Envoyer une copie des rapports aux patients ?

Lorsqu’un médecin envoie un courrier à un autre médecin, le patient n’est que rarement mis en copie. Est-ce normal ?

Une information importante doit être transmise par écrit

Même si leur nombre augmente, les professionnels qui envoient une copie de leurs courriers aux patients restent minoritaires. Cette pratique, quasi inexistante il y a quelques années, se développe lentement, elle ne constitue pourtant, et de loin, pas la règle.

Les raisons sont multiples. La première est probablement que les professionnels considèrent ces courriers comme une transmission d’information entre eux, qui ne regarde donc pas directement le patient. Même si on peut bien sûr comprendre cette position, elle relève probablement d’un certain paternalisme médical. La deuxième raison est la crainte que le patient ne puisse pas comprendre le contenu de ces courriers. Cet argument doit être entendu, il n’est pas à la portée de tous d’interpréter le contenu des rapports médicaux, souvent truffés de termes techniques difficiles à comprendre. Je pense moi que la majorité des patients peuvent comprendre l’essentiel des courriers qui les concernent.

Il est aussi vrai que le rapport du spécialiste est souvent présenté au patient par le généraliste lors de leur prochaine rencontre, mais malgré l’interaction que permet le mode oral de délivrance de l’information, il n’est pas optimal : des études indiquent qu’entre 40 et 80 % de l’information délivrée par le personnel médical oralement est immédiatement oubliée par le patient et que près de la moitié de l’information retenue est incorrecte. Une information importante doit donc à mon avis être transmise au patient par écrit.

Donner au patient la place qui est la sienne

Les recherches montrent en tout cas que cette pratique augmente la satisfaction des patients. Elle a aussi d’autres avantages, notamment de parfois corriger des erreurs :

 « Je ne prends plus la Pravastatin comme indiqué mais de la Simvastatin ». Ou encore : « Il manque deux médicaments dans la liste de mon traitement… ».

Le plus important est probablement ailleurs, c’est simplement de donner au patient la place qui est la sienne, de l’intégrer pleinement dans la prise en charge de sa santé.

« Après une consultation, lorsque on arrive à la maison, on a déjà presque tout oublié de ce que le médecin nous a dit. Recevoir une lettre permet de mieux comprendre sa maladie et savoir ce qui peut être fait pour aller mieux ».

Puisque les rapports ne sont que rarement envoyés aux patients, j’ai personnellement pris l’habitude, lorsque je reçois le rapport d’un spécialiste, de l’envoyer par courriel à mon patient. J’ajoute souvent un commentaire pour qu’il comprenne les conclusions et propositions du spécialiste, tout en prenant soin de lui dire que je suis à sa disposition s’il a encore des questions. Cette façon de faire nécessite du temps, j’espère qu’il se justifie pour le patient par une meilleure compréhension de sa situation médicale. Cette pratique permet parfois d’éviter une consultation qui n’aurait servi qu’à transmettre les conclusions du spécialiste, dans ce sens, elle permet un gain de temps et d’argent.

Aller encore plus loin ?

Il serait pourtant possible d’aller plus loin encore, c’est-à-dire d’écrire au patient, le médecin n’étant qu’en copie du courrier. Le contenu ne serait peut-être pas très différent, il devrait bien sûr être rédigé dans un langage que le destinataire puisse comprendre, il aurait cependant l’avantage de placer le patient au centre de sa prise en charge. De telles initiatives existent déjà, j’avais dans un ancien article de ce blog déjà parlé d’un projet anglais allant dans cette direction.

Former les professionnels de la santé

Je suis convaincu qu’il faut mieux intégrer les patients dans leur prise en charge médicale. Leur envoyer une copie de leurs documents médicaux est un moyen d’aller dans cette direction. Ne devrait-on pas enseigner cette pratique aux professionnels de la santé durant leur formation ? Je pense qu’actuellement ce sujet n’est jamais abordé.

 

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La médecine fondée sur la personne

Doit-on changer de paradigme pour passer d’une médecine basée sur la science à une médecine basée sur la personne ? C’est en tout cas la thèse du Prof. Gérad Reach, endocrinologue à l’Université Paris 13, dans un discours1 tenu devant le Comité d’Éthique de l’Académie nationale de Médecine.

Une crise de la médecine

Pour le Prof. Reach, la médecine est en crise. Du côté des patients, il évoque le problème de la non observance, c’est-à-dire le fait que les patients ne suivent pas les prescriptions de leurs médecins, médicaments ou autres.  Il voit aussi un problème du côté des professionnels de la santé qui eux ne suivent pas les recommandations officielles de prise en charge pour leur patients, les recommandations basées sur la science. Cette résistance des soignants porte le nom d’inertie clinique. Cette crise touche donc tout le système de santé car ni les patients, ni les médecins ne suivent ce qu’on leur demande de faire : tout le monde désobéit, tout le monde se distancie des recommandations.

La médecine scientifique

L’un des visages de cette médecine scientifique est l’Evidence-based Medicine (EBM), la médecine factuelle. Formulé de façon très simplifiée, son idée est de baser les décisions médicales non pas sur des croyances ou de simples avis d’experts mais sur les résultats d’études scientifiques. L’EBM a eu dès son origine une double ambition, la première étant de produire des connaissances, la seconde des recommandations.

Le Prof. Reach souligne que « les pères fondateurs de l’EBM insistaient sur le fait que la décision clinique devait reposer sur une triangulation : non seulement sur les faits scientifiques (« l’evidence »), mais aussi sur l’expérience clinique du praticien et les souhaits du patient. La décision médicale doit à la fois reposer sur les meilleures données de la science, et être individualisées. Le Prof. Reach d’ajouter « on peut néanmoins se demander si la deuxième exigence n’a pas été quelque peu oubliée ».

Un nouveau paradigme

Pour le Prof. Reach, « ce nouveau paradigme serait une médecine fondée sur la personne prenant en compte la complexité de la pensée des patients et des médecins ; il se traduit par l’élaboration d’un nouveau type de recommandations, non-algorithmique, et il a des implications profondes pour l’enseignement et la pratique de la médecine ».

Je trouve personnellement qu’il faut aller plus loin encore, cette complexité n’est pas uniquement celle de la pensée des patients et des médecins, elle est aussi celle de leurs réalités. On ne soigne pas deux individus qui souffrent de la même maladie de façon identique, simplement car chacun d’eux est unique, avec ses besoins et ses croyances. Le Dr William Osler, le disait déjà au 19ème siècle : « ne demandez pas quelle maladie la personne a, mais plutôt quelle personne a la maladie ».

Un certain malaise 

A mon avis, les deux problèmes relevés par le prof. Reach sont justes mais ils reflètent une crise plus profonde, une crise du sens. Les patients ne suivent pas les traitements prescrits parce qu’ils ne sont pas convaincus de l’utilité de ces traitements pour eux, ils les jugent possiblement utiles à d’autres mais pas à eux (par exemple une balance effets positifs / effets secondaires négative).  Le chemin suivi par les professionnels est proche, ils estiment que les recommandations sont fondées mais qu’elles ne s’appliquent souvent pas au patient particulier qu’ils ont en face d’eux.

Les soignants et les soignés s’écartent donc souvent des recommandations pour de bonnes raisons, simplement parce que ces recommandations ne tiennent pas compte de leur individualité, de leurs particularités. Ils ont raison mais risquent tout de même de ressentir un certain malaise de n’avoir pas suivi « ce qui était recommandé ».

Une médecine non algorithmique

A l’heure du développement du digital, il est sûrement utile de se souvenir de la complexité de l’humain. Les recommandations ne doivent donc pas être vues comme « vous devez faire » mais plutôt comme « vous devez savoir que ». Puis, comme le dit le Prof. Reach, « on apprend à s’en dégager : on devient expert ». Un dégagement qui permet aux professionnels de la santé mais aussi aux patients d’adapter les recommandations de la science à leurs particularités.

La médecine fondée sur la personne

Il ne s’agit donc pas d’opposer science et individualité mais plutôt d’encourager soignants et soignés à définir les meilleurs soins en s’inspirant de ces deux mondes. La médecine basée sur la personne devrait cependant être plus que cela, notamment en intégrant mieux les patients dans les choix relatifs à leur santé. Dans ce domaine, les opportunités sont nombreuses, la plupart des patients sont prêts, les professionnels de la santé doivent répondre à leurs attentes.

 

  1. Simplicité et complexité en médecine. Gérard Reach. Bull. Acad. Natle Méd., séance du 6 février 2018 Version pre-print mise en ligne le 8/02/2018

 

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La médecine centrée sur le patient : vos réponses. J’ai essayé dans et article de définir ce qu’est la médecine centrée sur le patient.

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Santé numérique : et si la vraie révolution était celle des patients ? Pas uniquement mais le digital doit permettre de rapprocher soignant et soigné.

 

Aurez-vous bientôt accès à votre dossier médical ?

Souhaiteriez-vous pouvoir accéder à votre dossier médical, pouvoir consulter les courriers des spécialistes consultés, prendre connaissance des rapports de vos radiographies, comprendre vos résultats de laboratoire, bref accéder à vos données médicales ? Cela paraitrait pour le moins normal.

Le dossier électronique du patient (DEP) est attendu pour ce printemps. Répondra-t-il à vos attentes ?

Les buts du dossier électronique du patient

Dans un article publié sur ce blog en janvier 2016 (il y a 5 ans déjà…), j’écrivais :

« Les citoyens devraient pouvoir accéder à leur dossier médical. En premier lieu car ce sont leurs données, mais surtout parce qu’elles leur permettraient de mieux prendre en charge leur santé ».

Et plus loin dans cet article:

 « La médecine doit évoluer vers un modèle de partenariat entre le médecin et le patient. La première étape de cette indispensable collaboration est de permettre au patient d’accéder à ses données médicales ».

Le concept du dossier électronique est en réalité double, nous permettre bien sûr d’accéder en ligne à l’ensemble de nos données médicales, mais aussi de faciliter leur partage avec les différents professionnels qui nous soignent.

 Le DEP, pour être mieux soigné ?

Même si l’on ne peut qu’être d’accord avec les objectifs du DEP, j’écrivais dans un autre article publié en janvier 2020 (« Dossier électronique du patient : serez-vous mieux soigné ? ») mes craintes quant à sa capacité à être vraiment utile. Rappelons que le but n’est pas de construire un dispositif technologique mais bien de créer un outil qui permette aux citoyens de ce pays d’être mieux soignés. Il n’est à mon avis actuellement pas possible d’affirmer que le DEP permettra une meilleure prise en charge des patients.

Le coup de poker du parlement

Jusqu’à présent, le DEP avait un caractère doublement facultatif : le citoyen n’était pas obligé d’ouvrir un dossier et les professionnels de la santé du domaine ambulatoire n’étaient pas obligés d’y déverser les données de leurs patients.

La commission de la sécurité sociale et de la santé publique du conseil des Etats a en date du 22 février dernier publié un rapport sur une motion intitulée « Un dossier électronique du patient pour tous les professionnels de la santé impliqués dans le processus de traitement ». On peut y lire :

« La motion charge le Conseil fédéral d’élaborer les bases légales obligeant tous les fournisseurs de prestations et professionnels de la santé à s’affilier à une communauté ou une communauté de référence certifiées selon l’article 11 lettre a, de la loi fédérale du 19 juin 2015 sur le dossier électronique du patient ».

On peut bien sûr d’un côté se réjouir de cette obligation. Comme les professionnels de la santé du domaine ambulatoire prodiguent l’essentiel des soins, leur participation est synonyme de dossiers plus complets. Mais c’est un coup de poker car de nombreux professionnels ne sont pas équipés d’un dossier électronique, et ceux qui le sont n’ont pas forcément une solution compatible avec le DEP. Il faut éviter de surcharger les soignants avec des tâches administratives, ils doivent garder du temps pour soigner leurs patients. Il existe avec cette motion un risque réel de voir les professionnels de la santé s’opposer au DEP. J’espère me tromper mais je pense que cette motion, qui part d’une bonne intention, est ce que l’on pourrait appeler une “fausse bonne idée”.

Santé : quelle stratégie numérique ?

Permettre aux patients d’accéder à leurs données médicales et faciliter l’échange de ces données entre les professionnels est une nécessité absolue. J’ai cependant de nombreux regrets par rapport à la solution retenue. Le premier est celui de la voie suivie pour donner accès aux données médicales. Le DEP est ce que l’on appelle un dossier secondaire, chaque professionnel y déverse les données de son propre dossier, les informations n’y seront ni structurées ni valorisées. Certains parlent un peu sévèrement d’une « poubelle à PDF ». Bref beaucoup d’énergie et d’argent pour un projet dont on ne connait pas encore l’utilité.

Au-delà de cet aspect, un point me dérange encore plus, c’est celui de la place prise par le DEP. On résume actuellement la santé digitale à ce projet alors qu’il n’en constitue qu’un seul élément. La preuve avec le document « Stratégie Cybersanté Suisse 2.0 2018-2022 » qui ne parle que du DEP. Pour la Confédération et les cantons, la cybersanté se limite au DEP ? C’est grave. Les citoyens de ce pays n’ont-ils pas droit pour leur santé à une stratégie numérique plus ambitieuse ?

 

La mesure de la tension artérielle va vivre dans le monde une révolution, grâce à des sociétés suisses

Vous mesurez encore votre tension avec un tensiomètre au bras ou au poignet ? Vous pourrez bientôt le faire avec un bracelet ou, mieux encore, simplement avec votre smartphone.

9 millions de morts par an

L’hypertension artérielle est un tueur silencieux. L’Organisation Mondiale de la Santé estime que cette affection tue plus de 9 millions de personnes par an. Silencieux car un grand nombre de malades souffrent d’hypertension sans le savoir, cette affection ne provoquant souvent aucun symptôme. Même lorsqu’elle est diagnostiquée, l’hypertension n’est pas toujours bien contrôlée, avec comme conséquence de nombreux incidents cardiovasculaires, des infarctus du myocarde ou des accidents vasculaires cérébraux notamment.

Une révolution 

La mesure de la tension artérielle était par le passé réservée aux professionnels de la santé, la baisse des prix des tensiomètres a permis à de nombreux hypertendus de mesurer eux-mêmes leurs valeurs. Même si cette évolution a permis d’obtenir des mesures plus exactes et plus nombreuses, obtenir des valeurs qui représentent vraiment la tension artérielle du patient reste un défi. La mesure de la tension artérielle est en train de vivre une révolution, ou plus exactement deux, grâce à deux sociétés suisses.

Aktiia

La société suisse Aktiia a obtenu la certification européenne CE « dispositif médical de classe IIa » pour son système de surveillance en continu de la pression sanguine. Il est donc désormais possible de suivre sa tension artérielle de façon continue, de jour comme de nuit, grâce à un simple bracelet. Les données récoltées sont transmises à une application pour smartphone, le porteur peut alors les consulter ou les envoyer à son médecin.

Bien qu’Aktiia soit basée dans le canton de Neuchâtel, le dispositif est actuellement disponible en pré-commande mais uniquement en Grande-Bretagne.

Même s’il s’agit à l’évidence d’une innovation majeure, nous pouvons avoir des réserves sur trois éléments. Le premier, la taille des études: la recherche qui a comparé les mesures faites avec le dispositif d’Aktiia avec celles obtenues directement dans l’artère du patient, n’a inclue que 23 participants. Deuxième élément, les résultats obtenus par Aktiia sont précis dans de nombreuses situations, mais pas chez les plus de 65 ans. C’est ennuyeux pour une affection dont l’incidence augmente avec les années. Troisième élément, le prix. Le dispositif est vendu 199.99 livres anglaises (254 chf) avec un prix de lancement de 159.99 livres (160 chf). Il faut cependant ajouter à cette dépense un abonnement mensuel de 8.99 livres, donc environ 11 francs suisses à payer chaque mois.

Biospectal

Une autre société suisse travaille sur une solution plus simple encore, mesurer la tension artérielle en posant son doigt sur la caméra de votre smartphone, sans qu’un dispositif supplémentaire ne soit nécessaire. Biospectal a publié dans la revue Scientific reports by Nature une étude qui montre la précision de sa solution en comparaison aux mesures de tensions prises de façon traditionnelle, répondant ainsi aux exigences de la Food and Drug Administration, l’organisme américain de certification.

Soutenu par une grande organisation non gouvernementale mais aussi par le Fondation Bill & Melinda Gates, Biospectal poursuit actuellement ses recherches pour s’assurer de la précision de ses mesures dans différentes populations (femmes enceintes, différentes couleurs de peau, conditions extrêmes de certains pays tropicaux, etc.). Espérons que ces études viennent confirmer la précision de cette solution.

Biospectal, présent au dernier CES de Las Vegas, a présenté lors de cet évènement la version béta de son application. Une simple inscription sur le site de Biospectal permet de la tester, actuellement uniquement pour les smartphones sous Android.

Le soutien des ONG est naturellement lié à la philosophie de Biospectal, proposer une solution simple, ne nécessitant qu’un smartphone, un appareil beaucoup plus répandu que les tensiomètres, en particulier dans les pays à faibles revenus. La version finale, également disponible sous iOs, est attendu pour cette année encore.

Oui, une révolution.

 

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Votre médecin a-t-il un site Internet ?

Cette question peut de prime abord paraître étrange. Pourquoi un médecin aurait-il besoin d’un site Internet, on lui demande d’être compétent avec ses patients, pas d’être présent sur le web.

Les médecins qui ont un site Internet sont rares, le but de cet article est de vous dire pourquoi je le regrette.

L’idée de cet article m’est venue en raison de la collusion de deux éléments. Le premier est la création pour mon cabinet d’un nouveau site Internet. Le second est la réponse de l’un de mes collègues lors d’une réunion consacrée à imaginer le centre médical de demain. Alors que je défendais justement l’idée que les médecins devaient être plus actifs sur le web, il m’a répondu qu’il n’avait pas besoin d’un site internet, qu’il ne cherchait pas de nouveaux patients. Attention, il ne s’agit pas d’un médecin grincheux travaillant au fond d’une vallée perdue, il s’agit d’une personne compétente, ouverte et intelligente.

En entendant sa réponse, je me suis dit que l’on avait peut-être oublié de transmettre aux médecins, durant leur formation, l’importance de répondre aux attentes et besoins de leurs patients. Le but premier d’un site Internet d’un cabinet ou d’un centre médical n’est pas de servir les intérêts des professionnels de santé qui y travaillent, mais plutôt de leurs « clients », de leurs patients.

Les professionnels de la santé sont sensibilisés à l’importance de la communication dans le cadre de la consultation, moins en dehors de celle-ci. La vie des patients ne s’arrête pourtant pas au moment de leur face à face avec leur médecin, leurs besoins en informations non plus.

Donner comme exemple le site de mon cabinet est à l’évidence prétentieux. Je le fais car cela me permet de vous expliquer pourquoi je tiens à ce moyen d’information et de communication.

On trouve sur ce site une présentation générale du cabinet mais aussi des informations pratiques : numéro de téléphone, adresses mail et pour les nouveaux patients un plan d’accès. On y rappelle que nos patients peuvent prendre rendez-vous eux-mêmes par Internet par notre service de prise en rendez-vous en ligne, un service très apprécié dont j’ai parlé dans un autre article (Docteur, votre système est génial).

On trouve aussi sur notre site une page « Urgences » pour que nos patients sachent où et comment prendre rendez-vous si le cabinet est fermé ou qu’il s’agit d’une urgence nécessitant une intervention rapide. Nous avons aussi créé sur notre site une page « Sites Internet pour les patients » pour leur dire quels sites web utiliser pour trouver des informations santé de qualité.

Ce moyen de communication est particulièrement utile en ces temps troublés de pandémie. Nous l’utilisons pour informer au mieux nos patients. Les actualités présentes sur la page d’accueil ont comme objectif de répondre aux questions qu’ils se posent : « Coronavirus, souhaitez-vous vous faire vacciner ? », « Coronavirus, dois-je me faire dépister » et pour finir « Pandémie de coronavirus, où trouver des informations de qualité ? ».

Cette démarche, aussi modeste soit-elle, a comme objectif de mieux informer les patients, de les rendre le plus autonomes possible.

Le monde de la santé est probablement celui où l’on tient le moins compte de ce que l’on appelle « l’expérience utilisateur » pour faire évoluer la prise en charge des patients. Il y a là un énorme potentiel pour améliorer le système de santé, pour le bien des patients mais aussi pour celui des professionnels de la santé.

 

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L’ordonnance électronique (enfin)

Lordonnance électronique offre de très nombreux avantages, le premier étant de diminuer le risque derreurs au moment de la lecture de la prescription par le pharmacien. Mais ses bénéfices vont bien au-delà.

 Papier et électronique

Votre médecin pourra toujours imprimer une ordonnance papier à utiliser pour vous rendre dans votre pharmacie, mais il pourra aussi l’envoyer directement par voie électronique, soit à votre pharmacie, soit à une centrale de distribution qui vous enverra vos médicaments par poste dès le lendemain.

Un système sécurisé

Lordonnance électronique offre le même niveau de sécurité que les solutions bancaires, avec un système de double authentification. Le patient décide lui-même sil veut regrouper au même endroit les médicaments pris dans différentes pharmacies mais aussi à qui il donne accès à la liste de ses médicaments. Cela pourra être à son médecin généraliste, à son pharmacien, à d’éventuels spécialistes mais aussi par exemple aux infirmiers et infirmières à domicile.

Une liste à jour et un historique

Le principal avantage de cette solution est de permettre aux professionnels de santé mais aussi à chaque patient davoir en permanence la liste des médicaments à jour. Chaque patient peut aussi y ajouter la liste des traitements pris sans ordonnance, ce qui offre une vue de la totalité de son traitement. Un module dinteraction médicamenteuse signale si certains de vos médicaments sont incompatibles.  Lajout de vos allergies médicamenteuses permet aussi au système de vous signaler sil y a dans votre traitement un médicament que vous devriez éviter.

Ce moyen est aussi très utile pour les traitements renouvelables. Chaque patient peut voir sur son ordinateur ou sur son smartphone si ses médicaments sont renouvelables et si oui, jusqu’à quelle date. Il peut aussi par ce système demander au médecin prescripteur le renouvellement de son traitement dun simple clic.

Lordonnance électronique a aussi comme atout de donner accès aux médicaments prescrits par le passé, ce qui vous permettra de savoir si tel ou tel médicament vous a déjà été donné, même plusieurs années auparavant.

Les nouvelles fonctionnalités

Lordonnance électronique est aussi une solution dynamique qui, en se basant sur un système expert, fera des propositions. Elles seront principalement de deux ordres, soit économiques pour proposer un traitement équivalent mais moins cher, soit pour proposer larrêt de traitements qui pourraient ne plus être utiles, un arrêt qui devra évidemment être discuté et validé par le médecin.

Mieux informé, mieux soigné

Le dernier atout de ce système est de permettre au patient de voir lindication de chaque médicament, le premier est un médicament contre lhypertension, le deuxième un médicament pour le diabète, etc. Un simple clic sur le nom dun médicament permet de découvrir ses indications, ses effets secondaires mais aussi sa forme et sa couleur.

Vous êtes intéressé ?

Désolé pour ceux dentre vous qui se réjouissaient de pouvoir utiliser cette ordonnance électronique, elle nexiste pas (encore). Elle représente ce que je souhaiterais pouvoir utiliser pour tous mes patients, pour avoir une liste de médicaments à jour en permanence qui serait partagée avec tous les professionnels en charge de chacun d’eux. Un outil qui permettrait aussi de mieux intégrer le patient lui-même dans sa prise en charge médicale.

Votre avis

Même si je suis convaincu quun tel outil me serait utile pour soigner mes patients, jaimerais avoir votre avis. Si elle existait, seriez-vous intéressé par une telle solution ? Quels en seraient les atouts et les dangers Jaimerais surtout savoir, à lheure où lon vante les mérites de la santé numérique, pourquoi un tel outil nest pas encore disponible ?

 

Faut-il se faire vacciner, oui ou non ?

Deux questions : Que sait-on sur ce vaccin ? Devez-vous vous faire vacciner ?

Que sait-on ?

L’autorisation. L’institut suisse des produits pharmaceutiques SwissMedic a annoncé ce 19 décembre que le vaccin de Pfizer/BioNTech était désormais autorisé en Suisse. Les données disponibles font état d’une efficacité élevée, comparable dans tous les groupes d’âges étudiés. Il s’agit de la première autorisation mondiale de ce vaccin dans le cadre d’une procédure ordinaire et non urgente.

Combien de doses seront disponibles ? Les 100’000 premières doses seront livrées encore en décembre, Pfizer livrera ensuite 250’000 doses par mois à la Confédération.

Son nom. Ce vaccin à ARN messager dont le nom scientifique est BNT162b2 aura comme nom commercial Comirnaty.

Son efficacité. La protection vaccinale est supérieure à 90% sept jours après la seconde injection. Les résultats de la phase 3 ont été publiés le 10 décembre dans le New England Journal of Medicine (la phase 3 d’une étude représente une étape où le produit est testé chez un grand nombre d’individus, la moitié reçoit le vaccin, l’autre un placebo, sans que ni le patient, ni l’examinateur ne sachent qui a reçu quoi).

Son prix. La vaccination sera gratuite pour la population.

Qui pourra être vacciné ? La Commission fédérale pour les vaccinations et l’Office fédéral de la santé publique ont établi la liste des priorités :

  1. Les personnes vulnérables (hormis les femmes enceintes).
  2. Le personnel de santé en contact avec des patients et le personnel accompagnant les personnes vulnérables.
  3. Les contacts étroits (membres du ménage) des personnes vulnérables.
  4. Les personnes résidant dans une institution communautaire qui présente un risque d’infection et un potentiel de flambée (p. ex. institutions pour personnes handicapées) ainsi que le personnel.
  5. Tous les autres adultes qui voudraient se faire vacciner.

Le vaccin n’est pas recommandé pour les enfants de moins de 16 ans, les données d’efficacité pour cette tranche d’âge étant jugées insuffisantes. Pour les personnes ayant déjà été contaminées par le SARS-Cov-2, une vaccination sera probablement recommandée 3 mois après la maladie (puisque que l’on sait que la maladie offre une protection de 3 à 6 mois, voire plus).

Ses effets secondaires. Comme vous pourrez le lire dans un article d’Heidi.news publié ce 19 décembre, ce vaccin est globalement très bien toléré. Comme pour d’autres vaccins, les effets secondaires les plus fréquents sont de type inflammatoire, locaux (douleur et rougeur au point d’injection) ou généraux (fièvre, fatigue, maux de tête, courbatures, etc.). Leur durée est de 1 à 3 jours en moyenne.

La FDA, l’équivalent américain de Swissmedic, recommande de suivre la survenue de paralysies de Bell (une paralysie faciale qui dure plusieurs mois), certains cas ayant été relevés à une fréquence très faible (4 cas sur 18’000), ce qui ne permet pas de savoir s’ils sont liés ou non au vaccin. Comme un peut le lire dans cet article, le principal point de vigilance en matière de sécurité concerne le risque, rarissime mais attesté sur une poignée de personnes, de réaction allergiques sévère, de type choc anaphylactique.

Vous hésitez ?

Les vaccinations ont permis de contrôler des maladies qui étaient autrefois fréquentes en Suisse, comme le tétanos, la poliomyélite, la diphtérie, la coqueluche, la rougeole, la rubéole, les oreillons, l’hépatite B et certaines formes graves de méningites. Les vaccins représentent donc un des outils les plus puissants de la médecine préventive.

Même si je ne demande pas à tout le monde de croire à l’innocuité des vaccins, je suis tout de même surpris de la crainte qu’ils inspirent. J’ai personnellement plus d’interrogations pour les pesticides et autres perturbateurs endocriniens que pour les vaccins, qui en fait ne font que provoquer au sein de l’organisme la production d’anticorps, un mécanisme somme toute naturel. Certains peuvent bien sûr craindre les effets secondaires, ceux-ci sont en réalité rares.

 

La balance entre les bénéfices et les effets secondaires des vaccins peut être illustrée avec cette image assez forte : ne pas vacciner un enfant contre une malade potentiellement grave en raison de la crainte des effets secondaires, c’est comme de ne pas attacher un enfant dans une voiture de peur qu’il ne se blesse avec la ceinture de sécurité.

 

Malgré cela, il est juste de s’interroger sur la balance bénéfices / risques de ce vaccin contre le coronavirus : il a été développé très rapidement, avec une technologie nouvelle, pour une maladie qui est pour les plus jeunes souvent bénigne.

Le Dr Alessandro Diana, pédiatre et expert en vaccinologie, a publié avec des collègues un article passionnant sur la « vaccino-hésitation ». Cette publication ne porte pas sur la vaccination contre le coronavirus mais sur les vaccins en général. On y apprend que 70 personnes sur 100 acceptent la vaccination. Parmi les 30 autres, 28 personnes sont indécises et 2 sont convaincues de leur position anti-vaccinale. On y découvre les facteurs qui renforcent la vaccino-hésitation et quelques pistes pour y répondre. Pour le dire de façon simplifiée, on ne convainc pas avec des données factuelles (efficacité du vaccin, innocuité, etc.) mais plutôt au travers d’une écoute et d’un échange avec le patient.

J’ai demandé à quelques-uns de mes patients s’ils avaient l’intention de se faire vacciner. Les seniors répondent le plus souvent positivement. Ils souhaitent même pouvoir se faire vacciner dès que possible. Ils ont peur d’être contaminés, ils craignent les conséquences potentiellement graves de l’infection et aimeraient pouvoir revivre « normalement ». Chez les plus jeunes, la réponse est beaucoup plus nuancée.

Devez-vous vous faire vacciner ?

Vous seul pouvez répondre à cette question. Vous devez vous informer mais en utilisant des sources d’information fiables (attentions aux réseaux sociaux…). Si vous êtes âgé ou faites partie des personnes vulnérables, je pense que la réponse devrait être oui. Si vous êtes en contact avec des patients et des personnes vulnérables, la réponse est certainement oui aussi. Pour les femmes enceintes et les moins de 16 ans, non (en tout cas avec ce vaccin en raison des données disponibles actuellement). Pour les plus jeunes ? La maladie est le plus souvent bénigne mais certains pourraient souhaiter le vaccin pour éviter la forme longue de la maladie.

Au-delà de ces considérations, il existe certainement une raison qui justifie que nous soyons nombreux à nous faire vacciner : on en a tous marre de ce virus.

 

Pour en savoir plus

Consultez le site Infovac, la plateforme d’informations sur les vaccins, qui propose une page consacrée au COVID-19, très complète et actualisée en permanence.

 

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Dois-je me faire dépister ? Dois-je me placer en isolement ? Quels sont les traitements efficaces ? Disposera-t-on bientôt d’un vaccin ? Nous nous posons tous d’innombrables questions sur le coronavirus. Le but de cet article est de vous donner les noms de sites de qualité où vous devriez trouver les réponses aux questions que vous vous posez.

Les premiers sites sont destinés à tous, les derniers, souvent en anglais, sont plutôt destinés à ceux d’entre vous qui ont besoin d’informations plus pointues, je pense notamment aux professionnels de la santé.

Le site de l’OFSP

La première source d’information est la page Coronavirus du site de l’Office fédéral de la santé publique. Il faut un peu fouiller mais on y trouve de nombreuses informations : des chiffres sur la situation de la pandémie en Suisse, des informations sur les mesures à suivre pour se protéger mais aussi la procédure en cas de symptômes et d’éventuelle infection. C’est aussi sur cette page que vous verrez le numéro de téléphone de l’Infoline coronavirus : + 41 58 463 00 00, ouverte tous les jours de 6 à 23h.

L’OFSP propose aussi sur son site une page « maladie, symptômes, traitement » qui vous permettra de découvrir ce que l’on sait (et ce que l’on ne sait pas) sur ce nouveau coronavirus (transmission, symptômes, évolution, traitement).

L’OFSP propose aussi une page spécifique pour les professionnels de la santé.

Coronacheck

Créé en mars 2020, Coronacheck est le fruit de l’étroite collaboration des experts de la Policlinique de Médecine Tropicale, Voyages et Vaccinations et des ingénieurs de l’équipe Informatique d’Unisanté. L’objectif de cet outil disponible en ligne est de permettre à la population et aux professionnels de la santé de recevoir en quelques clics des recommandations sur l’attitude à suivre face une situation particulière. Dois-je me faire dépister ? Dois-je m’isoler ? Coronacheck vous donnera la réponse en une minute. Cet outil est particulièrement utile face à des recommandations de prise en charge qui évoluent sans cesse.

Sur les vaccins

Vous trouverez des informations très complètes sur le développement des vaccins contre le SARS-CoV-2 sur la plateforme d’informations sur les vaccins Infovac.

Les sites des cantons

Vous trouverez aussi des informations utiles sur le site de votre canton: BerneFribourgJuraNeuchâtelGenèveValais et Vaud.

Pour aller plus loin

Plusieurs sites donnent des informations sur la prise en charge de la COVID, des sources d’information qui intéresseront particulièrement les professionnels de la santé.

Pour ce qui est des sites suisses :

Au-delà de nos frontières :

La source d’information la plus intéressante est à mon avis le site UpToDate. Cette base de données américaine propose habituellement des contenus gratuits pour le grand public mais par abonnement aux professionnels de la santé. Les pages consacrées au COVID-19 sont exceptionnellement mises à disposition de tous en libre accès. Sur le site du British Medical Journal, la page « Coronavirus disease 2019 (COVID-19) » propose un contenu proche mais qui me parait moins complet. Troisième possibilité, la page COVID-19 du Centre for Evidence-Based Medicine d’Oxford.

Pour ce qui est de la prise en charge du coronavirus, les professionnels de la santé trouveront aussi des informations sur le site des Centers for Disease Control and Prevention ou en français sur le site de l’OMS ou sur celui du Gouvernement canadien.

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive. S’il manque une source d’information de qualité, merci de me le signaler.

Vous avez une question ?

Le Temps organise ce mardi 17 novembre de 14h à 15h un chat en ligne au cours duquel Valérie D’Acremont, infectiologue et cheffe du secteur santé numérique et globale à Unisanté, répondra à vos questions. Vous pouvez poster votre question sur la page consacrée à cet événement.

PS: Protégez-vous et protégez les autres.

 

Apple Watch, la santé du futur, dès à présent

Le titre de cet article est le slogan utilisé par Apple pour promouvoir la dernière version de sa montre et ses nombreuses applications santé. Apple annonce sur son site « qu’une nouvelle vie s’offre à vous, toujours plus saine, plus active et plus connectée ». Au-delà du slogan, l’Apple Watch a-t-elle réellement un impact positif sur la santé ?

Les promesses

On peut lire sur le site d’Apple le texte suivant : « mesurez votre taux d’oxygène dans le sang grâce à un capteur et à une app révolutionnaires. Faites un électrocardiogramme n’importe où, n’importe quand. Surveillez votre forme et vos statistiques d’un coup d’œil sur l’écran Retina toujours activé, encore amélioré. Avec l’Apple Watch Series 6, une nouvelle vie s’offre à vous. Toujours plus saine, plus active et plus connectée ».

Un article récemment publié dans l’Agefi permet de voir que le marketing de la marque à la pomme fonction bien. Son titre est déjà une perle : « Comment Apple réinvente l’innovation ». On peut y lire : « en effet, Apple Watch ne sert plus tellement à indiquer l’heure, elle est conçue pour le futur de notre santé. C’est maintenant clair que la santé va remplacer l’heure. On revient à l’essentiel : sauver des vies ! ».

Mesurer le taux d’oxygène

C’est la dernière fonctionnalité santé proposée par Apple. Premier élément, Apple précise sur son site que « les mesures de l’app Oxygène sanguin ne sont pas destinées à un usage médical ». Deuxième élément, on peut lire dans un communiqué de presse publié le 15 septembre qu’Apple « s’est associé à des chercheurs pour mener trois études de santé impliquant l’utilisation de l’Apple Watch pour voir comment les niveaux d’oxygène dans le sang pourraient être utilisés dans de futures applications de santé ». Ces études portent sur l’asthme, sur l’insuffisance cardiaque et sur la détection du COVID-19 ». Si les 2 premières études semblent pertinentes, la troisième relève de l’opportunisme.

Formulé autrement, on développe une mesure, ici en l’occurrence la détermination du taux d’oxygène sanguin, et ce n’est que dans un deuxième temps que l’on se demande à quoi cette mesure peut servir. Pour l’heure, nous n’avons donc aucune évidence que cela soit utile.

L’électrocardiogramme

Même si obtenir un électrocardiogramme avec une montre est une prouesse technologique, la seule question intéressante est de savoir si cela a un impact positif sur la santé des porteurs d’Apple Watch. J’ai déjà dans un autre article de ce blog démontré que la réponse est négative, les arythmies détectées par la montre étant le plus souvent de fausses alertes. Pour que l’app ECG soit utile, il faut qu’elle soit portée par des personnes de plus de 80 ans, un âge où les arythmies cardiaques sont plus fréquentes.

Le sommeil

Je n’ai pas connaissance d’études qui montrent que l’app sommeil ait un impact positif sur la qualité des nuits des porteurs de l’Apple Watch. Une recherche dans la base de données médicales PubMed avec le mot clé « Apple Watch » retrouve 153 publications mais aucune ne porte sur le sommeil. La plupart des spécialistes du sommeil déclarent que de vouloir mesurer et contrôler son sommeil aboutit souvent à une aggravation des troubles.

La forme

Est-ce qu’il suffit de mesurer ses performances physiques pour être en meilleure santé ? Mesurer ses pas est-il suffisamment motivant pour transformer les sédentaires en actifs ? Une revue systématique des études publiées sur ce sujet montre qu’il n’existe qu’un effet à court terme, mais pas au-delà de trois mois. Idem pour la perte de poids, il n’existe actuellement pas d’évidence pour un lien entre la mesure de son activité physique et la perte pondérale. 

Mesurer n’est pas suffisant

J’ai décidé d’écrire cet article pour expliquer que de mesurer une valeur sur votre corps, même grâce à un bel outil, ne signifie pas que cela ait un impact positif sur votre santé. Il est important de combattre l’idée que la technologie se suffit à elle-seule. Vous peser tous les jours, même sur une balance connectée, ne vous fera pas automatiquement perdre du poids.

L’Apple Watch est une belle montre, qui donne l’heure.

 

A lire aussi :

Sur ce blog :

Sur le Temps :

 

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Médecine : l’examen physique est-il encore utile?

Les soins à distance ont connu un développement impressionnant avec la pandémie de COVID-19. De nombreux professionnels de santé, qui jugeaient cette médecine comme de faible qualité, s’y sont mis, contraints et forcés. La plupart d’entre eux ont je pense, grâce à cette expérience, découvert qu’ils pouvaient prendre en charge leurs patients à distance avec efficacité.

Avec la téléconsultation, la principale crainte des professionnels est la perte de l’examen clinique, comment faire si l’on ne peut plus examiner le patient ? La question que l’on doit se poser est de savoir si, en 2020, l’examen physique est encore utile.

Des diagnostics sans examen physique ?

Mon impression est que la plupart des patients surestime l’utilité de l’examen clinique. Même si cela dépend bien sûr de la spécialité du médecin et du problème investigué, l’outil diagnostique le plus puissant reste l’anamnèse, c’est-à-dire les informations que le patient transmet au professionnel de la santé. Même si les patients en sont peu conscients, cette partie de l’évaluation médicale à une immense valeur et permet souvent à elle seule d’aboutir à un diagnostic. En 2020 de nombreux diagnostics sont aussi établis grâce à des examens complémentaires, analyses sanguines ou examens radiologiques par exemple, là aussi sans que le contact physique entre le médecin et le patient ne joue un rôle important.

Même s’il est évident qu’un certain nombre de diagnostics ne peuvent être posés qu’au travers d’un examen clinique, examiner le patient ne serait donc dans de nombreuses situations pas forcément indispensable.

L’examen physique est-il encore utile ?

C’est la question à laquelle a voulu répondre le Dr Paul Hyman, un médecin généraliste américain, dans un récent article du journal médical JAMA. On peut y lire « Que vaut un examen physique ? Alors que je regarde la liste de mes prochains rendez-vous et que j’essaie de décider qui doit venir au cabinet malgré la pandémie, cette question me paralyse ».

Après avoir rappelé qu’un certain nombre de diagnostics ne peuvent être posés que grâce à un examen physique, il écrit que pour lui ces moments de contact avec le patient ont d’autres utilités. Il reconnaît qu’à une époque où les patients se renseignent souvent sur Internet, l’examen physique est un moment où la supériorité du médecin peut s’affirmer. Le Dr Hyman raconte par exemple dans cet article les situations où les patients sont sûrs d’avoir besoin d’antibiotiques et où, grâce aux éléments rassurants de son examen, il peut les convaincre que non.

Le Dr Hyman reconnaît que l’examen physique est aussi pour lui un rituel. Il écrit « l’examen, est plus qu’un outil qui permet d’établir un diagnostic et un traitement. Je réalise maintenant sa valeur pour moi ». L’examen clinique aurait donc aussi une utilité pour le professionnel, et très probablement pour son patient, pour ce moment de contact, de proximité entre soignant et soigné.

Ce médecin américain reconnait aussi que l’examen physique est pour lui une habitude, une routine que la pandémie est venue balayer. Il reconnait l’utilité de la téléconsultation mais aussi la nécessité pour lui de réinventer sa pratique :

« Tout n’est pas perdu avec l’émergence de la télésanté. Les visites virtuelles me permettent de me connecter plus fréquemment et plus facilement avec mes patients. Grâce à la télésanté, je peux voir mes patients dans leur environnement domestique, ce qui me fournit souvent de nouvelles informations sur les facteurs qui influencent leurs comportements en matière de santé. Et, bien sûr, dans cette pandémie où la distance sociale est si importante, la télésanté assure la sécurité des patients ».

Réinventer la relation médecin – patient ?

Le Dr Hyman conclut son article avec ces mots : « en essayant de maintenir les patients à distance, je perds le contact avec une partie de mon identité professionnelle ».

Il y a donc pour le médecin, et certainement aussi pour son patient, une perte, presque un deuil à faire. Même si rien ne remplacera jamais une rencontre physique entre deux personnes, professionnels de santé et patients doivent probablement apprendre de nouvelles manières de rester en contact, pour une plus grande proximité, même à distance.

 

PS : un article passionnant publié lui aussi dans le JAMA montre même que l’examen clinique, notamment lorsqu’il est réalisé lors d’un bilan de santé, pourrait non seulement être inutile, mais pourrait même être parfois dangereux.