… verte panique chez les libéraux …

Aurais-tu perdu la raison? ne cesse de me susurrer la petite voix qui me tient lieu tout à la fois de conseillère prudentielle, d’assistante personnelle et d’agence en communication. T’attaquer à Poncet! Le Poncet! Ce grand maître de l’éloquence, de la rhétorique et de l’ironie? Toi qui es incapable d’articuler deux phrases en public sans chercher tes mots (ni les trouver d’ailleurs), sans les ponctuer de “euh!” et de raclements de gorge embarrassés? Quelle mouche t’a donc piqué? Une abeille sauvage? un faux-bourdon? Il va t’écraser comme un misérable vermisseau, le Poucet, toi qui n’es rien. C’est un suicide médiatique!

Mais non, vas-y, courage, n’aie pas peur, me murmure et m’encourage l’aiguillon de la témérité et de l’inconscience. Ta “petite voix” n’est qu’une mijaurée, une défaitiste!  Elle n’a jamais cru en toi. Allons, tu as gagné perfide! Je me lance, c’est trop tentant, j’en ai trop envie, même si je sais que tes conseils de diablesse ne m’ont jamais rien valu de bon.

Hier au soir, 29 avril 2019, le célèbre avocat genevois était, fort opportunément vous en conviendrez, en interview dans l’émission Forums de la RTS, invité à s’exprimer sur la vague verte, le tsunami, qui s’abat sur son cher parti libéral-radical (à réécouter en podcast interview de Charles Poncet). Que vous m’avez déçu mon cher Carlo ! Vous ne m’en voudrez pas j’espère, que je m’autorise cette familiarité. Cela crée une forme d’intimité et me donne le sentiment d’appartenir un peu à votre monde. Car même si vous ne me connaissez pas, vous appartenez un peu à mon monde à moi. Avec vos amis, Jacques-Simon Eggly, CriCri Luscher, le bellâtre Bonnant et heureusement le camarade Jean Ziegler pour faire contrepoids et contre-balancer vos ardeurs, vos audaces et vos excès, oui vous faites un peu partie de mon monde, vous qui depuis plusieurs décennies nous rappelez que les ténors de la politique et du génie libéral se retrouvent au bout du lac.

Et pourtant, pour la première fois, vous m’avez déçu. Pas la moindre perfidie, pas un sarcasme, aucune cruelle saillie, pas la moindre pointe d’ironie, ni même d’humour tout simplement. Seriez-vous souffrant? Je suis inquiet. Pire même, on vous a entendu encenser les sociaux-démocrates ! Croyez-moi, l’autre CriCri a frôlé la syncope. Je vais l’appeler d’ailleurs pour prendre de ses nouvelles et je crains le pire pour Jean Z. Peut-être est-ce une nouvelle stratégie? Est-ce ainsi que vous comptez désormais combattre vos adversaires?

Je suis un peu rassuré toutefois par la clarté de votre message, quoi qu’inquiet que vous ayez dû le répéter mot pour mot par trois fois. Vous répéter ainsi, comme un régent d’école primaire! Ce message se résume en trois points (corrigez-moi si j’en oublie): “Si, et je dis bien “si” (car tout le monde n’est pas de cet avis), si, dis-je donc, les questions environnementales sont un problème, ce n’est pas avec des taxes que nous les résoudrons, mais par des solutions technologiques”. Quelle pensée limpide! quelle clarté dans l’expression! Et ce “si”, ce “si” qui suggère, insuffle le doute : là je retrouve enfin un peu votre verve. Ah les taxes! Ces taxes liberticides! Comme je vous comprends! Et comme je partage avec vous la profonde conviction que l’idée même de taxe ne peut éclore que dans des esprits (mais peut-on parler d’esprits?) dénués de toute imagination! Et que j’approuve votre foi inébranlable dans la technologie! Des insectes ravagent nos cultures? Inventons l’insecticide! Les insecticides se déposent dans nos aliments? Qu’à cela ne tienne: inventons la machine à détoxifier les aliments. Tiens quelle bonne idée! Je suis convaincu que personne n’y a encore songé. De nouveaux marchés vont s’ouvrir. Des brevets à rédiger, à défendre, de beaux procès en perspective. CriCri, tu me suis? On va pouvoir engager de nouvelles stagiaires… engager? que dis-je? inviter à se former. C’est cela l’économie libérale. Et puis dans 30 ans, nous serons toujours là, prêts à défendre nos partenaires contre les attaques insidieuses de prétendues victimes de ces technologies désormais dépassées depuis longtemps. Quelle magistrale leçon de libéralisme! Tu me suis toujours, CriCri?

Et pourtant je ressens un malaise, comme une inquiétude. Car, non, tu n’étais pas dans ton assiette, Carlo (tu ne m’en voudras pas de passer au tutoiement, je ressens si fort ta détresse). Comment cette Petra a-t-elle osé? demander à tout un chacun son opinion? et laisser (volontairement sans doute) fuiter les résultats… Comment est-ce possible? Je te l’avais bien dit CriCri. Jamais nous n’avions dû confier les rennes du parti à cette Petra. Un coeur d’artichaut! Une féministe probablement! Une incapable, sans nul doute. D’ailleurs, aucune autorité! On l’a bien vu avec Maudet… Te rends-tu compte du désastre CriCri?

Oh oui, Carlo! Je l’entrevois aussi et comme je le partage ton cauchemar éveillé, te retrouvant comme Jonas dans le ventre de la baleine, gobé par les verts libéraux d’Isabelle Chevalley. Je t’entrevois aussi, comme aux carrousels, entraîné dans une folle sarabande avec la dissidente Isabelle, tous deux accrochés aux pales d’une éolienne… Puis, pourquoi pas absorbés par les Verts eux-mêmes? Je t’imagine, pauvre Carlo, invité par une journaliste narquoise pour défendre les idées de ton nouveau parti sur les ondes de la RTS. Et les titres des manchettes, et les commentaires du lendemain: “C’est avec son brio légendaire que Me Poncet a défendu la t axe carbone! Quelle remise en question! Quel chemin parcouru par cet homme de convictions”. Oui la politique peut être cruelle parfois…

Mais tu ne m’as toujours pas répondu, Carlo. Etais-tu souffrant? Un coup de chaud? Un peu de température? Cela n’a l’air de rien, mais un ou deux degrés et on ne se sent plus le même, on perd ses moyens, on a des sueurs froides, des tremblements, des crises de panique parfois. Un ou deux degrés, une jeune suédoise portant couettes tressées suffiraient-t-ils à terrasser le vieux lion?