Mineurs non-accompagnés : pourquoi Lisa Bosia Mirra n’a rien commis d’illégal

 

Jeudi 1er septembre, Lisa Bosia Mirra, députée socialiste au Grand conseil tessinois et fondatrice de l’ONG Firdaus, a été arrêtée à la frontière. Elle est accusée d’avoir facilité et organisé le passage clandestin de quatre mineurs non-accompagnés en ouvrant la route à un fourgon les transportant. Très présente auprès des migrants de Côme refoulés à la frontière de Chiasso, elle avait déjà dénoncé début août les refoulements de jeunes mineurs non-accompagnés, de personnes détentrices d’un document de réfugié du HCR et de celles qui ont de la famille en Suisse. Concernant les mineurs non-accompagnés, de nombreux cas de refoulements arbitraires ont été dénoncés par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), l’Alliance pour les droits des enfants migrants (ADEM) et Amnesty international.

Aider des requérants mineurs non-accompagnés à déposer leurs demandes d’asile en Suisse ne peut être jugé semblable à du trafic illégal de migrants. Lisa Bosia Mirra n’a fait que corriger une pratique arbitraire de renvois automatiques en se  fondant sur le Règlement Dublin et la Convention relative aux droits de l’enfant, deux textes qui offrent une protection incontestable aux migrants mineurs et qui exigent des Etats qu’ils prennent des mesures de protection urgentes et adéquates en leur faveur.

Combien de temps l’Italie tiendra-t-elle ?

Evidemment, personne n’a envie d’un Calais à nos portes. Combien de temps l’Italie pourra-t-elle contenir les migrants et se plier au règlement Dublin dont elle subit les conséquences en tant que premier pays d’accueil. Si l’Italie mettait le holà, la Suisse en souffrirait car elle profite du système plus que les autres pays et considère l’Italie comme sa remise. Poussez le bouchon aussi loin que refouler autant de personnes, y compris des mineurs non-accompagnés, ne fait qu’enflammer la situation et ne garanti pas la sécurité aux frontières, au contraire.

Les garde-frontières tessinois ont été critiqués pour leur incompétence alors qu’ils ont obéi aux ordres. Déjà en juin, le chef du gouvernement tessinois, Norman Gobbi, avait donné le ton en déclarant vouloir fermer la frontière afin d’éviter la venue de « migrants illégaux », vocabulaire assez nouveau et inapproprié qui reflète d’avantage l’agacement des autorités européennes vis-à-vis de certains migrants économiques et contribue malheureusement à donner du souffle aux partis d’extrême droite. C’est l’important dispositif sécuritaire, installé depuis, qui a changé la donne puisque les refoulements ont nettement augmenté.

Lors d’une conférence de presse Madame Simonetta Sommaruga a défendu cette stratégie pour deux raisons principales : l’Allemagne ne souhaite plus que la Suisse laisse transiter les requérants d’asile – ils seraient 3000 à avoir traversé la Suisse fin juillet – et elle privilégie depuis longtemps un système de répartition automatique à l’échelle européenne. Appliquer strictement le règlement Dublin selon elle, est la seule solution pour que l’Union européenne avance concrètement sur ce dossier.

Mais son discours ne tient pas la route car la Suisse, malgré une baisse conséquente des demandes d’asile en 2016, a traîné sur le programme de relocalisation européen. Pour l’instant, elle n’a accepté que 34 personnes sur les 1’500 promis et vient juste de communiquer l’accueil de 200 autres personnes dont les dossiers sont seulement en cours d’examen. Il faudra donc encore attendre. En vérité, ni elle, ni les autres chefs d’Etats européens ne montrent de solidarité vis-à-vis de l’Italie ou de la Grèce. Peut-être, faut-il espérer encore plus de désordre et de drames pour déclencher un électrochoc solidaire.

Aucun argument sécuritaire ne justifie que des mineurs soient laissés à eux-mêmes dans des camps de fortune

Le sort des migrants mineurs non-accompagnés en Europe est à prendre très au sérieux surtout lorsqu’on connaît les risques qu’ils encourent en restant bloqués dans un camp de fortune en Italie. Ces risques importants ont été reconnus par la Commission européenne. Jetez seulement un coup d’oeil aux reportages de Nina Elbagir pour CNN (juin 2015) et Thomas Fessy pour la BBC (juin 2016) sur la prostitution de migrants mineurs en Italie et en Grèce et vous constaterez à quel point leur situation est alarmante et absolument lugubre. D’autres rapports récents témoignent des mauvaises capacités d’accueils en Italie. Le dernier rapport de l’OSAR (15 août 2016) et celui du Secrétariat d’Etat américain sur le trafic de personnes et la prostitution forcée en Italie devraient être mieux pris en compte par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM).

Non en réalité, c’est Lisa Bosia Mirra qui a raison. Son acte est un sauvetage. Il s’inscrit dans une volonté de protection de mineurs, régulièrement abusés durant leurs périples, et dans un souci d’application juste de la loi suisse envers ce groupe de personnes vulnérables.

Jasmine Caye

Avec une expérience juridique auprès des requérants d'asile à l'aéroport de Genève, Jasmine Caye aime décrypter l'information sur les réfugiés et les questions de migration. Elle a présidé le Centre suisse pour la défense des droits des migrants (CSDM) et continue d'assister des personnes en procédure d'asile. Les articles sur ce blog paraissent en version courte sur un autre blog ForumAsile.

2 réponses à “Mineurs non-accompagnés : pourquoi Lisa Bosia Mirra n’a rien commis d’illégal

  1. Madame Jasmine Caye,

    Les « mineurs non accompagnés » sont-ils vraiment mineurs ? En toute honnêteté, nous savons qu’une grande partie d’entre eux ne le sont pas et qu’ils mentent sur leur âge.
    Quant aux vrais mineurs, beaucoup ne sont-ils pas envoyés en éclaireurs par des parents proches ou lointains ? C’est de bonne guerre !
    Vous avez certainement de bonnes intentions, mais vous contribuez, par naïveté ou volontairement, au Remplacement de peuple et à la conquête de notre Europe judéo-chrétienne.
    Avec mes cordiales salutations et la résistance d’un citoyen (r)éveillé.

    Pierre-Alain Tissot

  2. Monsieur Tissot,
    Ce que je sais c’est que beaucoup de requérants mineurs non accompagnés sont arbitrairement déclarés majeurs par les autorités qui comptent sur leur méconnaissance des langues pour bâcler l’entretien d’accueil et leur trouver une fausse date de naissance. On leur attribue alors, en général, comme date naissance le 1er janvier de l’année les amenant avoir 18 ans.
    J’en connais plusieurs dans cette situation. Comme conséquence, ils ont bien entendu moins de facilités en Suisse, étant considérés comme majeurs. En particulier, ils risquent l’expulsion sur la base des accords Dublin.
    Cette pratique des autorités doit être connue et dénoncée, d’autant plus que le droit de recours est court et ïl n’y a souvent plus rien à faire, au niveau jurique, passé ce délai.
    Méfions nous donc des affirmations comme les vôtres, la réalité est en général contraire.

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