Est-il possible de communiquer par mail avec les professionnels de la santé et si oui, quelles sont les règles à respecter?

Il est surprenant qu’une problématique aussi importante ne soit que si rarement évoquée. Même si les moyens technologiques existent depuis plusieurs années, les professionnels de la santé n’ont adopté que récemment l’utilisation du courrier électronique pour communiquer entre eux. Mais qu’en est-il de la communication entre professionnels de la santé et patients ? Est-ce possible, utile, dangereux ?

Utilisation de l’e-mail dans le suivi de soin entre le patient et le soignant

C’est à ces questions qu’a voulu répondre Nathalie Daina-Laville, infimière HES, spécialisée en diabétologie, dans le cadre d’un travail de Séminaire présenté à Unil – Unisanté. Ce sujet est d’autant plus important qu’il est le résultat d’une double évolution, technologique bien sûr avec l’utilisation toujours plus fréquente de moyens de communication électroniques mais aussi humaine, avec des patients qui souhaitent prendre une part toujours plus active dans la gestion de leur santé.

Première question, est-il possible de communiquer par mail avec son thérapeute ?

Nathalie Daina-Laville cite dans son travail la grande variabilité qu’il existe d’un pays à l’autre. Mon impression est que la possibilité de communication entre professionnels de la santé et patients dépend de très nombreuses variables. Il existe presque autant de situations que de thérapeutes. La situation diffère d’un pays à l’autre mais également d’une profession à l’autre, on peut facilement imaginer qu’une infirmière à domicile communiquera plus souvent avec ses patients qu’un physiothérapeute. Parmi les médecins, il existe également de grandes variations entre les spécialités.

Comment savoir si le professionnel de la santé qui vous soigne est d’accord de communiquer par courriel avec vous ? Il faut le lui demander !

Avantages et inconvénients

Nathalie Daina-Laville dresse également une liste des avantages et des inconvénients de la communication soignant – soigné par courriel. Pour ce qui est des éléments positifs, elle cite notamment l’amélioration de la continuité des soins, l’augmentation de l’autogestion du patient dans le cadre de maladies chroniques, un meilleur accès aux soins, l’option d’un canal de communication supplémentaire avec le patient mais aussi la possibilité de partager des informations entre plusieurs professionnels de santé ainsi qu’avec le patient.

Pour ce qui est des points négatifs, elle cite le risque de perte de confidentialité (erreur de transmission par exemple), l’augmentation de la charge de travail pour le soignant ( et le risque d’abus de l’utilisation de l’e-mail par le patient), le fait que le remboursement de la communication par courriel n’est pas clairement légiféré́ et le risque de disparité́ sociale (certaines personnes âgées, de langue étrangère ou ayant un bas niveau d’éducation pour qui l’utilisation du courriel est plus difficile voire impossible).

Recommandations à l’utilisation de l’e-mail entre soignant et patient

 L’autrice de cette recherche rappelle dans son travail qu’il n’existe pas en Suisse de référentiel concernant les bonnes pratiques à l’usage de l’e-mail entre le soignant et le patient. Elle a donc établi une liste de critères en se basant sur la littérature existant sur ce sujet. Les critères sont répartis en trois thèmes :  confidentialité et sécurité, délais de réponse et qualité de la communication. Les personnes intéressées pourront découvrir la liste complète en lisant le rapport de son travail de séminaire.

Pour une utilisation sûre et efficiente du courrier électronique en médecine

Nathalie Daina-Laville a voulu que son travail de séminaire ait une implication pratique, elle a donc rédigé une charte qu’elle utilise elle-même avec ses patients et qui sensibilise professionnels de santé et patients sur les atouts mais aussi sur les limites de l’utilisation du courriel entre soignants et soignés.

Elle signale aussi un élément qui me parait essentiel, l’importance de former les professionnels de la santé : « Si l’on souhaite prévenir les incidents, il faut transmettre les bons messages aux étudiants des Universités et Hautes Ecoles Spécialisées en santé, et promouvoir la formation continue chez tous les professionnels exerçant les soins ». Un point de vue que je partage à 100 % même si pour l’heure, à ma connaissance, ce sujet n’est que rarement enseigné aux professionnels de la santé.

Et vous ?

Communiquez-vous avec les professionnels de la santé qui vous soignent par courriel ? Si non, souhaiteriez-vous pourvoir le faire, si oui, en êtes-vous satisfait ? Quels sont, selon votre propre expérience, les avantages et inconvénients de la communication électronique soignant – soigné ?

 

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Dr Jean Gabriel Jeannot

Médecin, spécialiste en médecine interne, avec un intérêt particulier pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication en médecine.

3 réponses à “Est-il possible de communiquer par mail avec les professionnels de la santé et si oui, quelles sont les règles à respecter?

  1. J’avais par le passé communiqué épisodiquement avec quelques patients qui avaient pris l’initiative de me contacter par e-mail et avec mon accord. Cela pouvait concerner une évolution clinique, le traitement suivi, un avis ou un conseil pour des patients souvent en déplacement professionnel à l’étranger. Ils me remerciaient d’avoir répondu à leur demande lors de la prochaine consultation en présentiel. Les patients étaient informés que ces communications mail étaient toutes consignées et enregistrées dans leur dossier électronique.

  2. “Communiquez-vous avec les professionnels de la santé qui vous soignent par courriel ?”

    Non, pas encore mais je n’hésiterais pas à le faire si l’occasion se présentait et avec l’accord de mon médecin, bien sûr.

    “Si non, souhaiteriez-vous pourvoir le faire, si oui, en êtes-vous satisfait ?

    Réponse en partie donnée dans la précédente. Pour le reste, seul l’avenir le dira.

    “Quels sont, selon votre propre expérience, les avantages et inconvénients de la communication électronique soignant – soigné ?”

    Seul un essai préalable me permettrait de vous répondre, mais mon médecin (ou son assistante) connaissent mon adresse e-mail et nous pourrions communiquer par ce biais à tout moment.

    Comme patient, par ailleurs programmeur, je suis bien conscient des risques impliqués par la communication électronique, en particulier en ce qui concerne la protection des données, sans parler de la surcharge de travail que représente la télémédecine pour le praticien. Si le confinement dû au Covid en a montré les avantages, ne reste.-t-il pas un cas exceptionnel? Comme programmeur, je me garderais donc bien de recommander ce type de communication sans en avoir bien considéré les avantages et les inconvénients – ce que fait d’ailleurs fort bien Mme Daina-Laville dans son excellent rapport. Sa proposition de Charte paraît indispensable compte tenu du vide législatif dans ce domaine.

    En effet, les risques ne sont pas à prendre à la légère – piratage, vol et détournement de données, manque de préparation à l’usage des outils informatiques du personnel soignant, pour ne citer que quelques-uns de ceux que ce rapport énumère. Je n’ai, à regret, aucune proposition à faire à cet égard sinon de faire plus confiance aux logiciels en source libre (“open Source” qu’aux produits commerciaux, que l’usager ne contrôle pas. Les systèmes d’exploitation Linux, en particulier, sans être pour autant infaillibles, sont au moins de qualité égale et souvent bien supérieure que leurs équivalents commerciaux.

    Mais je m’en tiens à cette simple remarque, pour ne pas être soupçonné de faire du prosélytisme en faveur du logiciel libre.

  3. Bonjour Docteur et merci pour ce texte et le lien web, tous deux fort intéressants.
    Dans la réalité du terrain, la communication par MAIL avec nos référents médicaux se réalise depuis vraiment très longtemps, sans aucune difficulté. Il n’y a que quelques Labos helvétiques qui pinaillent systématiquement et inutilement pour nous envoyer directement nos résultats (avant le médecin) – un petit rappel de nos droits et le chipotage se dissout rapidement.

    Donc, depuis de très très longues décennies (> 35 ans), je communique exclusivement par MAIL avec différents médecins (en général des profs chef(fe)s de service) dans le cadre de mon suivi néphrologique.

    Durant la récente pandémie, j’ai tout reçu de l’étranger et de Suisse par MAIL (warnings rapides ! conseils ! exemption vaccinale ! ordonnances ! etc. etc. etc.). Tous les avis spécialisés sont arrivés par MAIL = pharmacogénétique, pharmacotoxicologie, immunologie et bien sûr néphrologie qui prend toujours le dessus sur les autres avis. Avis accompagnés d’articles à lire afin de ne rien cacher aux patient(e)s et les avertir des dangers inhérents à certains produits issus des Pharmas.

    Étant donné ma localisation géographique particulièrement fluctuante (aussi instable que mon Cockroft si ce n’est pire), nous communiquions déjà par MAIL il y a bien longtemps avec mon précédent néphrologue (voir lien web ci-dessous). Ce professeur exceptionnel d’humanité, un précurseur dans son domaine, m’a suivie “à distance” durant des décennies donc bien au-delà ma majorité étant donné l’ampleur et la gravité de l’erreur médico-diagnostico-thérapeutique de 1970 (Lausanne). Son rapport de 1974 est édifiant, d’une clarté foudroyante. NB aux sceptiques: j’ai tout récupéré dès que j’ai pu le faire.

    Je suis passée en néphrologie adulte italienne vers 55 ans … (Bolzano & Brescia-Franciacorta) où je suis excellemment supervisée à distance (voir les publications du domaine à très hauts facteurs d’impact émanant d’Italie en comparaison à celles inexistantes émanant de Suisse), donc par MAIL ….. hormis quelques rarissimes consultations en chair et en os qui sont plutôt du style “papotage sur d’autres sujets”.
    Quelques lignes par MAIL suffisent amplement pour mon suivi, d’autant plus que je mets un point d’honneur à mon “éducation continue” pour ma GNCM-CMGN.

    De plus, j’ai été très bien formée pour pouvoir me débrouiller seule (Labo par MAIL toujours avant le néphrologue qui reçoit ensuite les courbes Excel up-to-date), mesures de la TAH, les s.c., i.m. pansements, y compris septiques etc. etc. etc. (la liste est vraiment très longue de facto).

    Pour certaines catégories de patient(e)s, la communication par MAIL est plus que largement suffisante, elle élimine les intermédiaires indésirables et souvent très incultes (médecins-assistants et CdC) donc également super économique. Tout le reste est du domaine des “relations publiques”, donc complètement inutile dans un suivi médical de type “Laboratoire, formules MDRD-Cockroft et courbes Excel”.
    Juste pour rire: une assistante d’orthopédie me demande d’emblée depuis combien de temps je suis sous dialyse (!!!!!!!!!!) au lieu de s’occuper rapidement de la déchirure de mon ligament péronéo-astragalien et de mon pied devenu tout noir de sang. A posteriori, nous avons tellement rigolé de cette grosse gaffe avec mes superviseurs médicaux.

    Il n’y a jamais eu de problème de piratage quelconque de ma boîte MAIL …. Je bénéficiai déjà d’un PC à fin 1983 au travail ….
    https://bullmed.ch/article/doi/bms.2022.20790
    https://www.letemps.ch/suisse/hommage-professeur-jeanpierre-guignard

    Merci encore de nous avoir transmis le texte infirmier, même si pour ma part j’élimine au maximum les contact avec ce staff (résurgences de mon hospitalisation abusive sur 9 mois). eab

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