Le journalisme d’investigation sauve la vie de nombreux migrants.

En Australie, l’équipe du Guardian révèle des atrocités commises à l’encontre des requérants d’asile

La publication récente du Guardian concernant les 2’000 rapports d’incidents violents commis à l’encontre des requérants d’asile mineurs et adultes détenus sur l’île lointaine de Nauru, a mis en évidence l’importance du journalisme d’investigation dans la protection des migrants, réfugiés et requérants d’asile dans le monde.

imagesThe Guardian peut se féliciter, son travail est le résultat d’un effort de collaboration sans précédent, comprenant de nombreux journalistes, éditeurs et professionnels du film qui ont passé des mois à analyser 8’000 pages de documents. En suivant le lien du Guardian – « The Nauru Files »- vous pourrez consulter les résultats de leurs analyses, présentés dans des documents interactifs, films, témoignages et galerie d’images sur les cas les plus sombres.

L’Affaire Nauru (« The Nauru Files ») concerne les abus systématiques commis à l’encontre des requérants d’asile détenus par les autorités australiennes sur l’île pauvre et éloignée de Nauru. Cette affaire lève le secret sur le système d’asile le plus contesté de la planète, un système fait pour dissuader les migrants de faire la traversée maritime pour venir déposer une demande d’asile en Australie.

Les publications du Guardian montrent les abus sexuels et physiques répétés et systématiques commis sur des mineurs, des femmes et des hommes confinés dans des centres de détention administrative. Les documents officiels font aussi état d’une absence calculée de soins médicaux et de l’utilisation abusive et inappropriée d’ antidépresseurs et autres tranquillisants, même sur des mineurs.

Ce scandale a provoqué des remous considérables dans l’opinion publique et dans la classe politique australienne. Alors que la gauche promet une enquête parlementaire sur les violences commises à Nauru, le ministre de l’immigration, Peter Dutton s’est empressé de minimiser le problème en déclarant que les rapports dataient.

Dans une lettre intitulée « This is Critical », une centaine de professionnels (médecins, professeurs, assistants sociaux) ont demandé la fermeture des centres de détention de Manus et Nauru. Le gouvernement australien vient d’annoncé la fermeture du centre de Manus en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour calmer le jeu. Cette annonce est un écran de fumée puisque la Cour constitutionnelle de Papouasie-Nouvelle-Guinée avait exigé sa fermeture déjà en avril 2016.

 

Le travail d’investigation de Human Rights Watch est admirablement présenté dans son rapport annuel 2015

 

annual-report-2015-coverLes chercheurs spécialisés en droits humains de l’organisation Human Rights Watch font un véritable travail d’investigation sur le terrain. Leurs résultats sont publiés et médiatisés. Lors d’une conférence à Genève, il y a quelques années, le directeur exécutif de l’organisation, Kenneth Roth, expliquait que le travail des chercheurs de l’organisation était comparable au journalisme d’investigation. Cette année, l’organisation a rendu hommage aux migrants forcés de quitter leurs pays d’origine en 2015 pour trouver refuge ailleurs.

Le Rapport annuel 2015 de l’organisation est une mine d’or d’information sur la crise des migrants dans le monde. Il dénonce les abus commis à l’encontre des personnes les plus vulnérables de la planète, celles qui, en 2015, ont souffert d’abus et de violences avant, pendant et après leurs périples vers des pays plus « sûrs ».

Dans ce rapport Human Rights Watch dénonce les procédures de demandes d’asile en Europe, injustes, froides et mécaniques, et aussi la fermeture des frontières qui fait le jeu des trafiquants sans scrupules. Human Rights Watch utilise ses informations pour agir. En 2015, l’organisation a fait pression sur l’Union européenne afin que Frontex – l’agence européenne chargée des contrôles frontaliers – démarre enfin ses patrouilles maritimes au large de la Lybie de manière plus intensive pour éviter des noyades.

« Trouver Refuge » est un rapport à lire et relire. Les témoignages, les analyses et les statistiques sur les flux migratoires en 2015 sont présentés avec intelligence et sensibilité. Parcourir ce rapport fait l’effet d’une décharge électrique. La photo de couverture prise par Yannis Behrakis en septembre 2015 nous plonge dans le bain.

Cet homme portant son enfant sous la pluie en l’embrassant pourrait être mon mari, mon frère, mon voisin et l’enfant, le mien.

Plaidoyer en faveur d’une application différente de l’accord Dublin

L’Italie n’a pas l’infrastructure pour héberger des requérants d’asile vulnérables.

Une étude de Médecins sans frontières (MSF) dévoile comment la négligence des autorités italiennes envers les migrants aggrave leur état sur le plan médical. Ce rapport intitulé « Traumas négligés » dénonce les conditions d’accueils déplorables pour les personnes souffrant de troubles psychologiques et de maladies psychiatriques qui ne font qu’empirer leur état de santé, selon MSF.

Cette situation pose un véritable problème car la Suisse applique le Règlement Dublin de manière automatique et renvoie des familles vulnérables vers l’Italie sans se soucier véritablement de savoir si elles pourront être logées et assistées convenablement. Pourtant, les Bureaux de consultation juridiques insistent sur le fait que ces personnes viennent de pays ravagés par la guerre, elles sont épuisées par leurs parcours et disposent souvent de motifs d’asile sérieux en plus de liens familiaux en Suisse.

La Suisse, meilleure élève pour les renvois Dublin vers l’Italie

Les dernières statistiques en matière d’asile (juillet 2016) indiquent qu’en un an 3’023 transferts Dublin ont eu lieu, en grande majorité vers l’Italie. La Suisse est en seconde place européenne en ce qui concerne les renvois Dublin. Après l’Allemagne, c’est le pays qui transfère le plus de personnes vers l’Italie selon le Conseil italien pour les réfugiés (« CIR »). La France est de loin beaucoup moins mécanique. En 2015, les 12’000 cas Dublin ont représenté 13 % des demandeurs d’asile mais le nombre de transferts est resté très limité avec 525 transferts effectifs.

Au pic de la crise migratoire en 2015, les autorités suisses ont été sous le feu des critiques alors qu’elles continuaient d’ordonner des renvois vers l’Italie, la Hongrie, Malte sans tenir compte du débordement de leurs structures d’accueil.

En juin le Conseil fédéral répondait à une interpellation de Liza Mazzone (Parti écologiste suisse) sur la question l’application de la clause de souveraineté prévue dans le Règlement Dublin. Le Conseil fédéral a déclaré ceci :

 “Une analyse au cas par cas est réalisée avant de rendre une décision de non-entrée en matière. La clause de souveraineté peut être appliquée à des personnes vulnérables. En principe, ce sont des situations qui se caractérisent par un cumul de motifs qui sont prises en considération. Les motifs dont il est question peuvent concerner la personne elle-même ou la situation dans l’Etat membre responsable. De surcroît, le Secrétariat d’Etat aux migrations tient compte d’éventuels problèmes de santé lors de l’organisation du transfert. Du 1er janvier 2014 à la fin du mois de mai 2016, près de 4000 personnes ont été mises au bénéfice de la clause de souveraineté, dont 3200 environ pour lesquelles la Grèce aurait été compétente en vertu du règlement Dublin III.”

Je m’interroge sur le fait que le Conseil fédéral ait comptabilisé les renvois vers la Grèce. En 2011, les transferts Dublin vers Athènes ont été déclarés formellement illicites par la Cour européenne des droits de l’homme qui a mis en évidence les défaillances graves dans le système d’asile grec. Il ne sert à rien de gonfler les chiffres, concrètement ce sont 800 personnes qui auraient bénéficié de la clause de souveraineté sur une période de deux ans et demi.

Pour les familles vulnérables la Suisse doit obtenir de vraies garanties d’hébergement

En novembre 2014, la Cour européenne des droits de l’homme a exigé, dans l’affaire qui concernait la famille Tarakhel, que les autorités suisses obtiennent des garanties de prises en charge adaptées « à l’âge des enfants et à la préservation de l’unité familiale » avant d’ordonner le transfert de familles vulnérables vers l’Italie. Résultat : la Suisse comme tous les autres Etats européens soumis à la jurisprudence de la Cour doit avoir l’assurance des autorités italiennes, que l’hébergement dans un foyer leur sera attribué personnellement.

Quelles sont les garanties effectives de l’Italie ? Elles sont pratiquement nulles et figurent dans une petite circulaire du Ministère de l’intérieur italien, datée de février 2016, qui est envoyée à toutes les unités Dublin en Europe y compris l’unité suisse. Elle énumère 23 centres d’hébergement répartis dans 19 provinces différentes pour seulement 85 places réservées aux familles vulnérables…de l’Europe entière. Cette circulaire qui fait, à elle seule, office de garantie, est envoyée à chaque demande de transfert des Etats européens. Non seulement elle ne satisfait pas les exigences de « garanties personnalisées » de la Cour européenne des droits de l’homme, mais encore elle est obsolète.

La Suisse doit appliquer le Règlement Dublin avec plus d’humanité

Rappelons que le préambule et la clause de souveraineté du Règlement Dublin autorisent les Etats parties à ne pas transférer des requérants d’asile vers un autre Etat. Dans le souci d’appliquer l’esprit de ce règlement, beaucoup d’Etats européens prennent à leurs charges les personnes vulnérables. A son tour, la Suisse doit cesser d’ignorer les besoins de personnes vulnérables qui bénéficient de liens familiaux en Suisse car la circulaire italienne de février 2016 n’est de loin plus valide. Exécuter les transferts sur la base de cette liste est indigne de notre pays.

Il est dommage que la Cour européenne des droits de l’homme ne se soit pas prononcée sur les critères de vulnérabilité qui empêcheraient un transfert vers l’Italie. Cela aurait clarifié les choses. L’affaire A.S. contre Suisse a suscité la consternation des juristes et des avocats spécialisés en Suisse et en Europe alors que l’arrêt tombait en pleine crise migratoire (juin 2015). Ce cas malheureux a été défendu par un bureau juridique spécialisé à Genève. Elle concernait un requérant d’asile syrien, victime de torture dans son pays d’origine, qui avait des liens familiaux en Suisse. Il souffrait du syndrome de stress post-traumatique et il était suivi médicalement à Genève. Son médecin préconisait la poursuite des soins en Suisse afin qu’il puisse aussi bénéficier de l’aide de ses sœurs. La Cour européenne a malheureusement jugé que le recourant pouvait obtenir les médicaments dont il avait besoin en Italie. Elle a validé la décision suisse de transfert sans tenir compte des liens familiaux essentiels pour le bien-être psychique et physique du recourant.

 

J’ai l’espoir que le rapport de MSF éclaire les autorités suisses et provoque un soubresaut d’intelligence et d’humanité. Quand les médecins insistent sur des besoins en soins médicaux spécifiques et sur l’importance des liens familiaux pour les personnes migrantes concernées, celles-ci doivent pouvoir rester en Suisse le temps de leur procédure d’asile. Entre juillet 2015 et juillet 2016, plus de 170’000 migrants sont arrivés par bateau en Italie. Tommaso Fabri, chef de mission pour MSF en Italie a été limpide :

« Les centres d’urgences en Italie ne sont pas adaptés pour accueillir des personnes sur le long terme car trop peu de traducteurs ou de médiateurs culturels travaillent dans ces centres. Cela doit changer immédiatement. Les problèmes de communication causent beaucoup de stress et aggravent le sentiment d’isolement et de précarité parmi les requérants d’asile et les migrants ce qui contribue à augmenter considérablement leur souffrance. »

Alerte rouge en Méditerranée

Depuis le début de l’année, pas une semaine ne passe sans annonces de naufrages et de décès en Méditerranée. Les derniers drames furent spectaculaires et nous pouvions les voir presque en temps réel.

Les chiffres

De janvier à mai 2016, l’Organisation internationale des migrations (OIM) a constaté la disparition de 2’443 personnes, une hausse de 34% par rapport à la même période l’année dernière. Mais les cinq jours noirs ont eu lieu entre le 25 et le 30 mai, durant lesquels trois naufrages importants ont eu lieu, et causé la mort de plus de 800 migrants : hommes, femmes et enfants coincés au fond des cales.

Cj70R9DXIAAshc_Selon Federico Soda, directeur du bureau de coordination de l’OIM à Rome, il y a eu 13’000 arrivées en Italie entre le 23 et le 29 mai. Cette hausse est due en partie au beau temps et à l’utilisation de gros bateaux en bois qui sont surchargés avec 500 à 700 personnes à bord. Il est fréquent qu’ils prennent l’eau dès le départ de la traversée. Ils sont souvent remorqués par de plus petits bateaux qui les laissent en plan en pleine mer avec un numéro d’urgence.

Un jeune érythréen qui a survécu au naufrage très meurtrier du 26 mai, à 30 kilomètres des côtes lybiennes, a expliqué à l’OIM les causes de ce drame.

“The vessel was being towed by another smuggling boat, which had an estimated 800 people on board. After several hours, the smaller boat began to take on water (…) the captain of the towing boat then cut the tow line. The second vessel continued to take on water and eventually capsized. There were many women and boys in the hold. We were taking on water, but we had a pump that helped us to push the water out. When the pump ran out of fuel, we asked for more fuel to the captain of the first boat, who said no. At this point there was nothing left to do: the water was everywhere and we slowly started to sink. There were between about 35 women and 40 children next to me: they all died.”

En fait, les bateaux utilisés sont défectueux et surchargés et la distance à effectuer dépasse les 200 kilomètres. Christopher Catrambone, fondateur de MOAS (« Migrant Offshore Aid Station ») qui est en charge des opérations de survie en Méditerranée depuis 2013, expliquait récemment au New York Times pourquoi les naufrages ont augmenté.

“Le plus souvent, les noyades ont lieu dans la “zone morte” qui se trouve dans les eaux territoriales libiennes ou en marge de cette limite, à 12 milles nautiques soit 22 kilomètres des côtes. Le problème est que la Libye se trouve encore dans un état de chaos et n’est pas en mesure d’entreprendre des opérations de sauvetage. On voit beaucoup de Syriens, beaucoup de Nigérians qui disent fuirent Boko Haram, on voit des Somaliens, des Ethiopiens, on voit aussi des personnes qui sont clairement des migrants économiques. Il n’est pas rare de voir 12 à 13 nationalités différentes sur les navires mais ils viennent tous de Libye. La Libye est le robinet de l’Afrique.”

Les passeurs réussissent où l’Europe échoue

En Grèce, les requérants d’asile ont été déplacés du camp d’Idoméni vers d’autres camps de fortune comme celui de Softex à Thessaloniki. Ceux-là et ceux qui sont bloqués dans les « hotspots » sur les îles grecques, souffrent des dysfonctionnements graves dans la procédure d’enregistrement et des conditions d’accueil insoutenables.

Ils cherchent à tout prix des moyens de partir et beaucoup d’entre eux ne souhaitent pas s’enregistrer du tout car ils n’ont pas confiance dans le système de relocalisation européen. Pour beaucoup le passeur est la seule issue de secours.

Certains observateurs considèrent que l’Union européenne a réussi un coup de maître en signant l’accord avec la Turquie parce que les arrivées en Grèce ont baissé de manière drastique. Il est pourtant naïf de penser que la Turquie ne pouvait pas mieux surveiller ses côtes avant l’accord alors qu’elle parvient très bien à sceller sa frontière avec la Syrie.

Cet accord stagne et il vient d’être encore affaiblit par une décision récente du tribunal de Lesbos jugeant les renvois involontaires de syriens en Turquie illicites. Depuis le 20 mars, seulement 411 personnes ont été renvoyées en Turquie alors que 9’700 personnes sont encore arrivées sur les îles grecques. Pendant ce temps, les trafiquants se sont déplacés plus au sud. Le 27 mai, un bateau en détresse au large de la Crête (Grèce) a été secouru avec 64 personnes d’origine afghane, iranienne et irakienne dont des femmes enceintes et un bébé de 9 mois. Ces personnes sont parties de Marmaris, pas loin de Bodrum.

Les filières de passeurs existeront tant que la demande mord à l’hameçon, ce qu’elle fait malgré les dangers de noyades. Cet été donc, les départs continueront depuis la Lybie, la Turquie, l’Italie et la Grèce où la plupart des requérants d’asile ne souhaitent pas rester.

Ils traverseront quand même

Malheureusement, l’Union européenne se concentre pour l’instant sur quatre solutions « armées »:

  1. contenir les requérants d’asile dans l’Europe périphérique (Italie et Grèce) grâce aux centre d’enregistrement et de relocalisation « hostpots » qui ne désemplissent pas,
  2. accroître ses contrôles aux frontières extérieures grâce aux nouveaux moyens donnés à Frontex et l’Opération militaire navale EUNAVFOR,
  3. négocier des accords de partenariat avec des gouvernements peu sûrs comme la Turquie, la Lybie et le Soudan et
  4. développer les infrastructures de détention de migrants clandestins afin de permettre à ces pays de les contenir d’une manière ou d’une autre.

Cette dernière solution est la pire. Elle viole tous les principes de droits humains fondamentaux sur lesquels l’Europe s’est construite. La révélation récente du Spiegel, concernant les tractations secrètes des dirigeants européens avec Omar Hassan El-Bechir, chef d’Etat soudanais contre lequel la Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt pour les crimes commis au Darfour, est certainement la plus démoralisante qui soit.

Alors je sais que si j’étais migrante économique ou victime de persécution dans mon pays d’origine, je ferais la traversée à n’importe quel prix et par n’importe quel temps, le plus vite possible même si je risque la mort.

 

 

 

Les demandeurs d’asile ne sont pas des sacs de café

Ce sont les propos du professeur de droit Francesco Maiani lors d’une présentation récente à Genève. En 2015, plus de 1,2 millions de personnes ont demandé l’asile en Europe, ce qui correspond à 0.2% de la population de l’Union européenne. C’est une proportion minuscule qui doit être comparée à la situation au Liban où 25% de la population est constituée de réfugiés.

Aujourd’hui les naufrages en Méditerranée et les blocages des migrants aux frontières continuent de menacer l’intégrité politique de l’Union européenne en mal de solutions à la fois humaines et efficaces pour organiser le système d’asile européen. Les failles du système Dublin étaient connues depuis ses débuts mais l’afflux importants de requérants d’asile l’a achevé et il est responsable des goulets d’étranglement en Grèce, en Italie, en France (Calais). Selon Francesco Maiani « le système Dublin incite les principaux acteurs à ne pas jouer le jeux, ni de la part des Etats frontières, ni des autres Etats membres, ni des requérants d’asile qui n’ont pas confiance dans le système».

Il estime que les options de réforme du régime européen d’asile ne permettront pas d’améliorer la situation à court ou à long terme. Il propose de revenir à un système basé sur le choix individuel des requérants d’asile appuyé par d’un système d’équilibrage solidaire qui tient compte des capacités d’accueil des pays en Europe.

 

Les réformes du régime d’asile européen ne réforment rien

Constatant l’échec du régime Dublin qui submerge les pays périphériques en Europe (Italie, Grèce, Hongrie), la Commission européenne vient de soumettre ses propositions pour réformer cette réglementation.

Elles prévoient un système de répartition des requérants d’asile lorsqu’un pays ne dispose plus des capacités d’accueil suffisantes. Ce système tient compte des efforts de réinstallation de réfugiés en provenance de pays tiers et il prévoit une amende de 250’000 euros par personne à la charge de l’Etat qui refuserait le transfert.

Ces propositions qui soulèvent déjà des réticences, notamment des pays de l’Est seront compliquées à mettre en œuvre ce qui n’est pas un bon présage. Elles impliquent aussi une extension tentaculaire de la machine administrative européenne. L’Angleterre, l’Irlande et le Danemark n’en feront très probablement pas partie.

 

Quand l’Europe perd, les passeurs gagnent

Et en attendant que le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne se prononcent sur les nouvelles réglementations, il reste un peu plus de 158’000 personnes bloquées en Grèce, en Italie et en Hongrie. Elles attendent depuis Septembre 2015, d’être relocalisées vers d’autres pays européens. En 6 mois, seulement 6’000 places ont été offertes et encore moins de personnes (1’145) en ont bénéficié.

La Grèce et l’Italie sont dans une situation humanitaire intenable car elles n’ont pas les moyens à disposition pour enregistrer et examiner les demandes d’asile. En outre, le programme de relocalisation ne concerne que les Syriens, Irakiens et Erythréens, trois nationalités qui ont 75% de chance de recevoir une protection dans les pays de l’Union européenne. Les Afghans, les Somaliens et les Iraniens qui pourraient obtenir le statut de réfugié en Europe n’y sont pas admis. Enfin ce programme de relocalisation n’empêche pas le recours aux passeurs surtout lorsque les candidats à l’asile et à la relocalisation doivent attendre des jours, voire des semaines, pour être auditionnés sur Skype.

 

Fêter les 65 ans de la Conventions des réfugiés en juillet en offrant un exemplaire aux dirigeants européens !

Un réfugié étudiant en droit à Genève et établit en Suisse depuis quelques années m’a récemment dit : « Il ne sert à rien de construire des murs de barbelés ou de détenir des migrants qui ont fait tout ce chemin pour trouver un lieu sûr. Même les fourmis traversent le ciment. La Convention des réfugiés n’interdit pas à une personne de choisir le lieu où elle souhaite déposer sa demande d’asile et il est faux de dire que le fait de choisir sa destination signifie que nous sommes des migrants économiques. »

Ces paroles raisonnent avec les propos du grand spécialiste de droit international des réfugiés James C. Hathaway qui prône un retour à l’application stricte de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Il reproche aux 145 Etats parties leur aveuglement politique et il regrette que le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) se soit éparpillé dans des missions qui ne relèvent pas de son mandat initial : la protection des réfugiés, seules personnes au monde qui sont démunies de protection étatique.

Il dénonce d’ailleurs l’effet néfaste des chiffres du HCR publiés en juin 2015 – 60 millions de déplacés dans le monde – qui contribuent, malheureusement, à attiser la paranoïa des dirigeants européens.

La Convention de 1951 est un texte brillant, plein de sagesse et surtout très prévoyant. Les dirigeants européens feraient bien de s’en inspirer. Ils sauront ainsi faire clairement la distinction entre un requérant d’asile, un migrant économique et un réfugié libre de choisir son lieu de refuge. Ils comprendront qu’en ratifiant ce texte ils ont aussi accepté son préambule qui prévoit le partage des responsabilités étatiques et la nécessité d’une solidarité internationale en cas de crise migratoire.