Télémédecine : les consultations téléphoniques sont-elles dangereuses?

Les téléconsultations sont vues par de nombreux professionnels de la santé, et par de nombreux patients, comme une médecine de qualité inférieure. La pandémie de COVID-19 a cependant permis à un certain nombre d’entre eux de découvrir que l’on pouvait prendre en charge à distance, sans perte de qualité, de nombreux problèmes de santé.

Les publications sur la vidéoconsultation, la seule forme de téléconsultation qui, au travers de l’image, donne accès au langage corporel, sont nombreuses. Les articles sur les consultations par téléphone, pourtant beaucoup plus fréquentes, sont presque inexistants.

Que sait-on des consultations téléphoniques ? Sont-elles sûres ? Surchargent-elles les médecins ? Provoquent-elles une augmentation des visites au cabinet ? Plusieurs publications sur ce sujet permettent de répondre à ces questions.

Une pratique fréquente

Un article de revue publié en 2017 dans la libraire Cochrane[1] donne de nombreuses informations sur les consultations téléphoniques. On peut y lire :

« Depuis 1879, année de la première consultation téléphonique médicale documentée, la possibilité de consulter par téléphone fait partie intégrante des systèmes de santé modernes. Aux États-Unis, les médecins passent au moins un huitième de leur temps professionnel à évaluer des cas cliniques par téléphone et plus d’un quart de toutes les consultations de soins sont aujourd’hui effectuées par cette méthode ».

La British Medical Association (BMA) a dès 2001 publié des conseils pour les médecins généralistes (GP), intitulés “Consulting in the Modern World” : Guidance for GPs », où l’on peut lire que “les consultations téléphoniques, lorsqu’elles sont correctement menées, peuvent être considérées comme une pratique sûre et acceptable”[2]. Plusieurs recherches arrivent aux mêmes conclusions[3,4].

Des patients satisfaits

Pour ce qui est de la satisfaction des patients, elle semble identique, qu’ils soient pris en charge par téléphone ou en consultations présentielles[5]. Les consultations téléphoniques diminueraient le nombre de visites immédiates chez le médecin sans pour autant augmenter la fréquentation des services d’urgence[5].

Les cliniciens et les patients utilisent le téléphone pour toute une série de situations, notamment les soins de routine mais aussi parfois d’urgence, le renouvellement des ordonnances, la transmission des résultats des examens de laboratoire ou la promotion de la santé. Parmi les exemples de consultations téléphoniques, on peut citer la gestion d’affections telles que l’insuffisance cardiaque, l’asthme et les soins palliatifs.

Les consultations téléphoniques peuvent réduire la charge de travail des médecins en face à face et améliorer l’accès aux soins sans les inconvénients et les coûts associés à la présence physique à une consultation, ce qui augmente la flexibilité et la disponibilité des services[4,5,6].

La nécessité de former les professionnels de la santé

Comme les consultations téléphoniques jouent un rôle important dans la prise en charge des patients, il est essentiel que les professionnels de la santé, lorsqu’ils consultent par téléphone, se sentent en confiance pour mener et documenter l’entretien avec précision et compétence clinique. Il est donc important qu’ils reçoivent une formation adéquate pour leur permettre de remplir efficacement ce rôle.

Une étude publiée en 2012[7] a montré que l’adhésion globale des patients aux conseils de triage fournis par les télé-infirmières était de 62 %, et que l’adhésion était influencée par la qualité de l’interaction entre le professionnel et le patient. Les auteurs soulignent la nécessité d’une formation aux techniques de communication dans un contexte de consultation téléphonique centré sur le patient et portant spécifiquement sur les techniques d’écoute active et de conseils.

Les compétences en matière de consultation téléphonique font partie d’un ensemble plus large de compétences en matière de consultation à distance dont l’importance s’accroît à mesure que de plus en plus de soins médicaux sont dispensés à distance avec le soutien des technologies de l’information.

Une formation spécifique aux techniques de communication à distance, y compris par téléphone, serait pour les professionnels de la santé une indéniable plus-value.

 

Ce que nous apprennent ces publications :

  • La possibilité de consulter par téléphone fait partie intégrante des systèmes de santé modernes, centrés sur le patient.
  • La communication téléphonique est le principal mode de communication entre les médecins et les patients en dehors des visites au cabinet.
  • Les consultations téléphoniques, lorsqu’elles sont correctement menées, peuvent être considérées comme une pratique sûre et acceptable.
  • Les consultations téléphoniques semblent diminuer le nombre de visites immédiates chez le médecin sans pour autant augmenter la fréquentation des services d’urgence.
  • Les consultations téléphoniques peuvent réduire la charge de travail des médecins en face à face et améliorer l’accès aux soins sans les inconvénients et les coûts associés à la présence physique à une consultation.
  • Les compétences en matière de consultation téléphonique font partie d’un ensemble plus large de compétences en matière de consultation à distance dont l’importance s’accroît à mesure que de plus en plus de soins médicaux sont dispensés à distance avec le soutien des technologies de l’information.

 

A lire aussi sur ce sujet:

Santé.

 

 

  1. Vaona  A, Pappas  Y, Grewal  RS, Ajaz  M, Majeed  A, Car  J. Training interventions for improving telephone consultation skills in clinicians. Cochrane Database of Systematic Reviews 2017, Issue 1. Art. No.: CD010034. DOI: 10.1002/14651858.CD010034.pub2.
  2. British Medical Association, General Practitioners Committee. Consulting in the Modern World: Guidance for GPs. London: British Medical Association, 2001.
  3. Car J, Freeman GK, Partridge MR, Sheikh A. Improving quality and safety of telephone based delivery of care: teaching telephone consultation skills. Quality and Safety in Health Care 2004;13(1):2-3.
  4. Patel H, Patel M, Car J. Telephone consultations in general practice: aAreas for improvement. Journal of Telemedicine and Telecare 2005;11:265-6.
  5. Bunn F, Byrne G, Kendall S. Telephone consultation and triage: effects on health care use and patient satisfaction. Cochrane Database of Systematic Reviews 2004, Issue 4. [DOI: 10.1002/14651858.CD004180.pub2]
  6. Hallam L. Patient access to general practitioners by telephone: the doctor’s view. British Journal of General Practice 1992;42(358):186-9. Purc-Stephenson RJ, Thrasher C. Patient compliance with telephone triage recommendations: a meta-analytic review. Patient Education and Counseling 2012;87(2):135-42.
  7. Purc-Stephenson RJ, Thrasher C. Patient compliance with telephone triage recommendations: a meta-analytic review. Patient Education and Counseling 2012;87(2):135-42

 

 

Le téléphone mobile, le nouveau stéthoscope ?

Le téléphone mobile est-il utile en médecine ? Et si oui, dans quelles situations ? Quelles sont les conclusions des études qui ont évalué son efficacité ? Le stéthoscope, symbole du médecin par excellence, va-t-il se faire détrôner par le smartphone ?

C’est à ces questions qu’ont voulu répondre des chercheurs mexicains et américains dans une étude publiée en janvier 2018 dans le Journal of Medical Internet Research en analysant 23 revues systématiques consacrées à la santé mobile, ces 23 revues représentant 371 études et 79’655 patients.

Les études analysées portaient sur différentes utilisations de la santé mobile, la plus fréquente étant l’envoi de messages écrits (SMS) appliqués à différentes fins : rappel, alerte, éducation, motivation et prévention notamment.

Une efficacité encore limitée

Parmi ces 23 revues systématiques, dix ont été jugées de mauvaise qualité, six seulement de qualité élevée. C’est la première conclusion des auteurs de cette recherche : bien que la santé mobile gagne en popularité, la preuve de son efficacité est encore limitée, les principales raisons étant justement la qualité imitée des études et le manque de recherches sur le long-terme.

Des études positives

Malgré ces réserves, les auteurs ont tout de même identifié des domaines où la recherche prouve l’efficacité de la santé mobile, notamment pour la gestion des maladies chroniques : amélioration des symptômes et diminution des hospitalisations chez les patients asthmatiques, diminution des symptômes pour les malades pulmonaires chroniques, amélioration des symptômes chez les insuffisants cardiaques avec là aussi une diminution des hospitalisations, meilleur contrôle des glycémies chez les diabétiques, amélioration de la tension artérielle chez les hypertendus et enfin diminution du poids chez les patients avec excès pondéral.

Les rappels par SMS se sont aussi révélés utiles pour améliorer la prise du traitement médicamenteux, notamment chez les patients tuberculeux ou sous traitement HIV.

Une autre étude consacrée à la détection des infections de plaies post-opératoires montre que les meilleures idées sont parfois les plus simples. Cette recherche a montré que l’envoi régulier de photo par le patient à son équipe médicale permettait de détecter des infections de plaies plus rapidement et ainsi de diminuer la fréquence des réadmissions.

Le téléphone, instrument médical ?

Même si dans les pays développés le nombre d’abonnements mobiles s’approche du nombre d’habitants (en 2016, 97.6 % en Suisse), le smartphone est un outil qui doit encore trouver sa place en médecine. Comme présenté dans un autre article de ce blog, ce ne sont pour l’instant pas les applications santé qui se révèlent les plus utiles, mais plutôt les fonctions de base du téléphone, le simple envoi de SMS étant l’intervention la plus fréquente.

Je suis personnellement convaincu que le téléphone mobile a d’immenses potentialités en médecine, c’est maintenant aux professionnels de la santé de se montrer inventif et de valider son utilité en réalisant des études de qualité.