Vers une médecine plus efficace grâce aux patients ?

« Au Canada, l’hôpital à l’écoute des patients pour améliorer les soins ». Ce titre d’un article publié récemment sur le site Pourquoidocteur.fr a attiré mon attention.

On peut y lire : « D’après une nouvelle étude menée au Canada, demander aux patients de rapporter leur expérience dans les hôpitaux pourrait grandement aider à améliorer la qualité des soins ».

Cet article fait référence à une recherche publiée dans le Canadian Journal of Cardiology où des patients opérés du cœur ont été interviewés,  l’objectif était d’améliorer la qualité des soins en tenant compte de leurs besoins.

Avait-on vraiment besoin d’une étude pour arriver à cette conclusion ?

Je pense que non. Cette étude est cependant intéressante pour deux raisons en tout cas. La première est bien sûr que d’être convaincu d’une croyance est bien, en avoir la conformation dans une étude est mieux. La deuxième raison est de découvrir qu’il existe dans cet hôpital de l’Alberta une réelle conscience de la valeur de l’avis des patients.

Même si je pense que la grande majorité d’entre nous est d’accord pour dire que l’expérience patient est essentielle pour améliorer notre système de santé, force est de constater que peu de choses sont mises en place pour recueillir l’avis des patients dans notre pays.

Vers une co-construction

L’objectif n’est pas simplement de demander aux patients de remplir un questionnaire de satisfaction lors de leur sortie de l’hôpital, mais de mettre en place un système qui permette une réelle implication des patients.

Des chercheurs de l’Université de Toronto ont analysé toutes les études publiées sur le lien entre l’intégration des patients et l’amélioration de la qualité des soins. Ils ont identifié quarante-huit études sur ce sujet. Leurs conclusions ? Le niveau d’engagement influe sur les résultats : un engagement faible (un simple questionnaire donné aux patients) a un faible impact, les engagements plus importants (co-conception, partenariat) peuvent eux aboutir à des modifications importantes du système de santé.

Des initiatives existent

Même si elles sont encore rares, des initiatives existent : les Hôpitaux universitaires de Genève ont lancé un programme « Patients partenaires » avec l’objectif justement d’améliorer la qualité des soins. On peut lire sur le site des HUG « cette évolution implique un repositionnement des rôles : le patient sait mieux que personne quels sont ses symptômes et comment il les vit. Son regard sur l’hôpital et ses prestations est celui du client. On ne peut le soigner et progresser qu’avec lui. Le professionnel, de son côté, ne décide plus tout seul, mais cherche davantage à collaborer avec le patient ».

Une belle initiative qu’il faudra suivre pour en mesurer les réelles conséquences.

Un changement culturel

Notre système de santé fait face à un certain nombre de défis auquel il faudra répondre par des changements multiples, humains, technologiques et organisationnels. Ces changements ne seront utiles que s’ils intègrent les besoins et les attentes des patients. Il ne faut plus faire « pour les patients » mais avec eux. Cela nécessite un profond changement au sein de notre système de santé.

 

A lire aussi sur ce sujet :

  • Sur ce blog : Le médecin décide, le patient obéit, sur la relation médecin patient et plus particulièrement sur la nécessité d’évoluer vers une relation de partenariat.
  • Sur le site de la Revue médicale suisse : Patients : sujets avant d’être partenaires, écrit par Béatrice Schaad, Céline Bourquin, Francesco Panese et Friedrich Stiefel. On peut y lire : les patients, leurs proches comme les professionnels de la santé souffrent d’un processus de dé-subjectivisation alimenté par la place grandissante des technologies et la standardisation des prises en charge. Ils éprouvent d’abord le besoin d’être reconnus comme des sujets avant de pouvoir envisager de devenir des partenaires. Un éclairage essentiel.
  • Sur le site du Figaro santé, Vers une médecine plus efficace grâce aux patients. A lire absolument. En espérant que son auteur me pardonne d’avoir copié le titre de son article.

 

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Dr Jean Gabriel Jeannot

Médecin, spécialiste en médecine interne, avec un intérêt particulier pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication en médecine.

Une réponse à “Vers une médecine plus efficace grâce aux patients ?

  1. Je m’étais posé la question du « besoin des patients » en rapport de mes besoins, en me demandant si je créais des malentendus lors des rendez-vous avec mon médecin généraliste, parce que je serais peut-être atypique… Et je lui avais dit un jour : « Vous êtes le médecin de tous vos patients, mais pas de chacun d’eux ! » Il n’était pas très content : « Je ne comprends pas pourquoi vous dites ça, tout le monde sait que… » Et moi : « Parce que pour vous, je dois savoir ce que tout le monde sait, comme par exemple que les psychologues ne peuvent aider personne parce qu’ils sont eux-mêmes malades… Et moi qui vous dis qu’une psychologie m’avait bien aidé, avant que la caisse maladie ne rembourse plus, je me trompe… Tout le monde sait aussi que les psychiatres sont fous et que les étudiants en médecine veulent devenir riches… Alors vous qui avez travaillé longtemps pour Médecins sans frontières, si vous ne me l’aviez pas dit, j’aurais continué à croire que vous avez des lingots d’or cachés sous votre modeste bureau… J’aimerais bien aussi que ce que je dis ou même ne dis pas existe… » Et la fois suivante, il voulait me rassurer en me disant comment c’est pour tout le monde : « C’est normal que… » J’avais répondu : « Si un policier vient chez vous pour exposer ses symptômes de surmenage et d’angoisses, allez-vous lui répondre, au lieu de le soigner : « Tout le monde n’est pas policier… » Ou attendre de connaître sa profession pour estimer que ses troubles sont réels ?.. Ce que je vous dis de moi est réel, je souhaiterais être pris au sérieux même si je ne suis pas comme tout le monde !.. » Pour un problème d’odeur très désagréable de transpiration, ma nouvelle médecin généraliste estimait que ce n’était pas « un détail » comme l’ancien médecin. Elle me proposait d’essayer les désinfectants cosmétiques pour la peau en vente libre en pharmacie, qui ne faisaient aucun effet… Puis un jour, grâce à une panne de lumière à la salle de bains que je tardais à réparer depuis une semaine, j’avais pris en main un flacon de désinfectant pour les mains employé chirurgie, en le confondant avec celui d’eau de Cologne… Ah c’était gluant ! Uniquement pour ne pas gaspiller, je l’avais laissé sous mes bras au lieu de rincer, sans même penser à mon problème de mauvaise odeur… Peu de temps après, elle avait disparu. Je ne voulais pas me faire trop tôt des illusions, mais le lendemain toujours rien, une semaine après non plus, puis plus jamais !

    J’avais annoncé la bonne nouvelle à ma médecin, qui m’avait confirmé que je portais bien des bactéries résistantes aux désinfectants courants, et que leur éradication ne pouvait être due à un facteur psychologique. Je ne lui avais pas dit : « Mais pourquoi est-ce que vous ne m’aviez pas proposé ce que j’ai employé par hasard ? Ou envisagé un désinfectant qui pourrait venir à bout de ces bactéries non identifiées ?.. » Ce qui comptait bien plus pour moi, c’était qu’elle m’avait pris dès le début au sérieux, même sans me guérir. Rationnellement, il m’apparaissait impossible que cette prise au sérieux ait joué un rôle. Mais je ne pouvais m’empêcher de penser : « Qui sait ?.. » Je suis incapable de me comprendre dans cette pensée qui persiste envers et contre tout raisonnement !

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