Mieux écouter les patients pour améliorer notre système de santé ?

Je pense que la majorité des professionnels de la santé répondrait que cela n’est pas nécessaire, que le système actuel fonctionne bien. Il est vrai que la volonté de servir le patient est dans la nature même de leur travail. Pourtant, chacun d’entre nous a fait l’expérience, lors d’une visite chez le médecin ou à l’hôpital, que quelque chose aurait pu être fait différemment, parfois ce sont des détails, parfois non.

L’expérience du patient

On appelle cela l’expérience utilisateur. L’idée est simple, écouter les utilisateurs d’un système pour l’améliorer. Même si cela semble logique, on peut juger cette approche comme peu utile. Le principal argument pourrait être que si les patients ont quelque chose à dire, ils seront écoutés. Mon sentiment est qu’il faut aller plus loin, passer d’une approche passive à une intégration active des patients. L’idée est de reconnaître le savoir du patient, issu du vécu de sa maladie, comme complémentaire à celui des professionnels de la santé.

Les patients partenaires

Un chemin pour mieux intégrer le savoir expérientiel des patients est celui des patients partenaires, c’est-à-dire des patients qui ont un rôle reconnu. L’objectif est que leurs observations permettent d’améliorer les prises en charge médicale mais aussi que leurs avis soient pris en compte pour la recherche voire même pour l’organisation des hôpitaux.

Une politique d’intégration des patients ?

Même si cela peut paraître surprenant, peu d’hôpitaux ont une politique d’intégration des patients. En Suisse romande, les hôpitaux universitaires font mentir cette déclaration puisque tant les HUG que le CHUV développent des programmes de patients partenaires.

Aux hôpitaux universitaires de Genève, le projet « Patients partenaires » a été un axe majeur du plan stratégique 2015-2020. Un article publié dans le magazine Pulsations permet de découvrir l’ampleur de ce projet : en octobre 2020, la plateforme Patients partenaires comptait quelque 600 patients et proches recrutés, 170 créations de partenariats et 950 implications de non-soignants dans divers projets institutionnels. Cet article cite une récente enquête européenne réalisée parmi 8’000 patients où l’on découvre que 70 à 90% des personnes interrogées aspirent à davantage d’implication dans les décisions médicales. Contre environ 50% dans les années 2000. Oui, les mentalités des patients évoluent…

Le Prof. Thomas Agoritsas, qui enseigne le partenariat patient aux HUG, reconnait que les études scientifiques démontrant les bénéfices du partenariat ne sont pas encore nombreuses : « on sait que le partenariat patient génère davantage de satisfaction et moins de regrets. Globalement, il produit une meilleure qualité des soins. Mais ce n’est pas une recette de cuisine. Sa réussite dépend des situations, des professionnels et des patients qui le pratiquent ».

Le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) développe également des projets de patients-partenaires, à l’image de celui créé au sein du centre cérébrovasculaire du service de neurologie. Les cours d’éducation thérapeutique proposés aux patients victimes d’un accident vasculaire cérébral et à leurs proches font intervenir des professionnels de la santé mais aussi des patients. La volonté des infirmières responsables de ce programme est d’intégrer les patients et leurs proches dans l’élaboration et la pratique des interventions.

Autre élément intéressant, les patients participeront dès cette année la journée mondiale de l’AVC. Des patients seront présents sur les stands d’informations, ils interviendront aussi aux conférences données dans le cadre de cette journée.

Pour les patients ? 

Pendant longtemps, le monde médical a pensé bien faire en travaillant « pour les patients ». Même s’il ne faut pas penser que cette approche est la solution à tous les maux du système de santé, la médecine de ce 21ème siècle implique de ne de ne plus travailler pour les patients mais avec eux.

 

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Vers une médecine plus efficace grâce aux patients ?

« Au Canada, l’hôpital à l’écoute des patients pour améliorer les soins ». Ce titre d’un article publié récemment sur le site Pourquoidocteur.fr a attiré mon attention.

On peut y lire : « D’après une nouvelle étude menée au Canada, demander aux patients de rapporter leur expérience dans les hôpitaux pourrait grandement aider à améliorer la qualité des soins ».

Cet article fait référence à une recherche publiée dans le Canadian Journal of Cardiology où des patients opérés du cœur ont été interviewés,  l’objectif était d’améliorer la qualité des soins en tenant compte de leurs besoins.

Avait-on vraiment besoin d’une étude pour arriver à cette conclusion ?

Je pense que non. Cette étude est cependant intéressante pour deux raisons en tout cas. La première est bien sûr que d’être convaincu d’une croyance est bien, en avoir la conformation dans une étude est mieux. La deuxième raison est de découvrir qu’il existe dans cet hôpital de l’Alberta une réelle conscience de la valeur de l’avis des patients.

Même si je pense que la grande majorité d’entre nous est d’accord pour dire que l’expérience patient est essentielle pour améliorer notre système de santé, force est de constater que peu de choses sont mises en place pour recueillir l’avis des patients dans notre pays.

Vers une co-construction

L’objectif n’est pas simplement de demander aux patients de remplir un questionnaire de satisfaction lors de leur sortie de l’hôpital, mais de mettre en place un système qui permette une réelle implication des patients.

Des chercheurs de l’Université de Toronto ont analysé toutes les études publiées sur le lien entre l’intégration des patients et l’amélioration de la qualité des soins. Ils ont identifié quarante-huit études sur ce sujet. Leurs conclusions ? Le niveau d’engagement influe sur les résultats : un engagement faible (un simple questionnaire donné aux patients) a un faible impact, les engagements plus importants (co-conception, partenariat) peuvent eux aboutir à des modifications importantes du système de santé.

Des initiatives existent

Même si elles sont encore rares, des initiatives existent : les Hôpitaux universitaires de Genève ont lancé un programme « Patients partenaires » avec l’objectif justement d’améliorer la qualité des soins. On peut lire sur le site des HUG « cette évolution implique un repositionnement des rôles : le patient sait mieux que personne quels sont ses symptômes et comment il les vit. Son regard sur l’hôpital et ses prestations est celui du client. On ne peut le soigner et progresser qu’avec lui. Le professionnel, de son côté, ne décide plus tout seul, mais cherche davantage à collaborer avec le patient ».

Une belle initiative qu’il faudra suivre pour en mesurer les réelles conséquences.

Un changement culturel

Notre système de santé fait face à un certain nombre de défis auquel il faudra répondre par des changements multiples, humains, technologiques et organisationnels. Ces changements ne seront utiles que s’ils intègrent les besoins et les attentes des patients. Il ne faut plus faire « pour les patients » mais avec eux. Cela nécessite un profond changement au sein de notre système de santé.

 

A lire aussi sur ce sujet :

  • Sur ce blog : Le médecin décide, le patient obéit, sur la relation médecin patient et plus particulièrement sur la nécessité d’évoluer vers une relation de partenariat.
  • Sur le site de la Revue médicale suisse : Patients : sujets avant d’être partenaires, écrit par Béatrice Schaad, Céline Bourquin, Francesco Panese et Friedrich Stiefel. On peut y lire : les patients, leurs proches comme les professionnels de la santé souffrent d’un processus de dé-subjectivisation alimenté par la place grandissante des technologies et la standardisation des prises en charge. Ils éprouvent d’abord le besoin d’être reconnus comme des sujets avant de pouvoir envisager de devenir des partenaires. Un éclairage essentiel.
  • Sur le site du Figaro santé, Vers une médecine plus efficace grâce aux patients. A lire absolument. En espérant que son auteur me pardonne d’avoir copié le titre de son article.

 

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