… la semaine écoulée a vu la publication d’une importante étude sur la santé des abeilles. Résultant de travaux récents de la nouvelle équipe de chercheurs de l’Université de Berne, elle démontre pour la première fois un effet délétère de deux pesticides du groupe des néonicotinoïdes sur la fertilité des reines d’abeilles. Cela faisait bien longtemps que des résultats aussi importants n’avaient pas été produits par un groupe helvétique…
En effet, au milieu des années 1990, l’apiculture et la recherche apicole ont souffert d’un terrible épisode de désamour de la part de nos autorités. Ceci s’est traduit, non seulement par la suppression des statistiques fédérales (cf dans ce blog l’article: et si les abeilles nous étaient comptées), mais surtout par de sévères restrictions budgétaires dans le domaine de la recherche. Alors que les chercheurs helvétiques s’étaient illustrés par leur compétence et des résultats reconnus de manière unanime au plan international durant l’ensemble du 20ème siècle, la recherche fédérale (installée à Liebefeld dans les Stations de recherche agronomique et aujourd’hui rattachée à l’Agroscope), s’est réduite comme peau de chagrin et a même failli disparaître.
Suite aux pertes d’abeilles de ces dernières décades et grâce à l’insistance des apiculteurs, du soutien de quelques députés et d’institutions privées, les abeilles bénéficient à nouveau de l’intérêt des autorités. La tendance s’est également inversée dans le domaine de la recherche avec la création d’une chaire dédiée à la santé des abeilles à l’Université de Berne.
Comme il est plus facile de détruire que de construire, les résultats “miracle” sont lents à survenir. Certains apiculteurs impatients s’en sont émus, comme ce lecteur de la revue suisse-alémanique “Bienenzeitung” qui interpellait les chercheurs et leur demandait ce qu’ils faisaient de leur temps et de l’argent mis à leur disposition. Ces derniers, assez discrets au plan suisse, ont par la suite répondu et exposé leurs projets et stratégies de recherche et leur implication dans divers projets internationaux.
Il n’est pas anodin de relever que les conséquences des décisions des années 1990 ont non seulement affecté la recherche, mais également la formation de la génération suivante. Ainsi, la nouvelle équipe provient essentiellement de l’étranger. De plus, ces spécialistes n’ont pas été formés dans le domaine des abeilles, mais dans celui des fourmis, insectes sociaux de la même famille que les abeilles (Hyménoptères) avec lesquels ils partagent de nombreux points communs. On mesure ainsi le temps et le potentiel gaspillé par ces décisions peu éclairées.
Pour revenir aux résultats des chercheurs bernois, l’étude qu’ils présentent aura sans doute un retentissement énorme et des conséquences irréversibles dans le domaine de l’évaluation de la toxicité des néonicotinoïdes. Elle démontre avec élégance et simplicité que des colonies d’abeilles soumises à des taux de pesticides usuellement rencontrés dans des zones agricoles produisent de jeunes reines dont le potentiel reproducteur est déficient. Si ces reines ne semblent pas être affectées dans leur comportement et effectuent avec succès leurs vols nuptiaux, elles semblent en revanche souffrir de problèmes physiologiques au niveau de leurs organes reproducteurs. En conséquence, elles seront à risque d’être rapidement remplacées, exposant ainsi leur colonie à être privée de reine valide durant une période prolongée, rendant ainsi cette dernière particulièrement vulnérable.
Ces résultats posent de nouvelles questions et ouvrent de nouveaux champs de rechercher. En effet, on savait que les néonicotinoïdes peuvent affecter le système nerveux et les capacités d’orientation des abeilles, les résultats des chercheurs bernois identifient d’autres fonctions essentielles de la biologie des reines. Nul doute qu’ils initieront de nouveaux travaux de rechercher.
Il convient également de signaler le rôle important joué par les scientifiques bernois qui pilotent le projet COLOSS (pour COLonies LOSSes), un projet de recherche international sur les pertes de colonies d’abeilles dans le monde. Ce projet s’est récemment illustré par une publication de plusieurs centaines de pages intitulée the BEEBOOK. Cet ouvrage en deux volumes a pour objectif de faire la synthèse des méthodes en recherche apicole et de clarifier les bonnes pratiques dans ce domaine. Un référence inéluctable dont la nouvelle publication a clairement bénéficié.
Liens et références:
COLOSS: http://www.coloss.org/
BEEBOOK: http://www.coloss.org/beebook