Coronavirus : encore 3 semaines, 3 mois ou 3 ans?

Même si le ralentissement général imposé par la pandémie de Covid – 19 n’a pas que des impacts négatifs, nous sommes nombreux à espérer un retour à la normale le plus tôt possible. Mais combien de temps cela va-t-il encore durer, 3 semaines, 3 mois ou 3 ans ? Quelles solutions existent, sérieuses et moins sérieuses ?

La solution du Dr Trump

Le nombre d’idioties dites par le président Trump est impressionnant. Il s’est cependant surpassé lors d’un récent point presse à la Maison-Blanche sur le SARS-CoV-2. Son administration venait de révéler que « la chaleur, les UV et l’humidité pourraient réduire la durée de vie du virus et que l’eau de javel pouvait tuer le virus en cinq minutes l’alcool isopropylique, en trente secondes ».  Comme raconté dans cet article de Valérie de Graffenried, correspondante du Temps aux Etats-Unis, le Dr Trump y est allé de ses propositions :

 « Imaginons qu’on traite le corps avec beaucoup d’ultraviolets, ou une lumière très puissante. Et supposons qu’on amène la lumière à l’intérieur du corps à travers la peau. Cela n’a pas été vérifié, mais vous allez le tester ». Et : « Je vois que le désinfectant neutralise ce virus en une minute. Une minute. Est-ce qu’on pourrait faire quelque chose comme une injection à l’intérieur, ou un nettoyage ? ».

Ce monsieur est président des Etats-Unis, très impressionnant.

L’immunité de la population

Ce serait la solution idéale, en partant de l’hypothèse que l’infection induit réellement une immunité. L’idée est simple, que suffisamment de personnes soient immunisées pour que la pandémie s’arrête d’elle-même. Si une personne malade ne peut plus transmettre le virus à d’autres car tous sont immunisés, la pandémie s’arrête. Les experts estiment que ce scénario est possible lorsque 60 % de la population est immunisée. Nous en sommes malheureusement loin, les estimations du 22 avril pour ce qui est de la prévalence d’anticorps dans la population genevoise est de 5.5 %. Nous sommes donc loin des 60 % espérés.

La problématique est bien résumée dans une chanson : « Maintenant tout est plus clair on sait ce qu’il faut faire. Pour pas se contaminer. il faut se confiner, pour se déconfiner il faut être immunisé, pour être immunisé il faut se faire contaminer, pour se faire contaminer il faut se déconfiner ».

La Suède qui elle n’a pas fermé ses écoles, sans pour autant perdre le contrôle de la pandémie, aura probablement des taux d’immunité plus élevés. La Suisse, comme de nombreux autres pays, a-t-elle fait une erreur ? Quoi qu’il en soit, l’immunité de la population est, à ce jour, très basse en Suisse.

Le vaccin

Il s’agit certainement de la voie la plus prometteuse. On peut lire dans un article du Temps du 23 avril : « parmi la centaine de travaux de recherches dans le monde pour trouver un vaccin – seule voie possible selon l’ONU pour un retour à la normalité – sept en sont pour l’heure au stade des essais cliniques sur l’homme, selon la London School of Hygiene and Tropical Medicine ».

Il existe donc une recherche intense au niveau mondial, un vaccin sera probablement créé plus rapidement que cela n’a jamais été le cas par le passé, mais pour cette solution, il faut au minimum patienter encore quelques mois.

Vivre comme avant

Face à la situation actuelle, il y a aussi ceux qui veulent nous faire croire que la pandémie est passée, que l’on peu revivre comme avant. Parmi les défenseurs de cette approche, les épidémiologues de l’UDC qui dans un article intitulé « L’UDC demande donc au Conseil fédéral » écrivent « de veiller qu’à partir du 11 mai au plus tard tous les commerces et exploitations gastronomiques puissent en principe ouvrir leurs portes » tout en ajoutant qu’il faut « maintenir les contrôles systématiques aux frontières ». J’imagine que pour ce dernier point, l’objectif est d’éviter que les personnes contaminées en Suisse n’aillent transmettre leurs virus à l’étranger.

La position de l’UDC est trompeuse et laisse penser que la pandémie est définitivement sous contrôle. L’UDC a cependant raison sur un point, il n faut pas sous-estimer les conséquences économiques des restrictions actuelles, qui elles-mêmes peuvent avoir des conséquences graves sur la santé de la population de ce pays.

Le nombre de cas de nouvelles infections pourrait nous faire penser que la vie peut reprendre comme avant. Il est vrai que le nombre de malades étant plus faible, le risque d’être contaminé l’est aussi. Mais attention, à l’image de ce qui se passe à Singapour, il faut peu de choses pour que la pandémie s’enflamme à nouveau. Comme l’immunité de la population reste basse, on peut facilement se retrouver dans la situation d’il y a un mois, ou pire dans la situation vécue dans le nord de l’Italie ou en Alsace.

Vivre avec

Je pense que nous devons intégrer ce message de l’OMS : « ce virus nous accompagnera pendant longtemps ». Puisque les solutions préconisées par le Dr Trump ne fonctionneront malheureusement pas, la solution à terme sera celle du développement d’un vaccin, mais cette solution ne sera pas prête tout de suite.

Il faut donc que nous apprenions à vivre avec cette nouvelle réalité que j’ai envie de résumer ainsi : vivre mais avec précautions. C’est pourquoi le message de « Rester à la maison » me parait dépassé. Les gens doivent sortir, y compris les seniors, mais avec précautions. Une fois sortis de leur logement, ils doivent se désinfecter les mains. S’ils rencontrent des amis, ils peuvent discuter, mais à distance. Puis retour à la maison où il faut à nouveau se laver les mains. Ceci pour autant bien sûr d’éviter les endroits très fréquentés.

Pour ce qui est de la vie professionnelle, nous devons nous réinventer, ce qui est bien sûr plus ou moins facile selon les professions. L’OFSP a publié des recommandations pour les milieux professionnels où sont listés les critères à respecter pour des conditions de travail sûres.

Je n’ai bien sûr pas les réponses à toutes les situations mais je suis convaincu que nous devons chercher cet équilibre fragile du « vivre avec ». Pour que l’ambiance générale ne soit plus un « non » mais un « oui », même timide.

Prenez soin de vous.

 

Dr Jean Gabriel Jeannot

Médecin, spécialiste en médecine interne, avec un intérêt particulier pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication en médecine.

8 réponses à “Coronavirus : encore 3 semaines, 3 mois ou 3 ans?

  1. L’immunité de masse est une illusion, du moins en Suisse, avec le nombre de contaminations journalières actuelles (patient testés positifs), il faudrait près d’un sciècle pour que 60% de la population ait été infectée, sans tenir de la variation de cette population. En admettant que l’on ne détecte que 10% des cas cela fait encore une décennie.
    Concernant le vaccin, j’ai une question probablement bête mais comment peut-être si sûr de développer un vaccin si rapidement alors que l’on est pas certain qu’un patient guéri développe une immunité. Pour le non-spécialiste que je suis, il paraît étonnant qu’un vaccin puisse induire une immunité que le contact avec le virus lui-même ne susciterait pas.
    En revanche, il est vrai que nous allons devoir nous habituer à vivre avec ce virus, nous changerons peut-être certaines habitudes. Dans quelques années, cela sera comme la grippe, les vagues se succéderont sans grand intérêt en dehors de quelques spécialistes et des gens directement impactés.

    1. Bonjour,
      Je ne suis pas un spécialiste des vaccins mais je pense qu’il est tout à fait possible d’induire une immunité même si le virus lui-même ne provoque pas d’immunité, mais si a priori cela ne semble pas logique. Le vaccin n’est (fort heureusement) pas constitué de virus, la réaction peut donc être plus faible… ou plus forte ! Les enjeux financiers étant importants, nulle doute que plusieurs groupes cherchent un vaccin efficace.

      1. Pour avoir passé mon enfance et mon adolescence à Leysin, au temps où cette station de montagne était encore un centre de renommée mondiale (à l’égal de Davos) pour le traitement de la tuberculose, je me souviens que le corps médical était surpris de constater que nous, les enfants de la station, avions développé une immunité naturelle contre cette maladie, encore incurable à cette époque avant la découverte des anti-biotiques au milieu des années cinquante.

        Mes soeurs et moi, nous y étions d’autant plus exposés que nos parents dirigeaient une clinique privée et que nous cohabitions avec les malades, même sans avoir de contacts directs avec eux. De plus, ma grand-mère paternelle, médecin, était l’assistante du médecin-chef et fondateur de la station climatérique, le docteur Auguste Rollier et était, à ce titre, en contact permanent avec les malades.

        Entre-temps, le vaccin contre la tuberculose a été découvert et appliqué avec succès à la population dans son ensemble. Pourrait-on imaginer une analogie avec la pandémie actuelle?

        1. Bonjour,
          Merci pour votre commentaire “historique”. Je ne suis pas un spécialiste des vaccins mais je pense que le bacille de la tuberculose et le nouveau coronavirus sont deux pathogènes très différents. J’espère que les scientifiques trouveront un vaccin rapidement, pour que nous puissions à nouveau vivre normalement, voyager, par exemple jusqu’à Leysion…
          Bien à vous.

  2. Bonjour Monsieur Jeannot,

    Depuis cinq ans je désinfecte régulièrement l’accès commun à mon appartement avec celui du voisin, donc déjà bien avant Covid-9, parce que celui-ci laisse tout aller, n’est pas soucieux d’hygiène pour lui-même, et n’arrive donc pas à penser aux autres : « J’en ai rien à foutre ! ». Le manque d’hygiène, ce sont des sacs où pourrissent les ordures, des cacas ou du pipi de chien dans le corridor, un rat mort laissé deux ans dans l’escalier, etc. S’ajoute l’Hépatite C de la personne qui est alcoolique. Ceci pour dire que je ne parviendrai pas à amener ce voisin à changer de comportement, il a des problèmes bien plus lourds en amont. Je me contente donc, pour me protéger, de désinfecter… J’employais jusqu’ici du Lsyoform, dont le spectre couvrait suffisamment ce qui était à craindre, mais j’ignore ce qu’il en est pour Covid-9. Alors faute de pouvoir me procurer de l’alcool éthylique, je prenais de l’alcool à brûler (une modification est apportée pour qu’il ne soit pas consommable, taxe de la régie des alcools). Une pharmacienne m’a dit récemment : « Vous ne devez pas l’employer pour autre chose que les réchauds, c’est toxique ! » Je lui ai dit que je l’emploie pour désinfecter des surfaces, pas pour la peau, alors pourquoi pas ? Elle : « L’alcool à brûler n’est pas un désinfectant ! » La réponse était prompte et vague pour quelqu’un qui a suivi des cours de chimie organique durant cinq ans, mais enfin, le pharmacien est parfois d’abord un commerçant dans l’âme, même s’il a une formation scientifique. Si vous pouvez me donner une brève réponse, sans engagement, merci !

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