Nos belles tomates d’Italie: un rapport dénonce l’exploitation des migrants illégaux qui les cultivent

En 2012, l’OCDE déclarait que l’agriculture en Europe était le principal secteur touché par le fléau du travail illégal où des formes graves d’exploitation avaient lieu. C’est évidemment toujours le cas. Une étude de l’Open Society Policy Institute demande à l’Union européenne (UE) et aux Etats européens de prendre les mesures qui s’imposent pour mettre un terme à l’exploitation des migrants illégaux dans les productions agricoles du sud de l’Italie.

 

Le rapport intitulé “Is Italian Agriculture a ‘Pull Factor’ for Irregular Migration—and, If So, Why?” (“L’agriculture italienne est-elle un «facteur d’attraction» pour la migration irrégulière et, dans l’affirmative, pourquoi?” ) analyse le fonctionnement du système agricole italien et présente les facteurs structurels qui attirent les migrants illégaux souvent exploités et abusés dans cette région. Le rapport critique aussi la mollesse de l’Europe qui ferment les yeux.

Pourquoi l’Italie du sud emploie des milliers d’ouvriers agricoles illégaux?

 

Parmi les nombreuses explications il y a la longue mais sûre reconfiguration de la main-d’œuvre agricole en Europe. Depuis les années 70, on est passé d’une main-d’œuvre familiale à une main-d’oeuvre salariée avec la présence croissante de migrants illégaux. En effet, les zones rurales facilitent l’exploitation de travailleurs au noir et le cas du sud de l’Italie est emblématique du fait de son agriculture saisonnière et parce qu’il n’y a souvent aucun contrat formel entre un employeur et son employé. La vulnérabilité juridique et sociale des travailleurs entraînent de nombreuses formes de violations de leurs droits fondamentaux.

En août 2018 le décès tragique de 16 ouvriers agricoles dans deux accidents de voiture dans les Pouilles a fait ressurgir le problème de l’exploitation de migrants illégaux travaillant souvent 10 à 12 heures par jour, exposés à des pesticides toxiques pour un salaire considérablement inférieur au salaire minimum légal. La plupart vivent effectivement dans des fermes isolées, des logements insalubres, des villes-tentes sans chauffage, des bidonvilles urbains à plusieurs kilomètres des champs.

Selon l’étude, les activités de recrutement du vaste réseaux d’intermédiaires mafieux, les caporali, connus et dénoncés depuis des années, s’entremêlent avec celles d’autres sociétés de recrutement comme les coopératives agricoles ou les agences indépendantes de travail intérimaire.

 

Toute l’Europe profite de l’exploitation des migrants illégaux en Italie du sud

 

Cette étude démontre comment et pourquoi les consommateurs européens bénéficient de ce système d’exploitation. Cette problématique ne concerne pas uniquement l’Italie puisque ses principaux marchés d’exportation sont l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, la France, la Suède et le Royaume-Uni (Oxfam 2018).

 

En Italie, le secteur agroalimentaire contribue de manière significative à l’image nationale et au PIB. En Europe, une grande importance est donnée au label “Made in Italy” et aux produits italiens de qualité, régulièrement exposés dans des événements prestigieux tels que l’Exposition universelle de Milan en 2015 et le réseau mondial “Terra Madre” créé par Slow Food en 2004.

 

Mais selon l’étude, l’Italie reste l’un des pays avec le plus grand nombre des travailleurs irréguliers employés dans l’agriculture. C’est aussi le pays où les travailleurs migrants semblent être le plus systématiquement exploité.

 

Encore une bonne raison de signer le Pacte migratoire de l’ONU

 

Aujourd’hui, plusieurs pays ne souhaitent plus adhérer au Pacte migratoire de l’ONU (signature prévue à Marrakech les 10 et 11 décembre 2018) alors que ce texte non contraignant juridiquement facilitera la coordination internationale nécessaire à une meilleure gestion des flux migratoires et à une amélioration des voies de migration légale. L’exemple de l’Italie où des milliers de migrants illégaux sont abusés et exploités et notre manière de consommer confirment encore une fois le besoin de signer ce texte.


 

REPORTAGE : La face cachée de la récolte de la tomate en Italie, août 2018

Dans le sud de l’Italie, les tomates sont généralement récoltées par des ouvriers agricoles africains. Ces derniers gagnent souvent moins que le salaire légal et vivent dans des campements de fortune, depuis de nombreuses années pour certains. Derek Thomson, le rédacteur en chef des Observateurs de France 24 est allé à leur rencontre : dans ce carnet de reportage, il revient sur les difficultés à filmer les champs de tomates.

 

Jasmine Caye

Avec une expérience juridique auprès des requérants d'asile à l'aéroport de Genève, Jasmine Caye aime décrypter l'information sur les réfugiés et les questions de migration. Elle a présidé le Centre suisse pour la défense des droits des migrants (CSDM) et continue d'assister des personnes en procédure d'asile. Les articles sur ce blog paraissent en version courte sur un autre blog ForumAsile.

7 réponses à “Nos belles tomates d’Italie: un rapport dénonce l’exploitation des migrants illégaux qui les cultivent

  1. Outre les “migrants illégaux”, le pire est que la tomate ne vient pas d’Italie, mais de concentrés “tomateux” … de Chine!

  2. D’ailleurs, c’est une femme qui a inventé le “gilet” jaune, alors pourquoi pas un gilet bleu en Suisse?
    (oui, il faut un peu bousculer les codes rose-bleu, à l’heure transgenre).

    Pas pour taguer le Palais Fédéral, mais pour saluer nos deux nouvelles et superbes conseillères fédérales
    🙂

  3. Madame, tout ça vaut aussi pour « nos belles tomates d’Espagne « … pour quelle raison on n’en parle pas ?

    1. On n’a pas non plus envie de trop parler des vignerons et agriculteurs suisses qui continuent amplement à engager une main d’oeuvre étrangère à tarifs dérisoires : voisins proches, migrants ou réfugiés. Mais les subventions versées aux cultivateurs permettent certainement de limiter le prix au rayon du jus de tomates en surplus à 9.- le litre au lieu de 18.-, et dilué à 50 % (Migros). Bien, le sujet de cet article n’est pas la tomate, mais je pense qu’il faudrait un peu aussi se tourner vers le mépris offert si facilement par ceux que nous soutenons. Cette “qualité de production suisse” n’a pas le respect pour qualité première. Soit dit en passant, les concentrés de tomate ne sont pas importés de Chine, à moins qu’on les goûte ajoutés à un grand verre de Vodka, avant de rédiger son commentaire en pole position dans ce blog.

      1. @ M. Olivier Wilhem.
        Je vous informe que je demande au modérateur du “Temps” de supprimer votre commentaire pour injure à ma personne, en parallèle aux blogueurs âgés qui s’expriment dans les colonnes de ce journal et que vous désignez clairement.

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