Bees-washing ou récupération de la bienveillance du public envers les abeilles

Qui de mieux placé que les apiculteurs pour parler d’abeilles et d’apiculture ? Cela tombe sous le sens. Et pourtant, cela ne semble pas être l’avis des associations de défense des intérêts agricoles de Romandie. En effet, dans une publication payante (« post paid ») récemment parue dans 20minutes.ch et commandée à grands frais à une agence de communication spécialisée, elles se livrent à une opération de « bees-washing » ou « eco-blanchiment » ou « récupération » qui frise la désinformation. Intitulé « Entre paysans et abeilles, une vieille (et belle) histoire », ce texte s’appuie sur un graphique du Centre de recherche apicole qui retrace la production de miel au cours des 120 dernières années. L’article laisse entendre que les abeilles ne se sont jamais aussi bien portées que durant les deux dernières décennies, et ceci grâce aux efforts des agriculteurs envers l’apiculture. Rien de vraiment faux dans l’énumération des mesures des milieux agricoles en faveur des abeilles, alors que dans la pratique il ne s’agit que de recommandations et de vœux pieux qui n’engagent que celles et ceux qui veulent bien y croire.

Pas un mot dans la description de cette belle « symbiose », ni de reconnaissance, pour les 300-400 millions de valeur ajoutée offerts annuellement et gratuitement par nos abeilles à l’agriculture sous forme de services de pollinisation. Quant au fameux graphique de production de miel, il ne reflète qu’un amalgame de chiffres provenant de sources et de circonstances diverses, produits avec des méthodes de collecte de données et de calcul qui ne permettent pas de véritable comparaison au cours du temps. Ils ne rendent justice ni aux efforts de sélection de nos éleveurs, ni aux améliorations de la conduite des colonies. En plus, ils donnent une fausse image des conditions de vie des abeilles qui se sont pourtant gravement détériorées en raison de l’intensification et de l’uniformisation des paysages agricoles. De telles statistiques desservent nos intérêts. L’apiculture mérite beaucoup mieux.

La manoeuvre est indiscutablement habile. Elle reflète avant tout la panique des milieux traditionalistes face à la menace que représente pour eux les deux initiatives anti-pesticides qui devraient pourtant faire progresser notre société vers une alimentation plus saine. Elle montre également que ces milieux disposent de moyens financiers énormes dont on aimerait bien savoir quels en sont les montants et d’où ils proviennent. Des subventions à l’agriculture ? De l’industrie des agro-pesticides?

Francis Saucy

Francis Saucy, Docteur ès sciences, biologiste, diplômé des universités de Genève et Neuchâtel, est spécialisé dans le domaine du comportement animal et de l'écologie des populations. Employé à l’Office fédéral de la statistique, Franci Saucy est également apiculteur amateur et passionné, et il contribue par ses recherches et ses écrits à l'approfondissement des connaissances sur les abeilles et à leur vulgarisation dans le monde apicole et le public en général. Franci Saucy fut également élu PS à l'exécutif de la Commune de Marsens, dans le canton de Fribourg de 2008 à 2011 et de 2016 à 2018. Depuis mars 2019, Franci Saucy est rédacteur de la Revue suisse d'apiculture et depuis le 15 septembre 2020 Président de la Société romande d'apiculture et membre du comité central d'apisuisse Blog privé: www.bee-api.net

6 réponses à “Bees-washing ou récupération de la bienveillance du public envers les abeilles

  1. Félicitation pour cette mise au point « scientifique » comparée à la publication que vous commentez. Elle n’est que le reflet, malheureusement une fois de plus, de la manipulation de la réalité par un bureau de « marketing » à l’aide d’un financement dont l’origine ne fait aucun doute.
    Une raison de plus pour voter en faveur de ces deux initiatives. Pour nos assiettes et notre environnement, et celui des abeilles, il est temps que l’agriculture (et l’élevage) puisse réellement changer de paradigme.

  2. Habitant Savuit, sur Lutry je vois chaque année des viticulteurs qui utilisent des quantités de Rundup désherbant terrible pour la nature ! En plus tout près de serres ou d’autres cultivent des légumes!!!! Et en plus à 10 m d’une petite école pour gamin de 5 ans qui passent leurs temps de récré à renifler ces produits ! Et que dire du sulfatage par hélicoptères ? Tout ça tue nos abeilles ! Bref on marche sur la tête!

  3. Prenez quelques jours, quelques semaines voire quelques mois de votre vie et essayer de produire votre propre nourriture. Si vous y parvenez, essayer de produire de la nourriture pour les autres. Vous n’avez aucune idée de quoi vous parlez.

  4. Et les conditions de vie des abeilles sauvages, des bourdons, des papillons, des syrphidés et des autres se détériorent d’autant plus que plein de bobos, biberonnés aux bons sentiments pour les gentilles abeilles, s’improvisent apiculteurs et plantent des ruches, mais pas de fleurs: leurs charmantes mais très nombreuses protégées concurrencent ainsi rudement les pollinisateurs sauvages.

  5. La méthode scientifique est d’avoir une hypothèse et de collecter des données pour essayer de la montrer fausse. Si des centaines de milliards d’abeilles meurent tous les jours à cause des pesticides, la quantité de miel produite devrait diminuer. Les opposants essayent de prouver le contraire.
    Une critique pourrait être de dire que leurs données sont fausses et de produire de meilleures données.

    Mais votre critique est de dénigrer la logique et l’honnêteté de vos opposants et d’affirmer votre point de vue sans aucune donnée ou explication. Je ne vois pas en quoi c’est plus scientifique.

    1. Pour la méthode scientifique vous avez en partie raison quoi que cela soit un peu plus compliqué. Une théorie est acceptée comme vraie tant qu’elle explique le mieux les observations et qu’elle n’est pas falsifiée.

      Pour les abeilles, s’il en reste c’est parce que les apiculteurs déploient des efforts considérables pour les maintenir en vie et remplacer par de nouvelles les colonies qui meurent.

      Enfin pour le dernier point, dénoncer l’intimidation et les menaces n’a évidemment rien de scientifique. Il s’agit simplement de rendre compte du climat ambiant. Le SonntagsBlicks de ce 9 mai 2021 en fait sa une et documente ce genre de cas sur 9 pages. Et ce ne sont pas que les apiculteurs, mais aussi les agriculteurs progressistes qui sont visés

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