J’exerce la médecine depuis plusieurs années et je vous promets que ce n’est pas très souvent que mes patients me font de telles déclarations. Un patient, deux patients, dix patients, les messages positifs se répètent. Mais qu’est-ce qui justifie un tel enthousiasme ? Un nouveau traitement, un nouveau test diagnostique ? Non, un simple système de prise de rendez-vous par Internet…
La prise de rendez-vous en ligne
Mes patients peuvent depuis quelques semaines prendre rendez-vous à ma consultation par Internet. Le système que j’utilise me permet de choisir les heures de consultation mises à leur disposition et celles gérées uniquement par mon assistante. J’ai fait le choix de libérer les plages de consultation du matin, celles de l’après-midi sont gérées par mon assistante, notamment pour les urgences.
J’ai longtemps hésité à utiliser un tel système même si, comme présenté dans un autre article de ce blog, je savais que la prise de rendez-vous par Internet était un service très apprécié des patients. J’ai pour finir fait le pas en me disant que moi patient je souhaiterais pouvoir disposer d’un tel système, il n’était donc pas logique d’en priver mes patients.
« Super votre système de réservation en ligne »
Une patiente m’a envoyé un courrier électronique pour savoir si elle devait venir en consultation pour les problèmes digestifs qu’elle avait ramenés d’un voyage à l’étranger. Je lui ai répondu en lui donnant la liste des symptômes de gravité qui nécessitaient une consultation rapide, en lui précisant que si elle devait venir me voir, elle pouvait prendre rendez-vous par mon nouveau système de prise de rendez-vous en ligne. Sa réponse ? « Merci docteur, je n’ai pas ces symptômes, je n’ai pas besoin de venir vous voir tout de suite, je viendrai vous voir si mes problèmes ne se règlent pas tout seuls ». En post-scriptum : « Super votre système de réservation en ligne » !
Ce système offre de nombreux avantages : il est bien sûr possible de l’utiliser en dehors des heures d’ouverture du cabinet, le soir ou le week-end par exemple, mais il peut aussi être utile quand l’assistante du cabinet est occupée et ne peut pas répondre au téléphone. Un autre avantage auquel on ne pense pas de prime abord, le patient voit par ce système toutes les plages disponibles, pas uniquement le jour et l’heure proposée par l’assistante au téléphone. Pour terminer, même si cela varie certainement d’une solution à l’autre, le système que j’utilise envoie un mail de confirmation dès que le rendez-vous est pris et un SMS de rappel 24 heures avant la consultation.
L’accès aux soins est une faiblesse de notre système de santé, les solutions de prise de rendez-vous par Internet constituent une partie de la solution.
Aussi utile pour les professionnels de la santé
Une expérience vécue récemment me fait dire que ce système me serait aussi très utile à moi médecin lorsque je veux adresser l’un de mes patients chez un collègue, chez un spécialiste par exemple. J’ai envoyé un mail et un fax (pourquoi les deux, un pressentiment ?) à un collègue en lui demandant de recevoir à sa consultation un de mes patients « dès que possible ». J’ai téléphoné à l’assistante du spécialiste après quelques jours en lui disant être surpris que mon patient n’ait toujours pas de rendez-vous. Sa réponse ? « Le fax ne fonctionne plus et le médecin ne regarde pas ses mails, il faut lui envoyer votre demande par la poste ». Même si la technologie ne va pas résoudre les problèmes d’incompétence, un système de prise de rendez-vous entre professionnels de la santé faciliterait la continuité des soins.
Le futur
Le futur sera probablement celui d’un service global qui réponde aux besoins réels des patients, constitué de différentes offres en fonction de la gravité du problème de santé du patient et de la disponibilité de son médecin.
Le premier niveau ne devrait en fait même pas nécessiter le recours au système de santé : pour les situations bénignes, le patient devrait pouvoir trouver sur Internet des informations qui lui permettent de se prendre en charge lui-même, une aide qui devrait ressembler aux conseils que pourraient vous donner votre pharmacien.
Le deuxième niveau devrait permettre de prendre rendez-vous chez son médecin ou, en dehors des heures de consultation, chez un médecin d’urgence. Le patient devrait pouvoir choisir pour une consultation présentielle ou, si la situation médicale le permet, pour une téléconsultation.
En attendant ces développements futurs, l’adoption rapide par mes patients, y compris pas les seniors, de ce nouveau système de prise de rendez-vous, montre qu’il répond à un besoin.
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Le problème, cher Confrère, c’est que ce n’est pas “votre système” mais celui de la compagnie qui vend ou loue le programme.
et que les données de vos patients sont maintenant en mains du big data: fréquence des rendez-vous, durée, âge des patients, etc.
il est quasi certain qu’avec l’IA les concepteurs de votre logiciel peuvent en savoir bien plus sur vos patients que ce que vous pensez.
pour preuve, un de ces logiciels est déjà valorisé à 1 mia d’euros rien que pour la France (https://www.capital.fr/entreprises-marches/la-start-up-doctolib-leve-150-millions-deuros-pour-doubler-ses-equipes-1332125). c’est donc que c’est rentable d’une façon ou d’une autre, et le plus probablement en revendant les informations récoltées à des tiers (assureurs, pharmas, etc).
donc oui c’est génial, comme facebook, whatsapp, etc, mais à terme, livrer nos données à des inconnus va nous mettre à la merci des décideurs sans même que nous le sachions.
Cher Dr Septic !
Merci pour votre commentaire. Bien que votre inquiétude relative à la protection des données soit fondée, je pense qu’il ne faut pas comparer une société informatique avec les géants de l’Internet. La solution que j’utilise héberge ses données sur des serveurs sécurisés en Suisse et répond aux exigences de la LPD (loi sur la protection des données).
Ceci dit, je vous rejoins dans l’idée que l’on doit être très attentif sur ces questions de protection des données, je ne suis pas un spécialiste de la question mais il me semble qu’un travail doit être fait en particulier par rapport aux plateformes numériques qui pompent et vendent nos données, le monde politique et législatif ont du travail.
Des efforts doivent aussi être faits pour sensibiliser les patients, et les citoyens, à la valeur de leurs données, ce sont souvent eux qui les publient, sur les médias sociaux par exemple.
Je ne connais pas le modèle d’affaires de Doctolib, mais sa haute valorisation n’est pas forcément due à la valorisation des données récoltées mais aussi peut-être au succès de son système de réservation en ligne et à ses projets de télémédecine, des domaines où les potentialités de développement (et de gains) sont grands.
Cordiales salutations.
Jean Gabriel Jeannot
Ah, voici la problématique de la sécurité des données médicales. Mais y a-t-il besoin pour la poser, de s’intéresser aux prises de rendez-vous? Vos ordinateurs sont-ils connectés à un réseau informatique (Internet, télétransmission, …)? Si c’est le cas, avez-vous mis en place toutes les procédures nécessaires pour empêcher un hacker d’y accéder? Et si oui, êtes-vous surs que ces mesures sont toujours à jour? Les données patient qui sont sur vos ordinateurs sont-elles cryptées? Et si oui, le sont-elles avec un système de codage sur? Et oui, TOUTES les informations médicales sont au final “ouvertes”. Ainsi en France, nous avons le Dossier Médical Partagé. Mais il est géré par une société privée. Même si elle est “hébergeur de données de santé” cela représente clairement une faille de sécurité majeure. Mais n’oublions pas que la première faille de sécurité, et celle-là et de niveau critique, c’est le médecin lui-même. Combien de données sont transmises par les médecins à des personnes non soumises au secret médical, dans le cadre de travaux en commun?
L’approche est bonne.
A tous les sceptiques (climatos ou bipolaires), supprimez votre portable.
Ca ne date pas d’aujourd’hui que l’on sache tout sur vous.
Nombre d’assurances-entreprises communiquent déjà tout ça.
On m’a mis à la porte à cinquante ans, car j’avais fait un infarctus et on m’a rendu service (sans le vouloir), je serais déjà mort sans ça et j’en ai 65!
Santé 🙂
le problème c’est qu’il y a des failles dans la loi suisse sur la protection des données qui ne protège par exemple pas le dossier médical électronique: extrait d’un avis de la FMH:
“La FMH soutient l’introduction du dossier électronique du patient (DEP), comme cela a été souligné lors de l’Assemblée des délégués l’automne dernier. En revanche, elle défend un dossier électronique respectant le mieux possible la protection des données. Le DEP est qualifié de système secondaire, c’est-à-dire que les données originales restent stockées dans les systèmes informatiques des professionnels de santé et que le DEP n’en contient qu’une copie. Selon la législation actuelle, seuls les patients eux-mêmes et les professionnels de santé auxquels les patients ont expressément accordé des droits ont accès aux données médicales figurant sur le DEP. Les tiers et en particulier les assureurs-maladie et les instituts de recherche n’ont aucun accès aux données des patients. Les assureurs n’ont par exemple actuellement aucune possibilité de calculer leurs risques sur la base des données médicales du DEP. Toutefois, la loi actuelle ne permet pas de garantir une protection intégrale des données et le risque existe de voir des données finir entre les mains de tiers. Un risque à mettre en balance avec la plus-value potentielle du DEP. En plus d’une indemnisation tarifaire correcte, la FMH défend aussi l’introduction d’un DEP offrant de réels avantages et s’investit dans ce sens au sein de différents organes (dont eHealth Suisse).”
cette faille est peut-être déjà être exploitée par les acteurs du big data suisse dont l’agressivité n’a rien à envier aux GAFA:
http://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/24588271
Nos données médicales suscitent les convoitises
Les leaders de l’économie veulent avoir accès aux données sur la santé. Ils font pression sur le Conseil fédéral pour les obtenir, via le dossier électronique du patient.
Une rencontre secrète a eu lieu le 25 octobre dernier à Berne: elle réunissait deux ex-conseillers fédéraux, Johann Schneider-Ammann et Doris Leuthard, le chancelier de la Confédération, les présidents des plus hautes écoles du pays, des hauts représentants de Roche, Givaudan, des CFF, de Swisscom, UBS, Google et bien d’autres. Au menu des discussions: la numérisation des données médicales, souligne le «Tages-Anzeiger» qui s’est procuré le procès-verbal de la séance.
Un sujet explosif, notamment en raison de la protection des données des patients. Des données qui sont souvent mal protégées, souligne le Tagi qui précise que les progrès en la matière rendent leur protection à 100% quasiment impossible, en particulier à long terme. De plus, contrairement aux données bancaires, celles sur la santé peuvent être utiles sur plusieurs générations.
Lenteur de la numérisation critiquée
C’est justement ces données médicales qui intéressent de près les milieux économiques. Ceux-ci feraient donc pression sur la Berne fédérale pour y avoir accès via le dossier électronique du patient. En 2015, le Parlement a adopté une loi qui donne aux médecins la liberté de participer ou non. Hic: cette liberté freine la diffusion des e-dossiers, ont regretté les participants. Du coup, ils critiquent la lenteur de la numérisation du système, et veulent inciter les praticiens à s’y mettre, idéalement via des mesures incitatives, au pire par des mesures coercitives.
Du côté de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), on a estimé lors de cette séance qu’il fallait mieux informer les médecins des avantages de ce type de dossiers. Et le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr, a, lui, demandé s’il fallait faire davantage pression sur les médecins. Le PLR Thomas Heiniger, président de la Conférence des directeurs cantonaux de la santé, a de son côté suggéré d’obliger les praticiens, quitte à leur retirer leur licence en cas de refus. Du côté de Roche, on a lancé l’idée d’incitations financières ciblées pour convaincre les médecins.
Inciter les patients à livrer leurs données
Jürgen Schmidhuber, un pionnier de l’intelligence artificielle, a lui suggéré d’inciter plutôt les patients à gagner de l’argent avec leurs données. Une piste qu’aurait préféré en octobre dernier le ministère de la Santé d’Alain Berset, selon le Tagi, via par exemple des réductions de primes.
Depuis, l’idée aurait été rejetée. Le président du parfumeur Givaudan, qui dirige le projet e-santé, est lui allé plus loin. Selon Calvin Grieder, il faut faire comprendre aux Suisses que «la sphère privée est un luxe pour les personnes en bonne santé», et qu’il fallait donc persuader celles-ci de livrer leurs données. (cht/nxp)