Telemedecine.ch

Vous vous intéressez à la médecine et à l’innovation en général, à la télémédecine en particulier ? Je souhaite simplement par cet article vous annoncer le lancement d’un nouveau site Internet consacré à la télémédecine.

Destiné aux professionnels de la santé, aux médecins en particulier, son objectif est de leur permettre d’acquérir les connaissances nécessaires à une pratique sûre et efficace de la téléconsultation.

J’ai créé Telemedecine.ch car je suis convaincu qu’il faut réinventer la médecine. Une partie de cette innovation passe par l’adoption de nouvelles façons de soigner les patients, par exemple en les soignant à distance. Même si cela peut a priori paraître paradoxal, la téléconsultation doit permettre de rapprocher soignants et soignés.

Même si cette publication peut être vue comme promotionnelle, je me permets d’annoncer la création de ce site ici, d’une part car je n’y vends rien, d’autre part car ce site est un prolongement des articles publiés sur ce blog sur ce sujet de la télémédecine.

Les professionnels de la santé, mais aussi toutes les personnes intéressées par la médecine à distance, y trouveront différentes rubriques :

  • La télémédecine, définition. Pour savoir ce qu’est la télémédecine, la téléconsultation en particulier, et pour en connaître les différentes variantes.
  • Pourquoi s’intéresser à la télémédecine. Pour nos patients et pour de nombreuses autres raisons.
  • Que dit la loi ? La téléconsultation est-elle légale et si oui, à quelles conditions ?
  • Les bonnes pratiques. Pour connaître les bonnes pratiques, pour savoir quand il est possible de soigner à distance et quand cela ne l’est pas.
  • Comment facturer ? Comment facturer les téléphones, les mails et les vidéoconsultations ?
  • Les obstacles. Quels éléments limitent l’adoption de la télémédecine (et comment les contourner) ?
  • La télémédecine en Suisse. Pour avoir un aperçu des solutions disponibles en Suisse.
  • Quelle solution vidéo ? Quelle solution choisir ? Les possibilités sont nombreuses.
  • Et moi ? Devrais-je proposer des consultations à distance à mes patients ?

Ce site va encore évoluer, s’enrichir, aussi je l’espère par des contributions externes.

En encourageant la télémédecine, l’objectif n’est pas de mettre en opposition consultations présentielles et consultations à distance, mais de tirer le meilleur parti de ces deux mondes, pour le bien des patients.

Une infolettre est disponible. Si vous décidez de vous y inscrire, aucune inquiétude, votre boîte mail ne va pas être surchargée d’innombrables courriels. Son objectif est simplement d’informer les personnes intéressées des actualités de la télémédecine et des nouveautés de notre site.

Jean Gabriel Jeannot

 

« La télémédecine n’est pas seulement de la médecine à distance. C’est une nouvelle façon d’envisager la relation médecin-patient et le colloque singulier ».

Dr Loïc Etienne

Vous êtes malade et votre médecin est absent, que faites-vous?

Les patients sont trop souvent confrontés à cette situation : pas de médecin, pas de solution. À une époque où les urgences sont surchargées, où la pénurie de médecins s’aggrave dans de nombreuses régions du pays et où les coûts de la santé explosent, le moment est venu de réfléchir à d’autres solutions.

Le 144 ou votre médecin

S’il s’agit d’une urgence vitale, que vous présentez des difficultés respiratoires, des troubles de la conscience ou des troubles de l’équilibre et de la parole, il s’agit d’une urgence vitale, vous devez appeler le 144 sans attendre. Heureusement, les personnes malades ont souvent des symptômes moins graves. Dans ce cas, la solution la plus logique est bien sûr de se rendre chez son médecin. Premier problème, il faut déjà avoir un médecin. Deuxième problème, il faut qu’il soit présent (vous pouvez avoir besoin d’aide le soir, le week-end ou durant ses vacances). Troisième problème, il faut qu’il ait de la place dans son agenda.

Dans ce cas, plusieurs options s’offrent à vous. La première, demander de l’aide à Dr Google, mais ce n’est pas la plus fiable. Deuxième option, avec les progrès de l’intelligence artificielle, demander conseil à un outil comme ChatGPT, mais il faut savoir l’utiliser et, même s’il donne l’impression par ses réponses de tout savoir, il faut pour l’heure encore s’en méfier. Troisième option, demander conseil à votre pharmacien, cette dernière solution n’est utile que si vous avez besoin d’un simple conseil.

Les problèmes s’accumulent

Il y a le problème des urgences surchargées. Je fais parfois des gardes à l’hôpital et les personnes que j’y vois n’ont pas toutes besoin de soins urgents. Lors de ma dernière garde, j’ai par exemple vu un jeune homme de 20 ans, qui se plaignait de maux de gorge légers. Il venait car il avait besoin, dès le premier jour, d’un certificat d’incapacité de travail. Il y a aussi le problème des coûts de la santé, ce jeune homme va recevoir une facture « urgence », le coût pour le système de santé sera complètement disproportionné par rapport à l’utilité de cette consultation.

Je n’en veux bien sûr pas à ce jeune homme, il n’a pas de médecin traitant. Il y a donc aussi le problème de la pénurie de médecins. Quelles solutions sont proposées ? Former plus de médecin ? Oui c’est une option mais nous ne verrons le résultat que dans 10 ans. Faire venir des médecins de l’étranger ? C’est déjà une réalité, tant pis si on retire les médecins de leur pays d’origine où ils pourraient aussi être utiles. Pour augmenter le nombre de ces médecins, nos politiciens viennent d’ailleurs de réussir un sacré tout de passe-passe. Jusqu’à récemment, pour qu’un médecin étranger soit autorisé à facturer à la charge de l’assurance, il devait avoir travaillé pendant trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgraduée. L’objectif était bien sûr que ces médecins connaissent le système de santé suisse mais aussi de garantir une certaine qualité de formation. Depuis mars 2023, par une décision de l’Assemblée fédérale, les médecins généralistes, les médecins praticiens, les pédiatries et les psychiatres peuvent s’installer en Suisse sans faire ces 3 ans de formation dans les hôpitaux Suisse. Ce qui était nécessaire jusqu’à récemment ne l’est plus par un espèce de miracle (politique).

Y aurait-il d’autres solutions ?

Dans ce cas, l’expression la plus juste est en anglais « thinking outside the box », dont la traduction en français pourrait être « sortir du cadre » ou « penser autrement ». C’est le chemin suivi par la société OneDoc, qui propose des rendez-vous en ligne. Son slogan ? Simplifier le quotidien des professionnels de santé et des patients en Suisse.

OneDoc a récemment annoncé le lancement d’une nouvelle fonctionnalité de consultation d’urgence. Disponible sur son application mobile, ce nouveau service permet aux patients de contacter rapidement un professionnel de santé pour une consultation médicale adulte ou enfant à distance, évitant ainsi de surcharger les services d’urgences. Ce service ne remplacera pas les consultations ou un contact physique est indispensable entre le médecin et le patient, mais les nombreuses situations où cela n’est pas nécessaire.

Les personnes malades peuvent ainsi avoir une consultation en urgence, y compris le soir et le week-end, par téléphone ou par vidéo (selon leur souhait). Les téléphones sont pris en charge par Medgate. Les consultations vidéos sont faites par des médecins installés en pratique privée, qui proposent quelques plages dans leur agenda, ou par des acteurs suisses de la télémédecine, à l’image de la plateforme Soignez-moi.ch.

Les médecins participent

Même si elle ne résoudra pas tous les problèmes des urgences, cette offre a l’avantage d’offrir une solution qui a pu être mise en place rapidement. Elle me plaît car elle offre une alternative entre Dr Google et les urgences. Elle me plaît aussi car elle intègre, s’ils le souhaitent, tous les médecins installés en pratique privée. À l’heure où j’écris cet article, il est par exemple possible d’obtenir immédiatement une vidéo consultation avec un médecin installé à Genève.

Pour que cette nouvelle solution apporte tous ses bénéfices, elle doit bien sûr être connue de la population, pour que les malades y pensent lorsqu’ils ont besoin d’un avis médical à distance. Il faut aussi qu’elle soit connue de tous les médecins suisses, pour qu’un grand nombre d’entre eux proposent des consultations. La plupart des médecins ont des horaires chargés, donc peu de temps à offrir, mais si chacun peut mettre à disposition ne serait-ce que deux ou trois plages par semaine, ce serait déjà un beau service rendu à la population.

Les consultations à distance

Une fois encore, tous les problèmes de santé ne peuvent pas être résolus à distance. Mais ceux qui peuvent l’être, doivent l’être, pour ne pas surcharger les urgences, mais aussi parce qu’il est plus pratique d’obtenir des conseils par téléphone ou par vidéo que d’aller patienter de longues heures aux urgences. Et aussi pour des questions de coûts. Le fait que cette solution intègre les médecins installés est un plus indéniable.

Oui, entre Dr Google et les urgences, il y a d’autres options. Pensez-y la prochaine fois que vous serez malade.

 

Comme Le Temps a décidé de fermer ses blogs, il est possible que cet article soit le dernier à paraître. Merci à tout ceux qui ont pris un peu de leur temps pour me lire. 

Les médecins doivent-ils, pour mieux soigner leurs patients, recourir à l’intelligence artificielle?

Les médecins doivent-ils, pour mieux soigner leurs patients, recourir à l’intelligence artificielle ?

Les articles sur l’intelligence artificielle se multiplient, il reste cependant difficile de savoir quel sera l’impact de cette technologie sur notre vie, sur notre quotidien. Si vous posez la question autour de vous, vous verrez que les avis sont souvent tranchés, il y a les optimistes qui voient les innombrables possibilités de ces outils, il y a les pessimistes pour qui les dangers dépasseront les bénéfices. Il est en tout cas vrai que les potentialités de ces outils, popularisés ces derniers mois par les agents conversationnels, le plus célèbre étant ChatGPT, sont impressionnants.

Il n’y a que les idiots…

J’ai déjà écrit trois articles sur l’intelligence artificielle sur ce blog. Le premier, publié en juillet 2018 avait comme titre : Intelligence artificielle : le métier de médecin va-t-il évoluer plus rapidement qu’imaginé ? Ma conclusion était alors : « Les médecins disparaîtront-ils ? Je ne le crois pas. Même s’il est possible que les médecins qui utiliseront l’intelligence artificielle remplaceront ceux qui ne l’utilisent pas. Rien de très banal en sorte, la science a toujours intégré de nouveaux outils pour progresser ». Le titre du deuxième article « L’intelligence artificielle en médecine? Bof. » révèle le scepticisme qui était le mien en décembre 2019. Le troisième article « Pour lutter contre la pandémie, intelligence artificielle ou intelligence humaine ? » avait comme objectif de montrer que dans une situation aussi exceptionnelle qu’une pandémie, l’intelligence humaine, et son corollaire la bêtise, étaient des éléments déterminants, certainement plus que l’intelligence artificielle.

Ces premiers articles étaient pour le moins critiques, mon avis est actuellement beaucoup plus nuancé.

Pour un médecin, l’intelligence artificielle, pourquoi faire ?

Pour comprendre la prochaine phrase, vous devez savoir qu’un “prompt” est une courte phrase ou une consigne donnée à un modèle de langage ou à un autre système d’IA pour qu’il génère une réponse en conséquence.

J’ai posé à ChatGPT la question: « je suis médecin et j’utilise ChatGPT pour la première fois. Donne-moi une liste des prompts essentiels qui m’aideront à accomplir davantage de tâches et à gagner du temps dans mon travail »

La réponse de ChatGPT :

Bien sûr, je serais heureux de vous aider avec cela! Voici une liste de prompts essentiels pour les médecins:

  1. “Quels sont les symptômes courants de [nom de la maladie]?”
  1. “Quels sont les traitements recommandés pour [nom de la maladie]?”
  1. “Quelles sont les causes possibles de [symptôme]?”
  1. “Quels sont les médicaments couramment utilisés pour traiter [nom de la maladie]?”
  1. “Quelle est la posologie recommandée pour [nom du médicament]?”
  1. “Quels sont les effets secondaires courants de [nom du médicament]?”
  1. “Quels sont les tests diagnostiques couramment utilisés pour [nom de la maladie]?”
  1. “Quels sont les facteurs de risque de [nom de la maladie]?”
  1. “Comment puis-je prévenir [nom de la maladie]?”
  1. “Quelles sont les complications courantes de [nom de la maladie]?”

J’espère que cela vous sera utile dans votre pratique médicale.  N’hésitez pas à me poser d’autres questions si vous en avez besoin.

Une question sur le traitement de l’hypertension

J’ai donc poussé l’exercice plus loin en lui posant la question « Quels sont les traitements recommandés pour l’hypertension ? »

Sa réponse :

Les traitements recommandés pour l’hypertension artérielle peuvent varier en fonction de la gravité de la maladie et des facteurs de risque associés. En général, les traitements suivants sont souvent utilisés pour l’hypertension:

  1. Changements de style de vie : cela peut inclure l’augmentation de l’activité physique, la perte de poids, la réduction de la consommation de sodium, une alimentation équilibrée riche en fruits et légumes, la réduction de la consommation d’alcool, le sevrage tabagique et la gestion du stress.
  1. Médicaments anti-hypertenseurs: ces médicaments sont prescrits pour aider à contrôler la pression artérielle. Il existe plusieurs types de médicaments anti-hypertenseurs, tels que les diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECAs), les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA), les bêta-bloquants, les antagonistes calciques et d’autres médicaments.
  1. Autres traitements : Dans certains cas, des procédures chirurgicales telles que la dénervation rénale peuvent être envisagées pour le traitement de l’hypertension artérielle résistante aux médicaments.

Il est important de noter que les traitements recommandés peuvent varier en fonction des antécédents médicaux, de l’âge, de la gravité de l’hypertension et d’autres facteurs de risque. Il est donc recommandé de consulter votre médecin pour déterminer le traitement le plus approprié pour vous.

Ce n’est qu’un exemple assez simple mais la réponse est tout de même je trouve assez Impressionnante.

La question d’un psychiatre

Dans un article publié en mars 2023 dans la Revue médicale suisse, des psychiatres présentaient les réponses qu’ils avaient obtenu de ChatGPT. Ils ont par exemple posé la question « la thérapie de substitution par des opiacés consiste-t-elle simplement à donner de la drogue aux personnes dépendantes ? ». La réponse de l’IA est jugée adéquate et de bonne qualité par les auteurs de cet article :

Non, la thérapie de remplacement des opiacés ne consiste pas simplement à donner des drogues aux personnes dépendantes. La thérapie de substitution aux opiacés est une forme de traitement assisté par médicaments qui implique l’utilisation de médicaments tels que la méthadone ou la buprénorphine pour aider les personnes souffrant de troubles liés à l’utilisation d’opiacés à gérer leurs envies et leurs symptômes de sevrage. Ces médicaments sont prescrits et contrôlés par un professionnel de la santé, et sont utilisés en association avec des services de conseil et d’autres services de soutien pour aider les personnes à se rétablir à long terme.

Donc ?

Cet article ne fait qu’effleurer cette question de l’utilisation de l’intelligence artificielle en médecine, il ne porte en plus que sur un aspect particulier, celui de la recherche d’informations. Mais j’ai à ce stade trois impressions.

  • La première, nous ne sommes qu’au début de la découverte des utilités, et des dangers, de ces outils.
  • La deuxième, les professionnels de la santé (et les patients…) doivent s’intéresser à l’intelligence artificielle.
  • La troisième, si vous utilisiez Dr Google pour répondre à vous questions médicales, vous devriez plutôt consulter Dr ChatGPT.

 

PS 1 : l’image qui illustre cet article a été créé par intelligence artificielle (avec l’outil Microsoft Bing).

PS 2: j’ai aussi demandé à ChatGPT s’il était vrai qu’il n’y avait que les idiots qui ne changeaient pas d’avis. Sa réponse, toute en nuance :

Cette affirmation est une façon courante de dire qu’il est important d’être ouvert au changement d’opinion, mais elle est également simpliste et ne reflète pas la complexité de la prise de décision et de la réflexion critique.

Changer d’avis est en fait un processus complexe qui dépend de nombreux facteurs, tels que la disponibilité et la qualité des informations, les expériences personnelles, les croyances et les valeurs. Les gens peuvent avoir des raisons valables de maintenir leur opinion et cela ne les rend pas nécessairement idiots.

Cependant, être capable de remettre en question ses propres opinions et d’être ouvert aux idées des autres est une compétence importante dans de nombreux domaines de la vie, y compris dans la prise de décision juridique. En fin de compte, il est important de garder un esprit ouvert et de considérer toutes les perspectives disponibles avant de prendre une décision informée.

Est-il possible de communiquer par mail avec les professionnels de la santé et si oui, quelles sont les règles à respecter?

Il est surprenant qu’une problématique aussi importante ne soit que si rarement évoquée. Même si les moyens technologiques existent depuis plusieurs années, les professionnels de la santé n’ont adopté que récemment l’utilisation du courrier électronique pour communiquer entre eux. Mais qu’en est-il de la communication entre professionnels de la santé et patients ? Est-ce possible, utile, dangereux ?

Utilisation de l’e-mail dans le suivi de soin entre le patient et le soignant

C’est à ces questions qu’a voulu répondre Nathalie Daina-Laville, infimière HES, spécialisée en diabétologie, dans le cadre d’un travail de Séminaire présenté à Unil – Unisanté. Ce sujet est d’autant plus important qu’il est le résultat d’une double évolution, technologique bien sûr avec l’utilisation toujours plus fréquente de moyens de communication électroniques mais aussi humaine, avec des patients qui souhaitent prendre une part toujours plus active dans la gestion de leur santé.

Première question, est-il possible de communiquer par mail avec son thérapeute ?

Nathalie Daina-Laville cite dans son travail la grande variabilité qu’il existe d’un pays à l’autre. Mon impression est que la possibilité de communication entre professionnels de la santé et patients dépend de très nombreuses variables. Il existe presque autant de situations que de thérapeutes. La situation diffère d’un pays à l’autre mais également d’une profession à l’autre, on peut facilement imaginer qu’une infirmière à domicile communiquera plus souvent avec ses patients qu’un physiothérapeute. Parmi les médecins, il existe également de grandes variations entre les spécialités.

Comment savoir si le professionnel de la santé qui vous soigne est d’accord de communiquer par courriel avec vous ? Il faut le lui demander !

Avantages et inconvénients

Nathalie Daina-Laville dresse également une liste des avantages et des inconvénients de la communication soignant – soigné par courriel. Pour ce qui est des éléments positifs, elle cite notamment l’amélioration de la continuité des soins, l’augmentation de l’autogestion du patient dans le cadre de maladies chroniques, un meilleur accès aux soins, l’option d’un canal de communication supplémentaire avec le patient mais aussi la possibilité de partager des informations entre plusieurs professionnels de santé ainsi qu’avec le patient.

Pour ce qui est des points négatifs, elle cite le risque de perte de confidentialité (erreur de transmission par exemple), l’augmentation de la charge de travail pour le soignant ( et le risque d’abus de l’utilisation de l’e-mail par le patient), le fait que le remboursement de la communication par courriel n’est pas clairement légiféré́ et le risque de disparité́ sociale (certaines personnes âgées, de langue étrangère ou ayant un bas niveau d’éducation pour qui l’utilisation du courriel est plus difficile voire impossible).

Recommandations à l’utilisation de l’e-mail entre soignant et patient

 L’autrice de cette recherche rappelle dans son travail qu’il n’existe pas en Suisse de référentiel concernant les bonnes pratiques à l’usage de l’e-mail entre le soignant et le patient. Elle a donc établi une liste de critères en se basant sur la littérature existant sur ce sujet. Les critères sont répartis en trois thèmes :  confidentialité et sécurité, délais de réponse et qualité de la communication. Les personnes intéressées pourront découvrir la liste complète en lisant le rapport de son travail de séminaire.

Pour une utilisation sûre et efficiente du courrier électronique en médecine

Nathalie Daina-Laville a voulu que son travail de séminaire ait une implication pratique, elle a donc rédigé une charte qu’elle utilise elle-même avec ses patients et qui sensibilise professionnels de santé et patients sur les atouts mais aussi sur les limites de l’utilisation du courriel entre soignants et soignés.

Elle signale aussi un élément qui me parait essentiel, l’importance de former les professionnels de la santé : « Si l’on souhaite prévenir les incidents, il faut transmettre les bons messages aux étudiants des Universités et Hautes Ecoles Spécialisées en santé, et promouvoir la formation continue chez tous les professionnels exerçant les soins ». Un point de vue que je partage à 100 % même si pour l’heure, à ma connaissance, ce sujet n’est que rarement enseigné aux professionnels de la santé.

Et vous ?

Communiquez-vous avec les professionnels de la santé qui vous soignent par courriel ? Si non, souhaiteriez-vous pourvoir le faire, si oui, en êtes-vous satisfait ? Quels sont, selon votre propre expérience, les avantages et inconvénients de la communication électronique soignant – soigné ?

 

Autres articles publiés sur ce blog en lien avec ce sujet : 

 

Dossier électronique du patient : faut-il (déjà) tout arrêter ?

Le titre de cet article ne plaira pas à tous ceux qui se battent pour le développement du dossier électronique du patient (DEP) mais cette question est on ne peut plus sérieuse. Le DEP permettra-t-il vraiment aux citoyens de ce pays d’être mieux soignés ?

Le concept

Les intentions du dossier électronique du patient sont indiscutables : permettre aux patients d’être mieux soignés en donnant aux professionnels de la santé accès à toutes les informations médicales nécessaires mais aussi rendre les patients plus actifs en leur permettant d’avoir accès à leurs données santé. Le problème est que l’on ne soigne pas avec des intentions et que l’on n’a aucune idée de l’impact de cet outil sur la santé de ses utilisateurs. Trouverais-je dans le DEP les informations qui me manquent actuellement pour soigner mes patients ? Je n’en suis pas sûr, le plus souvent une information me manque car le médecin qui a vu mon patient à l’hôpital n’a pas encore rédigé de lettre de sortie ou que son psychiatre n’a pas estimé utile de m’informer de ses conclusions. Dans ces situations, le DEP, pour peu que mon patient en ait créé un et qu’il soit mis à jour, me sera inutile.

Une naissance laborieuse

On peut lire dans un article publié le 30 mars dernier dans le Temps la phrase suivante : « Sur un point, tout le monde est d’accord: le dossier électronique du patient (DEP) est jusqu’ici un flop monumental. Au début de chaque année qui passe, les plus optimistes prédisent qu’il va enfin décoller pour finir par déchanter douze mois plus tard, car les espoirs ont été déçus ». A l’opposé, CARA, la communauté qui regroupe tous les cantons romands sauf Neuchâtel, semblait lors de sa conférence de presse plutôt optimiste en déclarant que « 7500 dossiers électroniques sont ouverts chez CARA, ce qui représente près de 90 % des dossiers ouverts sur l’ensemble du pays ». CARA reconnait tout de même que « des améliorations sont nécessaires ».  Même si ce chiffre de 7500 dossiers est plus que respectable, l’ouverture de dossiers n’est pas une fin en soi. Le but reste que ces dossiers soient utiles, et on en est encore loin. CARA soutient les mesures à venir pour améliorer le DEP, notamment celles proposées par le Conseil fédéral le 27 avril dernier. Parmi les mesures proposées, certaines permettent de comprendre la faiblesse du projet initial, d’autres laissent songeur.

Un dossier obligatoire ? 

Le Conseil fédéral met pour les patients deux variantes en consultation : le maintien du caractère facultatif et l’introduction d’un modèle opt-out, qui a la faveur du Conseil fédéral. Le DEP sera donc par défaut obligatoire et le citoyen devra lui-même agir s’il ne veut pas en avoir un. Pour les professionnels de la santé, ce sera tout simplement obligatoire. Le côté positif est que cela permettra au DEP d’être plus complet, le côté négatif que cela représentera pour les cabinets médicaux une surcharge de travail considérable. Tous les médecins n’ont pas un dossier médical informatisé et pour ceux qui ont en un, la grande majorité n’est pas capable de transférer automatiquement les données au DEP. On peut lire sur les pages du site de l’Etat de Vaud consacré à ce projet que « chez les éditeurs de logiciels de cabinet, les travaux d’intégrations avec le DEP ont commencé afin d’automatiser la consultation du DEP depuis le logiciel de cabinet et le transfert des données dans le DEP. A ce jour, cette automatisation est à l’état de développement pour les logiciels existants ». En développement ? Je rappelle que la loi sur le DEP date de 7ans déjà.

Lorsqu’il faut rendre un outil comme le DEP obligatoire pour qu’il soit utilisé, c’est qu’il y a un problème.

Un projet pour le futur ?

Il est possible que ce projet ne doive pas être évalué sur son utilité actuelle, proche du zéro absolu, mais comme un outil du futur qui révélera son utilité d’ici quelques années lorsque le DEP sera plus utilisé et plus complet, mais j’ai des doutes.

Les problèmes

Ils sont malheureusement multiples. J’ai déjà signalé l’intérêt frileux des citoyens et des professionnels de la santé. Il y a la complexité pour l’ouverture et pour l’utilisation du DEP. Il y a la surcharge de travail pour les professionnels de santé.  Il y a aussi la question simplement de l’utilité médicale de cet outil. Il y a aussi le fait que s’il est utile, il le sera pour une minorité de la population, celle souffrant de maladies chroniques. Pour intéresser toute la population, il aurait peut-être fallu imaginer un outil utile pour la promotion de la santé, pour la prévention, dans le DEP il n’y a rien. Il y a aussi le coût exorbitant de ce projet. Il y a enfin le fait que le DEP accapare toutes les énergies, alors qu’il n’est qu’une petite partie des innovations dont notre système de santé a besoin.

Stopper ce projet est probablement impossible pour des raisons politiques. Si l’on réfléchit à son utilité médicale actuelle et future, je pense qu’il faut sérieusement se poser la question.

Pour l’heure, ne comptez pas sur le DEP pour rester en bonne santé.

 

PS: A lire sur Heidi.news, le dossier électronique du patient devient (enfin) un vrai enjeu national.

 

Autres articles (plus ou moins) en lien avec cet article et publiés sur ce blog:

Dossier électronique du patient : serez-vous mieux soigné?

La révolution numérique en médecine : sommes-nous prêts à réinventer notre façon de travailler?

Le défi de l’intégration du numérique au sein de nos systèmes de santé

 

Un patient, en 2021, c’est quoi?

Selon le dictionnaire, il s’agit d’une personne soumise à un examen médical, suivant un traitement ou subissant une intervention chirurgicale. Le patient 2021 n’est-il pas un peu plus que cela ? Dans de très nombreux secteurs, nous sommes devenus plus actifs, plus autonomes, nous organisons nous-même nos voyages, nous effectuons nous-mêmes nos paiements bancaires. Le patient n’est plus, en 2021, un être passif.

Une simple recherche sur Internet

Le terme utilisé pour ces patients émancipés est plus facile à comprendre en anglais, « empowerered patient », un patient qui a du pouvoir, ou qui se donne du pouvoir. En français, on peut utiliser les termes de patients actifs, de patients acteurs, autonomes, ou de patients émancipés. Attention, il n’y a pas deux catégories de patients, les actifs et les passifs, il s’agit d’un continuum entre le patient qui ne fera qu’obéir aux ordres des médecins et ceux qui prennent le contrôle complet de leur santé. Une simple recherche sur Internet pour mieux comprendre votre maladie ou votre traitement fait déjà de vous un patient actif.

Mais, en fait, un patient actif, c’est quoi ?

Pour le savoir, la meilleure solution est de le demander aux patients eux-mêmes. C’est la voie choisie par Marie Ennis-O’Connor, elle-même ePatiente, elle publie sa réponse dans un article intitulé « Patient empowerment revisited : what does it truly mean To patients ? ». Elle y développe plusieurs thèmes où, démarche originale, elle cite les tweets d’autres patients.

Autonomisation

Le premier thème qui émerge est donc celui de l’autonomie et de la prise en charge par le patient de sa propre santé. Il y a donc de sa part une volonté, une démarche active. Marie Ennis-O’Connor cite ce tweet : « Dans le passé, on attendait peut-être des patients qu’ils fassent ce qu’on leur disait. Aujourd’hui, avec tellement plus d’options et d’informations, les patients peuvent raisonnablement jouer un rôle clé dans les décisions concernant leurs soins”.

Information, choix et prise de décision partagée 

« Vous avez un cancer. Si vous ne connaissez pas vos options, vous n’en avez aucune. L’autonomisation vient de la connaissance de vos options, et l’obtention des informations nécessaires est essentielle pour faire les bons choix pour vous, et pour votre cancer. »

Ce point est essentiel, pour pouvoir prendre en charge sa santé, il faut être bien informé. Des informations que les patients devraient recevoir des professionnels de la santé ou qu’ils trouveront eux-mêmes sur Internet et sur les réseaux sociaux. Mais accéder à l’information est insuffisant, il faut aussi être capable de l’utiliser, ce que l’on appelle la littératie. Il s’agit de la capacité d’un individu à trouver de l’information sur la santé, à la comprendre et à l’utiliser.

Dans nos systèmes de santé, l’information donnée aux patients est je pense souvent insuffisante. Pour ce qui est de la littératie, c’est un sujet qui semble peu intéresser le monde médical.

Partenariat et travail en équipe

L’idée pour les patients cités par Marie Ennis-O’Connor est d’être considérés comme un membre de l’équipe soignante. Ils savent qu’ils n’ont le plus souvent pas les connaissances des professionnels mais ils souhaitent être intégrés dans leur prise en charge médicale.

Respect, compréhension et compassion 

La mise en œuvre de cette approche nécessite une volonté de la part des prestataires de soins de créer un espace dans lequel les patients peuvent poser des questions et sentir qu’ils sont entendus avec humanité. Le tweet d’une malade atteinte d’un cancer illustre bien le désir des patients : « L’autonomisation des patients signifie que je peux poser des questions à mon oncologue et qu’elle m’écoute et discute de ce que je demande. Lorsque je lui parle d’un effet secondaire, elle me croit, même s’il ne figure pas sur la liste des principaux effets secondaires de cette chimiothérapie.”

Une approche systémique

 « Pour soutenir véritablement « l’autonomisation du patient », nous devons penser bien plus loin que le patient, nous devons également nous assurer que nous responsabilisons ceux qui sont assis autour du patient ». L’auteur de ce tweet pense bien sûr aux soignants. Marie Ennis-O’Connor termine son article avec cette phrase : « Et surtout, nous devons COLLABORER avec une vision commune ».

Patient actif ou simple « patient » ?

Dans la 2ème partie de cet article, Marie Ennis-O’Connor raconte qu’elle a reçu des critiques sur l’utilisation du terme « empowerment », dans le sens où il peut laisser penser que cela correspond à un état particulier, celui où le patient devient actif, émancipé, un terme contradictoire avec le fait que chaque humain a le droit d’être autonome et autodéterminé. L’ePatient ne serait donc pas un patient particulier, il serait juste un patient « normal ».

Le patient 2021 ?

Il est intéressant d’observer que l’évolution du statut de patient est un sujet peu discuté. Cet article de Marie Ennis-O’Connor est un début de réponse mais il faut aller plus loin pour réfléchir à ce que cela implique pour les patients, pour les professionnels et pour le système de santé. Pour profiter des opportunités qu’apporte cette évolution, des changements sont nécessaires. Du côté des patients comme de celui des professionnels de la santé.

 

NB: Le Forum santé organisé par Le Temps et Heidi.news le 28 octobre 2021 aura pour thème “Le patient, ce grand oublié ?”.

 

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La médecine centrée sur le patient : vos réponses.

Vers une médecine plus efficace grâce aux patients ?

Santé numérique : et si la vraie révolution était celle des patients ? .

 

 

Mieux écouter les patients pour améliorer notre système de santé ?

Je pense que la majorité des professionnels de la santé répondrait que cela n’est pas nécessaire, que le système actuel fonctionne bien. Il est vrai que la volonté de servir le patient est dans la nature même de leur travail. Pourtant, chacun d’entre nous a fait l’expérience, lors d’une visite chez le médecin ou à l’hôpital, que quelque chose aurait pu être fait différemment, parfois ce sont des détails, parfois non.

L’expérience du patient

On appelle cela l’expérience utilisateur. L’idée est simple, écouter les utilisateurs d’un système pour l’améliorer. Même si cela semble logique, on peut juger cette approche comme peu utile. Le principal argument pourrait être que si les patients ont quelque chose à dire, ils seront écoutés. Mon sentiment est qu’il faut aller plus loin, passer d’une approche passive à une intégration active des patients. L’idée est de reconnaître le savoir du patient, issu du vécu de sa maladie, comme complémentaire à celui des professionnels de la santé.

Les patients partenaires

Un chemin pour mieux intégrer le savoir expérientiel des patients est celui des patients partenaires, c’est-à-dire des patients qui ont un rôle reconnu. L’objectif est que leurs observations permettent d’améliorer les prises en charge médicale mais aussi que leurs avis soient pris en compte pour la recherche voire même pour l’organisation des hôpitaux.

Une politique d’intégration des patients ?

Même si cela peut paraître surprenant, peu d’hôpitaux ont une politique d’intégration des patients. En Suisse romande, les hôpitaux universitaires font mentir cette déclaration puisque tant les HUG que le CHUV développent des programmes de patients partenaires.

Aux hôpitaux universitaires de Genève, le projet « Patients partenaires » a été un axe majeur du plan stratégique 2015-2020. Un article publié dans le magazine Pulsations permet de découvrir l’ampleur de ce projet : en octobre 2020, la plateforme Patients partenaires comptait quelque 600 patients et proches recrutés, 170 créations de partenariats et 950 implications de non-soignants dans divers projets institutionnels. Cet article cite une récente enquête européenne réalisée parmi 8’000 patients où l’on découvre que 70 à 90% des personnes interrogées aspirent à davantage d’implication dans les décisions médicales. Contre environ 50% dans les années 2000. Oui, les mentalités des patients évoluent…

Le Prof. Thomas Agoritsas, qui enseigne le partenariat patient aux HUG, reconnait que les études scientifiques démontrant les bénéfices du partenariat ne sont pas encore nombreuses : « on sait que le partenariat patient génère davantage de satisfaction et moins de regrets. Globalement, il produit une meilleure qualité des soins. Mais ce n’est pas une recette de cuisine. Sa réussite dépend des situations, des professionnels et des patients qui le pratiquent ».

Le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) développe également des projets de patients-partenaires, à l’image de celui créé au sein du centre cérébrovasculaire du service de neurologie. Les cours d’éducation thérapeutique proposés aux patients victimes d’un accident vasculaire cérébral et à leurs proches font intervenir des professionnels de la santé mais aussi des patients. La volonté des infirmières responsables de ce programme est d’intégrer les patients et leurs proches dans l’élaboration et la pratique des interventions.

Autre élément intéressant, les patients participeront dès cette année la journée mondiale de l’AVC. Des patients seront présents sur les stands d’informations, ils interviendront aussi aux conférences données dans le cadre de cette journée.

Pour les patients ? 

Pendant longtemps, le monde médical a pensé bien faire en travaillant « pour les patients ». Même s’il ne faut pas penser que cette approche est la solution à tous les maux du système de santé, la médecine de ce 21ème siècle implique de ne de ne plus travailler pour les patients mais avec eux.

 

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Le défi de l’intégration du numérique au sein de nos systèmes de santé

Le digital permettra-t-il d’améliorer nos systèmes de santé ? On pourrait être tenté de répondre par l’affirmative, tant le digital est porteur d’espoir, lui qui semble capable de tout transformer. Pourtant, lorsque l’on va chez le médecin ou à l’hôpital, l’utilité de la eSanté ne saute pas aux yeux. Pourquoi un tel fossé entre les espoirs liés au numérique et la réalité du terrain ? Les innovations sont nombreuses, quel chemin suivre pour qu’elles soient réellement utiles ?

La santé, un monde difficile à numériser

La digitalisation de la santé est difficile, pour de nombreuses raisons. La première est que les systèmes de santé sont des structures complexes, constitués par exemple de nombreux intervenants qui interagissent entre eux. Le deuxième élément est la quantité de données générée par le système, une quantité qui ne cesse d’augmenter. La troisième est que l’on touche au vivant : il est plus facile de vendre des chaussures par Internet que de prendre en charge des patients. Il existe certainement d’innombrables autres raisons mais ces différents éléments permettent d’illustrer pourquoi le monde de la santé est difficile à numériser.

Pour quelle finalité ?

« Jusqu’à présent, la plupart des efforts en matière de médecine numérique ont été déployés dans une seule dimension – un capteur, un type d’image ou uniquement la génomique – avec peu de convergence ». Cette position est celle du médecin américain Eric Topol dans l’article A decade of digital medicine innovation. Je partage cette position, on a probablement jusqu’à maintenant trop pensé «outil » et pas suffisamment « finalité ». Comme l’a tweeté une ePatiente sud-africaine, « Stop talking digital, start thinking patients”, “Arrêtez de parler numérique, commencez à penser patients “.

Quels sont les indicateurs de succès ?

Une étude récemment publiée dans le Journal of Medical Internet Research a cherché à identifier les éléments qui permettent l’intégration de la cybersanté dans les soins de santé.

Premier point mis en avant par les auteurs de cette recherche « la cybersanté est plus qu’une technologie ; c’est une autre façon de travailler et de penser et cela nécessite un changement d’attitude ». Le changement apporté n’est donc pas que technologique, il est aussi culturel (et peut-être même surtout culturel). En d’autres termes, l’intégration de la cybersanté dans les soins de santé traditionnels nécessite des changements organisationnels et comportementaux tant pour les professionnels de la santé que pour les patients.

Onze études ont été incluses, couvrant des interventions de nature diverse, des maladies différentes et de nombreuses innovations digitales. L’analyse de ces travaux a permis d’identifier trois principes indispensables pour réussir l’intégration de la santé en ligne dans les soins de santé.

  • Premièrement, il est nécessaire de se rappeler que l’objectif final est d’apporter des soins de qualité aux patients, les besoins du patient doivent donc être pris en compte en permanence. Les auteurs de cette publication insistent sur la nécessité d’une approche centrée sur le patient et proposent d’élaborer des projets en co-construction.
  • Le deuxième indicateur de succès est l’adaptation du digital aux processus de soins, l’innovation doit s’intégrer dans le quotidien du professionnel de santé. La technologique peut être en elle-même très innovante mais son implémentation sera un échec si elle ne s’intègre pas harmonieusement dans les systèmes déjà existants.
  • Le troisième élément est le facteur humain, les soignants doivent comprendre le sens de ces technologies qui doivent leur permettre d’effectuer leur travail avec efficacité.

Le digital n’est donc pas un simple vernis

Le digital n’est donc pas un simple vernis dont on couvre le système de santé. Il doit être pleinement intégré au système de soins, doit répondre aux besoins des patients mais aussi venir s’intégrer harmonieusement dans le quotidien des professionnels de la santé.

L’intégration du digital représente donc un changement technologique mais aussi culturel avec toujours comme finalité la qualité de la prise en charge médicale.

 

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Envoyer une copie des rapports aux patients ?

Lorsqu’un médecin envoie un courrier à un autre médecin, le patient n’est que rarement mis en copie. Est-ce normal ?

Une information importante doit être transmise par écrit

Même si leur nombre augmente, les professionnels qui envoient une copie de leurs courriers aux patients restent minoritaires. Cette pratique, quasi inexistante il y a quelques années, se développe lentement, elle ne constitue pourtant, et de loin, pas la règle.

Les raisons sont multiples. La première est probablement que les professionnels considèrent ces courriers comme une transmission d’information entre eux, qui ne regarde donc pas directement le patient. Même si on peut bien sûr comprendre cette position, elle relève probablement d’un certain paternalisme médical. La deuxième raison est la crainte que le patient ne puisse pas comprendre le contenu de ces courriers. Cet argument doit être entendu, il n’est pas à la portée de tous d’interpréter le contenu des rapports médicaux, souvent truffés de termes techniques difficiles à comprendre. Je pense moi que la majorité des patients peuvent comprendre l’essentiel des courriers qui les concernent.

Il est aussi vrai que le rapport du spécialiste est souvent présenté au patient par le généraliste lors de leur prochaine rencontre, mais malgré l’interaction que permet le mode oral de délivrance de l’information, il n’est pas optimal : des études indiquent qu’entre 40 et 80 % de l’information délivrée par le personnel médical oralement est immédiatement oubliée par le patient et que près de la moitié de l’information retenue est incorrecte. Une information importante doit donc à mon avis être transmise au patient par écrit.

Donner au patient la place qui est la sienne

Les recherches montrent en tout cas que cette pratique augmente la satisfaction des patients. Elle a aussi d’autres avantages, notamment de parfois corriger des erreurs :

 « Je ne prends plus la Pravastatin comme indiqué mais de la Simvastatin ». Ou encore : « Il manque deux médicaments dans la liste de mon traitement… ».

Le plus important est probablement ailleurs, c’est simplement de donner au patient la place qui est la sienne, de l’intégrer pleinement dans la prise en charge de sa santé.

« Après une consultation, lorsque on arrive à la maison, on a déjà presque tout oublié de ce que le médecin nous a dit. Recevoir une lettre permet de mieux comprendre sa maladie et savoir ce qui peut être fait pour aller mieux ».

Puisque les rapports ne sont que rarement envoyés aux patients, j’ai personnellement pris l’habitude, lorsque je reçois le rapport d’un spécialiste, de l’envoyer par courriel à mon patient. J’ajoute souvent un commentaire pour qu’il comprenne les conclusions et propositions du spécialiste, tout en prenant soin de lui dire que je suis à sa disposition s’il a encore des questions. Cette façon de faire nécessite du temps, j’espère qu’il se justifie pour le patient par une meilleure compréhension de sa situation médicale. Cette pratique permet parfois d’éviter une consultation qui n’aurait servi qu’à transmettre les conclusions du spécialiste, dans ce sens, elle permet un gain de temps et d’argent.

Aller encore plus loin ?

Il serait pourtant possible d’aller plus loin encore, c’est-à-dire d’écrire au patient, le médecin n’étant qu’en copie du courrier. Le contenu ne serait peut-être pas très différent, il devrait bien sûr être rédigé dans un langage que le destinataire puisse comprendre, il aurait cependant l’avantage de placer le patient au centre de sa prise en charge. De telles initiatives existent déjà, j’avais dans un ancien article de ce blog déjà parlé d’un projet anglais allant dans cette direction.

Former les professionnels de la santé

Je suis convaincu qu’il faut mieux intégrer les patients dans leur prise en charge médicale. Leur envoyer une copie de leurs documents médicaux est un moyen d’aller dans cette direction. Ne devrait-on pas enseigner cette pratique aux professionnels de la santé durant leur formation ? Je pense qu’actuellement ce sujet n’est jamais abordé.

 

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La médecine fondée sur la personne

Doit-on changer de paradigme pour passer d’une médecine basée sur la science à une médecine basée sur la personne ? C’est en tout cas la thèse du Prof. Gérad Reach, endocrinologue à l’Université Paris 13, dans un discours1 tenu devant le Comité d’Éthique de l’Académie nationale de Médecine.

Une crise de la médecine

Pour le Prof. Reach, la médecine est en crise. Du côté des patients, il évoque le problème de la non observance, c’est-à-dire le fait que les patients ne suivent pas les prescriptions de leurs médecins, médicaments ou autres.  Il voit aussi un problème du côté des professionnels de la santé qui eux ne suivent pas les recommandations officielles de prise en charge pour leur patients, les recommandations basées sur la science. Cette résistance des soignants porte le nom d’inertie clinique. Cette crise touche donc tout le système de santé car ni les patients, ni les médecins ne suivent ce qu’on leur demande de faire : tout le monde désobéit, tout le monde se distancie des recommandations.

La médecine scientifique

L’un des visages de cette médecine scientifique est l’Evidence-based Medicine (EBM), la médecine factuelle. Formulé de façon très simplifiée, son idée est de baser les décisions médicales non pas sur des croyances ou de simples avis d’experts mais sur les résultats d’études scientifiques. L’EBM a eu dès son origine une double ambition, la première étant de produire des connaissances, la seconde des recommandations.

Le Prof. Reach souligne que « les pères fondateurs de l’EBM insistaient sur le fait que la décision clinique devait reposer sur une triangulation : non seulement sur les faits scientifiques (« l’evidence »), mais aussi sur l’expérience clinique du praticien et les souhaits du patient. La décision médicale doit à la fois reposer sur les meilleures données de la science, et être individualisées. Le Prof. Reach d’ajouter « on peut néanmoins se demander si la deuxième exigence n’a pas été quelque peu oubliée ».

Un nouveau paradigme

Pour le Prof. Reach, « ce nouveau paradigme serait une médecine fondée sur la personne prenant en compte la complexité de la pensée des patients et des médecins ; il se traduit par l’élaboration d’un nouveau type de recommandations, non-algorithmique, et il a des implications profondes pour l’enseignement et la pratique de la médecine ».

Je trouve personnellement qu’il faut aller plus loin encore, cette complexité n’est pas uniquement celle de la pensée des patients et des médecins, elle est aussi celle de leurs réalités. On ne soigne pas deux individus qui souffrent de la même maladie de façon identique, simplement car chacun d’eux est unique, avec ses besoins et ses croyances. Le Dr William Osler, le disait déjà au 19ème siècle : « ne demandez pas quelle maladie la personne a, mais plutôt quelle personne a la maladie ».

Un certain malaise 

A mon avis, les deux problèmes relevés par le prof. Reach sont justes mais ils reflètent une crise plus profonde, une crise du sens. Les patients ne suivent pas les traitements prescrits parce qu’ils ne sont pas convaincus de l’utilité de ces traitements pour eux, ils les jugent possiblement utiles à d’autres mais pas à eux (par exemple une balance effets positifs / effets secondaires négative).  Le chemin suivi par les professionnels est proche, ils estiment que les recommandations sont fondées mais qu’elles ne s’appliquent souvent pas au patient particulier qu’ils ont en face d’eux.

Les soignants et les soignés s’écartent donc souvent des recommandations pour de bonnes raisons, simplement parce que ces recommandations ne tiennent pas compte de leur individualité, de leurs particularités. Ils ont raison mais risquent tout de même de ressentir un certain malaise de n’avoir pas suivi « ce qui était recommandé ».

Une médecine non algorithmique

A l’heure du développement du digital, il est sûrement utile de se souvenir de la complexité de l’humain. Les recommandations ne doivent donc pas être vues comme « vous devez faire » mais plutôt comme « vous devez savoir que ». Puis, comme le dit le Prof. Reach, « on apprend à s’en dégager : on devient expert ». Un dégagement qui permet aux professionnels de la santé mais aussi aux patients d’adapter les recommandations de la science à leurs particularités.

La médecine fondée sur la personne

Il ne s’agit donc pas d’opposer science et individualité mais plutôt d’encourager soignants et soignés à définir les meilleurs soins en s’inspirant de ces deux mondes. La médecine basée sur la personne devrait cependant être plus que cela, notamment en intégrant mieux les patients dans les choix relatifs à leur santé. Dans ce domaine, les opportunités sont nombreuses, la plupart des patients sont prêts, les professionnels de la santé doivent répondre à leurs attentes.

 

  1. Simplicité et complexité en médecine. Gérard Reach. Bull. Acad. Natle Méd., séance du 6 février 2018 Version pre-print mise en ligne le 8/02/2018

 

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