Mon discours tenu au parlement sur l’entrée en matière de la loi sur le CO2 (devant une salle à moitié vide)

Chers collègues,

La responsabilité qui pèse sur nos épaules aujourd’hui est aussi immense qu’inédite. Ce dont nous allons décider aujourd’hui et dans les jours qui viennent va au-delà de la technicité de cette loi. C’est certes du pourcentage de réduction de CO2 en Suisse ou à l’étranger, des avantages des prescriptions sur les taxes, ou des risques des compensations carbone que nous allons débattre. Mais il en va de bien plus que cela. Aujourd’hui, je suis en pensées avec ma fille de huit ans, et avec tous les enfants de sa génération. Car ce dont nous allons décider, dans le cadre de cette loi, c’est du monde que nous allons leur laisser.

La situation à laquelle nous faisons face est unique dans l’histoire de l’humanité. Les concentrations de CO2 dans l’atmosphère n’ont jamais été aussi élevées depuis 3,5 millions d’années. Les conséquences sont déjà dramatiques à l’échelle planétaire, mais nous sommes aussi touchés en Suisse. Dans notre pays, les températures moyennes ont déjà augmenté d’environ 2 degrés, soit deux fois plus que la moyenne mondiale. Avec des conséquences que plus personne ne peut ignorer : canicules, sécheresses, inondations, glissements de terrains, réduction de l’enneigement. L’impact de ces phénomènes sur notre santé, sur notre environnement et sur notre économie est considérable. Et ce n’est qu’un début.

En 1992, quand a été adoptée la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, de nombreuses solutions que nous connaissons aujourd’hui n’existaient pas ou n’étaient qu’émergentes. La situation a bien changé et les alternatives aux énergies fossiles sont aujourd’hui techniquement abouties et disponibles sur le marché. Les solutions sont là. Il ne s’agit donc pas de nous priver ou de retourner aux temps des cavernes. Il s’agit d’adopter de nouvelles pratiques et de nouvelles technologies, qui sont le fruit de notre incroyable capacité de résilience et d’innovation. Or, il nous reste peu de temps pour agir, une dizaine d’années tout au plus. Notre responsabilité, en tant que décideurs, est dès lors d’adopter des mesures qui soutiendront les particuliers et les entreprises dans cette transition. Nous devons leur donner les moyens de la réaliser assez rapidement, pour que la génération de nos enfants et de nos petits-enfants n’ait pas à subir de plein fouet les conséquences des choix hasardeux des décennies passées. Chers collègues, nous sommes la génération qui va réaliser cette transition, ça se passe ici et maintenant.

Les Suisses sont prêts pour cela. Selon une récente étude Univox, une majorité d’entre eux est disposée à changer ses habitudes pour préserver le climat. L’abandon des énergies fossiles, au profit des énergies renouvelables, est même considéré par 63 % de la population comme une chance pour notre économie. A raison, car on sait depuis le rapport de l’économiste britanique Nicholas Stern, paru en 2006 déjà, que le prix de l’inaction est considérablement plus élevé que celui de la réduction de nos émissions de CO2. Selon un récent rapport de l’ONU, les catastrophes naturelles, dont 77 % sont liées au climat, ont causé pour 2’908 milliards de dollars de pertes économiques entre 1998 et 2017, ce qui correspond à une hausse de 251 % en vingt ans. Est-ce vraiment comme cela que nous voulons dépenser notre argent, plutôt que de l’investir dans les pratiques et les technologies propres de demain ? Pendant la même période, ces catastrophes naturelles ont tué 1,3 millions de personnes dans le monde. Et plus de 4 milliards de personnes ont été affectées, que ce soit en étant blessées, en perdant leur logis, en étant déplacées ou en devant bénéficier d’une aide d’urgence. C’est aussi cela, le coût de l’inaction. Un coût humain, qui va aller croissant.

Nous devons agir, et vite. C’est un impératif éthique qui nous est adressé, à nous, dans cette salle, nous qui déterminons les conditions-cadres, qui vont accélérer ou limiter l’indispensable transition vers une société neutre en carbone. Rien n’est plus important que ce que nous allons décider aujourd’hui et dans les jours qui viennent. Chers collègues, assumons les lourdes responsabilités qui sont les nôtres et prenons les décisions qui s’imposent, à la hauteur du défi climatique. La génération de nos enfants et celle de nos petits-enfants subiront les conséquences de nos décisions. Et elles nous jugeront sur nos actes.

Je publie exceptionnellement, dans son intégralité, le discours que j’ai tenu au Conseil national à l’occasion de l’entrée en matière de la révision de la loi sur le CO2. C’est une première fois, mais ce moment, où le parlement s’empare de cette loi décisive, m’a paru si important que j’ai eu envie de le faire. Mes prochaines publications seront de nouveau “ad hoc”, c’est promis.

Adèle Thorens Goumaz

Adèle Thorens Goumaz est conseillère aux Etats verte vaudoise. Elle a coprésidé les Verts suisses entre 2012 et 2016 et siégé au Conseil national entre 2007 et 2019. Philosophe et politologue de formation, elle a obtenu un certificat postgrade en politiques de l’environnement et de la durabilité à l’IDHEAP. Elle a ensuite fait de la recherche et de l’enseignement en éthique et en gestion durable des ressources, puis travaillé comme responsable de la formation au WWF Suisse. Elle siège actuellement à la commission de l’économie, à la commission des finances et à la commission de l’environnement du Conseil des États. Ses dossiers de prédilection sont l'économie circulaire, la finance durable, la transition énergétique, la préservation du climat, l’agriculture et la biodiversité. Plus d’informations sur www.adelethorens.ch

23 réponses à “Mon discours tenu au parlement sur l’entrée en matière de la loi sur le CO2 (devant une salle à moitié vide)

  1. Ces discours rabâchés ne servent à rien. Raconter que le taux de CO2 n’a jamais été aussi élevé depuis 3 millions d’années non plus, d’autant que cela n’est pas exact ! Le GIEC a balayé les résultats de milliers de mesures obtenues avant de se référer exclusivement à l’observatoire d’Hawaii , pour satisfaire sa théorie absurde.
    Les politiques ont fait fausse route avec le protocole de Kyoto , ils ont monnayé le CO2 au lieu de soutenir les solutions permettant de le réduire. On a juste payé pour polluer , c’est tout ! 20 ans perdus en parlottes stériles !
    Pour activer la transition énergétique , il faut identifier les sources de consommation de fossiles et trouver les solutions alternatives et les mettre en place une par une , ce n’est qu’une question technique qui doit être appliquée par des règlements contraignants et non des taxes qui ne servent à rien !
    Par exemple : les chaudières classiques au fioul à remplacer par des pompes à chaleur permettrait de réduire considérablement cette dépendance au pétrole, mais on tergiverse et finalement on ne décide rien !
    La technique des voitures hybrides est bien maitrisée, mais on continue d’importer des grosses cylindrées consommant plus de 10 l/ 100km et qui produisent des particules fines nuisant à la santé ce que ne fait pas le CO2 !
    Les grandes surfaces commerciales et industrielles pourraient être exploitées davantage pour accueillir des panneaux solaires.
    Il faut reconstruire les forêts dans le monde et protéger les biotopes . La croissance des arbres absorbe du CO2. Haiti a perdu presque tous ses arbres et Madagascar n’en est pas loin, il faudrait aider ces pays à retrouver leur verdure .
    (…)
    De plus, la confédération s’est contentée de réduire la dette avec les bénéfices au lieu de les investir dans les projets renouvelables , c’est parfaitement contradictoire avec les objectifs visés !
    On continue de promulguer des taxes qui pénalisent les moins fortunés et permettent aux riches de polluer , c’est parfaitement indigne des démocraties modernes et explique en partie la révolte des gilets jaunes en France .
    Ce n’est pas en suivant cette voie que la transition énergétique aboutira !!!

    1. Le problème “global” parait insurmontable. Un peu comme certains médicaments soignent un organe et en détruisent un autre. Mais ne serait-ce qu’un pourcent d’amélioration, c’est tout ça de pris.

      Mais saluons Madame Thorens et son courage à soumettre le problème à un Parlement “à moitié vide”, ce qui donne une idée du respect et de la motivation de nos chers parlementaires¨… .

    2. Cher Monsieur Giot, vous êtes dur avec Madame Thorens qui se démène avec courage pour faire comprendre à nos parlementaires l’urgence d’agir. Oui, les discours servent. Oui, il faut répéter haut et fort la responsabilité que portent nos élus. Ils devront rendre des comptes. La question n’est pas “simplement” technique comme vous le prétendez. Elle est beaucoup plus profonde que cela, et Madame Thorens en saisit bien l’étendue. En passant, les taxes sont un levier parmi d’autres pour changer les habitudes, et ne sont pas meilleures ou pires que des “règlements contraignants”. Mais vous avez raison sur plusieurs points. Parmi eux: la mauvaise habitude de la Suisse de payer le droit de polluer doit cesser. Alors: unissons-nous plutôt que de critiquer ceux qui font quelque chose….

    3. Bonjour Monsieur,
      Complètement d’accord avec vous sur ce point: il faut réduire les émissions de CO2 plutôt que de les monnayer, les Verts ont toujours soutenu des mesures allant dans ce sens de manière prioritaire. Mais nous ne sommes pas les seuls à décider. Nous avons par exemple proposé, comme d’autres pays, d’interdire la mise sur le marché de nouvelles voitures à essence à partir de 2025 ou de 2030, au profit des voitures électriques, mais la majorité du parlement n’en a pas voulu, elle a préféré un système de compensations complexe et bureaucratique, qui augmentera progressivement le prix de l’essence sans que les recettes en soient redistribuées à la population comme c’est le cas avec la taxe CO2 sur le mazout.
      je vais dans le même sens que vous dans plusieurs de mes autres blogs, notamment ceux-ci:
      https://blogs.letemps.ch/adele-thorens/2018/11/29/gilets-jaunes-prix-de-lessence-et-loi-sur-le-co2-le-problematique-est-elle-la-meme-en-suisse-quen-france/
      https://blogs.letemps.ch/adele-thorens/2018/10/12/climat-les-collectivites-publiques-doivent-donner-aux-particuliers-comme-aux-entreprises-les-moyens-dagir/
      En ce qui concerne le fait que le taux de CO2 n’a jamais été aussi élevé depuis 3 millions d’années, voici ma source (Bulletin des experts en météorologie de l’ONU): https://reporterre.net/Le-niveau-de-CO2-dans-l-atmosphere-n-a-jamais-ete-aussi-eleve-depuis-trois
      Cordialement

  2. Merci à Adèle Thorens pour son engagement et on lui tient les pouces pour réussir à convaincre nos élites politiques.

    Les mesures prises ces dernières années aux niveaux fédéral et cantonal vont dans la bonne direction. Mais Il faut continuer et amplifier le mouvement et faire preuve de pragmatisme dans les choix.

    Développer les énergies renouvelables et favoriser les économies d’énergie permettent de diminuer les émissions de CO2, mais pas seulement. Pour certaines d’entre elles comme le bois à usage énergétique (bois-énergie), cela permet de conserver la quasi-totalité de la valeur ajoutée en Suisse et de favoriser des régions forestières souvent éloignées des pôles économiques.

    Cela diminue également notre très forte dépendance envers des Etats dictatoriaux qui pratiquent la corruption à large échelle dans le Monde et encouragent le fondamentalisme.

    1. Je partage votre vision. La transition énergétique et la préservation du climat sont aussi dans notre intérêt économique et nous rendent plus autonome. C’est désespérant que nous ne parvenions pas à aller plus vite dans ce sens, alors que nous avons tellement à y gagner.

    1. Si, justement. Tout d’abord, chacun doit faire sa part et la Suisse aussi, même s’ils s’agit d’une part minime d’un point de vue mondial (c’est la théorie du colibri). D’autre part, nous ne pouvons pas exiger des chinois et des autres pays qu’ils fassent leur part si nous ne faisons pas la nôtre. C’est une question de crédibilité. Je prône enfin une démarche proactive et de pionnier, car c’est aussi dans notre intérêt d’un point de vue économique: la transition énergétique et la protection du climat sont un marché. Les chinois l’ont d’ailleurs compris puisqu’ils investissent aussi des sommes importantes dans les énergies renouvelables.
      Très cordialement

  3. Il est évident que le b-a ba de l’écologie consiste à limiter la population (et vous le savez fort bien). Ensuite, il faut appliquer des mesures écologiques. L’un ne va pas sans l’autre. Sinon, cela n’a aucun sens. En particulier, ce petit coin de terre appelé Suisse est en train de crever de surpopulation (qui a plus que doublé depuis la fin de la WW2, seul pays en Europe). Les éoliennes qui vont défigurer le Gros-de-Vaud produiront l’énergie correspondant à la consommation des immigrés dans le canton de Vaud pendant une année. Même si je suis un vrai écologiste, je ne voterai jamais pour les Verts car ils sont immigrationnistes ! Bien à vous.

    1. Merci pour votre message. Sur la population, je vous renvoie à une de mes réponses ci-dessous, qui porte sur ce sujet. Pour les éoliennes: si nos ancêtres n’avaient pas accepté l’impact des barrages sur leurs Alpes au siècle passé, nous serions aujourd’hui au tout nucléaire, encore plus submergés de déchets radioactifs et soumis à un risque d’accident atomique bien plus important. Aujourd’hui, les barrages font partie de nos paysages et nous en sommes fiers. Il faut bien sûr commencer par économiser l’énergie et par investir dans le solaire, qui pose moins de problème. L’éolien a cependant un rôle à jouer. Nous devons privilégier les projets qui ont le moins d’impact (paysager et environnemental) en comparaison avec leur capacité de production et qui bénéficient du meilleur degré d’acceptation dans la population locale, qui doit bien entendu être consultée.
      Bien à vous

  4. https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/gaz-effet-serre-pays-emettent-plus-co2-1178/
    Alors, en Suisse, c’est bien de prendre des mesures écologiques, mais CALMOS !

    De toutes façons, c’est foutu. Il va se produire une bifurcation (au sens mathématique) qui va signifier : effondrement économique et/ou pandémie et/ou guerre nucléaire etc. . S’il ne survit que les cafards, les scorpions et les araignées, ce n’est pas plus mal.

    1. Je ne partage pas votre pessimisme. Tout cela dépend de nous et je me lève chaque matin pour me battre de toutes mes forces pour que ce que vous dites n’arrive pas. Rien n’est foutu, si nous le voulons bien.

  5. Dans le journal 20 minutes de mardi 18 décembre, page 3, je lis :
    Vaud doit bâtir à tour de bras. Il faudra entre 85’500 et 134’500 logements supplémentaires sur le territoire vaudois en 2040.
    N’importe quel écologiste devrait hurler et monter aux barricades ! Et bien non ! Je n’ai rien entendu de la part des Verts. Rien. 100’000 logements qui sont chauffés, donc qui émettent du CO2. 100’000 logements occupés par des gens qui consomment, utilisent de l’eau, produisent des déchets, etc…
    Les Verts ne seraient-ils pas écolo ? On nous aurait menti ?

    1. Les Verts vaudois ont souvent réagi et prônent un développement durable du canton, notamment par la voix d’Alberto Mocchi, notre président, dont vous pouvez consulter le blog sur le site du Temps: il consacre plusieurs articles à la question de la croissance. L’initiative des Jeunes Verts contre le mitage du territoire, qui veut que toute nouvelle zone à bâtir soit compensée par le dézonage d’une surface équivalente, va dans le même sens d’une maîtrise de la croissance.
      Cordialement

    1. Voir mes réponses ci-dessous, dont plusieurs traitent du thème de la population.
      Cordialement

    1. Je désapprouve les propos de ce Monsieur, qui est d’ailleurs aussi critiqué par de nombreux autres écologistes.

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