Pourquoi la Suisse doit stopper les transferts Dublin vers l’Italie

Selon l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) les personnes vulnérables renvoyées en Italie dans le cadre des Accords de Dublin ne sont pas prises en charge de manière adéquate. C’est le constat de la dernière mission d’évaluation de l’OSAR en Italie. 

Le décret Salvini n’affecte pas seulement les rescapés en Méditerranée

Malgré une diminution importante du nombre d’arrivées en Italie, la situation des requérants d’asile ne s’est pas améliorée. L’OSAR déplore le manque d’assistance aux personnes vulnérables. Selon l’organisation “l’accès à tout soutien est problématique et arbitraire”. Cette situation conforte l’OSAR dans sa prise de position du mois de juillet dernier selon laquelle la Suisse doit absolument renoncer aux transferts Dublin vers l’Italie.  

Les requérants d’asile et les réfugiés subissent les effets du décret Salvini, passé en octobre 2018 et dont les répercussions sur l’accès à l’hébergement, la nourriture et divers services de base sont dramatiques. Avant son entrée en vigueur, les personnes vulnérables pouvaient accéder à des centres spécialisés offrant des soins et des services adaptés. Or depuis 1 an, le personnel spécialisé a disparu des centres d’hébergement et les personnes vulnérables (victimes de tortures ou de maladies graves) manquent cruellement de soins et d’assistance. Seuls les mineurs non accompagnés sont mieux traités car ils sont hébergés dans d’autres centres moins rudimentaires.

Lire aussi: Le Comité de l’ONU contre la torture s’oppose à un transfert Dublin vers l’Italie

Situation particulièrement difficile pour les cas Dublin transférés de Suisse

En Italie, la situation est particulièrement difficile pour les cas Dublin renvoyés de Suisse car les autorités italiennes retirent le droit au logement des personnes si elles quittent leur centre d’accueil plus de 72 heures d’affilée sans préavis. Ce règlement explique pourquoi les personnes renvoyées de Suisse ne parviennent pas à obtenir un logement public et n’accèdent plus aux soins ou à d’autres services. 

Un rapport détaillé de l’OSAR sort en décembre 2019

L’OSAR annonce qu’un rapport détaillé est en cours d’écriture. Rappelons en attendant que depuis 2016 l’OSAR coordonne le Dublin Returnee Monitoring Project (Projet de suivi des rapatriés Dublin). Ce projet a été mis en œuvre pour documenter les conditions de retour des personnes vulnérables renvoyées en Italie dans le cadre des Accords de Dublin. Il vise à mettre les données collectées à la disposition des autorités compétentes et de la société civile. Voici comment cela fonctionne: les informations sont collectées à travers des entretiens avec les personnes renvoyées en Italie et sur une période de plusieurs mois à compter du jour de leur retour. Jusqu’à présent, les données montrent que l’accès au système d’asile et les conditions d’accueil des personnes vulnérables renvoyées en Italie dans le cadre d’une procédure de Dublin ne sont souvent pas conformes aux exigences légales.

Lire aussi: Une famille séparée inutilement par un renvoi Dublin

Pour plus d’informations : Dublin Returnee Monitoring Project, OSAR. L’OSAR recommande aussi des liens utiles pour trouver des organisations ou des contacts en Italie

Jasmine Caye

Avec une expérience juridique auprès des requérants d'asile à l'aéroport de Genève, Jasmine Caye aime décrypter l'information sur les réfugiés et les questions de migration. Elle a présidé le Centre suisse pour la défense des droits des migrants (CSDM) et continue d'assister des personnes en procédure d'asile. Les articles sur ce blog paraissent en version courte sur un autre blog ForumAsile.

6 réponses à “Pourquoi la Suisse doit stopper les transferts Dublin vers l’Italie

  1. Pourquoi devrions-nous être responsable en Suisse de personnes qui choisissent de quitter leur logement pendant plus de 72 heures?; c’est leur choix!, qu’ils en assument les conséquences. Et l’Italie garantit les mêmes droits qu’en Suisse. Ils n’ont qu’à faire valoir leurs droits à obtenir tout gratuit devant un tribunal italien!

    Et bravo à Salvini d’avoir divisé le nombre d’arrivées par 10 et le nombre de morts par 4! Comme quoi, la volonté politique permet de gérer les migrations…

    Enfin, à quoi sert aujourd’hui l’OSAR ? Et pourquoi touche-t-elle encore des subventions ??? Il n’y a pas des économies à faire sur cette structure devenue inutile dans la nouvelle procédure ???

  2. A mon avis, c’est totalement contradictoire de soutenir un accord de répartition des migrants si vous estimez en même temps que certains Etats européens sont indignes de les accueillir… d’autant qu’il s’agit des rares favorables à cet accord…. Devrions-nous tous les accueillir en Suisse (et quel autre pays trouve grâce à vos yeux? le Luxembourg et la Norvège ?…)

    La solution ne pourra jamais être le libre choix des migrants, ce d’autant moins que plus le pays est accueillant moins sa population est favorable à l’accueil… Très sincèrement, l’exemple suédois que vous ne voulez voir va marquer les 20 prochaines années…, tout comme les conséquences sociales et économiques dramatiques pour les Allemands de l’accueil des Syriens….

    Les jeunes hommes syriens devaient contribuer à l’économie et, 4 ans plus tard, ils sont à 75 % à l’aide sociale (dont 45 % au chômage…), malgré les investissements colossaux et leurs formations !
    https://www.waz.de/politik/hartz-iv-syrische-fluechtlinge-von-jobcenter-abhaengig-nur-die-halbe-wahrheit-id227160153.html

  3. Et, plus d’une semaine plus tard, la presse romande en parle tout timidement.

    Vous ne trouvez pas injuste ? Les militants ont cassé du sucre sur nos autorités pendant des mois et, maintenant qu’ils ont obtenu tout ce qu’ils voulaient… pas un mot…

    Vous comprenez que cela ressemble à:
    1. je veux de l’argent public/donations pour faire changer le système;
    2. je me désintéresse du résultat…
    3. je me réjouis du nouveau marché de l’asile que cela ouvre (accompagnement du rush qui va tout soudainement arriver d’Italie).

    Que vont-ils faire maintenant que les transferts vers l’Italie sont interrompus pour les familles et malades ? Ah oui, faire venir toutes les familles et les malades en Suisse, surtout tous ceux qui ont été péniblement expulsés ces dernières années, pour toucher de nouvelles subventions dans leur accompagnement … ça donne vraiment l’image d’un système pourri où nos autorités veulent garder leur job: pas assez de demandes d’asile = restructuration; et les associations veulent conserver leurs subventions… Mais qui se préoccupe des gens, citoyens et requérants d’asile ?

    Tout n’est vraiment que conserver jobs ou subventions ???

    Et vraiment nul c’est arrêt à 3 juges… tant dans sa motivation (politique que dans son résultat (conserver leur job)…

    1. Tribunal administratif fédéral: Arrêt Dublin Italie – garanties individuelles – E-962/2019

      Bonjour,
      La jurisprudence du TAF dont vous parlez est importante en effet. Elle a été bien reçue par les juristes spécialisés dans le droit d’asile. Cet arrêt contient une analyse de la situation en Italie et revient sur plusieurs arrêts de la CEDH et CJUE en lien avec les défaillances systémiques en Italie.

      Voilà ce qu’il faut retenir de l’arrêt:

      « Compte tenu de la situation actuelle du système d’accueil en Italie et des changements intervenus suite à l’entrée en vigueur du décret « Salvini », le Tribunal est d’avis que la jurisprudence Tarakhel doit être étendue également aux personnes souffrant de maladies (somatiques ou psychiques) graves ou chroniques, nécessitant une prise en charge immédiate à leur arrivée en Italie. » (p.33)

      « 7.4.3 Au vu de ce qui précède, les autorités suisses doivent, avant de procéder au transfert de requérants d’asile souffrant de problèmes médicaux graves (somatiques ou psychiques) – à savoir les personnes dont l’état de santé se péjorerait sérieusement en cas d’interruption, même brève, de leur traitement –, requérir des garanties écrites individuelles et préalables des autorités italiennes, en particulier en ce qui concerne l’accès immédiat (dès l’arrivée des personnes concernées en Italie) à une E-962/2019 Page 35 prise en charge médicale et à un hébergement adaptés. En l’absence de telles garanties, le transfert des personnes susmentionnées devra être considéré comme illicite. » (P. 34-35)

      « 8.3.3 De l’avis du Tribunal, le seul renvoi par les autorités italiennes à ladite circulaire du 8 janvier 2019 ne peut pas être considéré comme une garantie suffisamment concrète au sens de la jurisprudence de la CourEDH et du Tribunal précitée (cf. consid. 8.3 supra). (…)Au vu de ce qui précède, le Tribunal retient que les assurances données par les autorités italiennes s’agissant de la prise en charge des familles lors de transferts selon le règlement Dublin, et fondées à l’heure actuelle uniquement sur les garanties générales contenues dans la circulaire du 8 janvier 2019, doivent être considérées comme insuffisantes, à la lumière de la jurisprudence de la CourEDH et du TAF. Les autorités suisses ne peuvent dès lors pas procéder au transfert de familles vers l’Italie sans obtenir auparavant des garanties supplémentaires, notamment sur les conditions précises et concrètes de la prise en charge des familles dans les centres de premier accueil et dans les CAS, l’indication des centres qui seront spécifiquement destinés à accueillir les familles, les garanties spécifiques prévues dans lesdits centres pour assurer un hébergement conforme aux droits de la famille, et le nombre de places disponibles ou réservées pour les familles dans ces différents centres » (P. 37, 39-40)

      1. Juste, mais:
        -Pourquoi un arrêt à 3 juges (et non pas un arrêt de principe ?), avec une verte, un pdc et un udc, les deux derniers devant leur job à la prime 40000 demandes d’asile par an (lol)…

        – pourquoi n’est-il nullement discuté le fait que la dame est au bénéfice d’une autorisation de séjour illimitée en Italie? Pourquoi faire comme si son hébergement dépendait de la procédure asile dans ces conditions ? Alors que Salvini a réduit les conditions d’accès à ceux qui ne bénéfice pas d’une autorisation de séjour…

        – pourquoi six considérants pour dire ok au renvoi, puis une appréciation au doigt mouillé pour dire au 7.4 que ce sera finalement non, sans qu’on comprenne le lien …

        – pourquoi le tribunal n’a pas pris contact avec les autorités italiennes pour leur demander une prise de position sur la situation de cette famille ?? et s’est écarté au c. 7.4 de l’avis du SEM sans autre explication que trois juges (ou 2 c. l’UDC?) ne partageait pas l’avis de cette autorité spécialisée…

        Il n’y a qu’en asile qu’on voit de tels jugements arbitraires…

        Vraiment, comment rendre un tel arrêt début décembre? à trois juges?, puis communiquer à son sujet mi-janvier… ??? + une semaine après les critiques du Blick…

        Il faut restructurer le TAF et ouvrir une voie de recours au tf !

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