“4.1 Miles” le documentaire choc de Daphne Matziaraki

Voulez-vous vivre un sauvetage en mer? C’est sans espoir et plein d’espoir. Tout à la fois. C’est révoltant et réjouissant. C’est une expérience émotionnelle volcanique et remuante. On aimerait être là sur le bateau à tirer les cordes, à lancer les bouées, à réchauffer les uns et les autres. Ce film est obsédant. C’est l’un des reportages les plus frappant que j’ai vu sur la crise migratoire. Je vous le recommande.

Attention à la dureté des images! Ce documentaire poignant de Daphne Matziaraki pour le NEW YORK TIMES est intitulé 4.1 Miles. Il raconte le travail du corps des garde-côtes de l’île de Lesvos en Grèce en 2015 et 2016. C’est une plongée extrême dans la détresse de femmes, d’enfants et d’hommes sauvés au large d’une île qui se trouve seulement à six kilomètres des côtes turques.

4.1 Miles 3On y découvre le travail admirable de Kyriakos Papadopoulos et de ses collègues gardes-côtes. L’immersion est troublante. Elle nous permet de vivre quelques secondes de la réalité de milliers de réfugiés, une réalité faite d’espoir et de souffrance alors qu’ils quittent les côtes turques, avec leurs petits enfants dans les bras, en sachant qu’ils risquent de se noyer en mer. Dans l’urgence des besoins, les personnes sur le port de Lesvos font tout leur possible pour sauver des vies à même le sol. Un petit enfant inconscient est pendu par les pieds pour être réanimé jusqu’à ce qu’il crache l’eau salée. Des hommes et des femmes grecs réchauffent ceux qu’ils peuvent, certains s’acharnent à faire des massages cardiaques pour ressusciter ceux qui sont presque morts.

Après une journée de sauvetage, Kyriakos Papadopoulos dit: “Il n’y a pas de mots pour décrire ce que je ressens (…) C’est un cauchemar, c’est l’agonie. Partout où nous sommes allés il y avait des gens dans l’eau. La seule chose que j’espère c’est que nous n’avons laissé personne.4.1 Miles

Entre 2015 et 2016, 600’000 personnes ont fait la traversée des six kilomètres (4.1 miles) pour arriver à Lesvos. Depuis le mois de janvier ce sont plus de 94’000 personnes qui ont fait cette traversée dont la moitié proviennent de Syrie selon le Haut commissariat aux réfugiés (HCR).

On admire le travail de cette journaliste qui fait actuellement un Master à UC Berkeley. Dans ce documentaire de 21 minutes 20, elle a déclaré vouloir montrer la force et la détermination de certains héros inconnus comme Kyriakos Papadopoulos. Kyriakos est une homme qui m’a fait voir la vie autrement grâce à son courage, sa force, sa philosophie, son dévouement et sa gentillesse”, a-t-elle récemment déclarée sur le blog SKOPELOS NEWS.

 

 

Au bout de la nuit avec Enaïat, Fahim et Samia

 

Enaïat (11 ans), Fahim (12 ans) et Samia (21 ans) ont parcouru des milliers de kilomètres pour arriver en Europe. Leurs parcours uniques sont racontés par des auteurs talentueux qui ont décrit leurs voyages, et les obstacles qu’ils ont rencontré, avec simplicité, sans pathos. Chaque récit est une immersion sensationnelle au cœur de la migration.

 

A dix ans, il voyage seul pour atteindre l’Europe

GEDA Fabio and AKBARI Anaiatollah, writer« Dans la mer il y a des crocodiles » de Fabio Geda, est l’histoire d’Enaïat Akbari qui fuit l’Afghanistan en 2005, à l’âge de 10 ans. Il appartient à l’ethnie des Hazaras, persécutée par les Pachtounes et les Talibans. Pour lui débute cinq ans de voyage vers l’Europe. Il passera par l’Iran, la Turquie et la Grèce et finira en Italie où il obtiendra, en 2011, le statut de réfugié politique.

Fabio Geda, a tiré de ce témoignage un livre remarquable. Il fait revivre les aventures du jeune Afghan laissé à lui-même pour affronter les dangers et les obstacles qui se mettent en travers de son chemin solitaire. Enaïat a surtout eu de la chance au cours de ce périple. Il a travaillé sur le chantier des Jeux olympiques à Athènes, il a voyagé dans le double-fond des camions et il a marché avec des passeurs 18 jours dans le froid pour traverser la frontière entre l’Iran et la Turquie. Il a traversé la Méditerranée de nuit.imgres

Il a été arrêté, tabassé, emprisonné et expulsé plusieurs fois pour connaitre enfin la générosité désintéressée d’hommes et de femmes en Grèce. Fabio Geda a écrit ce livre avec simplicité, réalisme, sans angélisme. Chaque étape du voyage est une leçon de vie.

 

Il est sauvé par les échecs

Fahim« Un roi clandestin », raconte l’histoire de Fahim Mohammad contraint de fuir le Bangladesh avec son père en 2008. Après avoir traversé la Hongrie et l’Italie, Fahim et son père Nura arrivent à Paris en octobre 2008. Trois ans et demi durant, ils vont vivre l’existence précaire des demandeurs d’asile.

A Créteil, Xavier Parmentier, entraîneur d’échecs de haut niveau, a rapidement décelé le potentiel du jeune prodige, ses incroyables facultés de concentration et ses capacités exceptionnelles de calcul. Il propose de l’intégrer dans son club et l’inscrit aux tournois qui se succèdent. Pourtant son statut est plus que précaire. Son père et lui ont été déboutés de l’asile et ils peuvent être renvoyés au Bangladesh à n’importe quel moment. Sans logement, ils doivent camper, changer de lieux improbables pour passer la nuit.C_Un-roi-clandestin_2438-1

Mais en avril 2012 à Nîmes, Fahim est devenu champion de France des moins de 12 ans. Les médias s’y intéressent et l’affaire remonte jusqu’aux oreilles de François Fillon. Le Premier ministre promet, lors d’une interview sur France Inter, d’examiner la situation «avec la plus grande attention».

Aujurd’hui Fahim a 16 ans. Il est membre de l’équipe d’échec de France.

 

 

Le destin tragique de Samia Yusuf Omar

samia-yusuf-omarEn avril 2012, la coureuse somalienne Samia Yusuf Omar est décédée tragiquement dans un naufrage en Mer Méditerranée alors qu’elle souhaitait aller à Londres pour participer aux Jeux olympiques. En 2008, elle avait participé à 17 ans aux Jeux olympiques de Beijing. Le dessinateur Reinhard Kleist a retracé l’histoire tragique de cette jeune femme dans un livre intitulé « Rêve d’Olympe : le destin de Samia Yusuf Omar » qui vient d’être publié en France.

Dans un entretien récent, Reinhard Kleist m’a expliqué avoir été bouleversé par les risques que la jeune fille de 21 ans a pris pour faire le voyage. En recoupant les témoignages de sa sœur Hodan qui a trouvé refuge en Finlande en 2006 et de la journaliste Teresa Krug qui connaissait personnellement Samia, Reinhard Kleist a dessiné et raconté le parcours tragique de la jeune femme qui, au lieu d’emprunter la voie clandestine vers la Lybie et l’Europe, aurait dû bénéficier d’un visa britannique pour participer aux jeux de Londres.Samia Yusuf Omar

Mais à la veille des Jeux olympiques de Londres, la Somalie a perdu une perle rare en Méditerranée. C’est l’athlète somalien Abdi Bile qui a annoncé son décès. Dans son livre, Reinhard Kleist raconte pourquoi et comment elle a dû fuir son pays et gagner la Lybie en utilisant des passeurs. Sa tante qui a voyagé avec elle a survécu au naufrage.