé au parlement de se prononcer. En Belgique, la controverse a conduit à la chute du gouvernement.

Selon Laurens Cerulus et Eline Schaart, l’engouement initial quasi planétaire autour du Pacte migratoire – seuls les Etats-Unis et la Hongrie s’étaient initialement opposés au Pacte migratoire – a été stoppé par les attaques d’un réseau mondial de militants nationalistes d’extrême droite.

Martin Sellner est un militant politique identitaire autrichien. Cofondateur du mouvement identitaire autrichien (Identitäre Bewegung Österreichs (en) IBÖ) une organisation nationaliste autrichienne de droite appartenant au mouvement identitaire paneuropéen.

Elles ont été menées par des “youtuber” populaires et des influenceurs politiques d’extrême droite comme l’activiste autrichien Martin Sellner. Ces efforts ont été coordonnés via des groupes de discussion et des sites Web hyper-partisans. Sur YouTube, les vidéos de Sellner figurent en tête de liste des clips les plus regardés, selon Tagesschau, un journal télévisé de la chaîne publique allemande.

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Cesser la détention administrative de migrants mineurs: les cantons intelligents éviteront les disparitions

L’ « État des lieux de la détention administrative des migrant·e·s mineur·e·s en Suisse » vient d’être publié. Il révèle une utilisation peu efficace, peu pertinente et illégale de la détention administrative de migrants mineurs à des fins de renvoi.  

 

Le rapport se base sur les données statistiques encore trop brouillonnes et opaques des autorités cantonales et fédérales.  Il dénonce la pratique de plusieurs cantons qui ordonnent trop légèrement la mise en détention de migrants mineurs alors que des solutions alternatives efficaces existent. Ces alternatives avaient déjà été proposées dans un premier rapport en 2016.

 

Des dizaines d’enfants placés en détention avant leur renvoi

 

Concrètement, de 2015 à 2017, huit cantons ont pratiqué la détention administrative de migrants mineurs. Selon les statistiques fournies ce sont 83 migrants mineurs qui ont été placés en détention administrative dont des enfants de moins de 15 ans. Ce chiffre pourrait être supérieur. Les statistiques obtenues révèlent aussi un taux de détention particulièrement élevé en 2017 par rapport au nombre total de migrants mineurs non-accompagnés  dans un contexte de baisse générale des demandes d’asile en Suisse.

 

Contraire au droit suisse et au droit international

 

La détention administrative est une mesure de contrainte utilisée pour garantir l’exécution du renvoi de personnes étrangères dépourvues d’un droit de séjour. En résumé: la loi suisse autorise la détention administrative pour les 15 à 18 ans, sous certaines conditions mais l’interdit pour les moins de 15 ans même lorsqu’ils sont accompagnés d’un parent. En droit international, la détention administrative pour les enfants mineurs viole le devoir des Etats de protéger en tout temps l’intérêt supérieur de l’enfant (article 3 de la Convention de l’ONU relative aux droits des enfants). Pour le Comité des droits de l’enfant de l’ONU et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, l’emprisonnement n’est jamais dans l’intérêt supérieur de l’enfant (1).

 

Pratique des cantons très variable

 

L’attribution des migrants mineurs à l’un ou l’autre des cantons influence radicalement leur traitement. Alors que les cantons de Genève et Neuchâtel interdisent absolument la détention administrative de migrants mineurs, d’autres cantons essaient de ne pas l’appliquer par principe comme les cantons du Jura, Vaud et Bâle alors que beaucoup d’autres l’autorise comme les canton de Berne, Lucerne, Schaffhouse,  Valais et Zoug.

 

En juin 2018 la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) avait déjà dénoncé la pratique de certains cantons estimant qu’elle violait le droit suisse et le droit international. Ces critiques ont heureusement débouché sur des mesures d’urgence dans les cantons de Berne et de Zurich.

 

Détermination de l’âge problématique

 

La détermination de l’âge des jeunes est aussi problématique. Il arrive régulièrement que des requérants mineurs non-accompagnés soient considérés comme majeur. Dans le doute, précise le Tribunal administratif fédéral, les autorités doivent retenir la minorité afin que les migrants puissent bénéficier de la protection juridique applicable aux enfants. Terre de hommes et plusieurs ONG constatent en réalité que la pratique est souvent opposée.

 

Les objectifs de la détention administrative ne sont pas atteints

 

En outre l’objectif principal visé par la détention – l’exécution du renvoi – n’est de loin pas atteint. La crainte de la détention provoque la disparition des mineurs qui est  constatée lors du transfert du centre fédéral d’enregistrement vers le canton d’attribution.

 

Les statistiques disponibles montre un taux de disparition croissant en corrélation avec un taux de détention croissant. En 2015, sur 2’739 requérants mineurs non-accompagnés qui ont déposé une demande d’asile, 129 soit 4.7% ont disparu. En 2016, sur 1’999 requérants mineurs non-accompagnés qui ont déposé une demande d’asile, 400 soit 20% ont disparu. Le Rapport de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) présenté en juin 2018 relève la même inquiétude.

 

Ivana Goretta, attachée de presse à Terre des hommes m’explique:

“Les jeunes mineurs non-accompagnés ont parcouru seuls des milliers de kilomètres pour arriver en Suisse, ils sont très indépendants.  Pour éviter l’enfermement ils choisissent la clandestinité, un quotidien beaucoup plus précaire et ils sont des proies faciles aux réseaux criminels.”

 

Développer et promouvoir la mise en œuvre de mesures alternatives à la détention

 

Ce sont les mesures les moins invasives que les cantons doivent appliquer en priorité surtout lorsque cela concerne une famille avec des enfants mineurs scolarisés. Ils doivent privilégier le placement dans des centres d’hébergement adaptés aux mineurs et aux familles, ouverts ou semi-ouverts mais en tous les cas non carcéraux. Des exemples montrent que cela fonctionne. L’autorité cantonale peut par exemple exigé d’une personne frappée d’une décision de renvoi de se présenter quotidiennement à ses bureaux. Elle peut aussi exiger de la famille ou du mineur non-accompagné qu’il ne quitte pas le territoire qui lui est assigné ou ne pénètre pas dans une région déterminée. C’est assez courant. Pour les requérants mineurs non-accompagnés le placement en famille ou dans des structures d’accueil adaptées petites et encadrées permet de ne pas les perdre.  

 

Effet positif du rapport

 

Le canton du Valais a été sensible aux recommandations de Terre des hommes et aimerait améliorer les choses a expliqué sur la RTS Frédéric Favre, conseiller d’Etat valaisan en charge de la Sécurité. Le Canton du Valais vient d’édicter une directive interdisant la détention de mineurs. La directive ressemble à celle toute récente du canton de Zurich. Le nombre de cas étant relativement modeste les cantons doivent justement pouvoir trouver des solutions alternatives.  Ces cantons rejoignent le canton de Genève et de Neuchâtel. Chaque canton devrait suivre le mouvement pour garantir une meilleure prise en charge des migrant mineurs en procédure de renvoi.

 

Améliorer le système de collecte de données

 

Enfin Terre des hommes insiste sur le besoin d’améliorer au niveau cantonal et fédéral le système de collecte des données sur les détention administratives des migrants mineurs accompagnés ou non. Il n’y a pas aujourd’hui de statistiques détaillées, fiables et facilement accessibles. Cette mesure est urgente et indispensable.

 

“La Suisse fait partie sur le plan européen de la moitié des pays qui ne disposent pas de données fiables, complètes et comparables. Il a été observé un manque de transparence sur les données statistiques, une irrégularité dans leur collecte ainsi que certaines contradictions dans les données obtenues. Cette lacune fait l’objet de la recommandation n°17 du Comité des droits de l’enfant adressée à la Suisse lors de son précédent examen périodique universel sur la situation des droits de l’enfant dans notre pays. Il est très inquiétant, alors que le problème est connu et dénoncé de longue date, de ne toujours pas pouvoir relever d’amélioration dans ce domaine : ni les autorités fédérales ni les autorités cantonales compétentes pour ordonner et respectivement exécuter la détention administrative de mineurs migrants ne disposent de statistiques fiables ou détaillées. De plus, les chiffres transmis par le SEM diffèrent très fortement de ceux fournis par les cantons. Terre des hommes exprime donc une fois de plus sa plus vive inquiétude, sachant l’impact qu’une telle situation peut avoir sur le destin des enfants concernés.”

 

Pour Terre des hommes, la Confédération a tendance à mettre la faute sur les cantons. En réalité c’est à elle que revient la tâche de haute surveillance de l’application des lois et des engagements internationaux.

 

Nos belles tomates d’Italie: un rapport dénonce l’exploitation des migrants illégaux qui les cultivent

En 2012, l’OCDE déclarait que l’agriculture en Europe était le principal secteur touché par le fléau du travail illégal où des formes graves d’exploitation avaient lieu. C’est évidemment toujours le cas. Une étude de l’Open Society Policy Institute demande à l’Union européenne (UE) et aux Etats européens de prendre les mesures qui s’imposent pour mettre un terme à l’exploitation des migrants illégaux dans les productions agricoles du sud de l’Italie.

 

Le rapport intitulé “Is Italian Agriculture a ‘Pull Factor’ for Irregular Migration—and, If So, Why?” (“L’agriculture italienne est-elle un «facteur d’attraction» pour la migration irrégulière et, dans l’affirmative, pourquoi?” ) analyse le fonctionnement du système agricole italien et présente les facteurs structurels qui attirent les migrants illégaux souvent exploités et abusés dans cette région. Le rapport critique aussi la mollesse de l’Europe qui ferment les yeux.

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Un réfugié d’Alep raconte comment et pourquoi il est venu en Europe trouver refuge

Karim Albrem est venu raconter sa fuite de Syrie et le long parcours qui a suivi dans le cadre de la Table ronde “Humanizing Borders” (Humaniser les frontières) organisée par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) le 27 novembre 2018. Cette discussion a réuni plusieurs juristes et experts. Elle s’est déroulée deux semaines avant l’adoption du Pacte mondial pour les migrations à Marrakech. Vous pouvez visionner toute la discussion en cliquant sur l’image ci-dessous.

 

 

Aujourd’hui Karim habite et travaille comme conseiller psychosocial en Allemagne. Il est membre du Conseil consultatif mondial du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR) dont il est aussi “Youth Ambassador”. Son histoire est intéressante et illustre les difficultés et l’insécurité rencontrées au Liban et en Turquie où il n’a pas pu trouver d’aide ni de travail déclaré ce qui l’a motivé à poursuivre sa route vers la Grèce et l’Allemagne en utilisant des passeurs. A la Table ronde il est venu raconter son parcours migratoire. Je vous invite à lire son histoire.

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Un non au Pacte migratoire de l’ONU est un oui à l’extrême-droite

Demain au Conseil des Etats le débat sera chaud sur la question de la signature du Pacte migratoire pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (Pacte migratoire). Il paraît que certains députés PLR s’aligneraient aux députés UDC pour s’opposer à la signature de ce texte pragmatique.

Le Pacte mondial migrations FR est un texte de principes et d’objectifs. Il est non contraignant juridiquement. Il ne menace pas les frontières ou la sécurité suisse bien au contraire. Il ouvre la voie à une meilleure collaboration politique, économique et technique avec les pays d’origine. Il accroît notre crédibilité vis-à-vis de ces pays, il encourage les pays d’origines à mieux coopérer entre eux dans les questions migratoires et c’est aussi pour cela que le Pacte migratoire de l’ONU représente un avancement majeure dans la gestion des problèmes migratoires.

L’extrême-droite ronge le fonctionnement des institutions suisses

Les débats autour du Pacte migratoire de l’ONU montrent à quel point l’extrême-droite en Europe et l’UDC en Suisse sont une menace pour nos institutions.

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En Suisse, le taux de reconnaissance des apatrides est trop bas selon le HCR qui demande des changements

Lors d’une conférence récente à Berne, le Bureau du HCR pour la Suisse et le Liechtenstein communiquait les résultats d’une Etude sur l’apatridie en Suisse (1). Elle a été conduite dans le cadre de la campagne mondiale  #IBelong (#J’appartiens) du HCR pour mettre fin à l’apatridie dans le monde d’ici 2024.  Selon l’ONU, 10 millions de personnes dont un tiers d’enfants  dans le monde sont privés de nationalité et n’accèdent que très rarement à l’éducation, à l’emploi et aux soins médicaux (2). Sans aucune protection étatique, elles sont souvent victimes des pires violences. “Invisible. C’est le terme le plus couramment utilisé pour décrire la vie sans nationalité” précise souvent Filippo Grandi, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.

 

L’étude sur la situation des apatrides en Suisse est critique à l’égard des autorités suisses et aboutit à une série de recommandations

 

D’où vient l’inquiétude? Principalement du taux de reconnaissance bas. En septembre 2018, seulement 606 personnes étaient reconnues comme apatrides alors que 1000 autres personnes figuraient dans les catégories statistiques appelées «sans nationalité» ou «État inconnu». C’est la procédure de reconnaissance en apatridie qui fait défaut selon le HCR qui estime aussi que les autorités suisse devraient se conformer davantage à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides.

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Quel avenir pour Ayop Aziz ?

Demain nous commémorons l’incendie du Foyer des Tattes du 16 novembre 2014, il y a quatre ans jour pour jour. Cet incendie a causé un décès et quarante blessés graves. Une porte d’accès sur l’extérieur ne s’ouvrait pas, les secours sont arrivés trop tard, plusieurs personnes ont dû sauter dans le vide pour échapper aux flammes.  L’association Solidarité Tattes attire notre attention sur la lenteur de l’enquête du Ministère public genevois. Après avoir adressé une Lettre ouverte au Conseil d’Etat, l’association remettra demain vendredi 16 novembre 2018 une pétition au Grand Conseil en faveur de l’une des victimes, Ayop Aziz, pour demander sa liberté et la légalisation de son séjour en Suisse.

 

Ayop Aziz

 

Malgré tout ce qu’a enduré Ayop Aziz depuis son arrivée en Suisse, ce jeune homme de 23 ans qui se dit originaire du Tchad, garde le sourire, une certaine douceur et beaucoup d’espoir pour un avenir meilleur, en Suisse si possible. Il ne s’oppose pas d’emblée à un retour au pays s’il pouvait y recevoir les soins médicaux nécessaires à la continuité d’une vie plus ou moins “normale”. Rencontré mercredi, nous avons discuté de son passé, de son avenir et de sa santé.

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Aujourd’hui à Gap, le procès de l’Europe sécuritaire

Le Tribunal correctionnel de Gap (Hautes-Alpes) juge aujourd’hui ceux qu’on appelle les “7 de Briançon” (1) parce qu’ils ont, en avril 2018, accompagné et facilité l’entrée d’un groupe de migrants qui souhaitaient traverser la frontière sans “mourir en montagne ou accoucher au bord de la route”.

 

Ils comparaissent aujourd’hui et sont jugés pour « aide à l’entrée d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire national et en bande organisée ». Ils encourent jusqu’à 10 ans de prison et une amende de 750 000 euros ainsi que, s’agissant des ressortissants étrangers, d’une interdiction de pénétrer sur le territoire français.

 

 

Leur détention a soulevé l’indignation puisqu’ils ont agi dans un contexte précis: la frontière alpine du col de l’Échelle était meurtrière et l’accompagnement à la marche des migrants était une réaction au blocage du col par le groupe d’extrême droite Génération identitaire.

 

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La caravane des migrants au Mexique est pleine de réfugiés climatiques

Photo © GUILLERMO ARIAS/AFP/GETTY IMAGES

Celles et ceux qui ont lancé la caravane des migrants depuis la petite ville meurtrière de San Pedro Sula au Honduras ont réussi à intéresser le monde entier sur leurs conditions de vies déplorables et dangereuses. Partis le 12 octobre 2018 avec l’aide de l’organisation humanitaire Pueblos sin fronteras (« Peuples sans frontières »), ils ont décidé de quitter leur pays en groupe pour mieux s’entraider durant le long parcours vers les Etats-Unis et se protéger des gangs criminels.

Source: BBC World Service

Au départ la caravane comptait 160 personnes puis elle s’est agrandie atteignant près de 7’000 personnes principalement originaires du Honduras mais aussi du Guatemala et du Salvador. La caravane a fait une pause ce dimanche à Tapanatepec dans la province de Oaxaca au sud du Mexique.

Passablement diminuée, elle compte maintenant 3 à 4000 personnes. Hier la caravane a quitté la localité de Niltepec pour rejoindre Juchitan, toujours dans l’Etat d’Oaxaca.

Selon Annie Correal du New York Times, la caravane avance très lentement et elle ne fait pas pour l’instant route vers les Etats-Unis contrairement aux informations alarmistes de l’administration Trump qui prévoit de déployer 5200 soldats à la frontière, en plus des 2100 membres de la Garde nationale déjà mobilisés. 

 

 

Une deuxième caravane de près de 2000 personnes progresse plus au Sud, vers Tapachula, dans l’Etat du Chiapas après être parvenue à traverser le fleuve Suchiate qui sépare le Guatemala du Mexique.

 

Le changement climatique, une des causes du mouvement migratoire

Si pour le Haut Commissariat de l’ONU aux réfugiés (UNHCR), les migrants fuient principalement la persécution de gangs prédateurs qui volent les terres, les maisons et les biens de milliers de familles, beaucoup d’experts insistent sur l’impact néfaste du changement climatique sur les conditions de vie en Amérique centrale. La sécheresse provoquée par El Niño a touché une grande partie de l’Amérique centrale au cours des quatre dernières années, mais elle a été ponctuée de pluies catastrophiques. Les ouragans, les inondations et les glissements de terrain se sont intensifiés et ont affecté les agriculteurs.

Le Guardian vient de publier un article éclairant à ce sujet. Certaines personnes dans la caravane ont expliqué qu’ils ne pouvaient plus rembourser leurs dettes à cause d’une mauvaise récolte due au changement climatique.

Récemment le journaliste Todd Miller, auteur du livre Storming the Wall: Climate Change, Migration, and Homeland Security,” affirme que le changement climatique est un facteur clé obligeant les familles à fuir l’Amérique centrale et le Mexique. Autre problème, la puissance commerciale des Etats-Unis qui désavantage les producteurs agricoles de petites tailles. Miller évoque, statistiques à l’appui, les effets dévastateurs de l’Accord de libre-échange centraméricain sur les petits agriculteurs qui se sont soudainement retrouvés en concurrence directe avec l’agroalimentaire et les transporteurs de céréales fortement subventionnés des États-Unis. Selon Miller, environ 2 millions de petits agriculteurs, en particulier dans le sud du Mexique, ont été déplacés ou n’arrivent plus à joindre les deux bouts.

Par ailleurs, le manque de moyens pour contrer des épidémies qui touchent l’agriculture, est aussi une cause de migration. Les données de la douane et de la patrouille frontalière des États-Unis révèlent une augmentation de la migration de l’ouest du Honduras, où se cultive le café. Or depuis 2012, une épidémie appelée rouille des feuilles ravage les plantations en Amérique centrale. Selon certaines estimations, 70% des exploitations agricoles sont détruites. Normalement, le champignon meurt lorsque les températures chutent le soir, mais les nuits plus clémentes lui permettent de se développer.

Vers une meilleure protection des réfugiés climatiques en Amérique centrale

Fatigués et découragés, beaucoup de personnes ont décidé de rebrousser chemin, d’autres ont choisi de déposer une demande d’asile au Mexique, d’autres encore aimeraient poursuivre leur chemin vers Mexico à 700 km, en car si possible, car ils souhaitent y déposer des demandes de permis transitoire avant de reprendre leur route vers les Etats-Unis. Mais c’est une option de moins en moins envisagée, selon Annie Coreal. Le UNHCR tente d’informer les migrants sur la possibilité de déposer une demande d’asile au Mexique et a déjà enregistré près de 2000 demandes. Le Mexique s’attend cette année à recevoir près de 23’000 demandes d’asile, une projection qui pourrait être bientôt revue à la hausse. 

Mais la Convention de Genève de 1951 relative au statut international des réfugiés exclu de son champ d’application les réfugiés du climat. Depuis 1951, aucune autre convention n’est venue préciser leur statut en droit international. Avec environ 150 millions à 300 millions de réfugiés climatiques qui devraient être déplacés dans le monde d’ici 2050, un nouveau cadre international sera nécessaire pour les accueillir.

«Si votre ferme a été complètement séchée ou si votre maison a été inondée et si vous vous enfuyez pour sauver votre vie, vous n’êtes pas très différent de tout autre réfugié», a déclaré au Guardian Michael Doyle, spécialiste des relations internationales à l’Université Columbia.

Doyle fait partie d’un groupe d’universitaires qui plaident en faveur d’un nouveau traité qui se concentrerait sur les besoins des personnes déplacées plutôt que sur la raison de leur départ, afin de couvrir la vague attendue de migrants climatiques.

Très alarmée, la Banque mondiale estime que le réchauffement climatique et les conditions météorologiques extrêmes obligeront environ 3,9 millions de migrants climatiques à fuir l’Amérique centrale au cours des 30 prochaines années.

Le débat s’est enflammé aux Etats-Unis à la veille des élections législatives de mi-mandat du 6 novembre. La décision très choquante de l’administration Trump de déployer 5000 soldats supplémentaires pour empêcher des femmes, des enfants et des hommes souhaitant déposer une demande d’asile coûterait USD 50 millions de dollars, une sommes qui pourrait être intelligemment investie en Amérique centrale pour venir en aide aux agriculteurs et pour soutenir des projets de développement durable dans la région. 

Lire aussi:

Migrant caravan: What is it and why does it matter?

The unseen driver behind the migrant caravan: climate change


(1) Sam Dupre, chercheur à l’Université du Maryland Baltimore.